Jacqueline de Romilly, philologue et essayiste.

Jacqueline Worms de Romilly, plus connue sous le nom de Jacqueline de Romilly, née Jacqueline David le 26 mars 1913 à Chartres et morte le 18 décembre 2010 à Boulogne-Billancourt, est une philologue, essayiste, traductrice et helléniste française.

Elle reçoit de la Grèce la nationalité hellénique en 1995, à titre honorifique.

Membre de l’Académie française, première femme professeur au Collège de France et première femme membre de l’Académie des inscriptions et  belles-lettres, elle est connue pour ses travaux sur la civilisation et la langue de la Grèce antique, en particulier à propos de Thucydide, objet de sa thèse de doctorat.


Née à Chartres le 26 mars 1913, Jacqueline David est la fille de Maxime David, normalien, professeur agrégé de philosophie, mort pour la France le 2 octobre 1914, et de Jeanne Malvoisin, devenue femme de lettres après la Grande Guerre. Maxime David, reçu premier au concours de l’École normale supérieure et premier à l’agrégation de philosophie, rencontre Jeanne Malvoisin à la Sorbonne, où ils suivent les cours d’Henri Bergson. Ils se marient en 1909, mais le caporal Maxime David est tué au front le 2 octobre 1914, à Saint-Mard dans la Somme, lors de la Première Guerre mondiale.

Jeanne David élève désormais seule sa fille, avec l’objectif que son enfance ne se ressente pas de la mort de son père, tout en désirant la voir première de sa classe. Après des premières années heureuses dans leur appartement de la rue des Bauches, dans le 16e arrondissement de Paris, Jacqueline suit ses études secondaires au lycée Molière. En 1930, elle est la première lauréate féminine du concours général, avec un premier prix de version latine et un deuxième prix de version grecque, et obtient l’année suivante un accessit de philosophie. Après sa khâgne au lycée Louis-le-Grand, elle est admise à vingt ans à l’École normale supérieure (promotion 1933).

En 1933, sa mère lui offre en cadeau une édition ancienne de l’Histoire de la guerre du Péloponnèse de Thucydide, œuvre qui va avoir une influence déterminante sur sa vie.

Élève de l’helléniste Paul Mazon, elle est reçue 10e à l’agrégation de lettres1 en 1936. Elle obtient enfin son doctorat ès lettres en 1947 à l’université de Paris.

Elle se marie en 1940 avec Michel Worms de Romilly, éditeur aux Belles Lettres, dont elle divorce en 1972. Elle garde néanmoins le nom de son mari, ainsi qu’une maison de famille en Provence, au pied de la montagne Sainte-Victoire.

Du fait de l’origine juive de son père comme de son mari (descendant d’Olry Worms de Romilly), elle se voit refuser le droit d’enseigner par le régime de Vichy en décembre 1941 et son mari perd son travail. Ils quittent Paris et sont obligés de se cacher dans la campagne d’Aix-en-Provence. Ils vivent avec mère et belle-famille et changent souvent d’endroit.

Pendant les années d’occupation de la France par l’Allemagne, sans poste, vivant plus ou moins cachée, elle prépare sa thèse d’État sur Thucydide et la guerre du Péloponnèse.

Professeur de lycée à Bordeaux, Tournon et Montpellier entre 1936 et 1939, elle est ensuite chargée de cours à l’université de Bordeaux pour l’année 1939-1940.

Réintégrée dans la fonction publique après la Libération, elle enseigne en khâgne au lycée de jeunes filles de Versailles (lycée La Bruyère) de 1945 à 1949. En 1946-1947, elle est assistante à la Sorbonne. Après avoir soutenu sa thèse d’État en 1947 sous le titre Thucydide et l’impérialisme athénien : la pensée de l’historien et la genèse de l’œuvre, elle est nommée maître de conférences en 1949, puis professeur de langue et littérature grecques classiques à l’université de Lille, poste qu’elle occupe de 1949 à 1957. Elle enseigne en même temps à l’École normale supérieure de jeunes filles (Sèvres) de 1953 à 1960, et à la Sorbonne de 1957 à 1973, dont elle dirige l’UER de grec en 1969.

À partir de 1973, elle occupe la chaire de la Grèce antique au Collège de France, où elle est la première femme professeur. Elle y dispense un cours sur La Grèce et la formation de la pensée morale et politique. Elle enseigne également à l’étranger, à Oxford et Cambridge, ainsi que dans différentes universités des États-Unis, et donne de nombreuses conférences en Grèce.

Outre ses fonctions d’enseignement, elle exerce également au sein de jurys de concours.

Jacqueline de Romilly prend sa retraite en 1984, à l’âge de 70 ans. Elle devient alors professeur honoraire du Collège de France.

Jacqueline de Romilly, carte maximum, France.

Jacqueline de Romilly est notamment à l’origine de deux actions : l’appel à témoignage, avec Nikos Aliagas, destiné à « inviter des jeunes de 13 à 15 ans à témoigner, par écrit, d’actes de solidarité réalisés par d’autres jeunes qu’ils connaissent », et une campagne de levée de fonds (soutenue par l’UNESCO) destinée à financer le reboisement des forêts grecques dévastées par les incendies de l’été 2007. Elle préside l’association Guillaume-Budé de 1981 à 1983, puis en devient présidente d’honneur.

Elle passe à Apostrophes, l’émission célèbre de Bernard Pivot, et y gagne une grande popularité. Elle collabore également à la Revue des études grecques, à la Revue des études anciennes, à la Revue de philologie, au Journal des savants, à la Revue des deux Mondes et à la Revue du Nord.

Souvent en désaccord affiché avec le fonctionnement du système éducatif français, elle publie en 1984 un ouvrage très engagé sous le titre L’Enseignement en détresse, puis prononce un discours à l’Institut de France en 2008, intitulé Enseignement et éducation. Lors de sa dernière intervention publique, elle déclare : « Nos ennemis ne sont pas à l’extérieur, mais bien à l’intérieur de l’Institution », visant le courant « pédagogiste » qui noyaute le ministère de l’Éducation nationale.

Pour son inlassable défense et son illustration des études grecques classiques, elle est honorée de la nationalité grecque en 1995. La cérémonie a lieu sur la Pnyx. Elle est nommée par la Grèce « ambassadrice de l’Hellénisme » en 2000.

Elle est élue à l’Académie des inscriptions et belles-lettres le 14 février 1975, au fauteuil de l’helléniste Pierre Chantraine. Elle est la première femme élue à cette académie, qu’elle préside en 1987.

Le 24 novembre 1988, à 75 ans, elle devient la deuxième femme, après Marguerite Yourcenar, à entrer à l’Académie française : elle est élue au 7e fauteuil, précédemment occupé par André Roussin, le même jour que Jacques-Yves Cousteau. Elle demeure la seule femme à avoir été membre de deux académies de l’Institut de France.

Marguerite Yourcenar ayant refusé l’habit vert, Jacqueline de Romilly est la première femme à le porter. Cependant, elle préfère remplacer l’épée par un attribut féminin, un sac à main brodé de palmes, et a de plus obtenu une broche symbolique après son élection à l’Académie des inscriptions et belles-lettres en 1975. Lors de son installation, le nouvel académicien se voit attribuer un mot du dictionnaire ; celui de Jacqueline de Romilly est « Lance ».

Le 27 mai 1991, elle est reçue à l’Académie nationale des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux, avec un discours intitulé Mythe et tragédie dans la Grèce antique.

Elle reçoit sous la Coupole Hector Bianciotti en 1997, et est déléguée à la séance publique annuelle des cinq Académies en 1994 et en 2008. Avec son discours de réception et sa réponse au discours de réception de Hector Bianciotti, elle prononce neuf discours dans le cadre de ses travaux académiques.

En 2009, elle devient la doyenne d’âge de l’Académie française, à la mort de Claude Lévi-Strauss.

À partir de 1997, elle perd progressivement la vue, mais son entourage lui permet de maintenir un rythme de publications soutenu.

Ayant reçu le baptême en 1940, Jacqueline de Romilly a achevé sa  conversion au catholicisme en 2008, à 95 ans, assistée d’un prêtre maronite. Elle meurt à 97 ans, à l’hôpital Ambroise-Paré de Boulogne-Billancourt, le 18 décembre 2010.

Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuel de l’Académie française, salue la mémoire d’une femme « qui a porté toute sa vie la langue et la culture grecques », jugeant que le meilleur hommage à lui rendre « serait d’attacher plus d’importance désormais à la langue grecque dont elle a été le plus grand défenseur dans notre pays ». L’éditeur Bernard de Fallois lui rend un hommage appuyé : « Elle désarmait par son espèce d’autorité naturelle. Elle avait ce mélange de simplicité, de sérieux et de gaîté des grands professeurs ».

Elle est inhumée au cimetière du Montparnasse (10e division). Jacqueline de Romilly disait d’elle-même ne pas avoir eu, « bien sûr », la vie qu’elle souhaitait.

Source : Wikipédia.

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