Jean Lannes, Duc de Montebello, maréchal.

« L’un des militaires les plus distingués qu’a eus la France ! Chez Lannes, le courage l’emportait d’abord sur l’esprit, mais l’esprit montait chaque jour pour se mettre en équilibre. Je l’avais pris pygmée, je l’ai perdu géant… Un des hommes au monde sur lesquels je pouvais le plus compter. »
Napoléon à Sainte-Hélène s’adressant à Las Cases, 1816. Il fut surnommé « le Roland de l’Armée ».

Né à Lectoure (Gers) le 10 avril 1769, volontaire au 2e bataillon du Gers, chef de brigade en 1793, général de brigade en 1796, général de division en 1799, maréchal d’Empire en 1804, Lannes, « le Roland de l’armée », comme on le surnomma, fut l’un des plus prestigieux chefs de guerre de l’Empire et aussi l’une de ses figures militaires les plus tragiques.
Son ardeur au combat devint vite légendaire. « J’oublie tout, disait-il, lorsque le métier m’appelle.» Il égala par le courage physique un Murat ou un Ney. Les cicatrices dont son corps était couvert en témoignaient : le bras traversé par une balle à Banyuls en 1793, blessé d’un coup de feu à Governolo en 1796, déchiré par trois coups de feu à Arcole, atteint d’un coup de feu à la tête à l’assaut de Saint-Jean-d’Acre en 1799, blessé à la jambe à Aboukir, à nouveau le corps troué d’une balle à Pultusk en 1806, il revêtit encore sa grande tenue, avec toutes ses décorations, pour prendre part à la bataille d’Essling où il devait mourir, disant : « Il faut que tous les officiers paraissent sur le champ de bataille, aux yeux du soldat, comme s’ils étaient à la noce. »

À la noce ? Il y était de moins en moins sur les champs de bataille. Obéissant aux ordres qui lui firent incendier le village de Binasco et participer à la répression de la révolte d’Arqueta lors de la première campagne d’Italie, il avait exprimé son dégoût. Au lendemain d’Austerlitz, il écrivit à sa femme: « Nous avons tout culbuté, c’est-à-dire tout tué ou pris: on n’a jamais vu un carnage pareil. » Puis, en 1808, menant le siège de Saragosse: « Quel métier que celui que nous faisons ici! Saragosse ne sera bientôt plus qu’un tas de ruines. » Enfin, à la veille de sa mort : « Je crains la guerre, le premier bruit de guerre me fait frissonner […]. On étourdit les hommes pour mieux les mener à la mort.»

Maréchal Lannes, carte maximum, Lectoure, 10/05/1969.

Indigné par des guerres dont il ne voyait plus la fin, il resta longtemps fasciné par le chef auquel avait permis d’étendre sa clientèle militaire lors du coup d’État du 18 Brumaire. Il fut souvent mal payé en retour par celui à qui il vouait un véritable culte. Napoléon dira de lui à Sainte-Hélène: « Chez Lannes, le courage l’emportait d’abord sur l’esprit; mais l’esprit montait chaque jour pour se mettre en équilibre; je l’avais pris pygmée, je l’ai perdu géant. » Jugement injuste, car Lannes n’avait pas attendu la pédagogie de Napoléon pour se révéler bon chef de guerre, la victoire de Montebello en témoigne.

Maréchal Lannes, essais de couleurs, feuille complète datée du 17/04/1969.

Ingratitude aussi de Bonaparte à l’égard du chef de sa Garde consulaire qui, ayant engagé sur un ordre verbal une dépense de 300 000 francs, dut la rembourser, lui qui n’avait pas d’argent. Pour y parvenir, il fit, ministre plénipotentiaire au Portugal, une manœuvre à d’autres accoutumée: un négociant put, par son aide, faire entrer en franchise des marchandises sans payer les droits élevés. Masséna en avait fait bien d’autres sans être sanctionné, comme lui, par un rappel à Paris en 1803.
« Voulez-vous que je vous dise, dira Lannes au retour d’Espagne, ce foutu bougre de Bonaparte nous y fera tous passer! » Napoléon se plaindra qu’au moment de trépasser, le maréchal l’ait nommé « comme les athées nomment Dieu quand ils arrivent à l’article de la mort ».

La mort de Lannes rappelle celle des tragédies à l’ancienne: au soir d’Essling, parcourant le champ de bataille avec son ami le général Rouzet, Lannes le vit s’abattre à ses pieds, frappé d’un coup de feu. Il s’enfuit, voulant échapper à la vue de ce cadavre. Mais les soldats le transportèrent devant lui, le faisant s’écrier: « Ah, cet affreux spectacle me poursuivra donc toujours ? » Il s’accota à un fossé, se cachant les yeux pour ne plus rien voir, et ce fut là qu’un boulet lui traversa le genou. Opéré par Larrey, il agonisa six jours, appelant, maudissant, dirent certains, l’Empereur qui ne vint que pour recueillir ses dernières paroles, le 31 mai 1809. L’Empereur écrivit à la maréchale qu’il n’aimait guère, lui disant prendre part à sa peine. La maréchale ne le crut pas et se mura dans le silence.

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Sources : Napoléon.org, YouTube.