Georg Forster, naturaliste.

Johann Georg Adam Forster (né le 27 novembre 1754 à Nassenhuben près de Dantzig ; mort le 10 janvier 1794 à Paris) est un naturaliste allemand qui fut également ethnologue, écrivain voyageur, journaliste et révolutionnaire. Il participe à la deuxième expédition autour du monde de James Cook (1728-1779), consacre d’importantes sommes à la géographie et à l’ethnologie comparées des mers du Sud. Georg Foster apparaît comme un des  fondateurs de la littérature de voyage scientifiquement fondée. En tant que jacobin allemand, il appartient aux protagonistes de l’éphémère république de Mayence.


La vie de Georg Forster est courte, mais riche en événements, comme il n’est accordé qu’à peu d’hommes au XVIIIe siècle. De tous les esprits éclairés allemands, Georg Forster peut être vu comme l’un des plus grands.

Georg Forster est le fils aîné de Johann Reinhold Forster (1729-1798) et de sa femme Justina Elisabeth, née Nicolai. Le père, pasteur réformé, s’intéresse beaucoup à la philosophie et aux sciences naturelles. Il lui apprend à comprendre 17 langues, mais lui transmet de solides connaissances scientifiques et un goût du concret. Engagé en 1765 par le gouvernement russe pour étudier la viabilité des colonies allemandes le long des rives de la Volga, Johann emmène avec lui son fils âgé de 10 ans. C’est le premier voyage scientifique, les conduisant jusqu’aux steppes de l’actuel Kazakhstan, que Georg fait avec son père. Le jeune Forster participe aux études cartographiques et aux examens des sols. Il en profite pour apprendre à parler couramment le russe.

En 1766, Johann Reinhold Forster rejoint directement Londres pour s’installer dans le pays de ses ancêtres et y mener une existence comme professeur et traducteur qui correspond mieux à ses penchants. Georg l’accompagne, le reste de la famille les rejoindra plus tard. À l’âge de 13 ans, il publie en Angleterre son premier livre : une traduction du russe en anglais de l’Histoire de la Russie de Mikhaïl Lomonossov (1711-1765), qui lui vaut la considération de la communauté scientifique.

Son père, dont la renommée scientifique s’est développée au cours des ans, reçoit en 1772 une demande de l’Amirauté britannique pour accompagner le capitaine Cook (1728-1779) dans sa deuxième expédition autour du monde. En tant que naturaliste, il a pour mission d’établir le rapport scientifique du voyage et de le publier à son retour. Johann Reinhold Forster réussit à  imposer de pouvoir emmener son fils Georg, alors âgé de 17 ans, comme dessinateur.

Le 13 juillet 1772, les Forster, père et fils, embarquent à bord du HMS Resolution à Plymouth. Le voyage les conduit d’abord dans l’Atlantique sud, puis dans l’océan Indien, dans les eaux antarctiques, sur les îles polynésiennes et enfin au cap Horn pour finalement rentrer en Angleterre le 30 juillet 1775. Au cours de ces trois années, Cook et les Forster découvrent la Nouvelle-Zélande, les îles Tonga, la Nouvelle-Calédonie, les îles Marquises et l’île de Pâques, s’aventurant vers le sud comme jamais  personne avant eux. Ce deuxième voyage de Cook infirme définitivement la théorie d’un grand continent habitable dans l’hémisphère sud.

Georg Forster travaille sous les directives de son père, principalement comme dessinateur, à l’étude des animaux et des plantes des mers du Sud. Mais ses vrais centres d’intérêt, sur lesquels il commence bientôt des recherches lui-même, sont la géographie et l’ethnologie comparées. Il apprend rapidement les langues des îles polynésiennes. Ses écrits sur les Polynésiens font encore aujourd’hui autorité, comme ils montrent aussi les efforts des Forster pour rencontrer les habitants des îles des mers du Sud et les aborder avec considération, sympathie et sans préjugés occidentaux, occasion pour lui d’étayer, mais sur des faits réels, les théories du « bon sauvage » et de l’égalité naturelle entre les hommes, quel que soit le niveau de leur civilisation matérielle.

Contrairement à Bougainville (1729-1811) dont les carnets de voyage sur Tahiti, écrits quelques années auparavant, fondent à partir d’une  description complaisante et idéalisée le mythe romantique des mers du Sud, Forster aborde les sociétés des îles du Pacifique sud avec plus d’objectivité. Il décrit les différents ordres sociaux et les différentes religions qu’il rencontre, par exemple sur les îles de la Société, les îles des Amis, en Nouvelle-Zélande et sur l’île de Pâques, ce qui lui fait découvrir diverses conditions de vie. En même temps, il constate que les langues de ces îles, relativement éloignées les unes des autres, sont somme toute assez proches.

Plus tard, les deux hommes publient une revue de récit de voyage dans les mers du Sud, Magazin von merkwürdigen neuen Reisebeschreibungen à Berlin. Georg Forster en fait une traduction anglaise sous le titre d’A Voyage to the South Sea, by Lieutenant William Bligh, London 1792 en 1791 et 1793. Les descriptions de ces voyages sont à l’origine de nombreux films et adaptations cinématographiques dont Les Révoltés du Bounty.

Après leur retour, alors que son père écrit le rapport scientifique demandé par l’amirauté, Georg Forster publie en 1777 une description du voyage : A Voyage round the World in His Britannic Majesty’s Sloop Resolution, Commanded by Capt. James Cook, during the Years, 1772, 3, 4, and 5 (Voyage autour du monde), d’où vient la citation ci-dessus. Cette œuvre publiée en 1778-1780 fait de lui un jeune auteur assez célèbre. Le poète Christoph Martin Wieland (1733-1813) loue cette œuvre comme le livre le plus remarquable de son époque, et cela reste jusqu’à aujourd’hui peut-être une des plus importantes description de voyage qui ait jamais été écrite. L’œuvre, avec laquelle l’Histoire de la littérature de voyage allemande moderne commença, exerce entre autres une forte influence sur Alexander von Humboldt (1769-1859) et, plus tard, sur les ethnologues.

Forster écrit dans une prose allemande raffinée, scientifiquement exacte et objectivement fondée, avec un résultat à la fois passionnant et très lisible. Ses œuvres se distinguent de toute la littérature de voyage précédente parce qu’elles ne représentent pas une succession de dates pures ; cohérentes, elles offrent des faits ethnologiquement parlants et sûrs, qui viennent d’observations détaillées. Souvent il interrompt sa description pour procéder à quelque réflexion philosophique sur l’observation.

Il porte une attention particulière aux hommes, dont il étudie les comportements, les besoins, les coutumes, les religions ainsi que les formes de société. Dans Voyage autour du monde, il reproduit même le texte d’une chanson polynésienne. Cette œuvre reste jusqu’aujourd’hui une des plus importantes sources sur les sociétés des mers du Sud.

La publication apporte à Georg Forster une reconnaissance scientifique dans toute l’Europe. La renommée Royal Society of London l’accueille comme membre en 1777 alors qu’il n’a pas encore 23 ans. Il devient pour un court temps la coqueluche des salons anglais. Des académies scientifiques de Berlin à Madrid lui ouvrent également leurs portes. Mais comme la renommée ne fait pas l’argent, il repart en Allemagne en 1778 pour occuper un poste de professeur à Cassel, poste obtenu grâce à l’appui de son père qui avait, lui, obtenu une chaire à l’université de Göttingen, plus prestigieuse. Kassel devient vite pour lui un lieu d’enfermement dans lequel il étouffe, comme tous les « intellectuels » allemands de condition modeste des années 1780, asphyxiés dans un pays morcelé, corseté par une société d’ordres rigide. À Göttingen il fait la connaissance de Therese Heyne (1764-1829), fille d’un chercheur sur l’Antiquité de l’université de la ville, qui devient plus tard une des premières femmes de lettres libres d’Allemagne sous le nom de Therese Huber. Ils se marient en 1785 et auront trois enfants sans former un couple réellement heureux.

Il entre dans les Rose-Croix, ce qui lui permet de s’adonner à l’alchimie, juste le temps de s’apercevoir que ce n’est qu’une forme de charlatanisme comme une autre. Alors professeur d’histoire naturelle, Forster commence à enseigner à Cassel, au prestigieux Collegium Carolinum, où il reste jusqu’en 1784. À partir de cette époque, il entretient un important échange avec les plus grands érudits et savants d’Allemagne, entre autres avec Lichtenberg (1742-1799), Lessing (1729-1781), Herder (1744-1803), Wieland (1733-1813) et Goethe (1749-1832). Il fait entrer au Collegium Carolinum l’anatomiste Sömmerring (1755-1830), qui essaie d’établir les bases physiologiques, notamment cérébrales, entre les populations humaines. Le sujet intéresse beaucoup Forster, et tous deux deviennent de très bons amis. En 1786, alors qu’il enseigne à Vilnius, Forster entre en controverse au sujet des races humaines avec Emmanuel Kant, et défend les conclusions de Sömmerring sur la disparité des Noirs et des Européens contre la vision plus abstraite de la question défendue par Kant (Noch Etwas über Menschenrassen). Forster publie régulièrement des recensions des voyages scientifiques et des découvertes de son époque, en particulier sur le troisième voyage de Cook dans les mers du sud (auquel il ne participa pas lui-même), et plus tard sur l’expédition du Bounty. Depuis ses années  londoniennes, Forster est d’ailleurs toujours resté contact avec celui qui fut à l’origine de l’expédition du Bounty, l’érudit Sir Joseph Banks (1743-1820), qui avait accompagné le capitaine Cook lors de son premier voyage.

Forster étudie l’indologie et devient un des premiers scientifiques  allemands dans ce domaine. À la fin des années 1780, son projet de diriger une expédition russe en Inde financée par la tsarine Catherine la Grande (1729-1796) échoue pourtant. Il occupe alors en 1788 le poste de bibliothécaire de l’université de Mayence.

Sur le plan politique, il dénonce l’oppression absolutiste et féodale. Il affirme que la religion d’État, quelle qu’elle soit, assure l’obéissance des peuples en les endormant. Comme les penseurs allemands de son temps, il affirme l’importance de la Bildung, mais il la conçoit comme d’abord un procès de construction de la liberté politique. Il milite pour l’abolition du système corporatif.

De Mayence, il entreprend au printemps 1790 un grand voyage avec le jeune Alexander von Humboldt, voyage qui les mènent aux Pays-Bas autrichiens, en Hollande, en Angleterre et à Paris. Il décrit ses impressions dans une œuvre en trois volumes publiée entre 1791 et 1794 : Ansichten vom Nierderrhein, von Brabant, Flandern, Holland, England und Frankreich im April, Mai und Juni 1790. Johann Wolfgang von Goethe dit à propos de ce livre : « On aime, quand on est à la fin, recommencer au début, et on apprécierait de voyager avec un observateur si bon et si cultivé ». Le livre traite entre autres d’études sur l’histoire de l’art, qui sont à l’histoire de l’art ce que A Voyage Round The World est à l’ethnologie. Forster fait également partie des premiers qui parviennent à une véritable explication de l’art gothique, qui était autrefois désigné comme « barbare », et introduit l’idée de Romantisme.

Forster ne retournera plus à Mayence. En tant que député de la Convention nationale du premier parlement allemand, il est envoyé à Paris avec deux de ses collègues, Adam Lux et Potocki pour proposer le rattachement de la république de Mayence à la France puisque, seule, elle n’est pas viable. La proposition est acceptée, mais rendue sans objet par la reconquête de Mayence par les troupes de la coalition anti-française. Son collègue Adam Lux est guillotiné à Paris le 4 novembre 1793 pour avoir fait l’apologie de Charlotte Corday.

En raison d’un décret du Kaiser François II du Saint-Empire (1768-1835), qui punit toute collaboration des « sujets » allemands avec le gouvernement révolutionnaire français, Forster tombe sous le coup de la proscription  impériale et ne peut plus retourner en Allemagne. Totalement sans ressources et sans sa femme, qu’il avait laissé avec ses enfants à Mayence, il reste à Paris, précisément lorsque la Révolution arrive dans sa phase de Terreur du Comité de salut public sous Maximilien de Robespierre (1758-1794).

Forster prend conscience de la différence entre les aspirations de la révolution à combler la volonté de bonheur de l’humanité et la pratique révolutionnaire qui se place avec cruauté au-dessus du bonheur, de la vie même des individus. Contrairement à beaucoup d’autres partisans allemands de la Révolution, comme Friedrich Schiller (1759-1805), Forster ne se détourne pas de l’idéal révolutionnaire, même sous la Terreur. Il vit les événements comme étant naturels, qu’on ne peut arrêter et qui doivent libérer leur énergie pour ne pas avoir de nouveau des effets dévastateurs20. Peu avant sa mort, il écrit :

« La Révolution est un ouragan. Qui pourrait l’arrêter ?
Un homme, que la Révolution a fait connaître, peut faire des choses que la postérité ne considérera pas comme des atrocités. »

Bien avant que le pouvoir révolutionnaire atteigne son apogée, Georg Forster meurt en janvier 1794, presque âgé de 40 ans, d’une pneumonie dans un petit appartement mansardé de la Rue des Moulins à Paris.

Source : Wikipédia.

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