Le grand cachalot.

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Le grand cachalot (Physeter macrocephalus ou P. catodon), communément appelé cachalot et parfois cachalot macrocéphale, est une espèce de cétacés à dents de la famille des physétéridés et unique représentant actuel de son genre, Physeter. Il est l’une des trois espèces encore vivantes de sa super-famille, avec le cachalot pygmée (Kogia breviceps) et le cachalot nain (K. sima). Il a une répartition cosmopolite, fréquentant tous les océans et une grande majorité des mers du monde. Cependant, seuls les mâles se risquent dans les eaux arctiques et antarctiques, les femelles restant avec leurs jeunes dans les eaux plus chaudes.

Le mâle peut atteindre plus de 20 m de long, ce qui fait de l’espèce le plus grand carnassier au monde. À elle seule, la tête peut représenter le tiers de la longueur de l’animal. Ce mammifère se nourrit en grande partie de calmars, ainsi que de poissons, en des proportions variables selon l’emplacement géographique. Il est connu pour ses records de plongée en apnée, atteignant les 900 mètres de profondeur, performance qu’aucun mammifère, mis à part la baleine de Cuvier ne peut réaliser. Ses  vocalisations en cliquetis sont les sons les plus forts produits par un animal, elles sont utilisées dans le but de  communiquer, de s’identifier et de se localiser entre eux.

Les cachalots se rassemblent en groupes nommés « pods ». Les femelles vivent avec leurs jeunes, séparément des mâles, et s’entraident pour protéger et allaiter les juvéniles. Elles mettent bas tous les trois à six ans et s’occupent de leur progéniture durant plus d’une dizaine d’années.

Le cachalot n’a pas de prédateurs naturels assez forts pour attaquer avec succès un adulte en bonne santé, seuls les orques peuvent essayer de se fondre dans un pod pour y tuer les plus jeunes. Cependant, du xviiie siècle jusqu’à la fin du xxe siècle, la chasse au cachalot par l’homme, qui a inspiré le roman Moby-Dick, a été une industrie majeure pour extraire le spermaceti, l’huile de cachalot, l’ambre gris et l’ivoire de l’animal. En raison de sa taille, le cachalot pouvait parfois se défendre efficacement contre les baleiniers. L’exemple le plus célèbre est celui d’un cachalot de 25 m ayant attaqué et coulé le baleinier américain Essex en 1820. Les populations de cachalots sont lourdement touchées par cette chasse intensive et diminuent de 67 %. La commission baleinière internationale proclame la pleine protection de l’espèce en 1985 qui est depuis classée comme vulnérable.


Certains mâles adultes mesurant jusqu’à 20,5 m de long et ayant une masse de 57 t, le cachalot est le plus grand des cétacés à dents. À titre de comparaison, les deuxièmes plus grandes baleines à dents, les bérardies, mesurent 12,8 m pour une masse allant jusqu’à « seulement » 15 t. Le Nantucket Whaling Museum possède ainsi une mandibule de 5,5 m de long, provenant d’un individu mesurant, par extrapolation, 24 m de long. Le spécimen qui aurait coulé l’Essex (l’un des incidents derrière la légende de Moby Dick) a été décrit comme mesurant 26 m de long. Cependant, ces individus « hors normes » deviennent rarissimes, la chasse à la baleine systématique ayant conduit à une diminution de leur taille moyenne : les grands mâles étaient très recherchés, surtout après la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, ceux-ci ne dépassent généralement pas 18,3 m de longueur ou une masse de 51 t.

Le dimorphisme sexuel chez l’espèce est l’un des plus marqués parmi tous les cétacés. À la naissance, les représentants des deux sexes sont à peu près de la même taille, mais les mâles adultes sont généralement 30 % à 50 % plus longs et jusqu’à trois fois plus lourds. En effet les femelles pèsent en moyenne 14 t pour 11 m de long alors que les mâles pèsent, également en moyenne, 41 t pour 16 m de long.

L’énorme tête de l’animal est très distinctive. Quasiment parallélépipédique, elle représente près du tiers du cétacé et peut peser 16 t. L’évent est situé très près de l’extrémité de la tête et est déporté sur le côté gauche. Cela donne au souffle de l’animal un angle de pulvérisation caractéristique, orienté à la fois vers l’avant et vers la gauche, cas unique chez les cétacés.

La queue de l’animal est triangulaire et fendue par une profonde encoche caudale. Très épaisse et puissante, elle mesure jusqu’à 4 m de large et le cétacé la lève hors de l’eau lorsqu’il plonge. Le cachalot n’a pas de nageoire dorsale à proprement parler, mais une série de crêtes sur le tiers postérieur du dos. La plus grande de celles-ci — une bosse triangulaire — peut être confondue avec une nageoire dorsale en raison de sa forme. Les nageoires pectorales sont quant à elles, petites.

Le corps est gris foncé ou noir avec quelques taches sur le ventre. Sa surface peut comporter des marques rectilignes et de nombreuses cicatrices, dues aux combats entre les mâles ou avec des calmars géants. Contrairement à la peau lisse de la plupart des grandes baleines, la peau du dos est habituellement noueuse et peut être comparée à celle d’un pruneau. La peau est normalement d’un gris uniforme, mais peut paraître brune en plein soleil. Des individus albinos ont également été signalés. Dans les eaux chaudes, les cachalots muent en permanence, perdant de grands lambeaux de peau souvent consommés par les poissons des alentours et permettant ainsi aux cétacés de se débarrasser de certains de leurs parasites. Cette mue est moins fréquente dans les plus hautes latitudes. Les cachalots peuvent parfois en groupe se frotter les uns contre les autres pour mieux se débarrasser de leur épiderme.

Les lèvres du cachalot sont blanches, les dents sont coniques et peuvent atteindre le kilogramme pour une longueur de 20 cm. L’animal a 20 à 26 dents de chaque côté de sa mâchoire inférieure. Leur utilité est globalement inconnue puisqu’elles ne semblent pas être nécessaires pour capturer ou manger les calmars, des individus édentés et pourtant bien portants ayant été signalés. On a avancé l’idée que les dents sont principalement utilisées lors d’affrontements entre mâles. Ceux-ci présentent souvent des cicatrices qui semblent être causées par des dents. Des dents rudimentaires peuvent garnir la mâchoire supérieure, mais elles poussent rarement. L’ivoire de ces animaux — lorsqu’il était disponible — a occasionnellement été travaillé par l’homme.

Les cachalots sont, devant les baleines à bec et les éléphants de mer, les mammifères marins plongeant le plus profondément (depuis 2018, la baleine de Cuvier s’est placée au premier rang avec un record de profondeur de 2 992 mètres et une durée en immersion de 138 minutes). Ce cétacé peut rester immergé durant 90 minutes et on a démontré, grâce à des  enregistrements vidéo, que les cachalots mâles peuvent approcher le kilomètre (3000 pieds) de fond. Du reste, l’analyse des contenus stomacaux laisse à penser qu’ils pourraient atteindre la profondeur abyssale de 2 000 m. Pour autant, l’animal chasse généralement entre 300 m et 1 000 m, les plongées typiques ayant une profondeur moyenne de 400 m pour une durée de 35 minutes. Dans ces grandes profondeurs, des cachalots se sont d’ailleurs emmêlés dans les câbles téléphoniques transocéaniques, provoquant leur noyade. Horizontalement, sa vitesse de croisière ne dépasse pas 8 km/h, mais il peut faire des pointes jusqu’à près de 30 km/h.

Le cachalot présente plusieurs adaptations pour faire face aux énormes différences de pression lors de ses plongées. La cage thoracique flexible permet d’éviter l’écrasement des poumons et le métabolisme peut être ralenti (bradycardie) pour économiser l’oxygène. Les veines sont grosses et élastiques, les retia mirabilia peuvent stocker de grandes quantités de sang et combler les vides créés par la compression de l’air. La myoglobine, qui stocke l’oxygène dans les tissus musculaires, est beaucoup plus abondante que chez les animaux terrestres. Pour comparaison, chez un cachalot, on trouve 5,7 g de myoglobine pour 100 g de muscle, contre 0,5 g chez l’homme. Le sang a un taux élevé de globules rouges qui contiennent l’hémoglobine transportant l’oxygène. Le sang oxygéné peut être redirigé vers le cerveau et d’autres organes essentiels quand le niveau d’oxygène général décroît. L’organe du spermaceti peut également ajuster la flottabilité.

Bien que les cachalots montrent de telles adaptations, les plongées répétées à de grandes profondeurs ont toutefois des effets à long terme. Des lésions aux os, dues à des bulles d’azote mal éliminées et creusant de petites cavités, sont les séquelles de maladies de décompression, comme celles retrouvées chez les humains. Les squelettes âgés présentent davantage ce type de nécroses, tandis que les jeunes ne présentent aucune lésion. Ces observations indiqueraient que les cachalots sont également sujets aux accidents de décompression et qu’une remontée trop rapide vers la surface pourrait leur être fatale.

Entre les plongées, le cachalot fait surface pour respirer durant généralement huit minutes avant de replonger. Comme les autres odontocètes (ou baleines à dents), le cachalot respire par un seul évent, d’une vingtaine de centimètres et en forme de S, mais chez le cachalot, cet évent unique résulte de la fusion de deux conduits. L’animal respire 3 à 5 fois par minute au repos, et 6 à 7 fois par minute après une plongée. Le souffle est bruyant, constitué d’un jet simple pouvant s’élever jusqu’à 15 m au-dessus de la surface de l’eau, ainsi que pointant vers l’avant et la gauche selon un angle de 45°. Femelles et juvéniles respirent en moyenne toutes les 12,5 secondes avant de plonger, contre une moyenne de 17,5 secondes pour les grands mâles. La vitesse du cachalot avoisinerait les 7 km/h pour une remontée effectuée à 9 km/h : en près d’un quart d’heure, l’animal aurait le temps de descendre à un kilomètre de profondeur et d’en remonter.

Les cachalots sont grégaires, formant des groupes de tailles différentes principalement en fonction du sexe. Les femelles sont philopatriques et vivent en groupes comptant 20 à 40 individus avec leurs petits et les jeunes mâles. Elles sont souvent attachées à leur pod, pouvant rester plus d’une dizaine d’années dans un même groupe. Les jeunes mâles quittent ces regroupements à partir de l’âge de 4 à 21 ans et rejoignent des groupes de jeunes de leur âge et de leur taille comptant au maximum une cinquantaine d’individus. En vieillissant, ils ont tendance à se disperser en petits groupes, et les plus vieux mâles mènent généralement une vie solitaire. Toutefois, certains mâles d’âge mûr se regroupent, ce qui suggère un degré de coopération qui n’est pas encore bien compris. Parfois, différents troupeaux s’unissent pour former des hardes de plusieurs centaines d’individus.

Hormis la chasse d’origine humaine, d’autres prédateurs peuvent s’en prendre au cachalot, principalement l’orque (Orcinus orca) ou même les dauphins-pilotes (Globicephala) et la fausse orque (Pseudorca crassidens), attaquant parfois les femelles et les jeunes, qui sont particulièrement vulnérables. La plupart de ces prédateurs essayent d’isoler un juvénile du groupe, mais les mâles cachalots repoussent ces attaques en encerclant leur progéniture. Les adultes contrent les orques à l’aide de leur nageoire caudale, soit vers l’extérieur, soit vers l’intérieur afin de se battre avec leurs dents5. Cette formation en « marguerite » est également utilisée pour protéger un individu blessé. Un comportement que les baleiniers ont su exploiter : en blessant un seul cachalot, ils attiraient le groupe entier dont il est issu. Si les orques sont suffisamment nombreuses, elles peuvent parfois tuer une femelle adulte. Quant aux grands cachalots mâles, il est probable qu’ils n’ont pas d’autres prédateurs que l’humain, leur grande corpulence et leur force redoutable les laissant à l’abri d’attaques d’orques.

Les cachalots ne produisent pas les « chants » des grandes baleines à fanons mais utilisent des cliquetis (ou clics) organisés en séquences types appelées « codas ». Ces clics portent à plusieurs kilomètres et servent à  l’écholocation ainsi qu’à la communication. Les sons pouvant avoisiner les 130 décibels ont également été soupçonnés de servir à étourdir les proies du cachalot (voir la section « Prospection ») ; en phase de chasse, il produit des clics très rapprochés formant des « bourdonnements » (buzz). Deux cétologistes de l’université Dalhousie, Luke Rendell et Hal Whitehead sont parvenus à identifier en 2002 des « clans vocaux » (vocal clans), des groupes sociaux réunis par un même « langage », ou plus prosaïquement et plus prudemment des groupes d’individus socialement unis et dont les vocalisations partagent une structure ou des motifs propres au groupe.

Positionné au sommet de la pyramide alimentaire marine et cela jusqu’à de grandes profondeurs, le grand cachalot est un superprédateur qui joue un rôle majeur dans le milieu marin, en régulant notamment les populations de pieuvres et de grands calmars. En effet, il n’existe pratiquement pas de compétiteurs dans sa niche écologique, il profite donc de l’importante source de protéines que constituent ces céphalopodes. Sa chasse avait par ailleurs causé sa régression qui a affecté la répartition et certains équilibres au sein des populations halieutiques.

Par un phénomène de cause à effet, il semble que cette régression puisse aussi participer au dérèglement climatique, lequel peut à son tour affecter les populations de tout ou une partie des cétacés. L’océan Austral est naturellement assez pauvre en fer, un oligo-élément vital et puissant stimulant de la photosynthèse phytoplanctonique à la base de la « pompe à carbone » océanique, ce qui devrait limiter sa productivité et ses fonctions de puits de carbone. En 2010, des chercheurs australiens de l’université Flinders ont montré que les grands cétacés jouaient un rôle important dans le recyclage du fer au sein de l’écosystème marin : en chassant à grande profondeur, les 12 000 cachalots de l’Antarctique remontent via leurs excréments de la matière organique et des oligo-éléments dont quelque 400 000 tonnes de carbone. Cette quantité suffit à stimuler un puits de carbone environ deux fois plus important que l’émission de CO2 de ces animaux par respiration. Ce phénomène aurait pu être dix fois plus important si l’espèce n’avait pas été pourchassée durant deux siècles. En outre, en renforçant ainsi le « recyclage du fer » de la production primaire, les cachalots de la zone australe contribuent aussi à permettre et entretenir une importante chaîne alimentaire.

Comme sa densité est plus faible que celle de l’eau, contrairement à d’autres cétacés, une fois mort, le cachalot flotte à la surface. Ainsi, il ne participe pas ou peu à la création d’écosystèmes éphémères créés par les carcasses de baleines qui tombent sur la plaine abyssale.

Le cachalot compte parmi les espèces les plus cosmopolites. Il vit en une certaine abondance dans tous les océans et presque toutes les mers, dont la Méditerranée. Il préfère les eaux libres de plus de 1 000 m de profondeur. On trouve plus volontiers l’animal dans les eaux équatoriales ou tropicales, les femelles et leurs jeunes ne dépassant notamment pas les 50e parallèles (Nord et Sud) pour rester dans des eaux chaudes, mais les mâles adultes remontent jusqu’aux mers polaires. Les mâles peuvent descendre au sud jusque vers l’Antarctique : rares en Géorgie du Sud, ils se cantonnent aux eaux profondes, évitant les côtes. Ils sont présents dans le passage de Drake au large du cap Horn et ont été observés dans de nombreuses baies de la Terre de Feu ouvertes à l’océan, le pourtour côtier de la péninsule Mitre, le canal de Beagle ainsi que le détroit de Magellan ; ils occupent toutes les eaux jusqu’au 75e parallèle nord. Cependant les changements d’hémisphères sont peu fréquents, un mâle particulier restant toujours du même côté de l’équateur.

On le trouve en mer Méditerranée, mais pas en mer Noire4 et sa présence dans la mer Rouge est incertaine1. Les entrées peu profondes à la fois en mer Noire et en mer Rouge pourraient expliquer son absence95. Les basses profondeurs de la mer Noire sont également anoxiques et contiennent de fortes concentrations de composés soufrés, tels que le sulfure d’hydrogène. Les populations sont plus denses à proximité des plateaux continentaux et des canyons sous-marins10. Les cachalots se trouvent généralement dans les eaux profondes au large des côtes, mais on peut les voir près de la côte dans les zones où le plateau continental est bas et diminue rapidement à des profondeurs de 310 à 920 m. Les zones côtières qui comprennent d’importantes populations de cachalots sont les Açores et l’île des Caraïbes de la Dominique.

Les cachalots suivent un calendrier de migration avec des motifs similaires à ceux des rorquals : les mâles se rapprochent chaque hiver de l’équateur afin de rejoindre les pods de femelles. Une fois la reproduction achevée, ils repartent vers les pôles où la nourriture se fait plus abondante.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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