Alain Gerbault, skipper et écrivain.

Alain Gerbault, né le 17 novembre 1893 à Laval, en Mayenne, et mort le 16 décembre 1941 à Dili au Timor oriental en Indonésie, est un skipper et écrivain français. Il est aussi joueur de tennis et pilote d’avion de la Première Guerre mondiale.

Premier navigateur à traverser l’Atlantique à la voile en solitaire d’Est en Ouest, il est le premier Français à achever un tour du monde en solitaire à la voile. Il est aussi célèbre pour son plaidoyer en faveur des Polynésiens et de leur culture que l’on peut trouver exposé dans son ouvrage L’Évangile du soleil.

Durant la Première Guerre mondiale, il est engagé volontaire le 8 août 1914 au 25e régiment de dragons. Il passe dans l’aviation, comme élève pilote, en décembre 1914. Bien que débutant en 1914, il se révèle être un pilote doué, d’une très grande classe. Il obtient le brevet de pilote militaire à l’école d’aviation militaire de Buc, le 1er mars 1916.

Il est pilote à l’escadrille no 95 du Bourget jusqu’en octobre 1916, puis au centre d’aviation de Villacoublay jusqu’en décembre 1916. Il se distingue dans l’escadrille des Loups (escadrille no 79 de décembre 1916 à avril 1917) et l’escadrille des Renards (escadrille no 84 de avril à novembre 1917), où il se distingue comme chef de patrouille. Il remporte plusieurs victoires spectaculaires, se faisant remarquer par sa science tactique et son habileté dans les manœuvres aériennes. Il est successivement brigadier (1916), caporal, sous-officier et sous-lieutenant à titre définitif. Il est pilote de l’escadrille SPA 31 de novembre 1917 à septembre 1918, puis de l’escadrille SPA 165 du septembre 1918 à mars 1919. Il y vole avec Gaston Durmon, qui deviendra un célèbre pilote de ligne et de records dans l’entre-deux-guerres.

Il obtient deux citations en 1917 et 1918 : Pilote de premier ordre, d’une audace et d’un entrain remarquables. Le 17 mars (1917), au cours d’une reconnaissance, a attaqué seul et loin dans les lignes ennemies une patrouille de 3 appareils en a abattu un et est revenu après une lutte serrée avec ses adversaires, son appareil traversé de plus de 20 balles ; Pilote de chasse tout à fait remarquable. Toujours volontaire pour toutes les missions est un bel exemple pour ses camarades plus jeunes. Avec l’aide de deux autres pilotes a abattu un avion biplace de réglage. Il est détaché à l’École nationale des ponts et chaussées à compter de mars 1919.

Il est fait le 27 décembre 1923 chevalier de la Légion d’honneur. Il obtient aussi la Croix de Guerre.

Ayant réintégré l’École nationale des Ponts et Chaussées à la fin des hostilités, il abandonne par manque de goût ses études et la carrière d’ingénieur qui lui était promise. Il ne reprendra pas non plus la direction de l’usine familiale. Après guerre, il se lance dans les affaires, sans grand succès. Il est politiquement assez proche de l’Action française.

Il participe à de nombreux tournois de tennis, sport qu’il pratique depuis son enfance. Champion de France scolaire de tennis en 1913, il remporte notamment le tournoi de tennis de Dinard à trois reprises entre 1919 et 1921. En 1921, il parvient en finale en double à Roland-Garros et aux Championnats du monde avec Pierre Albarran. Comme ce dernier, il est aussi un redoutable amateur de bridge. En 1922, il est finaliste au tournoi de Monte-Carlo. Principalement actif au début des années 1920, il a également participé à l’US Open en 1924 et 1930, ainsi qu’à Roland-Garros en 1931 et 1932.

En 1921, il décide de changer de vie et cherche à acquérir un voilier de course.Il veut racheter le Lady Maud au champion olympique Richard Travers Dixon (en). Celui-ci ayant refusé, il achète à Cowes en Angleterre un voilier de course : le Firecrest (nom anglais d’un petit oiseau, le roitelet à triple bandeau (Regulus ignicapilla)), construit en 1892. C’est un bateau solide, très logeable et marin, mais sans rouf ni cockpit et dont le gréement n’est pas du tout approprié à la navigation solitaire.

À Cannes, il partage son temps entre les championnats de tennis et son entraînement marin. Il y côtoie aussi Ella Maillart et Hermine de Saussure (surnommée « Miette ») qu’il rencontre au port de Nice début 1923. Elles sont présentées par Virginie Hériot à bord de sa nouvelle goélette, Ailée.

Après un entraînement de plusieurs mois en Méditerranée, il décide de partir. On ne connaît pas les causes de son départ.

Il quitte Cannes le 25 avril 1923 de façon anonyme, et sans publicité. Après 3 semaines, il arrive à Gibraltar. Parti le 6 juin, il réalise en 1923 la première traversée de l’Atlantique en solitaire d’est en ouest, ralliant Gibraltar à New York en 101 jours.

Cette longue durée a pour raison le manque de préparation du bateau pour une telle navigation et le manque d’expérience de son capitaine. Le Firecrest n’était pas conçu pour des traversées en solitaire mais pour des courses en équipage. Gerbault multiplie les ennuis : Il doit réparer régulièrement ses voiles et son gréement. De plus, l’équipement de bord d’un yacht à cette époque n’était pas très fiable. Ceci lui vaudra auprès des marins la réputation d’un amateur ayant su se faire valoir à travers ses livres et auprès du monde médiatique de l’époque. Il s’agit néanmoins d’un exploit sportif compte tenu des conditions de navigation de l’époque. C’est le premier homme à avoir traversé l’Atlantique en suivant le soleil.

Il arrive à New York le 14 septembre 1923. Il fait le récit de cette traversée dans son premier ouvrage, Seul à travers l’Atlantique.

Il demeure quelque temps aux États-Unis, où son exploit lui vaut une certaine célébrité, puis repart en 1924 pour les mers du Sud, passant par les Bermudes. Il entre dans l’océan Pacifique par le canal de Panaman 8 le 11 juin 1925. Après une escale aux îles Galápagos, il séjourne 5 mois aux îles Gambier et aux îles Marquises. Il passe deux mois à Tahiti, puis va par Samoa à Wallis. Il arrive le 20 août 192615 à Wallis où il reste environ 4 mois.

Il rejoint les Fidji et les Hébrides. Il est à Timor le 15 juin 1927. Il passe le détroit de Torrès, et arrive dans l’Océan Indien. Il est à La Réunion en octobre et novembre 1928.

Il rejoint Le Cap, l’île Sainte-Hélène, les îles du Cap-Vert. En juillet 1928, il navigue au large de São Vicente, où le bateau s’échoue pendant son sommeil. Les réparations durent plusieurs mois à Porto Grande d’où il repart le 6 mai 1929.

Il passe par les Açores, pour rejoindre Le Havre le 29 juillet 1929.

Il ne cessera alors de défendre la cause de la Polynésie et d’étudier sa géographie et son histoire. Il passe les neuf dernières années de sa vie dans l’océan Pacifique, atteignant les îles Marquises en décembre 1933, l’archipel des Tuamotu en 1934, Tahiti en 1935.

Il est un ami de la reine Marau avec qui il s’entretientn 10 régulièrement. Passionné par le passé de ces îles, il apprend les langues océaniennes et vient en aide aux indigènes, s’insurgeant contre la colonisation européenne qui considère la disparition des Polynésiens comme inévitable. Il s’efforce à chacune de ses escales de faire revivre les traditions locales, les chants et les danses méprisés par l’Église, les pasteurs et l’administration. Il s’efforce de créer une émulation sportive et introduit le football pour lutter contre l’alcoolisme. Il mène par ailleurs d’importantes recherches linguistiques et ethnologiques. Il recueille des cahiers de légende et de généalogie polynésienne.

Voguant d’île en île, et revenant toujours à son port d’attache de Bora-Bora, il mène à cette époque un idéal de vie très en avance sur son temps. En septembre 1937, à Bora-Bora, il rencontre Władysław Wagner (pl), le premier navigateur polonais à effectuer le tour du monde à la voile.

Le souvenir qu’il laisse auprès des insulaires est selon plusieurs témoignages tout autre : il est accusé de pingrerie. D’autres lui reprochent son homosexualité et son alcoolisme aigu.

Alain Gerbault, carte maximum, Laval, 10/01/1970.

La présence d’Alain Gerbault en Polynésie est évoquée par Jean Reverzy dans son roman Le Passage (Prix Renaudot 1954).

Le ralliement des Établissements français de l’Océanie, puis de la Nouvelle-Calédonie à la France libre oblige Alain Gerbault à une fuite pour l’Indochine. Ce dernier voyage est une errance désespérée à travers tout le Pacifique, pour échapper aux menaces de guerre. Il avait tout d’abord l’intention de rejoindre Rapa pour y passer 7 ou 8 mois. Il ne peut réaliser ce projet, et rejoint tout d’abord les Samoa américaines où il reste trois mois, jusqu’au 15 décembre 1940. De Pago Pago, une importante base américaine, il reçoit de nombreuses nouvelles, mais chose curieuse aucune de France. Il part ensuite pour 15 jours à Apia, dans les Samoa occidentales, sous mandat néo zélandais, puis rejoint Tonga au début de 1941. Il écrit le 21 février à Lucien Daniaux de Nukuʻalofa une lettre parlant de ses projets, de ses livres, de ses considérations politiques et stratégiques. Il reste quelques mois à Tonga. Il est à Port Moresby au début d’août 1941, où il séjourne quelque temps. Suspect au niveau des autorités, il quitte clandestinement le mouillage avec la volonté de rejoindre l’Europe par le canal de Suez. Il touche finalement l’île de Timor en septembre 1941 à Dili , situé dans la partie du Timor oriental qui est portugaise et neutre.

Son but était de gagner Madagascar. Son bateau, avarié dans la mer d’Arafura a été réparé. Un peu requinqué, il souhaite poursuivre son voyage. Par trois fois, des incidents de mer l’empêchent de partir, et l’obligent à revenir à Dili. Après plusieurs tentatives infructueuses pour gagner le large, sans doute en raison de la future invasion du Timor, épuisé physiquement et psychologiquement, il succombe à Dili de la malaria et d’un délabrement physique généralisé le 16 décembre 1941, dans l’après-midi, à l’hôpital de Lahane où il était soigné par le docteur José Anibal Coreia Teles.

Il est inhumé au cimetière de Santa-Cruz, à Dili, dans une époque de grande confusion : le gouvernement portugais d’Antonio Salazar avait refusé aux Alliés l’autorisation de se déployer au Timor oriental, ce qui risquait de laisser leur front à découvert face à une attaque japonaise. Le 17 décembre 1941, le lendemain de la mort d’Alain Gerbault, alors que les Japonais commençaient leur attaque sur les possessions des Pays-Bas, 400 soldats néerlandais et australiens pénétrèrent sur le territoire de la colonie portugaise. Les 500 soldats portugais n’offrirent pas de résistance, tandis que le gouverneur portugais, Manuel de Abreu Ferreira de Carvalho, se déclarait prisonnier. C’est le début de l’invasion du Timor.

Le calme étant revenu, le journaliste portugais Ferreira da Costa retrouve la tombe d’Alain Gerbault. Après avoir fait exécuter par le charpentier de son bateau, l’Angola, une croix portant son nom, cette croix est plantée au cours d’une cérémonie simple en présence de nombreux officiers du corps expéditionnaire.

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Sources : Wikipédia, YouTube.