La “Chasse aux sorcières”.

La chasse aux sorcières est la poursuite, la persécution et la condamnation systématique de personnes accusées de pratiquer la sorcellerie. Si la condamnation de pratiques de sorcellerie se rencontre à des époques et dans des cultures diverses, on connaît particulièrement les chasses aux sorcières pratiquées dans le monde chrétien (Europe, Amérique du Nord) au Moyen Âge tardif et surtout à la Renaissance. De nos jours, des pratiques de chasse aux enfants sorciers perdurent en Afrique.

Les éléments théoriques de ces croyances sont élaborés par des intellectuels et théologiens et relayés massivement grâce aux nouvelles techniques de l’imprimerie. Une série de bulles pontificales établissent la légitimité des poursuites juridiques pour instruire des procès, et des manuscrits puis des livres imprimés, véritables manuels d’inquisition comme le Malleus Maleficarum en relaient les fondements théoriques et théologiques. Ces aspects sont également repris dans une iconographie qui fonde la façon dont les sorcières seront décrites dans l’art et la culture occidentale par la suite.

En Europe, ce mouvement influencé par les pratiques de persécution des juifs et des lépreux et les méthodes de l’Inquisition pour éradiquer les hérésies, débute dans les années 1430 dans l’arc alpin par les procès de sorcellerie du Valais et connaît son apogée des années 1560-1580 aux années 1620-1630 jusqu’à sa remise en cause progressive. On estime entre 30 000 et 60 000 le nombre de sorcières exécutées. Selon l’historienne Martine Ostorero, il convient toutefois de rester très prudent sur ces chiffres qui manquent de sources solides pour être vérifiés et que « beaucoup de victimes restent dans l’ombre ».

Le phénomène de chasse aux sorcières n’est absolument pas cantonné au Moyen Âge tardif et à la Renaissance ni aux civilisations occidentales, puisqu’on les retrouve par la suite dans les sociétés dans lesquelles la croyance dans la pratique de la magie prévaut. Des occurrences sont rapportées en Afrique subsaharienne, dans l’Inde rurale du Nord et en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Quelques pays disposent par ailleurs d’une législation contre les pratiques de sorcellerie. Le seul pays dans lequel la sorcellerie est encore punie de la peine de mort est l’Arabie Saoudite.

La chasse aux sorcières est une réalité actuelle dans divers pays africains, notamment en République démocratique du Congo et au Nigéria, attisée au début des années 2000 par la forte diffusion et les dérives doctrinaires des Églises pentecôtistes et des Églises de réveil. Les opposants à ces pratiques (torture, meurtre, abandon de l’enfant par sa famille) estiment que, dans deux des trente-six états du Nigéria, environ quinze mille enfants ont été accusés et mille enfants ont été tués pour sorcellerie en une décennie, et selon l’Unicef, des dizaines de milliers ont été pris pour cibles à travers l’Afrique. Selon Sam Itauma, de l’organisation Child Rights and Rehabilitation Network, la compétition entre les églises pousse de plus en plus d’entre elles à pratiquer la chasse aux enfants sorciers, celle-ci donnant à l’église une image de puissance spirituelle et pouvant également être rémunératrice, les parents payant pour l’exorcisme de leur enfant.

La croyance en la sorcellerie remonte à l’Antiquité. Dans ce contexte culturel, la nature est peuplée de forces surnaturelles. Un humain peut, par divers procédés (invocations, rituels), les utiliser pour réaliser un objectif ou être aidé dans la réalisation de ce dernier. Dans le cas où la sorcière utilise sa pratique pour faire le mal, elle est perçue comme n’importe quel criminel, donc poursuivie et condamnée comme telle. Le plus souvent, il ne s’agit pas d’un procès devant un tribunal, mais simplement d’une vengeance collective, d’un lynchage populaire. Dans l’Europe païenne de jadis, comme dans le Moyen Âge chrétien, il suffit parfois qu’une personne tombe malade, qu’une grange brûle ou qu’une vache meure sans cause apparente, pour que la communauté villageoise désigne un coupable que son comportement ou sa marginalité a rendu suspect — souvent un berger (qui vit à l’écart), ou le meunier ; parfois une vieille femme solitaire. On le violente, on le soumet à une ordalie, on le tue sommairement par bastonnade, noyade ou pendaison — rarement par le bûcher.

La justice criminelle est parfois amenée à intervenir mais, contrairement à une idée répandue, l’origine principale des procès en sorcellerie est populaire et non institutionnelle : les autorités temporelles et ecclésiastiques ont plutôt un rôle de régulation face aux débordements de la justice populaire. Celles-ci pouvaient faire la « part du feu » pour contenter les désirs des communautés mais cherchaient avant tout, lorsqu’elles en avaient le pouvoir, à réprimer la chasse aux sorcières, notamment dans le cas d’un État central puissant : on compte ainsi parmi les territoires touchés au premier chef par la chasse aux sorcières des États centraux faibles, tels la Suisse, structurée autour d’une organisation confédérative déléguant les principaux domaines de souveraineté aux autorités locales, et le Saint-Empire romain germanique, fragmenté en un grand nombre de petits territoires avec une très faible autorité centrale de l’empereur sur les affaires civiles. La véritable épidémie de chasse aux sorcières s’est principalement répandue en Europe du Nord, notamment dans le Saint-Empire romain germanique (y compris l’Alsace, la Lorraine, la Franche-Comté et l’actuelle Belgique), et de manière plus sporadique en France, en Italie et en Espagne : on dénombre ainsi 5 000 exécutions pour sorcellerie en France contre environ 26 000 dans le Saint-Empire, alors que les deux pays ont à la Renaissance une population similaire avoisinant les 20 000 000 d’habitants.

L’analyse de la chasse aux sorcières comme instrument de domination, aujourd’hui traitée avec les plus grandes réserves par les historiens, a notamment été mise en avant au tournant des années 1970 dans le sillage de la théorie critique et d’intellectuels comme Michel Foucault. Il y a en effet là une tentative d’inscrire la chasse aux sorcières dans un paradigme d’oppression systémique par le pouvoir institutionnel, quitte à sacrifier une part de la réalité historique : c’est précisément à l’apogée de l’absolutisme dans la France de Louis XIV que l’autorité royale décriminalise totalement la sorcellerie, ce qui s’accorde difficilement avec l’idée d’une chasse aux sorcières utilisée comme instrument de pouvoir9. En conjonction avec l’évolution des juristes, ce mouvement aboutit en réalité dès le début du xviie siècle, avant même la décriminalisation, à faire interdire par le Parlement de Paris toute forme de répression de la sorcellerie. On observe de manière significative qu’au contraire de ce qu’ont pu prétendre les analyses susmentionnées, plus les institutions sont puissantes et centralisées, plus rares se font les accusations et plus douces se font les sentences, par un effet de jugulation et de rationalisation de l’action publique.

Certains mettent en avant l’influence du contexte économique : la période de la chasse aux sorcières coïncide avec le développement du mouvement des enclosures, ce qui aurait suscité une forte réaction des populations pauvres paysannes. La perte de leur autonomie par la suppression des communaux aurait alors entraîné une forte résistance, notamment des femmes qui survivent grâce à ces communaux. Toutefois, cette explication ne résiste pas à l’analyse géographique de la répartition des procès en sorcellerie, ne rendant compte du phénomène que pour l’Angleterre en laissant de côté un nombre considérable de régions affectées par la chasse aux sorcières et dont les structures foncières sont pourtant demeurées inchangées (Écosse, Saint-Empire romain germanique, Scandinavie en particulier).

L’interprétation de la chasse aux sorcières comme effort d’éradication des anciens rites païens est également considérée comme caduque, ces rites ayant déjà été abandonnés ou assimilés aux pratiques chrétiennes depuis le haut Moyen Âge, un demi-millénaire avant les grandes vagues de persécution. Niant qu’aucun être humain puisse avoir le pouvoir de commander aux démons, l’Église catholique est en outre demeurée particulièrement circonspecte à l’égard de la répression de la sorcellerie, qu’elle estimait relever de la pure superstition populaire. Elle fait ainsi paraître au concile de Paderborn une défense expresse non de pratiquer la sorcellerie mais de croire en son existence, y voyant une survivance de légende païenne plutôt qu’un phénomène réel et assimilable à une hérésie. L’Église a changé d’avis sur ce point à la fin du Moyen Âge, avant de revenir à sa doctrine initiale. L’Inquisition, quant à elle, avait pour mission de lutter contre l’hérésie, c’est-à-dire l’erreur en matière de doctrine religieuse, mais ne s’intéressait guère à la sorcellerie qui relevait, soit des tribunaux civils, soit de l’évangélisation par le prêche. On a ainsi pu dire que, plus on était près de Rome, moins il y avait de bûchers. Par ailleurs, l’institution ecclésiale était plutôt accommodante à l’égard des pratiques populaires superstitieuses, d’autant qu’elle exerçait à la fin du Moyen Âge une autorité très affaiblie sur la société par rapport aux temps de la réforme grégorienne.

En réalité, il apparaît beaucoup plus plausible que la poussée de la chasse aux sorcières tire son origine de ce renforcement de l’autorité de la religion sur la vie civile par le biais de la Réforme protestante, comme tend à le montrer l’ampleur considérable que prend ce phénomène dans les terres protestantes en comparaison avec les pays catholiques. L’essor de la chasse aux sorcières coïncide en effet historiquement avec un climat de retour à la fermeté religieuse qui déstabilise l’Église dès le XIVe siècle, accusée par des précurseurs du protestantisme (Pierre Valdo, John Wyclif, Jan Hus, Jacques Lefèvre d’Étaples) de compromettre la pureté de sa mission spirituelle dans des querelles temporelles, notamment dans le contexte du Grand Schisme d’Occident et de la lutte du sacerdoce et de l’Empire.

La nouvelle rigueur des doctrines protestantes, récusant les compromis de l’Église, a donc participé à raffermir le traitement des superstitions populaires et de la sorcellerie, en suivant plus scrupuleusement les commandements divins réels ou supposés sanctionnant ceux qui se plaçaient en marge de la vraie foi. Cette quête de fidélité absolue à la vérité du dogme, remise au centre de la vie humaine par la Réforme, est également sensible dans la confessionnalisation croissante observée à la Renaissance, qui amène les nouvelles doctrines protestantes à se séparer distinctement les unes des autres comme gage d’intransigeance dans la pureté de leur foi1 De manière significative, les chasses aux sorcières massives en terre catholique concernent principalement des localités allemandes, au contact direct de leur voisines protestantes (Trèves à partir de 1587, Fulda en 1603, Wurzburg et Bamberg à partir de 1626) ; ce qui tend à montrer que ce n’est pas la Réforme elle-même qui a suscité la fermeté à l’égard des puissances occultes, mais que c’est plutôt le climat d’intransigeance religieuse croissante dans certaines régions (ici l’Europe du Nord et le Saint-Empire) qui a provoqué l’essor des chasses aux sorcières et conduit, selon le lieu et le degré de contestation de l’autorité ecclésiale, à la diffusion de la Réforme.

La période de la chasse aux sorcières, initiée aux XVIe et XVIIe siècles, débute en Europe par une série de procès en Valais, connait une période particulièrement vive au XVe siècle qui se termine vers les années 1680. Elle s’accomplit dans le contexte d’une culture dominée par la peur et poussée à la délation, entraînant des exécutions principalement établies sur des ouï-dire, des tortures sans preuves directes.

La chasse aux sorcières est une thématique souvent explorée par les historiens modernistes et médiévistes. Cependant, il est important de définir la notion même de sorcellerie et de sorcière, car elle n’est pas à confondre avec l’hérésie malgré leurs points communs.

Selon Maxime Perbellini, le mot « sorcière » apparait en français pour la première fois dans le Roman d’Énéas. C’est dans cette œuvre littéraire que « la femme aux pouvoirs occultes et surnaturels se dédouble sous la figure de la Sybille et celle de la sorcière. »

Richard Kierckhefer définit le mot sorcery, en distinction avec beneficient magic, comme une magie malfaisante à but nuisible, c’est-à-dire causant une variété de maux tels que maladies, mort, pauvreté, dommages matériels, ou encore désastres surnaturels.

Néanmoins, comme l’explique Jean-Patrice Boudet, la notion même de magie « blanche » ou « noire » est anachronique pour la période du Moyen Âge, la magie elle-même était plutôt un outil aidant à accomplir le bien comme le mal. Toutefois, une certaine distinction est faite entre certaines pratiques jugées collectivement comme nocives et malsaines et d’autres pratiques dont les qualités bénéfiques sont en grande partie reconnues, telles que les remèdes de gens informés au sujet des plantes à propriétés magiques.

Il existait deux sortes de personnes se livrant à la pratique de la magie : les magiciens lettrés, appelés nigromanciens ou invocateurs de démons, et les sorciers ou sorcières.

À la différence du magicien lettré, généralement instruit et en possession de grimoires ou d’autres livres magiques, les sorcières et sorciers sont issus de milieux populaires, ne savent usuellement pas lire ni écrire, sont instruits oralement par un proche et servent de guérisseurs et envoûteurs dans leurs communautés.

Source : Wikipédia.

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