Le prophète Mahomet.

Mahomet (en arabe : مُحَمَّدُ, retranscrit en Muḥammad), également dit Muhammad ou Mohammed, de son nom complet Abū al-Qāsim Muḥammad ibn ʿAbd Allāh ibn ʿAbd al-Muṭṭalib ibn Hāshim, est un chef religieux, politique et militaire arabe issu de la tribu de Quraych. Fondateur de l’islam, il en est considéré comme le prophète majeur. Selon la tradition islamique, il est né à La Mecque vers 570 et mort à Médine en 632.

Les musulmans le considèrent comme un prophète, le dernier de la religion abrahamique, au sens où, selon l’islam, il termine et scelle la révélation monothéique faite à Abraham. Ses biographies religieuses rapportent qu’il enseignait à ses premiers compagnons (sahabas) les versets du Coran, qu’il présentait comme la parole même de Dieu (Allah en arabe), transmise à lui par l’archange Gabriel. Le Coran aurait été compilé par ses disciples après la mort de Mahomet, à partir de transcriptions sur des supports divers. Par ailleurs, ses actions et ses paroles forment la sunna, qui est la seconde source du droit musulman, après le Coran.

L’islam et l’importance de la culture islamique ont influencé différentes civilisations, faisant de Mahomet une figure de premier plan de l’histoire. Néanmoins, son historicité est débattue par les historiens modernes, qui invoquent la rareté des sources historiques et les biais des sources religieuses traditionnelles, rendant toute biographie historique impossible. En outre, les informations présentes dans ces sources ont évolué au cours du temps, présentant des visions différentes de la figure de Mahomet.


La figure traditionnelle de Mahomet et le récit de sa vie transmis par les traditions religieuses ont commencé à être réinterrogés à partir du XXe siècle moyennant la méthode historico-critique qui met en lumière plusieurs « zones grises » dans la biographie de Mahomet. À l’inverse, selon Michel Orcel, « pour l’islam officiel, il n’est pas question de douter de ces sources, authentifiées aux yeux du croyant par la tradition orale et la moralité des transmetteurs ».

En 2019, le constat de l’absence de certitudes sur la vie de Mahomet pouvait encore être fait : comme le souligne Stephen Shoemaker, « Nos chances d’en savoir plus sur la figure historique de Muhammad avec un quelconque degré de fiabilité demeurent […] très faibles ». Les sources islamiques écrites sont bien postérieures aux faits relatés et aucune description de la vie de Mahomet, excepté celles du Coran, qui ne donne que très peu d’information biographique, ne date du premier siècle de l’islam. En contradiction avec certaines traditions musulmanes, il existe un consensus, relève Shoemaker, sur l’absence de transmission écrite, autre que le Coran, avant le XIe siècle. Avec d’autres chercheurs, il considère la tradition orale comme « rarement fiable au-delà d’une ou deux générations », d’autant plus dans le cas de changements sociaux, politiques et religieux importants.

Les premières études consacrées à Mahomet au XIXe et au XXe siècle étaient « optimistes » quant à la fiabilité des sources islamiques. Les auteurs pensaient qu’il était possible de connaître en détail la vie de celui-ci. Ainsi, Ernest Renan considérait que l’islam était né « à la pleine lumière de l’histoire ». Cette vision est « maintenant injustifiée ». Au même moment, Weil puis Theodor Nöldeke commençaient à avoir une approche plus critique.

Les recherches d’Ignaz Goldziher permirent de remettre en cause cette confiance et d’interroger la fiabilité des sources musulmanes. Shoemaker constate que depuis ces auteurs, il est « largement admis dans les études occidentales sur les origines de l’islam que quasiment rien de ce qui est rapporté par les sources musulmanes anciennes ne peut être considéré comme authentique et que la plupart des éléments au sujet de Muhammad et de ses Compagnons contenus dans ces récits doivent être considérés avec beaucoup de méfiance ». Bien que cette idée soit largement acceptée en Occident, plusieurs auteurs, comme William Watt, ont continué à utiliser les données traditionnelles dans le cadre de biographies. La méthodologie de telles biographies, même récentes, est généralement critiquée.

En 1926, Arthur Jeffery publie un article sur la « Quête du Muhammad historique ». Dans celui-ci, il décrit plusieurs types de biographies, encore valables pour les ouvrages plus récents. Certaines mettent l’accent sur l’aspect politique, d’autres sur l’aspect apologétique. L’approche politico-économique est conditionnée par la méconnaissance du contexte de l’Arabie préislamique et la dépendance à la vision musulmane de celle-ci. Les biographies apologétiques présentant Mahomet sous un angle mélioratif sont en hausse depuis le début du XXIe siècle. Elles sont écrites aussi bien par des musulmans que par des non-musulmans et cherchent principalement à dédouaner Mahomet de faits violents. Apologétiques, elles sont caractérisées par l’absence de critique des sources.

La vie de Mahomet est fixée à partir de trois principaux ensembles de sources musulmanes : le Coran, les sîra et les hadiths. Pour les historiens modernes, une approche historique doit inclure aussi des sources non musulmanes, par exemple la Doctrina Jacobi.

Le Coran est le plus ancien document qui mentionne Mahomet, mais il est d’une « pertinence très limitée » pour cette recherche car il se veut an-historique5 et n’apporte donc que peu d’éléments biographiques et contextuels concernant Mahomet. Ce dernier n’y est cité que quatre fois alors qu’un personnage comme ‘Īsā (Jésus) l’est une douzaine de fois, accompagné de titres plus prestigieux que ceux attribués à Mahomet, tels que « Messie » ou « Esprit de Dieu » (sourates 4 et 91). Bien que les mentions spécifiques de Mahomet soient rares dans ce texte sacré, les théologiens musulmans lisent dans certains versets des références à sa vie.

L’orientaliste Jacques Langhade relève toutefois que Mahomet est omniprésent dans le Coran, du fait qu’il y est maintes fois interpellé. C’est en particulier le cas des injonctions qu’il reçoit de prendre la parole: on retrouve trois cent trente-deux fois l’impératif qul !, « dis ! ». D’autre part, si l’on considère les sourates 1 à 70, qui représentent plus des neuf dixièmes du Coran, « il n’y a que la sourate 55 (Le Miséricordieux) où il ne se trouve aucun verset renvoyant explicitement ou implicitement à Muḥammad ». Pour Guillaume Dye, selon une approche diachronique, cette formule est un « ajout relevant du travail éditorial et rédactionnel des scribes ».

Selon Michael Cook, si l’on ne s’appuyait que sur le Coran, « on pourrait déduire que le protagoniste du Coran est Muhammad, qu’il a vécu en Arabie occidentale et qu’il en voulait amèrement à ses contemporains qui récusaient ses prétentions à la prophétie. Mais on ne pourrait pas dire que le sanctuaire se trouvait à La Mecque, ni que Muhammad lui-même venait de là, et on ne pourrait que supposer qu’il s’était établi à Yathrib ». Dye considère Cook comme un optimiste puisque, par exemple, rien ne prouve que le locuteur anonyme de certains passages coraniques soit Mahomet.

Ainsi, pour Langhade, « tout ce qui précède [à savoir les mentions explicites de Mahomet dans le Coran] ne nous dit rien de précis sur l’homme Muḥammad, mais ne nous le présente que dans ses fonctions au service de la révélation, de la Parole divine ». Pour les historiens tenants de la recherche historico-critique — « à contre-courant des récits traditionnels sur les origines de l’islam » —, cette méthode appliquée au Coran permettrait de mieux comprendre, non pas la vie, mais au moins la source de l’enseignement de Muhammad, même s’il faut prendre en compte les altérations, additions et fluctuations jusqu’au règne d’Abd al-Malik. Pour Mohammed Hocine Benkheira, « ce qui est étrange, c’est que parfois les tenants de l’hypercriticisme méprisent la tradition, qui n’est que forgeries à leurs yeux, mais ont de l’estime pour le Coran. Pourtant ce dernier souffre souvent des mêmes handicaps du point de vue historiographique ».

Les sources principales de la vie de Mahomet résident dans des textes d’hagiographes et d’historiens musulmans, de rédaction relativement tardive (IXe et Xe siècles). La première biographie de Mahomet a été écrite par Ibn Ishaq au VIIIe siècle. Cet auteur s’appuie sur des auteurs plus anciens comme al-Zuhri. Perdue, elle nous est principalement connue par des recensions du ixe et du Xe siècle. Ces dernières ont néanmoins abrégé et modifié le texte d’Ibn Ishaq. Il s’agit essentiellement d’Ibn Ishâm, d’Ibn S’ad et de Tabari, qui proposent une histoire aspirant à répondre aux questionnements religieux, politiques, juridiques ou sociaux de leur époque, offrant par conséquent une image dogmatique et décalée dont l’historicité est sujette à caution.

La précision de ces biographies (sîra) — mais aussi des hadiths — est pour Olivier Hanne « d’autant plus suspecte que leur mise à l’écrit fut tardive (VIIIe et IXe siècles) ». La vie de Mahomet y est reconstituée d’après la tradition orale mise par écrit 140 ans après sa mort grâce aux témoignages indirects de ceux qui avaient connu ses premiers compagnons ; « c’est dire combien l’imagination a pu travailler pendant ce laps de temps », explique l’historien Maxime Rodinson. Les plus anciennes traces écrites, sur papyrus, de ces vies proviennent de la région de la mer Morte. Il est probable que leurs auteurs, qui ne sont pas arabes ou qui sont des convertis, ont subi l’influence de leur propre culture. Cela pourrait expliquer les traits christiques de Mahomet ou les réminiscences bibliques du récit. Pour Olivier Hanne, « les références au christianisme de langue syriaque et arabe sont frappantes dans […] la Sira et les Hadiths ».

Les biographes musulmans de Mahomet ont ainsi créé des récits qui s’appuient sur des autorités de sources ou des « chaînes de transmission » (isnâd), arguments considérés comme « notoirement douteux » par la plupart des historiens modernes. Les isnads et les hadiths qu’ils veulent légitimer sont considérés par eux comme des éléments « massivement forgés dans l’islam des premiers temps ainsi que dans l’islam médiéval ». Ainsi, selon eux, les « traditions biographiques et autres hadiths ne sont donc pas des sources d’informations fiables sur les débuts de l’islam ». I. Goldziher avait avancé des preuves comme quoi même les plus anciennes sources correspondaient davantage à la pensée des musulmans du VIIIe siècle qu’à une approche historique.

Des biographies de Mahomet auraient déjà été écrites par des descendants de ses compagnons. La première biographie aurait été celle d’Urwah ibn al-Zubayr (mort en 713), petit-fils d’Abu Bakr, fils d’Asmaa bint Abu Bakr et de Zubayr ibn al-Awwam, deux compagnons de Mahomet. Il aurait rédigé cette biographie en se basant sur les témoignages de plusieurs autres compagnons. Son ouvrage, aujourd’hui disparu, aurait inspiré les biographes tels que Tabari, Al-Waqidi et Ibn Ishaq.

Ainsi, comme le souligne Shoemaker, les chercheurs sont face à un dilemme : soit ils acceptent le cœur des traditions musulmanes, soit ils le refusent, ne disposant alors plus de sources d’informations suffisantes.

À la fin de sa vie, Mahomet connaît une période d’abattement psychologique à la suite, en partie, de plusieurs défaites, de tentatives d’assassinat et de la mort de son fils. Après avoir réorganisé l’administration et assis l’influence de l’islam à La Mecque, il retourne à Médine, où il meurt après une courte maladie le 8 juin 632 âgé de soixante-trois ans selon la tradition musulmane. D’autres traditions parlent du 28 mai. Selon une tradition chiite, il serait mort pendant qu’il respirait une pomme donnée par Azraël, l’ange de la mort, sur le modèle des légendes juives liées à la mort de Moïse. Selon la tradition musulmane, il est enterré à Médine dans sa maison-mosquée qui devient un lieu de pèlerinage où sont aussi enterrés ses deux successeurs Abû Bakr et ‘Umar ibn al-Khattâb.

Les recherches menées par Hela Ouardi mettent en lumière la multiplicité des traditions musulmanes liées à la mort de Mahomet. Selon certaines, il serait mort d’une courte maladie, peut-être une pleurésie, pour d’autres, il serait mort empoisonné par une juive de Khaybar. Néanmoins, elle explique que « son histoire a été « écrite » pour les besoins d’une légitimation du pouvoir » et certaines sources permettent de supposer une mort dans la région de Gaza après 634. Son corps aurait alors été abandonné trois jours montrant ainsi le refus de sa mort — certains croyant une fin du monde imminente — et pour des raisons politiques, afin de permettre la prise du pouvoir par Abû Bakr.

Avec la prise de Khaïbar en 628, le prophète Mahomet était devenu l’homme le plus riche du Hijaz et pourtant à sa mort, il ne laissa rien comme héritage ; il ne possédait au moment de sa mort qu’une tunique, un pagne de tissu grossier et avait gagé son armure contre un gallon d’orge chez un Juif. Il ne donna aucune instruction concernant sa succession et selon certaines sources sunnites et chiites, il en aurait été volontairement empêché entre autres par Abû Bakr et ‘Umar. Selon la tradition chiite, il aurait, avant de mourir, désigné Ali comme héritier et premier calife. Par la suite, ses disciples continueront de se transmettre oralement et sous forme d’écrits les sourates, avant qu’elles ne soient rassemblées définitivement, selon la tradition, en un seul livre, le Coran, par le troisième calife Uthman moins de vingt ans après la disparition de Mahomet.

Au départ de la péninsule arabique et en moins d’un siècle, l’action politique de Mahomet conjuguée à la mission prophétique dont il s’est senti investi va affecter une grande partie du monde connu, de l’Atlantique aux confins de l’Asie, et modifier durablement les équilibres religieux, culturels et politiques de l’humanité.

Source : Wikipédia.

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