Rodolphe Töpffer, pédagogue, écrivain, homme politique et dessinateur.

Rodolphe Töpffer (aussi écrit Toepffer), né à Genève le 12 pluviôse an VII (31 janvier 1799) à dix heures après midi et mort dans cette même ville le 8 juin 1846, est un pédagogue, écrivain, homme politique et auteur de bande dessinée suisse, considéré comme le créateur et le premier théoricien de cet art.


Rodolphe Töpffer naît dans la maison familiale dite de la « bourse française » près de la cathédrale Saint-Pierre de Genève. Il est le fils de l’artiste peintre et caricaturiste réputé Wolfgang Adam Toepffer, qui lui communique le goût de la satire et de l’observation. Il voyage en Savoie, à Annecy, après la Restauration. Trouvant la ville à demi en ruines, il regrette qu’elle ne fût pas encore reconstruite, étant certain qu’elle fournirait de « très agréables séjours aux étrangers », au vu de ses atouts.

En 1816, Adam Toepffer suit en Angleterre un riche admirateur de ses œuvres et confie la responsabilité de la famille à Rodolphe. C’est à ce moment que celui-ci découvre son affection oculaire. Il se rend alors à Paris plusieurs mois à partir d’octobre 1819 pour y suivre un nouveau traitement, il y continue ses études littéraires et y fréquente les milieux artistiques. Il rend aussi souvent visite à la famille Dubochet dont son cousin Jacques-Julien sera son éditeur parisien. En août 1820, de retour à Genève, ne pouvant suivre la même carrière artistique que son père, il décide alors de se consacrer à la littérature. Il devient sous-maître de latin, de grec et de littérature ancienne dans la pension du pasteur Heyer.

Il épouse le 6 novembre 1823 une amie de sa sœur Ninette, Anne-Françoise Moulinié (1801-1857), surnommée Kity. Quatre enfants naissent de ce mariage : Adèle-Françoise (1827-1910), dernière descendante directe, elle lègue à la ville de Genève l’ensemble des manuscrits de son père ; François (1830-1870) ; Jean-Charles (1832-1905) et Françoise-Esther (1839-1909).

La forte dot de sa femme lui permet d’ouvrir à Genève, dans la maison de la place Maurice sur la promenade Saint-Antoine, un pensionnat de jeunes garçons en majorité étrangers, auquel il se consacre jusqu’à sa mort en 1846.

Durant les années 1830 et 1840, il écrit différents ouvrages et acquiert une certaine réputation dans le milieu intellectuel genevois ; il partage son temps entre ses élèves et les cénacles littéraires de la ville. À partir de 1832, il donne des cours de « Rhétorique et de Belles Lettres » à l’Académie de Genève. Éloigné de l’effervescence littéraire parisienne, Töpffer n’a de reconnaissance que tardive. Sainte-Beuve lui consacre un de ses Portraits dans la Revue des Deux Mondes du 15 mars 1841.

En 1834, Töpffer devient membre conservateur du parlement du canton de Genève et en 1842 il est polémiste et écrit dans un journal ultra-conservateur où il s’oppose aux volontés de réformes libérales de James Fazy.

À partir de 1843, sa santé se dégrade de plus en plus et il est contraint de renoncer à l’enseignement en mars 1845. Il s’installe à Cronay dans la maison familiale de sa femme reçue en héritage. Ses médecins l’envoient en cure aux bains de Lavey et ensuite à Vichy après la découverte d’une grave maladie hépatique, peut être une hypertrophie de la rate. Il décède à Genève dans sa maison de la cour Saint-Pierre en 1846.

Depuis le temps de la pension Heyer, Töpffer a pris l’habitude d’organiser des excursions. Bientôt dans sa propre institution, il emmène ses pensionnaires en « course d’école » une ou deux fois l’an.

Ce sont de plus grands voyages d’études, souvent à pied, avec sa femme Kity qui « voyage pour le soulagement des blessés, et l’agrément de ceux qui se portent bien. Elle porte un voile vert, et une petite pharmacie dans son sac ». Au retour, il écrit et illustre le récit de ses excursions, d’abord manuscrit et à partir de 1832, sous la forme d’album autographié.

Ses récits de voyages seront au moins aussi importants que le reste de son œuvre littéraire. Repris et remaniés par Töpffer, ils constituent la matière de deux nouveaux volumes de récits de voyage : les Voyages en zigzag parus à Paris en 1844, et les Nouveaux voyages en zig-zag publiés en 1854 après sa mort. Goethe admire ces textes de Töppfer au même titre que sa « littérature en estampes ».

Par ailleurs, au sein de son établissement, il confie à son père l’enseignement du dessin.

Töpffer est influencé par Molière, Racine, Virgile, Tacite et surtout, par les idées de Jean-Jacques Rousseau. En 1824, sa première œuvre est une édition scolaire de textes en grec ancien, Harangues politiques de Démosthène et en 1826, il publie anonymement sa première critique d’art sur une exposition du musée Rath de Genève. En 1841, la réputation littéraire de Töpffer est établie par la parution des Nouvelles genevoises chez Charpentier éditeur à Paris. La consécration vient avec l’étude critique que Sainte-Beuve fait paraître sur Töpffer dans la Revue des Deux Mondes.

Ces « littératures en estampes » (que Töpffer appelle « histoires en estampes ») créées de 1827 à sa mort sont au nombre de sept plus une posthume et quatre non-publiées. Elles rencontrent dès l’époque un grand succès. En 1842, il fait paraître une notice sur les essais d’autographie, technique qu’il préfère à la lithographie pour réaliser ses ouvrages de bandes dessinées et en 1845, s’intéressant dans son Essai de physiognomonie (voir physiognomonie) à l’originalité de ce qu’il appelle la « littérature en estampes », il écrit le premier ouvrage théorique sur la bande dessinée.

Parallèlement à ses créations littéraires, Töpffer écrit sa première pièce L’Artiste et la fait jouer par Kity et une troupe de ses pensionnaires le 12 février 1829. Il en écrit plusieurs autres qui sont jouées pour l’édification de ses élèves. Jamais Töpffer n’accepta de laisser publier ses pièces de son vivant et il en aurait été de même de ses « littératures en estampes » sans les encouragements de Goethe.

Töpffer a des opinions très conservatrices à la différence de son père qui défend des idées libérales. En 1834, Rodolphe Töpffer est membre conservateur du parlement du canton de Genève, responsabilité qu’il quitte en 1841 à la suite d’un premier succès des libéraux. Ensuite en 1842, il devient polémiste dans le Courrier de Genève « Je voudrais avoir dix bras, dix plumes, dix journaux, et surtout deux bons yeux, pour faire une guerre que j’estime être au fond celle de l’honnêteté contre le vice car, s’il ne s’agissait ici que d’intérêt, de ce qu’on appelle vulgairement politique, je n’aurais pas, j’en suis sûr, d’idées de quoi écrire une ligne » écrit-il à de La Rive du 20 septembre 18429. Le Courrier de Genève est suspendu le 22 mars 1843.

Il continue à lutter avec ses amis de l’Académie contre la bourgeoisie libérale, dont fait partie son père, et le Volkstribun James Fazy qui tentent de supprimer définitivement le vieux système de patricien du canton de Genève.

C’est sous le nom de Simon de Nantua10 que Töpffer continue sa lutte en « littérature en estampes » en dessinant Histoire d’Albert dans laquelle il caricature son adversaire politique James Fazy sous les traits d’Albert. C’est aussi la première fois qu’une bande dessinée est utilisée en politique.

Cette lutte se termine par la victoire des libéraux lors de la révolution de 1846, année de la mort de Töpffer.

La notion d’« inventeur de la bande dessinée » est controversée, un art n’étant pas un procédé technique. Cependant, le caractère inédit des histoires en images que Töpffer commence à créer en 1827, cette nouvelle manière d’articuler texte et images montées en séquences, et surtout la perception par l’auteur qu’il faisait quelque chose de nouveau, le pressentiment qu’il avait que d’autres personnes utiliseraient ce mode d’expression inédit le font généralement considérer comme le premier auteur de bande dessinée occidental.

Bien que Töpffer soit très influencé dans sa mise en scène par le théâtre (les personnages sont généralement représentés de plain-pied, comme face à un public), et par le roman dans ses textes (qui articulent les vignettes), ses histoires ne sont pas de simples romans illustrés car « les composants de la narration verbo-iconique sont indissociables » : sans le dessin, le texte n’aurait pas de sens, mais ce dernier aide à faciliter la compréhension de l’histoire. Loin d’être une simple juxtaposition de textes et d’images, elles sont donc intéressantes de par leur caractère mixte (narration-illustration), ce qui suffit à les caractériser comme bandes dessinées, bien que la narration soit encore fortement assujettie au texte.

La bande dessinée est souvent vue comme un art à la croisée de l’écriture littéraire et de l’écriture graphique. C’est la vision de l’inventeur de la bande dessinée que décrit Töpffer dans la préface de L’Histoire de Monsieur Jabot : « Ce petit livre est d’une nature mixte. Il se compose de dessins autographiés au trait. Chacun des dessins est accompagné d’une ou deux lignes de texte. Les dessins, sans le texte, n’auraient qu’une signification obscure ; le texte, sans les dessins, ne signifierait rien. Le tout ensemble forme une sorte de roman d’autant plus original qu’il ne ressemble pas mieux à un roman qu’à autre chose. »

En avril 2021, le jury des prix Eisner, la principale récompense américaine de bande dessinée, fait entrer Töpffer à titre posthume dans son temple de la renommée.

Source : Wikipédia.

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