Georges Mandel, homme politique et résistant français.

Georges Mandel, de son vrai nom Louis Rothschild, né le 5 juin 1885 à Chatou (Seine-et-Oise) et assassiné le 7 juillet 1944 en forêt de Fontainebleau par des miliciens, est un homme politique de l’entre-deux-guerres et un résistant français.

Jeune journaliste, collaborateur de Georges Clemenceau à L’Homme libre, il le suit sur les chemins de la politique en devenant un de ses attachés de cabinet en 1908. Lorsque son vieux directeur accède à la présidence du conseil en novembre 1917, il devient son chef de cabinet.

Une longue carrière politique lui est ouverte dans le camp conservateur après la Grande Guerre. Son assassinat en juillet 1944 dans la France occupée, s’inscrit parmi les très nombreuses exactions de représailles commises par la Milice française sur tout le territoire après l’exécution, par la Résistance, du chef de la propagande vichyste Philippe Henriot.

 

Après ses échecs aux législatives de 1910 à Levallois (Seine) et à celles de 1914 à Castellane (Basses-Alpes), Georges Mandel se présente à Lesparre, dans un Médoc, qu’il ne connait pas11. Il est finalement élu en novembre 1919 député modéré de Gironde à l’occasion de la vague Bleu horizon de droite. Il défend en 1920 le projet de rétablissement des relations diplomatiques entre la France et le Vatican. Cette prise de position lui vaut des quolibets antisémites de députés de gauche — Alexandre Varenne en tête —, qui reprennent des rumeurs l’accusant d’être un Rothschild, mais aussi de Jules Uhry ou Pierre Valude.

Il est également élu président du conseil général de la Gironde en novembre 1919 et maire de Soulac en décembre 1919.

Lors d’une grève des postiers à Nice (Jean Baylot était secrétaire général du Syndicat national des agents des PTT), il fait venir des postiers de Paris pour briser la grève.

Georges Mandel, carte maximum, Chatou, 4/07/1964.

Il perd son mandat en 1924 face au Cartel des gauches, mais, après ce premier déboire, il est réélu continûment sous l’étiquette « indépendant » aux élections de 1928, de 1932 et de 1936 jusqu’à 1940.

En 1932, il se porte à la présidence du groupe Indépendant de la chambre des députés. Puis il s’affirme comme ministre des Postes, Télégraphes et Téléphones entre 1934 et 1936 : il y fait supprimer la publicité sur les ondes d’État, fait installer le premier studio de télévision au ministère, et inaugure l’Air Bleu, la première ligne postale aérienne.

Il réforme avec une remarquable fermeté l’administration des P.T.T., autant du point de vue de sa gestion administrative que sous l’angle de son adaptation technique. C’est sous son égide que la première émission officielle de télévision française est diffusée le 26 avril 1935.

Dans les années 1930, il élève la voix pour avertir des dangers de l’Allemagne nazie. Le ministre énergique opposé à tout compromis avec les États totalitaires ne change pas de ton. Il obtient, en 1935, la condamnation par la Société des Nations du rétablissement du service militaire obligatoire par Adolf Hitler, puis s’oppose à Pierre Laval sur la question de la guerre d’agression menée contre l’Éthiopie par l’Italie de Benito Mussolini.

Georges Mande, essais de couleurs.

En 1934, il assiste aux obsèques d’Edmond de Rothschild et, en 1936, il répond favorablement à l’appel du grand-rabbin Cohen en faveur des réfugiés.

Après la victoire du Front populaire, il critique les réformes sociales du gouvernement Blum, qui risquent selon lui d’affaiblir la productivité française face à la menace de l’Allemagne nazie en plein réarmement, où les ouvriers fournissent un travail accru.

Après la chute du Front populaire, il est nommé ministre des Colonies, d’avril 1938 à mai 1940, et s’emploie, tout en luttant contre les mouvements nationalistes au Maghreb, à préparer l’empire colonial français à un conflit qu’il sent inévitable. Cet homme de droite propose alors une alliance avec l’Union soviétique pour faire face à la menace hitlérienne, dont le danger pour la France lui paraît primordial, puis proteste contre les accords de Munich.

Il signe les « décrets Mandel » du 16 janvier 1939 et du 6 décembre 1939, qui régissent les relations entre les Églises et l’État dans les colonies où ne s’applique pas la séparation votée en 1905 et qui s’appliquent encore aujourd’hui dans la plupart des collectivités d’Outre-Mer. Ils permettent à toutes les sensibilités religieuses de bénéficier d’une aide publique, la non-application de la loi de 1905 permettant un financement public du culte. Ces décrets créent une nouvelle catégorie de personne morale de droit public, le conseil d’administration des missions religieuses, pour gérer les biens de ces missions. Placés sous une étroite tutelle de l’État, ces conseils d’administration bénéficient d’avantages fiscaux. Ils s’appliquent en Guyane, Polynésie française, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte.

Georges Mandel, épreuve de luxe.

Mandel, véritable homme fort de la droite, est promu en urgence ministre de l’Intérieur du gouvernement de Paul Reynaud formé le 18 mai 1940.

Il fait alors arrêter certains des principaux intellectuels favorables à l’Allemagne nazie, notamment les rédacteurs de l’hebdomadaire Je suis partout, Alain Laubreaux et Charles Lesca.

S’il fait tout pour endiguer l’esprit de débâcle qui s’abat sur la France et envisage un « réduit breton » puis un repli sur l’Afrique du Nord pour les forces françaises, il ne peut contrer l’arrivée au pouvoir du vieux maréchal Philippe Pétain, nommé président du Conseil, le 16 juin 1940, et investi des pleins-pouvoirs constituants par l’Assemblée nationale le 10 juillet 1940.

Mandel a eu une influence directe dans le choix du nouveau sous-secrétaire d’État à la Guerre, le général (à titre provisoire, nommé le 5 juin 1940) Charles de Gaulle, pour représenter la France à Londres, conformément au vœu de Churchill.

Churchill voulait un homme politique conservateur de premier plan, Paul Reynaud ou Georges Mandel, pour réaliser le projet d’une fusion d’États (idée de Jean Monnet, dans la note Union franco-britannique) et à défaut, continuer la lutte sans concession contre les nations de l’Axe.

Mandel a été en partie à l’origine de la détermination du général de Gaulle, le 14 juin 1940, d’aller à Londres représenter la France libre. Cet épisode est évoqué par le Général dans ses Mémoires de guerre. C’est ainsi que dans la nuit du jeudi 13 au vendredi 14 juin 1940, à la préfecture de Tours16, en pleine débâcle de la France, Mandel lui dit :

« Vous avez de grands devoirs à accomplir, général, mais avec l’avantage d’être au milieu de nous tous un homme intact… Ne pensez qu’à ce qui doit être fait pour la France, et songez que, le cas échéant, votre fonction actuelle pourra vous faciliter les choses. »

Le 17 juin 1940, alors qu’il vient de transmettre le ministère de l’Intérieur à son successeur Charles Pomaret, il est arrêté en plein dîner, dans le restaurant Le Chapon (Bordeaux) par deux officiers supérieurs de gendarmerie, portant un ordre d’arrestation signé de la main du maréchal Pétain au motif de « menées contraires à l’ordre public ». Au même moment et pour le même motif, le général Jules Bührer, officier de l’armée coloniale, ancien membre du Conseil supérieur de la Guerre, et adjoint de Mandel lorsqu’il était aux Colonies, est lui aussi arrêté dans cette même ville. Le prétexte à cette arrestation (préparation d’une rébellion contre le gouvernement) est en réalité un coup monté de la part de l’extrême droite et, notamment, du sous-secrétaire d’État à la présidence du Conseil, Raphaël Alibert, qui obtient l’ordre d’arrestation de la main de Pétain et le fait transmettre au général Robert Lafont, gouverneur militaire de la place. Ce dernier ne les fait pas conduire en prison, mais à la gendarmerie, en attendant d’autres instructions.

La nouvelle de l’arrestation de Mandel se répand en ville, et le président de la République, Albert Lebrun, décide d’enquêter lui-même et convoque Alibert et le général Lafont. Sous la pression de Lebrun, mais aussi du président de la Chambre Herriot et de celui du Sénat Jeanneney, Pétain fait libérer les deux hommes. Pomaret, qui vient d’être mis au courant, juge cet acte arbitraire comme contraire à l’unité nécessaire à ce moment-là. Pétain reçoit le général Bührer, lequel fait part de l’indignité d’une telle arrestation, devant ses officiers et ce, malgré ses cinq étoiles ; puis il reçoit également Georges Mandel. Ce dernier déclare à Pétain qu’il le plaint d’être à la merci de son entourage, et plaint également la France de l’avoir choisi. Il exige ensuite réparation. Pétain rédige alors une lettre d’excuses, expliquant que l’arrestation était la suite d’une machination.

À la suite de l’invasion de la zone libre par l’armée allemande, en novembre 1942, voulant s’emparer de Mandel et de Paul Reynaud, les Allemands organisent un coup de main sur le fort du Portalet où ils étaient incarcérés. Les gendarmes leur ouvrent les portes et leur remettent les prisonniers qui sont transférés dans un camp de la Gestapo à Oranienburg-Sachsenhausen, non loin de Berlin.

Mandel est ensuite incarcéré, près de Buchenwald, dans un camp spécial, destiné aux hommes politiques des pays occupés, et où se trouve déjà l’ancien président du Conseil Léon Blum. Il est finalement rapatrié à la prison de la Santé, à Paris, où il est livré à la Milice, le 4 juillet 1944.

Le 7 juillet 1944, en forêt de Fontainebleau, le milicien Mansuy, profitant d’une promenade pendant une panne de la voiture dans laquelle Mandel était emmené, l’abat de seize balles dans le dos, en représailles à l’exécution par la Résistance du ministre collaborationniste de la Propagande Philippe Henriot. Pour l’historien François Delpla, l’explication selon laquelle Mandel aurait été tué par la Milice pour venger l’exécution de Philippe Henriot est peu plausible. Il privilégie un ordre direct des dirigeants allemands. Cette thèse est controversée. La thèse de Delpla a été confirmée en 2013 par Jean-Marc Berlière et Le Goarant : le meurtrier de Mandel, Mansuy, chauffeur de la voiture, était un truand agent du Sipo-SD qui aurait agi sur l’ordre des Allemands. Ceux-ci craignaient que les autorités de Vichy ne fassent pas fusiller l’ancien ministre.

Après Georges Mandel, Léon Blum et Paul Reynaud devaient être exécutés. Au cours d’un entretien téléphonique avec Joachim von Ribbentrop, Pierre Laval, très affecté par cet assassinat, réussit à faire annuler cette décision.

La tombe de Mandel, au cimetière de Passy à Paris, est ornée du même médaillon en bronze représentant son profil que celui du monument à sa mémoire réalisé par le sculpteur François Cogné – auteur de la célèbre statue de Clemenceau sur l’avenue des Champs-Élysées à Paris – érigé à l’endroit où il fut assassiné sur le bord de la route Fontainebleau-Nemours. Sa fille, Claude Rothschild dite Claude Georges Mandel (1930-2003), repose avec lui.

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Sources : Wikipédia, YouTube.