Alexander Von Humboldt, naturaliste, géographe et explorateur.

Friedrich Karl, Wilhelm, Heinrich Alexander, baron von Humboldt, plus connu sous le nom d’Alexander von Humboldt ou Alexandre de Humboldt, est un naturaliste, géographe et explorateur allemand, né le 14 septembre 1769 à Berlin et mort le 6 mai 1859 dans cette même ville. Il était membre associé de l’Académie des sciences française et président de la Société de géographie de Paris. Par la qualité des relevés topographiques et des prélèvements de faune et de flore effectués lors de ses expéditions, il a fondé les bases des explorations scientifiques.


Alexander von Humboldt est né à Berlin le 14 septembre 1769 d’un père militaire prussien, le major Alexander Georg von Humboldt, et d’une mère française et huguenote, Marie-Élisabeth Colomb, veuve von Holwede.

Il est le frère cadet de Wilhelm von Humboldt (Guillaume de Humboldt), linguiste, fonctionnaire, diplomate, ministre de Prusse et philosophe allemand. Celui-ci, visionnaire pour la recherche et la pédagogie, fonda l’Université Humboldt de Berlin en 1810.

Von Humboldt, carte maximum, Berlin, 1989.

Son père, Alexander Georg von Humboldt, était issu d’une importante famille poméranienne et officier de l’armée prussienne. Proche de la famille royale et de la franc-maçonnerie, il a voulu transmettre à ses fils la meilleure éducation dans l’esprit des Lumières. Il leur donne pour précepteurs Joachim Heinrich Campe, lequel suit les principes pédagogiques de Jean-Jacques Rousseau, puis Gottlob Johann Christian Kunth. Ils enseignent aux enfants l’histoire, les mathématiques, le latin, le grec, le français et l’allemand.

À 9 ans, à la mort de son père, Alexander est élevé par sa mère, au château de Tegel, près de Berlin. Elle continue d’attacher la plus grande importance à l’éducation des enfants en vue de leur permettre d’accéder à de hautes fonctions politiques.

Alexander montre un intérêt prononcé pour l’histoire naturelle. Alors que Wilhelm, d’une robuste constitution, a une belle aisance dans l’apprentissage et s’oriente vers la haute fonction publique, Alexander est frêle et apprend laborieusement.

À 16 ans, Alexander est présenté par Kunth à Marcus Herz, médecin et membre de l’Académie des sciences de Berlin, l’un des principaux représentants des Lumières en Allemagne et il est fortement impressionné par les cours et les discussions se déroulant chez lui.

En 1787, les deux frères vont étudier à l’université de Francfort-sur-l’Oder. Alexander y étudie l’administration publique et l’économie politique pendant un semestre. Il suit des cours d’archéologie, de médecine, de physique et de mathématiques. Il contracte une “amitié éternelle” avec le théologien Wilhelm Gabriel Wegener.

À 18 ans, il est initié à la botanique par son ami Carl Ludwig Willdenow.

En 1788, Alexander revient étudier dans le château familial les techniques de la manufacture et le grec ancien.

En 1789, les deux frères s’inscrivent à l’université de Göttingen, qui est un centre de la pensée éclairée à cette époque. Alexander étudie la physique avec Georg Christoph Lichtenberg, l’anatomie et la zoologie avec Johann Friedrich Blumenbach.

Après un voyage géologique, il rédige en 1790 sa première publication scientifique d’observations minéralogiques sur les basaltes du Rhin.

C’est à Göttingen qu’il rencontre le naturaliste Georg Forster dont il devient le disciple et avec lequel il voyage pendant quatre mois au printemps 1790 aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne et en France pendant la période révolutionnaire. Alexander est pour la première fois à Paris en 1790 et s’enthousiasme pour les idéaux de la Révolution française et pour les Droits de l’homme:

« Le spectacle des Parisiens, leur rassemblement national, celui de leur temple de la Liberté encore inachevé pour lequel j’ai transporté moi-même du sable, tout cela flotte dans mon âme comme un rêve. »

De retour en Allemagne à la fin de l’été 1790, Humboldt poursuit des cours d’économie et de gestion à l’Ecole de commerce de Hambourg, malgré son peu d’intérêt pour ces domaines9. Il consacre ses loisirs à la géologie, la botanique, et l’étude du suédois. En juin 1791, Humboldt entame une formation à l’École des mines de Freiberg, qui dure huit mois. Il termine ses études et est directement nommé assesseur au département des mines sans avoir à servir en tant que cadet.

En 1792, Humboldt rédige un important rapport sur la géologie et l’état des mines en Prusse. Ce rapport le fait promouvoir inspecteur général des mines. Face à l’ignorance des mineurs qui ne savent pas distinguer un minerai d’une roche sans valeur, Humboldt ouvre clandestinement une école de formation des mineurs qu’il finance de ses propres deniers. Il refusera l’argent que le ministre von Heinitz lui enverra pour le défrayer de ses dépenses.

Humboldt mène des recherches pour augmenter la sécurité dans les mines.

En 1794, il obtient une promotion dans un bureau de Berlin, puis participe à des missions diplomatiques entre les états alliés allemands et l’armée révolutionnaire française. Cette même année, il fait la connaissance de l’écrivain Johann Wolfgang von Goethe, avec qui il partage sa passion pour les sciences.

En 1795, von Heinitz lui propose le poste convoité de directeur des mines de Silésie, dans le sud-est de la Prusse. Humboldt refuse et abandonne le service public.

Humboldt fait des expériences sur les animaux, sur l’effet de l’électricité, qu’il pense être contenue dans les nerfs, et mise en évidence par l’application de deux métaux différents. Il utilise même son propre corps pour ses expériences. En 1797, il publie ses Expériences sur le muscle et la fibre nerveuse excités, avec des conjectures sur le processus chimique de la vie dans le monde animal et végétal. Alessandro Volta montre en 1795 que ce sont les métaux qui créent l’électricité et invente la pile électrique en 1800. Humboldt gardera toute sa vie l’amertume de ne pas avoir fait la distinction entre les effets physiologiques et électriques, et de ne pas en avoir déduit les principes de la pile.

En novembre 1796, la mort de sa mère, Marie-Élisabeth Colomb, décédée d’un cancer, le libère de ses dernières attaches familiales, et l’héritage de ses soucis d’argent. Moins d’un mois après sa disparition, il démissionne de son poste de conseiller aux mines11. Avec son ami von Buch, il va faire des observations scientifiques dans le Tyrol. C’est là qu’il mettra au point la méthode de relevés météorologiques qui sera utilisée dans le monde entier.

Une expédition en Égypte avec Lord Bristol, que Humboldt devait joindre, est annulée par l’invasion de Bonaparte.

En avril 1798, Humboldt s’installe à Paris — à cette époque la capitale intellectuelle de la planète —, où vivent son frère Wilhelm et sa belle-sœur Caroline. Il loge à l’Hôtel Boston, rue Jacob, près de Saint-Germain-des-Prés. Il étudie au Jardin des plantes, à l’Observatoire de Paris, à l’Institut de France. Il fréquente Cuvier, les botanistes Jussieu, René Desfontaines, Lamarck, André Michaux, les chimistes Chaptal, Thénard, Fourcroy, Louis-Nicolas Vauquelin, les mathématiciens Delambre, Laplace, Lalande et Jean-Charles de Borda.

L’amiral Louis Antoine de Bougainville, célèbre navigateur et explorateur, et héros de son enfance, lui propose de participer à une expédition en Amérique du Sud, au Mexique, en Californie, à travers le Pacifique, puis au pôle Sud. Bougainville sera remplacé par Baudin. Une guerre avec l’Autriche entraine le Directoire à annuler l’expédition.

Humboldt fait alors la connaissance d’Aimé Bonpland, chirurgien de marine et naturaliste amateur. Aimé Bonpland devait, comme Humboldt, participer à l’expédition de Baudin. Ils deviennent amis et décident de rejoindre l’expédition savante qui suit les troupes napoléoniennes en Égypte. Le bateau qu’ils devaient prendre ne parvient jamais à Marseille, où ils sont venus l’attendre. Ils décident alors d’aller à pied en Espagne pour prendre un bateau pour Smyrne. Pendant les six semaines de trajet, Humboldt fait de méticuleux relevés géographiques.

Humboldt est présenté au roi Charles IV d’Espagne, à Madrid, en mai 1799. Il obtient de lui des passeports avec le sceau royal qui garantit aux voyageurs l’assistance des autorités qu’ils rencontrent, dans les colonies espagnoles d’Amérique du Sud et dans les Philippines. Bonpland devient officiellement compagnon et secrétaire de Humboldt. Ils sont les premiers à effectuer une exploration scientifique digne de ce nom. L’ambition majeure de Humboldt pendant son voyage aux Amériques est de découvrir l’interaction des forces de la nature et les influences qu’exerce l’environnement géographique sur la vie végétale et animale.

Le 5 juin 1799, ils embarquent, avec une grande quantité d’instruments de mesure, à La Corogne, à bord de la corvette Le Pizarro à destination du Venezuela. Après deux semaines en mer, ils font escale quelques jours aux Canaries, où ils escaladent le pic de Teide, la première montagne gravie par Humboldt hors du continent européen. Ils arrivent le 16 juillet à Cumaná au Venezuela, à l’est de Caracas. Pendant la navigation, Humboldt fait des mesures astronomiques, météorologiques, de magnétisme, de température et de composition chimique de la mer.

À Cumaná, il assiste au marché aux esclaves de la ville. En Amérique, il a un profond dégoût pour la façon dont se vendent et s’évaluent les esclaves, devenant toute sa vie un « abolitionniste convaincu ». À la mi-novembre de l’année 1799, accompagnés d’un domestique nommé José de la Cruz, Alexander von Humboldt et Aimé Bonpland partent en voilier pour Caracas, emmenant avec eux 4 000 spécimens de plantes et d’insectes qu’ils ont déjà amassés.

L’exploration de la forêt tropicale par Humboldt et Bonpland a pour but de confirmer la présence d’un canal naturel entre l’Orénoque et l’Amazone, le canal de Casiquiare, et de localiser le lieu exact de la source de l’Orénoque. Après des semaines de préparatifs, ils quittent Caracas, le 7 février 1800, avec leur domestique et quatre mulets, chargés notamment d’instruments de mesure. De quoi permettre à Humboldt de relever méticuleusement la température des cours d’eau, du sol et de l’air, et la pression atmosphérique, l’inclinaison magnétique, la longitude et la latitude.

Avant de se rendre à Calabozo, dans le Sud, ils font un détour vers l’Ouest en passant par la luxuriante vallée d’Aragua qui abrite le lac de Valencia. C’est là que Humboldt émet l’hypothèse que le climat peut être modifié par l’homme. Le 10 mars 1800, ils entament leur traversée de la steppe des Llanos avant d’atteindre Calabozo où Humboldt capture des anguilles électriques (Electrophorus electricus) afin de poursuivre son étude sur l’électricité dans le monde animal.

À la fin du mois de mars, ils arrivent à San Fernando de Apure. Le 30 mars, ils embarquent à bord de pirogues sur le rio Apure avec un pilote et quatre indiens pour pagayer21. Certains passages nécessitent de faire porter la pirogue à travers la forêt. Les piqûres de moustiques les font cruellement souffrir. Au cours de ce voyage, Ils récoltent de nombreux spécimens d’animaux et de plantes alors inconnus en Europe.

Ils quittent l’Orénoque aux eaux fangeuses pour le río Atabapo, un affluent aux eaux claires et limpides, puis passent par d’étroits canaux à travers la forêt. Ils font porter leur pirogue sur onze kilomètres jusqu’à un affluent de l’Amazone par vingt-trois Indiens pendant trois jours. Humboldt décide de remonter le rio Negro, un affluent de l’Amazone, vers le canal de Casiquiare dont il relève rigoureusement la position, quand il l’atteint le 11 mai 180022. Humboldt et Bonpland ne sont pas les premiers Européens à emprunter cette voie, mais la rigueur de leurs relevés et de leurs descriptions lève les doutes quant à l’existence d’un passage navigable entre l’Amazone et l’Orénoque. Après avoir navigué sur le Casiquiare pendant dix jours, ils retrouvent l’Orénoque et descendent le fleuve.

Le 31 mai, ils explorent la région des tribus indigènes Maypures et Atures et découvrent des sépultures et objets anciens appartenant à la tribu disparue des Atures. Les Indiens Guareca de la région leur montrent un vieux perroquet apprivoisé qui répétait quelques mots d’une langue incompréhensible, laquelle, selon eux, était la langue de cette tribu éteinte.

Le 13 juin 1800, après trois semaines en remontant vers le Nord, puis l’Est, sur le fleuve Orénoque, Humboldt et Bonpland arrivent à Angostura où ils restent un mois, étant tombés malades. Ils ne retrouvent leur point de départ en Amérique du Sud, Cumaná, qu’à la fin du mois d’août.

Le 24 novembre 1800, Humboldt et Bonpland embarquent pour Cuba où il se lient d’amitié avec Francisco Arrango y Parreño, le plus grand planteur de sucre de l’île, et sont reçus par le Marquis de Someruelos. Humboldt apprend à Cuba que l’expédition du capitaine Nicolas Baudin, à laquelle il avait souhaité participer trois ans plus tôt, a quitté la France et doit arriver à Lima (Pérou). Aussi souhaite-t-il la rejoindre afin de participer à leur tour du monde. Le 30 mars 1801, Humboldt et Bonpland débarquent à Carthagène, dans l’actuelle Colombie, qu’ils quittent le 6 avril avec pour objectif de rejoindre le rio Magdalena. Il leur faut presque deux mois pour remonter le fleuve jusqu’à la ville de Honda, le 15 juin. Ils arrivent à Bogota le 8 juillet 1801, où ils sont reçus par de nombreux notables, notamment le botaniste espagnol José Celestino Mutis, qui s’était établi dans cette ville.

Le 8 septembre 1801, Humboldt et Bonpland, toujours accompagnés de leur domestique José de la Cruz, partent de Bogota avec une dizaine de bœufs et de mulets pour le transport des provisions et cinq porteurs pour celui des instruments de mesure, plus fragiles. Le 6 janvier 1802, ils arrivent à San Francisco de Quito, où ils font la connaissance du jeune Carlos de Montúfar, noble créole qui les suivra au cours de leurs périples suivants.

Dans cette ville, Humboldt apprend que Nicolas Baudin ne ferait pas escale à Lima. Durant cinq mois, il en profite pour tenter l’escalade, avec plus ou moins de succès, des volcans proches de Quito : le Pichincha, le Cotopaxi et l’Antisana.

Humboldt, Bonpland et Montúfar décident toutefois de se rendre à Lima et quittent Quito le 9 juin 1802. Pour pallier l’absence d’alizés, ils empruntent la voie de terre le long des Andes. Ils font un bref passage près des sources de l’Amazone puis rejoignent les Andes. Ils passent douze mois en altitude à travers les volcans. Ils ont les pieds en sang, mais refusent toujours de faire comme l’aristocratie locale : se laisser porter par des Indiens dans des chaises fixées sur leur dos.

Humboldt s’assure une renommée mondiale en gravissant le Chimborazo, sommet considéré à l’époque comme le plus élevé du monde et auquel il vouera un culte particulier toute sa vie (à 70 ans, il se fait peindre en pied devant le profil du volcan). Le Chimborazo est le sommet le plus éloigné du centre de la terre, même si son élévation au-dessus du niveau de la mer est sensiblement moins élevé que celui de l’Himalaya, par exemple. Cela tient à l’aplatissement de la Terre, qui n’est pas parfaitement sphérique, et au fait que le Chimborazo est très près de l’équateur. L’ascension du Chimborazo débute le 23 juin 1802. Ils ne purent arriver au sommet, arrêtés à quelques centaines de mètres, à la fois par une profonde crevasse et par le manque d’oxygène. Ils s’élevèrent néanmoins à la plus haute altitude qu’on eût jamais atteinte alors : 5,878 m, le Chimborazo culminant à 6,310 m.

Humboldt effectue des observations dans le domaine de la sismologie et de la phytogéographie, il publiera une carte de végétation du Chimborazo à son retour34. Il déduit des alignements de volcans que les chaînes de montagnes se sont formées le long de failles géologiques. Ancien disciple des neptuniens, qui pensent que les roches se sont formées à partir de sédiments liquides, il change radicalement d’avis et se convertit au plutonisme.

L’expédition gagne Lima le 22 octobre 1802. Songeant à se rendre au Mexique, Humboldt et ses compagnons quittent l’Amérique du Sud, à bord d’un bateau, destination Guayaquil. En chemin, Humboldt prélève du guano pour en faire faire l’analyse en Europe. C’est lui qui fera connaître à l’Europe et l’Amérique du Nord ses propriétés fertilisantes. Il étudie aussi le courant froid qui longe la côte, du sud vers le nord, un courant qui portera son nom. Ils restent à Guayaquil du 4 janvier 1803 au 17 février 1803.

Ils passent l’année 1803 à parcourir le Mexique : le 23 mars, ils débarquent à Acapulco, après une traversée des plus tourmentées ; en avril, ils sont à Mexico. Humboldt y écrira son Essai politique sur le royaume de la Nouvelle Espagne, le premier essai de géographie régionale, dans lequel il ne fait qu’un récit sommaire de ses voyages.

En mars 1804, il embarque ensuite pour la Havane pour y récupérer ses collections déposées plus de trois ans auparavant.

Estimant de son devoir de saluer Thomas Jefferson, président des États-Unis, Humboldt prolonge son voyage et vogue vers Philadelphie, où il débarque à la fin mai 1804. Humboldt et ses compagnons font le trajet jusqu’à Washington où ils arrivent le 1er juin. Le lendemain, Humboldt rencontre à la Maison-Blanche Jefferson, avec lequel il parle histoire naturelle, agriculture, différences des coutumes selon les pays, et moyens d’élever le niveau de vie. Les deux hommes s’entendent si bien que Jefferson invite Humboldt à loger chez lui. Humboldt est néanmoins critique de la possession d’esclaves par Jefferson, mais il ne lui en fait pas part. Ils entretiendront une correspondance régulière jusqu’à la mort, en 1826, de Jefferson.

Humboldt est aussi accueilli par la Société américaine de philosophie, construite sur le modèle de la Royal Society de Londres et fondée par Benjamin Franklin. Humboldt passe la plus grande partie de son temps avec les membres de la Société. Bonpland et Montufar ne parlant pas anglais, leur rôle se limite de plus en plus à celui de figurants.

Le 30 juin 1804, Humboldt quitte les États-Unis pour la France sur la frégate La Favorite. À bord du navire se trouve aussi Pierre Jean François Turpin, qui deviendra l’un des grands illustrateurs botaniques de l’époque napoléonienne.

L’expédition de Humboldt et Bonpland, d’une durée de cinq ans, a coûté à Humboldt le tiers de son capital. C’est l’une des plus remarquables expéditions scientifiques, avec une moisson de données d’une valeur scientifique encore plus importante que les spécimens qu’ils ont pu rapporter. De son expédition, Humboldt a rapporté des dizaines de journaux de voyages, des centaines de croquis, et une grande quantité de notes sur l’astronomie, la météorologie et la géologie. En tout, il a ramené 60000 spécimens de plantes, dont 2000 considérées comme de nouvelles espèces par les botanistes.

Durant la première partie de leur expédition, dans le Haut Orénoque, qui a duré un an, Humboldt et Bonpland ont récolté de nombreux animaux, et 20 000 spécimens botaniques. Le tiers de leur récolte est détruit par l’humidité et les insectes, mais le bilan reste néanmoins considérable. Ils envoient en Europe leurs collections de manière morcelée, afin d’être certains qu’au moins quelques parties arriveront. Une série fera naufrage, une autre sera capturée par les Britanniques (puis restituée à Humboldt par un acquéreur, des années plus tard).

Chateaubriand dira de lui dans son édition de 1827 de Voyages en Amérique : « En Amérique, l’illustre Humboldt a tout peint et tout dit ».

Humboldt arrive au large de Bordeaux le 1er août 1804. Il s’installe à Paris, au 3 quai Malaquais, où il résidera de 1804 à 1824. Il retrouve le monde scientifique de son temps. Il fait partie de la Société d’Arcueil formée autour du chimiste Berthollet où se rencontrent également François Arago, Jean-Baptiste Biot, Louis-Joseph Gay-Lussac avec lesquels Humboldt se lie d’amitié. Ils publient ensemble plusieurs articles scientifiques. Humboldt et Gay-Lussac mènent des expériences communes sur la composition de l’atmosphère, sur le magnétisme terrestre.

Humboldt offre son herbier au muséum d’histoire naturelle de Paris, où il fait connaissance avec le naturaliste Georges Cuvier. La collection est acceptée par décret en 1805.

Il publie en français la relation de son voyage et fréquente les salons parisiens comme celui de Madame de Récamier. Il se lie d’amitié avec Chateaubriand. Il est reçu par Napoléon, qui le soupçonne d’espionnage pour le compte de la Prusse.

Humboldt est reconnu par les plus grands scientifiques de son temps. Il est élu Correspondant pour la section de physique générale de la 1re Classe de l’Institut national des sciences et des arts le 16 pluviôse an XII (6 février 1804), puis Associé étranger de l’Académie des sciences le 14 mai 1810.

Paris est la capitale de la science et, malgré la demande de son frère de rentrer en Prusse et les rentes qu’il pourrait y recevoir sans efforts, Humboldt décide d’y rester pour trier ses collections et préparer un ouvrage monumental à partir de son expérience.

Au cours d’une soirée chez Fanny de Trobriand,[réf. nécessaire] en 1804, Humboldt rencontre le révolutionnaire vénézuélien Simón Bolívar qui lui aurait exposé ses idées politiques. Les deux hommes s’accordaient sur le fait que les Espagnols devaient laisser placer en Amérique du Sud à des nations indépendantes.

Avant de rencontrer Gay-Lussac chez Berthollet, en 1805, Humboldt avait appris que le jeune physicien avait battu son record d’altitude atteint sur le mont Chimborazo en mesurant l’atmosphère à bord de son ballon. En 1799, Gay-Lussac avait également rédigé un compte-rendu critique du rapport sur l’eudiométrie présenté par Humboldt à l’Institut national. Leur rencontre scelle néanmoins une amitié durable qui ne prit fin qu’avec leur vie et qui est à l’origine de plusieurs découvertes scientifiques.

En mars 1805, Humboldt et Gay-Lussac entreprennent un voyage scientifique en Italie pour étudier le magnétisme terrestre. Fin avril à Rome, ils retrouvent Wilhem, le frère d’Alexander, et son épouse, qui s’y étaient installés depuis deux ans et demi. Le 16 juillet, ils partent pour la région de Naples, le 12 août, ils assistent à une éruption du Vésuve51. Ils publieront à leur retour des Observations sur l’intensité et l’inclinaison des forces magnétiques (1808). Ils confirment ainsi la loi découverte par Humboldt en Amérique, suivant laquelle l’intensité de la force magnétique est croissante en allant de l’équateur aux pôles, les inclinaisons diminuant de manière régulière en fonction de la latitude .

Ils mènent également des expériences sur l’eau au moyen de l’eudiomètre et constatent la simplicité du volume des deux gaz combinés (2,00) alors que Fourcroy, Vauquelin et Seguin donnaient le nombre fractionnaire 2,05. En étendant cette propriété à tous les gaz, Gay-Lussac formule la Loi de Gay-Lussac qui est l’une des principales lois de la chimie moderne et lui vaut d’être élu à l’Académie des sciences en 1806.

De l’Italie, où ils croisent le chemin du physicien Alessandro Volta, Gay-Lussac et Humboldt, se rendent à Berlin où ils arrivent le 16 novembre 1805. Nommé Chambellan du roi Frédéric-Guillaume III, Humboldt travaille avec une équipe à regrouper, ordonner et mettre au propre les données qu’il a recueillies. Il fait des mesures de magnétisme jour et nuit et remarque que l’aiguille varie selon l’heure. C’est durant son séjour à Berlin que Humboldt, se sentant triste et isolé, rédige dans sa maison de campagne ce qui va devenir son ouvrage le plus vendu, traduit en onze langues, Tableaux de la nature : « Un genre littéraire complètement inédit, qui mêlait belle écriture, généreuses descriptions de paysages et observations scientifiques », pointe sa biographe Andrea Wulf. L’ouvrage sort en France en 1808, édité par Frédéric Schoell et traduit par Jean-Baptiste Eyriès.

À la mi-novembre 1807, Alexander von Humboldt est envoyé par le roi de Prusse, Frédéric-Guillaume III, avec le prince Guillaume en ambassade à Paris pour faire diminuer le montant des indemnités de guerre fixées par les traités de Tilsit. Il travaille à l’édition de son voyage qui ne sera achevée qu’en 1834. La collection comporte quatorze titres et trente volumes.

Humboldt reste à Paris et peut se consacrer à ses travaux. Depuis que la France a envahi la Prusse, Humboldt ne reçoit plus de revenus de ses domaines. Il vit à Paris dans une chambre meublée qu’il partage avec Gay-Lussac, rue de la vieille Estrapade, puis rue d’Enfer, près de l’Observatoire. Il ne dort jamais plus de trois à quatre heures par nuit.

En 1809, il rencontre François Arago, de quinze ans son cadet, avec lequel il sympathise et qui va rester un proche jusqu’à la fin de sa vie. Ils font des expériences ensemble à l’Observatoire.

Depuis 1807, il est étroitement surveillé par la police française parce qu’il est allemand et que sa correspondance privée reflète les opinions politiques des salons parisiens. Il écrit de 1 000 à 2 000 lettres par an. Son courrier est d’ailleurs est d’ailleurs ouvert par la police française. Napoléon, qui se méfie de Humboldt, lui demande en 1810 de quitter la France. Mais il est autorisé à rester à Paris grâce à l’intervention du chimiste Jean-Antoine Chaptal, alors trésorier du Sénat.

Malgré la chute du Premier Empire en 1814, Humboldt persiste à rester en France, ce qui irrite le prince Guillaume. Lors de l’occupation de Paris par les troupes prussiennes, il intervient pour protéger le Muséum national d’histoire naturelle ou éviter la destruction du Pont d’Iéna. Il refuse le poste d’ambassadeur de Prusse à Paris, car il ne veut pas cautionner la politique réactionnaire qui gouverne l’Europe après la chute de Napoléon.

Pendant qu’il habite Paris, il fait plusieurs séjours à Londres, notamment afin d’obtenir de la Compagnie britannique des Indes orientales l’autorisation de faire une expédition dans l’Himalaya. Sans succès.

Il fonde avec d’autres savants la Société de géographie en 1821.

En 1826, Humboldt reçoit une lettre du roi de Prusse lui enjoignant de quitter Paris, où il ne peut désormais séjourner que quatre mois par an. Le 14 avril 1827, il quitte donc Paris pour Berlin, en faisant un détour par Londres. Il retourne à la Royal Society, où il retrouve entre autres les scientifiques John Herschel et Charles Babbage. Il fait également la connaissance de Mary Somerville, alors l’une des rares femmes scientifiques en Europe. Son séjour est marqué, le 26 avril 1827, par une descente en cloche de plongée, dans la Tamise, afin d’inspecter la construction du premier tunnel sous ce fleuve.

Arrivé à Berlin, le 12 mai 1827, il exerce ses fonctions de chambellan auprès du roi, dans un contexte où le pouvoir politique est très conservateur et répressif. Il est beaucoup critiqué pour ses idées libérales et son attachement à la France.

À partir du 3 novembre 1827, Humboldt obtient beaucoup de succès en donnant des cours à l’université, puis des conférences devant un public plus large60. Parce qu’à Berlin la communauté scientifique n’organise pas, comme à Paris, des réunions savantes pour confronter les idées, Humboldt y convoque une réunion de l’Association Scientifique, à laquelle participent six cents savants parmi les plus renommés. À partir de ses conférences mises en forme, il commence à rédiger Cosmos, essai d’une description physique du monde.

C’est pour ses connaissances en géologie qu’Alexander von Humboldt va pouvoir effectuer une expédition en Sibérie. À l’automne 1827, le ministre russe des finances, Georg von Cancrin, demande à Humboldt son avis sur l’émission de pièces de monnaie en platine. Le cours du platine étant instable, Humboldt émet un avis défavorable et propose d’aller étudier les mines de l’Oural.

En mars 1829, il se rend en Russie aux frais du tsar Nicolas Ier, avec Gustav Rose, professeur de chimie et de minéralogie, Christian Gottfried Ehrenberg, zoologiste, et son valet de chambre Johann Seifert. À Saint-Pétersbourg, il est accueilli comme une importante personnalité officielle, et partage ses repas avec la famille du tsar. Le 20 mai 1829, l’expédition quitte Saint-Pétersbourg pour Moscou. Au départ de Moscou, le 28 mai, l’expédition s’est agrandie de responsables de l’industrie minière, et de bureaucrates des autorités locales. Dans la ville de Nijni Novgorod, en chemin, elle est rejointe par le comte Adolphe de Polier, un géologue français qui avait épousé une riche femme russe.

Humboldt passe un mois à étudier les mines de l’Oural. Grâce à la présence de filons de platine et de sables aurifères, il prédit la présence de diamants dans l’Oural. Avec Rose, il scrute au microscope chaque gisement d’or rencontré. C’est le comte Polier, propriétaire de certains de ces gisements qui, appliquant la théorie d’Humboldt, trouvera le premier diamant de l’Oural.

À la fin du mois de juillet, l’expédition atteint Tobolsk. Au lieu de se conformer aux instructions de Cancrin et d’aller directement à Omsk, Humboldt décide de faire un détour. Se réjouissant de pouvoir se rendre dans des régions plus sauvages, il prolonge son voyage vers l’Est afin d’étudier les monts Altaï. La traversée de la steppe de Baraba par l’expédition est marquée par l’épidémie de bacille du charbon qui sévit dans la région. Le 2 août, l’expédition arrive dans la ville minière de Barnaoul où elle rencontre Friedrich August von Gebler. Le 17 août, elle parvient à Baty, un poste frontière avec la Mongolie et la Chine, située sur l’Irtych.

Comme à son habitude, Humboldt fait des mesures barométriques. Humboldt et ses compagnons reviennent après six mois d’expédition, après avoir parcouru près de dix-neuf mille kilomètres. Humboldt y a étudié et simulé la mise en place d’un réseau de stations magnétiques et météorologiques, faisant des observations régulières et fonctionnant avec des appareils identiques. Il laisse le soin à Rose et Ehrenberg de publier les résultats de l’expédition. Ce n’est qu’en 1843 que paraîtra son Asie Centrale en trois volumes.

Humboldt continue de séjourner régulièrement à Paris. Le roi de Prusse lui demande de renforcer les liens entre la Prusse et la France. Humboldt reste deux ans à Paris en 1842-1843 et plus d’un an en 1844 et 1847. Il envoie de nombreux rapports sur la Monarchie de Juillet.

En 1845, il devient pour un an le président de la Société de géographie, dont il reste membre jusqu’à sa mort.

En 1852, Humboldt reçoit la médaille Copley de la Royal Society de Londres. La revue Cosmos est fondée par l’abbé Moigno cette année-là en son honneur.

À l’accession de Frédéric-Guillaume IV au trône de Prusse, Humboldt utilise sa fonction de chambellan et conseiller privé du roi pour plaider en faveur de l’émancipation des juifs et de l’abolition du servage en Prusse. Le roi l’utilise comme encyclopédie ambulante. La popularité de Humboldt reste grande, malgré les inimitiés qu’il se fait parmi les milieux réactionnaires proches du roi. En 1857, la folie qui atteint le roi permet à Humboldt d’avoir plus de temps pour ses travaux.

Humboldt décède de mort naturelle le 6 mai 1859 et bénéficie de funérailles nationales.

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