Mikhaïl Lomonossov, chimiste, physicien, astronome, historien, poète et dramaturge.

Mikhaïl Vassilievitch Lomonossov (en russe : Михаи́л Васи́льевич Ломоно́сов), né le 8 novembre 1711 (19 novembre 1711 dans le calendrier grégorien) à Denisovka (rebaptisé Lomonossovo en son honneur), près de Kholmogory, dans le nord de la Russie et mort le 4 avril 1765 (15 avril 1765 dans le calendrier grégorien) à Saint-Pétersbourg, est un chimiste, physicien, astronome, historien, philosophe, poète, dramaturge, linguiste, slaviste, pédagogue et mosaïste russe.

Patriote convaincu, polymathe enthousiaste, amoureux des sciences, il fut professeur à l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg et fondateur de l’université de Moscou (qui porte son nom) ; Alexandre Pouchkine dit même de lui qu’il était « la première université de Russie ».


Lomonossov, carte maximum, Roumanie, 1963.

Fils de Vassili Dorofeïevitch Lomonossov, un serf de la Couronne, paysan devenu pêcheur, que très jeune il accompagne fréquemment en mer Blanche, Mikhaïl Lomonossov est précocement attiré par l’étude. Il lit beaucoup, d’abord des livres religieux, puis des ouvrages plus généraux comme La Grammaire slave de Smotritski ou L’Arithmétique de Leonty Magnitsky, qui devient son livre préféré.

En décembre 1730, Mikhaïl, âgé de 19 ans, quitte son village natal et se rend à pied à Moscou en suivant un chargement de poisson fumé. Il arrive en janvier 1731 et parvient à s’inscrire à l’Académie slavo-gréco-latine, le seul institut de formation supérieure de Moscou, en se faisant passer pour un fils d’un noble de Kholmogory (les paysans n’avaient pas accès aux études). Il y étudie le latin, le slavon, la versification, la rhétorique, la philosophie et la théologie. De plus, il apprend seul le grec ancien pour pouvoir lire les auteurs de l’Antiquité. Malgré des conditions matérielles extrêmement difficiles (il ne reçoit pratiquement aucun soutien financier de son père), et les moqueries de ses camarades de classe beaucoup plus jeunes que lui, il réussit en cinq ans le cursus des études, qui en demande habituellement huit.

« D’une part, mon père, qui n’avait pas d’autres enfants, disait que, fils unique, j’avais abandonné les biens qu’il avait amassés pour moi en peinant dur et qu’après sa mort ils seraient dilapidés par des étrangers. D’autre part, une pauvreté inouïe, avec une bourse d’un altyne par jour, il était impossible de dépenser plus d’un demi-kopeck pour le pain, un autre demi pour le kvas et le reste pour le papier, les chaussures et autres besoins… Et puis les écoliers, les petits enfants qui criaient : « Regardez cette grande bête de vingt ans qui est venue pour apprendre le latin…».

Dans l’espoir de bénéficier d’études plus proches de ses intérêts scientifiques, Lomonossov fait une demande pour étudier à Kiev. Déçu, il revient à Moscou en 1734.

À la fin de ses études à l’Académie slavo-gréco-latine, en 1735, le Sénat remarque ses brillants résultats et l’envoie avec douze de ses condisciples à l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg, précisément à un moment où l’étudiant commence à douter de l’utilité de ses efforts. Mais le séjour dans la « capitale du Nord » est de courte durée, à peine sept mois. Une bourse d’étude est offerte à trois étudiants de l’Académie pour aller étudier la métallurgie et la science moderne en Allemagne. Parmi les élus, Lomonossov ; les deux autres sont G. Reiser et D. Vinogradov.

Le 19 septembre 1736, les trois boursiers embarquent sur le Ferbobote à Kronstadt ; ils arrivent à Marbourg le 3 novembre 1736 via Travemünde, Lübeck, Hambourg, Minden, Cassel. Ils s’inscrivent à l’université de Marbourg. Lomonossov loge chez le vice-directeur de l’université, le professeur Christian Wolff, dont il suit assidûment les cours de philosophie. Il étudie également les mathématiques et les sciences physiques et la chimie, une science encore rudimentaire à l’époque, auprès du professeur Justin Druysing, qui ne tarit pas d’éloges à son endroit.

En quelques mois, le jeune homme apprend également l’allemand et le français.

Lomonossov, entier postal, Roumanie, 1961.

De juillet 1739 à mai 1740, Lomonossov est inscrit à l’École des mines de Freiberg, en Saxe, pour y étudier la métallurgie. Il suit les cours de Johann Friedrich Henckel, un praticien de la vieille école qui n’hésite pas à proclamer : « l’alchimie est la chimie par excellence ». Les rapports avec Henckel ne sont pas bons : apparemment par cupidité, celui-ci renâcle à verser leurs bourses aux trois étudiants qui ont, semble-t-il, laissé quelques dettes à Marbourg. Cependant, Lomonossov se consacre de plus en plus à la littérature et s’intéresse beaucoup à la versification. Sous l’influence de la poésie allemande, il conclut que le développement de la littérature russe est impossible sans réforme de la langue et des règles de versification. En 1739, sur les conseils de W. Junker, professeur de philosophie politique et morale à Freiberg, il écrit ses Lettres sur les règles de la versification russe accompagnées d’un exemple : Ode sur la victoire sur les Turcs et les Tatars et sur la prise de Khotine, qu’il dédie à l’impératrice Anna Ivanovna. Les deux textes font une grande impression auprès de l’Académie. Fondant sa métrique sur le principe syllabo-tonique (au lieu de l’ancienne prosodie syllabique), l’auteur affirme que le vers peut être binaire ou tertiaire, dont le dactyle. Il mélange rimes masculines et rimes féminines.

Junker fait aussi part à l’étudiant russe de ses résultats sur le traitement du sel, la fabrication de la faïence, de la porcelaine et de la verrerie.

Au printemps 1740, la querelle avec son professeur s’envenimant, Lomonossov cesse de suivre les cours et quitte Freiberg sans en prévenir l’Académie de Pétersbourg. Le retour en Russie s’avère compliqué, car Lomonossov est sans le moindre sou. Ses tentatives de contacter l’ambassadeur de Russie à Leipzig et Kassel échouent. L’ancien étudiant tente alors vainement de rejoindre Arkhangelsk par bateau au départ de Rotterdam et de La Haye. Suit une mésaventure digne du Candide de Voltaire : alors qu’il retourne à Marbourg, Lomonossov entre en contact avec des soldats du roi de Prusse en Westphalie. Ceux-ci le saoûlent et l’enrôlent dans l’armée prussienne : Lomonossov est envoyé à la forteresse de Wesel. Il parvient cependant à s’évader et revient à Marbourg. Il prend contact avec l’Académie de Pétersbourg, l’Académie lui fournit l’argent pour rentrer en Russie.

Durant son séjour, Lomonossov a fait la connaissance d’Élisabeth Christine Zilch, la fille de sa logeuse et d’un marguillier, qu’il épouse le 6 juin 1740, mais qui reste en Allemagne jusqu’en 1743.

Après cinq ans d’absence, il arrive à Pétersbourg le 8 juillet 1741.

En 1741, il est nommé sans affectation précise à l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg. Pour l’occuper, on lui donne à terminer un Catalogue des minéraux et des traductions d’articles allemands pour la première revue scientifique populaire russe, la Gazette d’information. En 1742, il est nommé « adjoint » dans la section de Physique. Son salaire de 360 roubles paraît très modeste, mais lui permettrait une existence décente, s’il était régulièrement payé, ce qui n’est pas le cas. L’institution est alors en pleine décadence et voit le nombre de ses élèves chuter. Le règne désastreux d’Anna Ivanovna a en effet donné le contrôle du pouvoir au favori – et amant de l’impératrice -, Ernst Johann von Biron, et permis la montée en force d’un « parti allemand » dans tous les rouages de l’État. Lomonossov entre alors en conflit ouvert avec la direction de l’Académie, en particulier avec le conseiller Schumacher, à qui il reproche son passéisme. La réaction de Lomonossov est aussi bien « patriotique » que scientifique. Au départ, le conflit est violent – Lomonossov, fils de moujik, n’a pas de titre et s’oppose frontalement à l’incompétente coterie aristocratique qui contrôle l’Académie. Son manque de diplomatie et son tempérament violent lui valent d’ailleurs plusieurs blâmes et même quelques mois de prison (de mai 1743 à janvier 1744).

La prison et l’arrivée de son épouse à Saint-Pétersbourg semblent avoir quelque peu calmé le virulent professeur. En prison, Lomonossov a composé deux odes (Méditations du matin et du soir sur la grandeur divine), qu’il a l’habileté d’envoyer à la nouvelle impératrice Élisabeth Petrovna. Son talent poétique est salué à la cour. Sur ordre de l’impératrice Élisabeth, il est libéré alors que triomphe le « parti russe ». Ivan Chouvalov – cousin du tout-puissant Pierre Ivanovitch Chouvalov, favori de l’impératrice – prend la direction de l’Académie, mais Lomonossov doit attendre plus d’un an sa nomination comme professeur. Il écrit alors une Rhétorique, un mémoire sur l’Action des dissonants chimiques en général et des Réflexions sur la cause de la chaleur et du froid. En 1745, à bout de patience, Lomonossov écrit sa requête directement à l’impératrice, qui vient de s’installer à Saint-Pétersbourg. La chaire de chimie (jusqu’alors jumelée avec celle de botanique) est vacante et sa demande reçoit un accueil favorable. Le 14 juin 1745, Lomonossov prononce sa leçon inaugurale à l’Académie sur l’Éclat des métaux.

En plus, Lomonossov est apprécié à la cour impériale dont il devient le poète officiel : c’est lui qui est chargé de rédiger l’ode pour célébrer le mariage de Pierre Fiodorovitch, héritier présomptif du trône, avec la princesse allemande Sophie d’Anhalt-Zerbst en août 1745.

Depuis lors, Lomonossov poursuit son activité sur deux axes principaux : son enseignement à l’Académie et un important travail de publication d’écrits scientifiques. De plus, malgré trois refus et l’opposition de son ennemi, Schumacher, il finit par obtenir la construction d’un laboratoire de chimie, un outil qui lui tient particulièrement à cœur et dont l’édification est lancée le 7 août 1748 pour s’achever au début 1749. Jusqu’en 1752, selon son Journal de laboratoire, Lomonossov y réalise plus de 4 000 expériences.

Sa fille Hélène naît en 1750.

En 1751, le succès de ses deux tragédies auprès de la cour lui vaut d’être nommée conseiller de sixième classe. Pourtant, malgré les pressions de ses mécènes qui le poussent à se consacrer uniquement à la littérature, il refuse d’abandonner son travail scientifique.

Le 26 juillet 1753 (6 août 1753 dans le calendrier grégorien), l’ami et collègue de Lomonossov, Georg Wilhelm Richmann, est accidentellement tué par la foudre lors d’un fort orage. Le 25 novembre 1753, Lomonossov prononce en public un Discours sur les phénomènes aériens provenant de la force électrique.

En 1755 paraît son Traité de grammaire russe après plusieurs années de travaux. C’est la première grammaire en russe, langue que l’auteur défend avec ardeur.

L’empereur Charles Quint disait qu’il convient de parler espagnol avec Dieu, français avec les amis, allemand avec les ennemis, italien avec les femmes. Mais s’il avait connu la langue russe, il aurait certainement ajouté qu’elle convient pour parler à tous, car il lui aurait trouvé la splendeur de l’espagnol, la vivacité du français, la force de l’allemand, la douceur de l’italien, sans compter la richesse et la puissante concision du grec et du latin. […] La vigoureuse éloquence de Cicéron, la magnifique plénitude de Virgile, le charme fleuri d’Ovide ne perdent point leur qualité en russe. Les imaginations et les raisonnements les plus subtils, les diverses propriétés naturelles et les changements qui interviennent dans la structure visible du monde et dans les conditions humaines trouvent chez nous une langue qui leur convient et le mot qui les exprime ; et, s’il est des choses que nous ne pouvons définir exactement, ce n’est point notre langue qu’il faut accuser, mais notre incapacité de nous en servir. »

Selon Lomonossov, la langue russe est autant qu’une autre apte à rendre « les intuitions et les raisonnements les plus subtils des philosophes ».

En 1755 également est édité son célèbre traité Sur l’utilité des livres d’église, dans lequel il pose les premiers jalons de la future langue russe littéraire (décrite par des normes et grammaticalement correcte) :

il déconseille l’emploi de vocables étrangers ou barbares. Il prône un retour à la langue russe telle qu’elle a été modelée. il veut garder le vieux vocabulaire ecclésiastique mais éviter les mots désuets. En 1758, il termine la première partie de l’Histoire des origines de la Russie, commencée en 1753. L’ouvrage (en russe) est publié en 1764 et largement diffusé ; il est traduit en allemand par d’Holbach en 1768, puis en français en 1769

Toujours en butte à l’hostilité d’une partie de la direction de l’Académie de Saint-Pétersbourg, Lomonossov se lance dès 1754 énergiquement dans un projet qui lui tient à cœur de longue date, la fondation de l’université de Moscou. L’université est inaugurée en 1755 en présence de l’impératrice Élisabeth. Tout le mérite en revient à Élisabeth et à Ivan Chouvalov, « le mécène du Nord ». Le nom de Lomonossov n’est même pas prononcé, mais comme en témoigne sa correspondance, il est la cheville ouvrière du projet. Il se montre préoccupé non seulement de l’aspect didactique, mais également de l’aspect organisationnel. Sa volonté d’ouvrir l’institution le plus largement possible à toutes les couches de la population n’est pourtant pas respectée.

Le 1er mars 1757, Lomonossov, célèbre même à l’étranger, est nommé membre du conseil académique, c’est-à-dire du secrétariat de l’Académie. Il codirige l’institution avec un Schumacher vieilli et désormais discrédité : de fait, il est seul maître à bord. Lomonossov s’installe sur l’île Vassilievski et se fait construire un laboratoire dans sa propre maison. Il réorganise profondément l’Académie et le gymnase qui y donne accès, deux institutions dont il a été nommé directeur en 1758.

En 1761, à l’occasion du transit de Vénus, un phénomène astronomique rarissime qui passionne l’Europe de l’époque et auquel il consacre un de ses écrits, Lomonossov découvre l’atmosphère de Vénus (effet « Lomonossov »).

La mort de l’impératrice Élisabeth le 25 décembre 1761 marque la fin d’une époque pour l’académicien. L’arrivée au pouvoir en 1762 de Catherine II marque le retour en force du « parti allemand ». Vorontzov et Chouvalov sont en disgrâce et sont remplacés par Taubert. Le vieux directeur voit l’opposition à ses projets de réforme se renforcer. Les adversaires de Lomonossov l’accusent d’ivrognerie et cherchent à obtenir la démission du savant, devenu membre des académies de Suède (1760) et de Bologne (1764). Catherine II, la « Sémiramis du Nord » est soucieuse de son image dans l’Europe des Lumières, et refuse finalement cette démission. En 1763, elle décrète la destitution de Lomonosov, un oukase qu’elle annule la semaine suivante. En 1764, l’impératrice fait une visite de courtoisie à Lomonossov et daigne admirer ses travaux de mosaïques. Cependant, Lomonossov est écarté.

Sa dernière année voit sa santé chanceler sérieusement. Au début 1765, il prend froid et son état empire de jour en jour.

« Mon ami, je sais que je vais mourir et j’envisage tranquillement la mort. Je regrette seulement de n’avoir pu réaliser tout ce que j’ai entrepris pour le développement des sciences et la gloire de l’Académie ; et maintenant, à la fin de ma vie, je vois que toutes mes entreprises vont disparaître avec moi. »

— Mikhaïl Lomonossov, Lettre à l’académicien Chtéline, printemps 1765.

L’encyclopédiste meurt le 4 avril 1765 (15 avril 1765 dans le calendrier grégorien). Le lendemain de sa mort, Catherine II fait enlever de sa maison tous les papiers du savant, et les fait détruire. Le pouvoir comprend vite l’intérêt du personnage pour sa communication et essaie d’en faire un chantre de la monarchie. En 1768, une édition de ses Œuvres choisies est publiée par l’université de Moscou, édition soigneusement expurgées des textes les plus critiques : Hymne à la barbe, Lettres à Chouvalov sur la création de l’université de Moscou et L’accroissement et la protection du peuple russe.

Mikhaïl Lomonosov repose au cimetière Saint-Lazare de Saint-Pétersbourg.

Le troisième étage de la Kunstkamera (pour le reste, un musée d’ethnographie) à Saint-Pétersbourg lui est consacré.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

 

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