Mikhaïl Boulgakov, écrivain et médecin.

Mikhaïl Afanassievitch Boulgakov (en russe : Михаил Афанасьевич Булгаков), né le 3 mai 1891 (15 mai dans le calendrier grégorien) à Kiev et mort le 10 mars 1940 à Moscou, est un écrivain et médecin russe puis soviétique.

Mikhaïl Boulgakov travaille d’abord comme médecin durant la Première Guerre mondiale, la Révolution russe et la guerre civile russe. À partir de 1920, il abandonne cette profession pour se consacrer au journalisme et à la littérature, où il est confronté, tout au long de sa carrière, aux difficultés de la censure soviétique.

Mort à seulement 48 ans, il a écrit pour le théâtre et l’opéra, mais il est surtout connu pour des œuvres de fiction comme les romans La Garde blanche, paru en 1925, et Le Roman de monsieur de Molière, achevé en 1933 (publié en URSS, de manière expurgée, en 1962 et de manière intégrale en 1989), ou la nouvelle Cœur de chien achevée en 1925, mais publiée en URSS en 1987.

Son œuvre la plus connue est Le Maître et Marguerite, roman plusieurs fois réécrit et retravaillé entre 1928 et 1940, publié en URSS dans son intégralité pour la première fois en 1973, dans lequel il mêle habilement le fantastique et le réel, de telle sorte que le fantastique passe pour réel, et le réel pour fantastique2, ainsi que les époques et les lieux, Jérusalem au Ier siècle, sous Ponce Pilate, et Moscou, dans les années 1930, sous la dictature stalinienne.


Mikhaïl Boulgakov est le fils aîné d’Afanassi Ivanovitch Boulgakov,  d’origine russe et fils d’un prêtre d’Orel et lui-même maître de conférences d’histoire des religions occidentales à l’académie de Kiev, et de Varvara Mikhaïlovna, d’origine russe, née Pokrovskaïa, fille d’un archiprêtre de Karatchev (à l’époque dans le gouvernement d’Orel, actuellement dans l’oblast de Briansk), qui a été enseignante avant son mariage. La grand-mère maternelle de Boulgakov est née TourbineNote 1. Naissent ensuite quatre sœurs : Vera en 1892, Nadejda en 1893, Varvara en 1895 et Elena en 1902, et deux frères : Nikolaï en 1898 et Ivan (Vania) en 1900.

En 1901, Mikhaïl entre au lycée Alexandrovski de Kiev. La même année, les Boulgakov font bâtir une datcha à Boutcha, à 30 kilomètres de Kiev, où ils se réunissent l’été et organisent des spectacles d’amateurs familiaux et amicaux. La famille aime et pratique la musique. Mikhaïl apprend le piano. À Kiev, après six déménagements, les Boulgakov s’installent, en 1906, dans un appartement loué au 13, descente Saint-André (qui sera le cadre du roman La Garde blanche). Au début de l’année 1907, Afanassi Boulgakov se voit conférer par l’académie ecclésiastique le titre de docteur, le grade de professeur et une retraite correspondant à trente ans de service (alors qu’il n’en a accompli que vingt-deux). Mais souffrant de graves complications d’une hypertension artérielle et devenu aveugle, il meurt en mars 1907 des suites d’une insuffisance rénale causée par une néphroangiosclérose.

À l’été 1908, Boulgakov fait la connaissance de celle qui sera sa première épouse, Tatiana (Tassia) Lappa, fille du directeur des douanes de Saratov. En juin 1909, il termine ses études secondaires, qui ont été très honorables malgré un penchant marqué pour les mystifications et les surnoms. Il s’inscrit à la rentrée à la faculté de médecine de l’université nationale Taras-Chevtchenko de Kiev, où il obtiendra son diplôme de médecin en 1916.

À cette époque, ses opinions sont monarchistes et libérales. Le centre de sa vie est le cercle familial, élargi à de nombreux cousins et camarades. Il a déjà une passion pour le théâtre et l’opéra et fréquente assidûment l’opéra de Kiev et le théâtre Solovtsov. En 1913, Boulgakov épouse Tatiana Lappa. L’année suivante, en vacances chez sa belle-famille à Saratov quand éclate la guerre, il travaille durant tout l’été à l’hôpital de secours fondé dans la ville pour accueillir les blessés. En avril 1916, il est reçu avec mention aux examens terminaux, anticipés en raison de la guerre et s’enrôle  immédiatement comme médecin volontaire dans la Croix-Rouge.

En septembre 1916, il est convoqué à Moscou, où on lui signifie son affectation, en qualité de réserviste de la défense territoriale de 2e classe dans un hôpital civil du gouvernement de Smolensk, au village de Nikolskoïé, à quarante verstes du chef-lieu de district de Sytchiovka (expérience qui lui inspirera les Carnets d’un jeune médecin). Accablé de travail et de responsabilités très lourdes pour un jeune médecin isolé, il s’acquitte avec conscience de sa tâche. Par ailleurs, il devient  morphinomane, à la suite d’une allergie au sérum antidiphtérique dont il a été soulagé par des injections de morphine. Au printemps 1917, il bénéficie de deux congés, l’un qu’il passe à Saratov, où il apprend les premiers événements de la révolution de Février à Petrograd, l’autre à Kiev.

À l’automne, il est muté à hôpital de Viazma, où il est moins pris par son travail et commence à écrire plusieurs récits, dont aucun n’a été conservé : Maladie (première version de Morphine), inspiré de sa morphinomanie, Le Dragon vert, Carnets d’un jeune médecin (titre qui deviendra celui d’un ensemble de récits achevés en 1925-1926), Première floraison. En décembre, alors que les bolcheviks, arrivés au pouvoir à l’occasion de la révolution d’Octobre, ont été chassés de Kiev (Nikolaï Boulgakov a participé, comme junker, à la résistance de la ville) et que la Rada, assemblée nationaliste ukrainienne, proclame la République populaire ukrainienne, Boulgakov est à Moscou, occupé par des démarches pour se faire libérer du service militaire, sans résultat. De retour à Viazma, il attend jusqu’au 22 février 1918 pour être libéré de ses obligations militaires et rentre à Kiev par Moscou.

Installé avec sa femme, ses frères et ses sœurs au 13, descente Saint-André, il ouvre un cabinet médical de vénérologie. Sa mère, remariée avec le docteur Voskressenski, habite au 56 de la même rue. Au printemps 1918, avec l’aide de sa femme et de son beau-père, Boulgakov parvient enfin à se libérer complètement de sa morphinomanie. À Kiev, il est témoin de l’évolution de la situation, entre le gouvernement du hetman Pavlo Skoropadsky, créature de l’occupant allemand, les nationalistes ukrainiens, dirigés par Symon Petlioura, l’Armée des volontaires (future Armée blanche), organisée en octobre 1918 par le général Anton Ivanovitch Dénikine pour arrêter l’avance des bolcheviks, et le corps expéditionnaire franco-britannique envoyé en novembre en mer Noire. Kiev, à l’époque, sert de centre de ralliement de tous les réfugiés du nord fuyant le gouvernement communiste.

Ces événements, et plus particulièrement la prise de Kiev par les troupes de Simon Petlioura, constituent la toile de fond de La Garde blanche et des Jours des Tourbine. Mobilisé par le Directoire d’Ukraine, dont les Français se sont institués protecteurs, en s’entendant avec les généraux  monarchistes Dénikine et Krasnov, Boulgakov assiste à des scènes sanglantes, notamment des crimes antisémites, et à l’évacuation de Kiev par Petlioura, menacé d’encerclement par les bolcheviks, le 5 février 1919, événements dont on trouve la trace dans La Garde blanche, Les Aventures extraordinaires du docteur N. et La Nuit du 2 au 3. Il parvient à s’échapper de l’armée en déroute de Petlioura au bout de deux jours, dans la nuit du 2 au 3 février 1919.

Le 1er septembre, sous la double pression des nationalistes ukrainiens, et d’un corps de l’Armée des Volontaires russe anticommunistes, les bolcheviks évacuent Kiev, et Ivan et Nikolaï Boulgakov s’engagent dans l’armée de Dénikine. Boulgakov est hanté par les dangers que ses frères courent dans le Sud, hantise qui lui inspirera La Couronne rouge. Lui-même est réquisitionné par l’Armée blanche en tant que médecin, fin septembre ou début octobre, et rejoint Vladikavkaz. Le 13 novembre 1919, il publie dans Grozny, journal soutenant Dénikine, un article violemment antibolchévique, très pessimiste, intitulé « Perspectives d’avenir », qu’il signe « M. B. ».

En 1920, installé à Vladikavkaz, Boulgakov décide d’abandonner la médecine pour se consacrer à l’écriture. Il publie plusieurs récits (Au café le 5 janvier, un récit sous-titré « Tribut d’admiration » le 6 ou le 7 février) et collabore à un éphémère journal blanc.

Atteint du typhus lors de l’installation des bolcheviks, il ne peut s’enfuir et demeure donc à Vladikavkaz. Fin mars, il se fait engager à la sous-section des Arts de la ville, dirigée par Iouri Sliozkine, un romancier à succès avant la Révolution, qui s’associe Boulgakov comme directeur du « Lito » (département « Littérature » de cet organisme). Le 1er mai, un Théâtre soviétique est inauguré ; Boulgakov y présente des spectacles, organise des soirées culturelles, anime des débats, assure la critique littéraire et théâtrale dans la presse locale. Fin mai, il prend la direction du Téo (département « Théâtre ») et organise aussitôt un studio d’art dramatique. Le 3 juin est jouée sa première pièce, Autodéfense (dont nous n’avons aucune trace), une « humoresque en un acte ». Durant l’été, il écrit un drame en quatre actes, Les frères Tourbine, sous-titrée « L’heure a sonné », qui remporte un grand succès à partir du 21 octobre, mais dont il n’est pas content, ayant dû bâcler pour des raisons alimentaires un sujet qui lui tenait à cœur. De même, une pièce en trois actes, Les Communards de Paris, écrite en dix jours, est créée à Vladikavkaz entre janvier et mars 1921.

Varvara Boulgakova, sœur de Mikhaïl Boulgakov, dans les années 1920.
À la même époque a lieu une polémique avec le quotidien local Kommounist (« Le Communiste »), dont il n’a pas supporté que le directeur attaque Pouchkine lors d’un débat, et il est traité de « bourgeois ». Le 25 novembre, qualifié de « blanc », Boulgakov est expulsé de la sous-section des Arts. Ne pouvant faire publier les récits qu’il écrit ni jouer sa comédie bouffe, Les Prétendants d’argile, il quitte Vladikavkaz en mai 1921 et pérégrine entre Bakou, Tiflis et Batoum, hésitant un moment à s’embarquer vers Constantinople, avant de partir sur les conseils du poète Ossip Mandelstam pour Moscou, à la fin de septembre 1921.

Nullement fasciné par la Révolution d’Octobre, à la différence de nombre d’intellectuels, Boulgakov comprend néanmoins que le régime est durablement en place. À partir de son installation à Moscou, et jusqu’en 1925, il multiplie les travaux alimentaires et les petits emplois, tout en écrivant ou réécrivant ses premières nouvelles et un roman sur la guerre civile. Son ambition est de prendre place parmi les plus grands écrivains de la littérature russe.

Engagé le 1er octobre au Lito de Moscou, il s’installe avec sa femme au 10, rue Bolchaïa-Sadovaïa et écrit plusieurs articles, qu’il a le plus grand mal à placer, à cause notamment de la censure. Après la dissolution du Lito, le 1er décembre 1921, il obtient un emploi modeste au Torgovo-promychlenny Vestnik (« Le Courrier du Commerce et de l’Industrie »), journal indépendant qui vient de se fonder dans le cadre de la NEP. Ce n’est qu’en 1922 qu’il entre dans le monde littéraire. Après la disparition du Vestnik, en janvier (au bout de six numéros), il trouve un emploi dans les services éditoriaux d’un comité scientifique et technique dépendant de l’armée de l’air (début février), puis est engagé comme journaliste dans un organe officiel du parti communiste, Rabotchi (« L’Ouvrier »), dirigé par Nadejda Kroupskaïa, la femme de Lénine. De même, en avril, il entre en relation avec Nakanounié (« À la veille »), organe de l’émigration russe de la tendance « Changement de jalons », installé à Berlin, dont le supplément littéraire hebdomadaire est dirigé par Alexeï Tolstoï, et se fait embaucher comme rédacteur-réviseur au Goudok (« Le Sifflet »).

En mai 1922 paraît Aventures extraordinaires du docteur N. dans le deuxième numéro du mensuel Roupor (« Le Porte-voix »). De même, Nakanounié publie la première partie de Notes sur des manchettes le 18 juin, La Ville de pierres rouges le 30 juillet, les Aventures de Tchitchikov le 24 septembre (histoire fantastique qui renvoie au roman Les Âmes mortes de Gogol), La Couronne rouge le 22 octobre, La Nuit du 2 au 3 le 10 décembre, le premier chapitre de La Capitale en bloc-notes le 21 décembre et La coupe de la vie le 31 décembre. De même, dans le numéro 2 de décembre de Krasny journal dlia vsekh (« La Revue Rouge pour tous ») paraît Le 13, Immeuble Elpit – Commune ouvrière. Par ailleurs, dans son numéro 4 de décembre, la revue Rossia (« Russie ») fait figurer Boulgakov dans la liste de ses collaborateurs et, par lettre datée du 29 décembre, la rédaction de Nakanounié l’invite à collaborer régulièrement au journal.

Durant les années qui suivent, Boulgakov consacre une bonne part de son travail à publier dans la presse des articles de variété et des récits. Au Goudok, il devient ainsi, en février 1923, l’auteur attitré des récits humoristiques. Il y noue d’ailleurs des relations avec d’autres écrivains provinciaux débutants. Fin juillet, l’almanach Vozrojdenié (« Renaissance ») publie une seconde version de la première partie de Notes sur des manchettes, mais ne peut obtenir que le récit soit publié en volume, à cause du veto de la censure. En septembre, il noue des relations amicales avec Alexeï Tolstoï, rentré depuis un mois à Moscou, où il œuvre avec d’autres à consolider le mouvement « Changement de jalons » en Union soviétique. Durant l’automne et l’hiver, Boulgakov s’épuise dans des travaux qu’il juge alimentaires, l’assiduité obligatoire dans les bureaux du Goudok lui pèse, et les personnalités rassemblées autour de Nakanounié commencent à lui inspirer une méfiance inquiète.

En janvier 1924, lors d’une réception où l’on fête le retour définitif en Russie des auteurs de la tendance « Changement de jalons », Boulgakov noue une idylle avec Lioubov Evguenievna Bielozerskaïa, revenue de Berlin avec son compagnon Vassilevski-Niéboukva, journaliste collaborateur de Nakanounié. Au début de cette année, il parvient à caser des textes dans d’autres périodiques que Goudok et Nakanounié. Fin février ou début mars, la nouvelle Endiablade paraît dans le numéro 4 de Niedra, que son directeur-fondateur, Nikolaï Angarski, rencontré vers la mi-octobre 1923, avait accepté sans hésiter. Elle est remarquée par Zamiatine qui en fait une critique nettement favorable. De même, la nouvelle Le Brasier du khan est publiée en février dans le numéro 2 de Krasny journal. L’Île pourpre paraît le 20 avril dans Nakanounié. En août 1924, Boulgakov et Tatiana Lappa, officiellement divorcés en avril22, changent de logement dans le même immeuble ; ils occupent désormais une pièce dans l’appartement 34. En septembre, Boulgakov trouve un premier logement où cohabiter avec L. E. Bielozerskaïa, avec laquelle il s’installe, début novembre, au 9, traverse Tchisty (ex-Oboukhov). Ils se marient le 30 avril 1925.

En décembre est enfin publié, après bien des difficultés, car jugé trop favorable à la cause des blancs, dans le numéro 4 de Rossia le premier tiers (chapitres I à VII) de La Garde blanche, roman sur la guerre civile. Suit la deuxième partie (chapitres VIII à XIII) dans le numéro 5, fin avril 1925. La troisième partie (chapitres XIV à XIX) doit être éditée dans le numéro 6. Mais la revue cesse de paraître, fin octobre 1925, alors que la troisième partie n’a toujours pas été payée à Boulgakov et que l’éditeur ne lui a pas renvoyé le manuscrit. Celui-ci ne lui sera restitué qu’en mai 1926. Durant l’année 1925, Boulgakov publie dans Krasnaïa Niva (« Glèbe Rouge ») un nouveau récit autobiographique, La bohème, le 4 janvier et rédige la nouvelle Cœur de chien (qu’il ne parviendra jamais à publier). Fin juillet, un recueil de nouvelles intitulé Endiablade paraît à Moscou, mais le volume est confisqué par le Glavlit et retiré des librairies durant l’été.

Dès son entrée au Théâtre d’art, où seule la peur des réactions du pouvoir avait empêché d’agréer la demande d’emploi de Boulgakov, l’écrivain se lance dans une adaptation scénique du roman de son « maître » Nicolas Gogol, Les Âmes mortes. Après le rejet d’une première version, le 7 juillet 1930, il rédige une seconde version, lue le 31 octobre, elle-même refondue en novembre pour tenir compte des objections du Théâtre. Les répétitions commencent le 2 décembre, mais le Théâtre d’art, toujours insatisfait du texte, lui demande de modifier profondément sa structure. La première a lieu le 28 novembre 1932.

Dans le même temps, il rédige une pièce pour le Théâtre rouge de Léningrad et le théâtre Vakhtangov de Moscou, Adam et Ève, qu’il achève le 22 août 1931. À Moscou, la pièce est refusée, à la demande du général Yakov Alksnis, chef d’état-major de l’Armée de l’air, sous prétexte qu’on y voit représentée la destruction de Léningrad. Pour le théâtre rouge, il ne parvient pas à obtenir l’aval de la censure locale, et la pièce n’est finalement pas jouée.

Cependant, au printemps 1931, Boulgakov reprend par à-coups son travail sur son « roman sur le diable ». De même, après introduction des  modifications demandées, et sur l’intervention de Gorki, le Glavrepertkom autorise finalement, le 6 octobre 1931, la pièce Molière (nouveau nom de La Cabale des dévots), qui doit être jouée par le Grand Théâtre dramatique de Leningrad. Celui-ci dénonçant le contrat deux semaines avant la date prévue par la première, le 14 mars, la pièce est confiée au Théâtre d’art, qui le met en répétitions le 31 mars, et ce, jusqu’à leur interruption, le 25 novembre 1932. Par ailleurs, en septembre 1931, il se lance dans l’adaptation scénique de Guerre et Paix de Léon Tolstoï pour le Grand Théâtre dramatique de Léningrad. Achevée le 25 février 1932, cette adaptation ne sera jamais jouée.

Sur le plan sentimental, le grand amour entre Boulgakov et Elena Sergueïevna connaît des moments difficiles à l’automne et l’hiver 1930, celle-ci ne pouvant se résoudre à briser sa famille. Fin décembre-début janvier 1931, ils passent quelques jours ensemble dans une maison de repos proche de Moscou. Le 25 février, menacée par son mari d’être séparée de ses enfants, elle se décide finalement à rompre leur liaison.

Brusquement, le 15 janvier 1932, Boulgakov est informé par le Théâtre d’art de Moscou de la reprise prochaine des Jours des Tourbine, sur décision personnelle de Staline. Le 24 décembre 1931, après avoir assisté à une représentation privée de la pièce d’Alexandre Afinoguenov, La Peur, qui lui avait déplu, il avait dit aux responsables du théâtre : « Vous avez une bonne pièce, Les Jours des Tourbine ; pourquoi ne la joue-t-on pas ? ». Reprise le 18 février, la pièce sera inscrite en permanence au Théâtre d’art et jouée en tournée dans plusieurs villes de province.

En juillet 1932, Boulgakov signe avec les éditions Jourgaz un contrat pour une Vie de Molière qui doit paraître au début de 1933 dans la collection « Vies d’hommes remarquables » (fondée par Maxime Gorki) et avec le studio-théâtre Zavadski un contrat pour une traduction du Bourgeois gentilhomme de Molière ; au lieu d’une traduction, Boulgakov écrira L’Extravagant M. Jourdain, libre adaptation de plusieurs pièces de Molière. Terminée le 18 novembre et aussitôt envoyée au théâtre Zavadski, elle ne sera jamais jouée. Pour la Vie de Molière, il l’achève et la remet à l’éditeur le 5 mars 1933. Toutefois, l’éditeur lui demande une refonte complète de l’ouvrage, qu’il refuse catégoriquement, le 12 avril. L’ouvrage ne sera pas édité de son vivant.

Aux alentours du 1er septembre 1932, Boulgakov et Elena Sergueïevna renouent et décident de ne plus se quitter ; après un échange de lettres et une entrevue orageuse avec Chilovski, armé d’un pistolet, celui-ci accepte de divorcer : il gardera son fils aîné Evgueni, tandis que le cadet, Sergueï, alors âgé de 5 ans, vivra avec sa mère. Le divorce de Boulgakov et de Lioubov Evguenievna Bielozerskaïa est prononcé le 3 octobre, et, le lendemain, il fait enregistrer son mariage avec Elena Sergueïevna. Du 15 au 28 octobre, ils séjournent ensemble à Leningrad, où Boulgakov a des entretiens avec plusieurs théâtres susceptibles de donner Les Âmes mortes et La Fuite, et Boulgakov reprend le début son « roman sur le diable » (rédaction qu’il poursuivra par à-coups jusqu’en octobre 1934). Fin octobre, Elena Sergueïevna et son fils Sergueï s’installent chez Boulgakov, rue Bolchaïa Pirogovskaïa.

En mars 1933, La Fuite est mise en répétitions au Théâtre d’art, avec l’introduction en juin des changements demandés par le Glavrepertkom, mais le Théâtre d’art décide, le 29 novembre de l’exclure du programme des répétitions. À partir de mai 1933, Boulgakov travaille à Béatitude pour le music-hall de Leningrad. La première rédaction est achevée le 28 mars 1934, la seconde le 11 avril, la troisième déposée au théâtre le 23 avril. Le projet sera définitivement abandonné au début de juillet 1934. Le 9 décembre, il reçoit son premier et seul rôle de comédien au Théâtre d’art, celui du juge dans la comédie adaptée du roman de Dickens Les Papiers posthumes du Pickwick Club (qu’il jouera jusqu’à fin de l’année 1935). Entre mars et août 1934, il s’attache à adapter Les Âmes mortes en scénario pour les studios Soïouzfilm, qui l’accepte le 12 août, avant de l’envoyer pour corrections le 15 septembre, puis de le rejeter le 27 novembre. Le 18 février 1934, Boulgakov emménage dans un nouveau logement de trois pièces au 3, rue traversière Nachtchokinski, dans un immeuble coopératif d’écrivains. Dans le courant de mars, en visite au Théâtre d’art, Staline s’enquiert de Boulgakov et déclare que Les Jours des Tourbine est le meilleur spectacle du répertoire.

À partir de décembre 1934, Boulgakov se consacre aussi à la rédaction d’Alexandre Pouchkine, une pièce sur les derniers jours du grand écrivain russe qu’il coécrit d’abord avec son aîné et ami Vikenti Veressaïev, grand spécialiste de Pouchkine. Toutefois, en désaccord sur l’ouvrage, l’un réagissant en historien, l’autre en écrivain, Veressaïev se retire du projet, et Boulgakov termine seul l’ouvrage, en septembre 1935. Présentée devant le comité directeur du Bolchoï le 6 janvier 1936, proposée à différents  théâtres, la pièce est d’abord victime de la censure, avant que le Glavrepertkom ne l’autorise définitivement, le 26 juin 1939. La première aura lieu le 10 avril 1943. Toutefois, Prokofiev, en octobre 1935, puis Chostakovitch, en janvier 1936, lui proposent de composer un opéra d’après la pièce, projet qui ne se réalisera pas. De même, fin novembre 1934, il commence Ivan Vassilievitch, une pièce d’anticipation autour du  personnage d’Ivan le Terrible, achevée le 30 septembre 1935. Remise au Théâtre de la satire le 7 octobre, la comédie subit les 11 et 13 mai 1936 des représentations générales intentionnellement bâclées et est retirée de l’affiche.

Dans le même temps, il rédige une traduction de L’Avare de Molière pour les éditions Academia de Léningrad, réalisée entre novembre 1935 et janvier 1936. Durant le printemps et l’été 1936 il écrit pour le Théâtre d’art une adaptation des Joyeuses commères de Windsor de Shakespeare. Mais, devant les instructions données par la direction sur cette pièce et son Molière, il abandonne la rédaction, puis donne sa démission du théâtre le 15 septembre 1936.

Le 1er octobre, il est engagé comme librettiste-consultant au Bolchoï, pour lequel il va réaliser à l’été 1936 le livret de l’opéra Minine et Pojarski, sur une musique de Boris Assafiev ; le livret de La Mer Noire, opéra sur la bataille de Perekop (1920), entre octobre 1936 et mars 1937 ; le livret de l’opéra Pierre le Grand entre juin et septembre 1937 ; et une adaptation de la nouvelle de Maupassant Mademoiselle Fifi (intitulée Rachel) entre septembre 1938 et mars 1939. Par ailleurs, une adaptation scénique de Don Quichotte est écrite pour le théâtre Vakhtangov entre décembre 1937 et septembre 1938.

Le 6 juillet 1936, Boulgakov ouvre un nouveau cahier d’adjonctions à son roman, appelé à devenir Le Maître et Marguerite. Entre novembre 1936 et septembre-octobre 1937, il travaille à un autre roman, Mémoires d’un défunt (Roman théâtral), bilan sur son expérience théâtrale, souvent cocasse, qu’il laissera inachevé. L’hiver et le printemps 1938 sont essentiellement consacrés au Maître et Marguerite (dont le titre apparaît pour la première fois le 23 octobre dans le journal d’Elena Sergueïevna). La dernière rédaction manuscrite est achevée dans la nuit du 22 au 23 mai 1938, avant d’être dactylographiée sous la dictée de l’auteur. Après quoi il se lance dans une nouvelle rédaction du roman. Le 2 mai, il en fait lire les trois premiers chapitres à l’éditeur Angarski, qui le déclare impubliable. Il n’en poursuit pas moins la révision jusqu’en avril 1939. Entre le 27 avril et le 15 mai, il lit en plusieurs séances l’intégralité du Maître et Marguerite devant un cercle d’amis. Pour cela, il travaille au début de mai, jusqu’au 14, sur l’épilogue.

Durant l’année 1939, après une longue visite de Pavel Markov et de Vitali Vilenkine, délégués par le Théâtre d’art, dans la nuit du 9 au 10 septembre 1938, il travaille à une pièce sur Staline, Batoum, qui sera remise le 25 juillet. Le 14 août 1939, une délégation du Théâtre d’art incluant Boulgakov et sa femme part en repérage en Géorgie, mais, le 17, ils sont informés du veto imposé à la pièce par Staline et rentrent à Moscou.

À la fin de 1939, l’état de santé de Boulgakov, depuis longtemps des plus médiocres, s’aggrave. Le 11 septembre, il connaît une baisse inquiétante de la vue. Les spécialistes consultés confirment bientôt le diagnostic de néphroangiosclérose, la maladie qui avait emporté son père. Le 10 octobre, Boulgakov signe devant notaire un testament en faveur de sa femme, puis, le 14, une lettre lui confiant la gestion de son patrimoine littéraire. Lors d’un séjour dans une maison de repos à Barvikha, près de Moscou, il connaît une amélioration passagère et recouvre la vue, de même que le 13 janvier 1940. Le 25 janvier, il fait sa dernière sortie. Le 13 février, il dicte encore à sa femme quelques corrections pour Le Maître et Marguerite (qu’il retravaille depuis le 4 octobre 1939). Pendant sa maladie, et jusqu’au début de mars, il reçoit la visite d’Anna Akhmatova et de Nikolaï Liamine (clandestinement, car ils sont interdits de séjour à Moscou). Le 10 mars, à 16 h 39, il meurt à l’issue de plusieurs heures de souffrance. Deux jours plus tard, son corps est incinéré et ses cendres placées dans une urne au cimetière de Novodievitchi.

Source : Wikipédia.

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