La bataille de Nancy (1477).

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La bataille de Nancy oppose, le 5 janvier 1477, l’armée du duc de Bourgogne Charles le Téméraire à la vaste armée réunie autour du duc de Lorraine René II. Elle se solde par la défaite et la mort du Téméraire, soulageant l’Europe de l’inquiétude causée par les ambitions du duc de Bourgogne. Le principal bénéficiaire immédiat de cette bataille est le roi de France Louis XI, qui ne tarde pas à envahir une partie des États bourguignons. En revanche, le mariage la même année de l’unique héritière du Téméraire, Marie de Bourgogne, à Maximilien d’Autriche, apporte à la maison de Habsbourg le comté de Charolais, la Franche-Comté ainsi que les Pays-Bas bourguignons, menaçant la France d’encerclement pendant plus de deux siècles et faisant naître la longue rivalité entre la France et les États habsbourgeois.

En 1363, Philippe le Hardi, fils du roi Jean II le Bon, reçoit de son père le duché de Bourgogne et épouse en 1369 une riche héritière, Marguerite, héritière des comtés de Flandre, de Bourgogne (Franche-Comté), d’Artois, de Rethel et de Nevers. Par la suite, leurs descendants acquièrent de diverses manières (mariage, héritage, achat et conquête) une grande partie de ce qui constitue actuellement le Benelux et les Hauts-de-France : notamment les duchés de Brabant, de Limbourg et de Luxembourg et les comtés de Hollande, de Zélande, de Hainaut, de Namur, de Ponthieu, ainsi que les villes de la Somme.

Cet État bourguignon était divisé en deux parties : d’une part les duché et comté de Bourgogne, d’autre part, les Pays-Bas bourguignons (la majeure partie des actuels Hauts-de-France, Belgique, Luxembourg et Pays-Bas). Entre les deux, la Champagne et les duchés de Lorraine et de Bar.

En 1467, Charles le Téméraire succède à son père Philippe le Bon. Son objectif majeur est de relier territorialement ses États, et d’obtenir une investiture royale, recréant l’ancien royaume de Lotharingie. Dans cette optique, il commence par prendre possession de la Haute-Alsace que l’archiduc Sigismond d’Autriche lui vend, provoquant la crainte des Cantons suisses. En 1473, le Téméraire s’empare également du duché de Gueldre, de part et d’autre du Bas-Rhin.

Bataille de Nancy, carte maximum, 25/06/1977.

Le duc de Bourgogne se tourne alors vers la Lorraine. Profitant de la jeunesse du nouveau duc, René II, il le rencontre à Trèves et signe un traité par lequel ils s’engagent à ne pas s’allier à Louis XI dans une alliance qui nuirait à l’autre. De plus René II accorde au Téméraire le libre passage de ses États et autorise l’installation de garnisons bourguignonnes dans les villes de Charmes, Darney, Épinal, Neufchâteau et Prény. René II n’a guère le choix, car il ne peut pas compter sur le soutien de Louis XI qui vient de signer une trêve avec Charles.

Très rapidement, les incidents se multiplient entre la population lorraine et les garnisons bourguignonnes.

René II prend alors contact avec les adversaires du duc de Bourgogne : Louis XI, les Confédérés suisses, menacés par les projets d’expansion du Téméraire, ainsi que les villes autonomes de Haute-Alsace qui subissent les abus de l’administration bourguignonne locale, dirigée par Pierre de Hagenbach.

Louis XI signe plusieurs traités, avec les Suisses en octobre 1474, avec l’empereur Frédéric III en décembre 1474 et surtout avec le roi Édouard IV d’Angleterre, beau-frère du duc, le 29 août 1475 à Picquigny. Cette activité diplomatique isole Charles le Téméraire. Fort de ces alliances, René II lance un défi à son voisin le 9 mai 1475. Charles commence par signer une nouvelle trêve avec Louis XI, puis envahit la Lorraine à l’automne. Rapidement, il prend Charmes, Épinal et enfin Nancy le 24 novembre 1475 après un mois de siège. La Lorraine semble perdue pour René qui, prudent, se réfugie à Joinville.

Investissant la ville, le Téméraire proclame son souhait d’ériger Nancy en capitale de son futur royaume. De nouveaux baillis sont nommés, des officiers et des capitaines bourguignons sont établis dans les places fortes… les États de Lorraine se rallient au vainqueur et Charles se proclame duc de Lorraine. Le 11 janvier 1476, il doit quitter la Lorraine pour aller combattre les Confédérés suisses.

Bataille de Nancy, épreuve d’artiste.

Ayant conquis la Haute-Alsace, Charles le Téméraire pouvait représenter une menace pour les cantons suisses, comme les agents du roi Louis XI se plaisaient à le souligner. Avec l’aide financière de l’Universelle Aragne, Fribourg et Berne avaient d’ailleurs envahi le pays de Vaud, possessions de la famille de Savoie, alliée du duc de Bourgogne. Jacques de Savoie, comte de Romont, beau-frère de la duchesse-régente de Savoie Yolande de France, était l’un des premiers personnages de la cour de Bourgogne. René II, de son côté, avait rejoint la « Ligue alémanique », dite aussi ligue de Constance, composée des adversaires suisses et alsaciens du Téméraire. Une première bataille eut lieu le 2 mars 1476 à Grandson où les troupes du duc de Bourgogne se débandèrent et, malgré les efforts de celui-ci pour les reprendre en main, s’enfuirent, abandonnant un énorme butin aux Confédérés. Pour venger cet affront, Charles de Bourgogne marcha sur Morat où il fut sévèrement battu le 22 juin 1476. Son armée y fut taillée en pièces et ce qui lui restait d’artillerie fut perdu. Le duc se replia alors sur Dijon où il essaya, tant bien que mal, de reconstituer une armée en levant de nouvelles troupes.

À l’annonce des défaites bourguignonnes, la Lorraine se révolte. Des partisans lorrains s’emparent de Vaudémont, puis chassent les garnisons installées à Arches, Bruyères, Remiremont et Bayon. René II les rejoint à Lunéville, qu’ils prennent le 20 juillet. Le 22 juillet, c’est Épinal qui se rend. Le lendemain, René se rend à Fribourg pour obtenir de l’aide, mais n’obtient que la garantie qu’aucun adversaire du duc de Bourgogne ne signera de paix séparée.

Bataille de Nancy, essais de couleurs.

Le duc de Bourgogne ne dispose plus que d’à peine trois mille hommes (quatre mille selon Philippe de Commynes, moins de deux mille selon Olivier de La Marche), une troupe non payée, faite d’hommes découragés, mal équipés et souvent malades. Apprenant l’arrivée prochaine de l’armée de René II, Charles de Bourgogne prend position, avec le peu de troupes qu’il lui reste, sur une éminence à proximité de Jarville. Malgré l’avis de ses conseillers et le précédent de Morat où, déjà, il avait été attaqué sur son flanc, il néglige la protection de son côté droit, qui est sur la lisière du bois de Saurupt.

Le dimanche 5 janvier, avant l’aube, René II quitte Saint-Nicolas de Port, son armée avance dans la campagne lorraine recouverte de neige. À Laneuveville, des éclaireurs repèrent un guetteur bourguignon et le tuent. Désormais, le Téméraire ne sait rien de l’armée qui arrive. René II et ses capitaines, sur les rapports des éclaireurs, décident de contourner l’armée bourguignonne par le bois de Saurupt pour l’attaquer de flanc et, pour donner le change, envoient un petit détachement, commandé par Vautrin Wisse, par la route de Nancy à Saint-Nicolas.

L’effet de surprise est total et le sort de la bataille se joue rapidement, bien que les Bourguignons réussissent à repousser les assauts initiaux. Josse de Lalaing reçoit le premier assaut, est grièvement blessé et fait prisonnier. Il ne sera libéré que le 4 mai. Jacques Galleotto, blessé, s’échappe avec ses troupes le long de la Meurthe, la traverse au gué à Tomblaine et s’enfuit vers le nord.

Charles le Téméraire tente de se tourner contre l’assaillant, mais l’ensemble de ses maigres troupes se disloque et s’enfuit. Campobasso le trahit, tient le pont de Bouxières, au nord de Nancy, et massacre les fuyards, se contentant de ne faire prisonnier que les seigneurs importants, dont Olivier de la Marche et Jean Ier, baron de Talmay et seigneur d’Heuilley-sur-Saône, qui fut emmené en Lombardie. Les défenseurs de la ville font une sortie et pillent le camp bourguignon.

Ce n’est que le surlendemain, sur les indications de Baptiste Colonna, un page du duc de Bourgogne qui l’a vu tomber à proximité de l’étang Saint-Jean, que le corps méconnaissable de Charles le Téméraire est retrouvé et identifié ainsi que celui de Jean de Rubempré, son gouverneur général de Lorraine, mort à ses côtés. La tradition rapporte sans grande certitude qu’il est en partie dévoré par les loups. Une croix est posée pour marquer le lieu de la mort du Téméraire, l’actuelle place de la Croix de Bourgogne. De même, devant la maison de Georges Marqueix, au numéro 30 de la Grand-Rue à Nancy, une indication 1477 sur les pavés marque l’emplacement où le corps du Téméraire fut déposé avant d’être exposé et veillé dans la maison puis inhumé à la collégiale Saint-Georges.

Dès l’annonce et la confirmation de la mort de Charles le Téméraire, Louis XI s’empare d’une partie de l’État bourguignon : duché et comté de Bourgogne, Picardie, Artois et Flandre, au détriment de Marie de Bourgogne, fille et seule héritière du Téméraire. Celle-ci, pour éviter la partition de ses domaines, se fiance à Maximilien de Habsbourg, le fils de l’empereur Frédéric III. La Guerre de Succession se conclut par les traités de 1482 et de 1493, qui confèrent notamment à la France le duché de Bourgogne et la Picardie ; aux Habsbourg-Bourgogne la Flandre, l’Artois et la Franche-Comté. Le Charolais, ayant résisté aux Français, était lui resté entre les mains de la duchesse. Commencent alors plusieurs siècles de luttes entre les rois de France et la Maison de Habsbourg. Le fils de Maximilien et de Marie, Philippe le Beau, épouse l’héritière des trônes d’Espagne, et sera le père de Charles Quint. Pendant deux siècles, le royaume de France est entouré de possessions espagnoles : le long des Pyrénées au sud, la Franche-Comté à l’est et les Pays-Bas espagnols au nord. Face à l’expansionnisme français, les descendants de René II choisiront le camp autrichien et en 1736, le duc François III épousera l’archiduchesse Marie-Thérèse, dernière représentante de sa Maison.

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Sources : Wikipédia, YouTube