Le théâtre.

Selon la Poétique d’Aristote, le théâtre vient du dithyrambe (chant en l’honneur de Dionysos). L’histoire du théâtre occidental débute avec les cérémonies religieuses de la Grèce antique. À ces occasions avait lieu le concours de tragédie. Chaque auteur était subventionné par un mécène et devait présenter une tétralogie (trois tragédies et un drame satyrique), ces quatre pièces étaient jouées à la suite dans la même journée. Le spectacle se déroulait dans un théâtre (theatron) de plein air. Le mot amphithéâtre n’était pas utilisé par les Grecs, mais plutôt par les Romains. Les acteurs étaient uniquement des hommes.

En l’an -534, Thespis associa au chœur (qui chantait des dithyrambes à la gloire des héros grecs) un unique acteur (le protagoniste) qui jouait tous les rôles. À partir d’Eschyle, il y eut un deuxième interprète, puis Sophocle en fit intervenir un troisième. Les personnages et le chœur (tous masculins) étaient alors masqués, comme au début de l’époque romaine (à partir du IIe siècle av. J.-C.).

Ensuite, le théâtre latin se tourne davantage vers la farce et le mime. À l’époque romaine, les représentations étaient jouées dans un théâtre, d’architecture légèrement différente du théâtre des Grecs. Il était construit selon les cités sur un espace plat, ou au dos d’une colline. Les acteurs sont désormais maquillés au lieu de porter un masque.

Suit la période des débuts du christianisme où le théâtre est violemment critiqué par les théologiens (Tertullien le qualifiera de démoniaque dans son Des spectacles, Augustin d’Hippone en critiquera l’attrait pernicieux), et les comédiens sont excommuniés (dès le concile de Carthage, en 398).

La pratique du théâtre semble inconnue du Haut Moyen Âge : si les œuvres dramatiques de Térence ou de Sénèque ne sont pas totalement oubliées, elles sont envisagées indépendamment de toute pratique scénique, à tel point que dans ses Étymologies, Isidore de Séville (vers 570-636) commet un contresens sur ce que devait être le théâtre antique : il pensait que le texte et le jeu étaient dissociés, qu’un récitant prenait en charge l’ensemble des répliques de la pièce tandis que d’autres intervenants se contentaient de mimer les actions.

La première œuvre théâtrale du Moyen Âge dont on ait connaissance est une Visite au sépulcre, dont il est question dans les écrits d’un évêque de Winchester, saint Ethelwold (vers 969-975). Il s’agit de la première trace écrite d’un genre que l’on baptisera le drame liturgique. Il était représenté à l’intérieur des églises, devant l’autel, des moines interprétant les rôles des personnages du Nouveau Testament.

On a longtemps cru que le théâtre occidental était né d’une émancipation progressive du drame liturgique, qui serait sorti des églises pour être représenté dans leurs porches ou sur leur parvis. Le Jeu d’Adam, au milieu du XIIe siècle, en représenterait l’aboutissement. Or, si cette pièce présente bien des caractéristiques novatrices sur le plan de la dramaturgie, rien ne prouve qu’elle n’a pas été jouée à l’intérieur des églises.

Une autre voie possible par laquelle le théâtre aurait ressuscité en Occident est celle qui passe par les jongleurs, spécialisés dans une exécution orale des textes de littérature qui mêle constamment narration et interprétation, à une époque où celle-ci se diffuse essentiellement par l’oralité.

C’est en tout cas dans le cadre du développement urbain du XIIIe siècle que le théâtre en langue vulgaire (que l’on appelle alors « Jeu ») prend véritablement son essor par des troupes itinérantes qui se produisent sur les places publiques : onze pièces nous sont parvenues de cette époque, dont près de la moitié viennent d’Arras. On ne connait les noms que de trois de leurs auteurs : Rutebeuf, Adam de la Halle et Jean Bodel. Tous trois sont des jongleurs7. Si Jean Bodel, avec Le Jeu de saint Nicolas (1200 environ) et Rutebeuf avec Le Miracle de Théophile (1263-1264) inaugurent la vogue de l’adaptation pour la scène de la littérature hagiographique (genre dit des « Miracles »). Adam de la Halle met en scène, avec Le Jeu de la feuillée (1276) un univers entièrement profane.

Après un ralentissement au cours de la période troublée, du XIVe au XVe siècle on voit apparaître ou se développer de nouveaux genres théâtraux : farces, soties, moralités, mystères. Les mystères sont joués dans le cadre de fêtes liées au calendrier liturgique. Ils mettent en scène essentiellement la passion et la résurrection du Christ, parfois des personnages de l’Ancien Testament, les Apôtres, ou retracent la vie de saints. Au XVe siècle, on redécouvre les tragédies de Térence et de Sénèque.

À la Renaissance, les formes principales de la fin du Moyen Âge subsistent, mais en 1548, la représentation des mystères est interdite, seules des pièces « profanes, honnêtes et licites » peuvent être créées. Apparaît un théâtre nouveau qui, tout en rompant avec les traditions littéraires, renoue avec l’Antiquité.

À partir du moment où la division religieuse s’instaure avec la réforme protestante, au XVIe siècle, les mystères religieux disparaissent. L’Église oscille alors selon les époques, les volontés du prince (ainsi l’édit de Louis XIII le 16 avril 1641 semble lever l’opprobre frappant les comédiens) ou l’évolution socio-culturelle entre tolérance (tel Georges de Scudéry, proche du cardinal de Richelieu dans son Apologie du Théâtre en 1639) ou interdiction (tel André Rivet dans son Instruction chrestienne touchant les spectacles publics des Comédies et Tragédies en 1639 ou la traduction en 1664 du Traité contre les danses et les comédies de Charles Borromée qui incite certains évêques français à excommunier temporairement les comédiens) contre les spectacles religieux. Le concile de Soissons ne lèvera l’excommunication mineure qu’en 1849. L’esthétique du théâtre classique s’impose en France, avec pour principaux représentants Pierre Corneille, son frère Thomas Corneille, Jean de Rotrou, Tristan L’Hermite, Paul Scarron, Molière, Jean Racine ou encore Philippe Quinault. Cela se déroulait dans des salles de théâtre créées pour l’occasion.

En Angleterre, la victoire des puritains porte un coup fatal au théâtre élisabéthain qui s’était développé depuis le milieu du siècle précédent : les théâtres sont fermés par Olivier Cromwell en 1642. Les dramaturges Ben Jonson, Christopher Marlowe, et surtout William Shakespeare en avaient été les principaux représentants.

En Espagne, le « Siècle d’or » est contemporain des œuvres dramatiques de Lope de Vega, Tirso de Molina ou Calderón, qui élaborent une dramaturgie s’éloignant des canons aristotéliciens, notamment en ce qui concerne la distinction entre les genres comique et tragique.

Au début du XVIIIe siècle, l’influence des grands dramaturges du siècle de Louis XIV persiste sur la scène de la Comédie-Française. La comédie issue de Molière se voit admirablement prolongée par un auteur comme Jean-François Regnard. La Tragédie, au-delà des imitations raciniennes que l’on perçoit chez Antoine Houdar de La Motte, se tourne vers la mise au théâtre de scènes d’horreur à la limite de la malséance chez Prosper Jolyot de Crébillon.

Néanmoins, des renouvellements plus profonds apparaissent avec les tragédies de Voltaire (1694-1778) qui introduit des sujets modernes en gardant la structure classique et l’alexandrin (Zaïre, Mahomet) et qui obtient de grands succès. La censure est toujours active comme en témoignent, sous Louis XVI, les difficultés de Beaumarchais pour son Mariage de Figaro.

La libération des mœurs de la Régence apporte un autre renouvellement du théâtre avec le retour, dès 1716, des Comédiens italiens chassés par Louis XIV et le début d’une très grande vogue du spectacle théâtral : on se presse pour admirer Lélio, Flaminia, Silvia… et rire des lazzis et du dynamisme des personnages issus de la commedia dell’arte comme Arlequin, Colombine ou Pantalon. C’est dans cette lignée que trouve place Marivaux (1688-1763) et ses comédies qui associent la finesse de l’analyse du sentiment amoureux et la subtilité verbale du marivaudage aux problèmes de société en exploitant le thème emblématique du couple maître-valet. les Fausses Confidences, le Jeu de l’amour et du hasard ou l’Île des esclaves constituent quelques-unes de ses œuvres majeures.

Lesage (1668-1747) a, lui aussi, marqué la comédie de mœurs avec son Turcaret (1709), mais l’autre grand auteur de comédies du siècle est Beaumarchais (1732-1799) qui se montre habile dans l’art du dialogue et de l’intrigue, mais aussi dans la satire sociale et politique à travers le personnage de Figaro, valet débrouillard qui conteste le pouvoir de son maître et qu’on retrouve dans deux œuvres majeures : le Barbier de Séville (1775) et le Mariage de Figaro (1784).

Le théâtre du XVIIIe siècle est marqué aussi par des genres nouveaux, aujourd’hui considérés comme mineurs mais que reprendra et transformera le XIXe siècle, comme la comédie larmoyante et le drame bourgeois qui mettent en avant des situations pathétiques dans le contexte réaliste de situations dramatiques qui touchent des familles bourgeoises. Quelques titres explicites : le Fils naturel (Diderot, 1757), le Père de famille (Diderot, 1758), le Philosophe sans le savoir (Sedaine, 1765), la Brouette du vinaigrier (Mercier, 1775) ou encore la Mère coupable (Beaumarchais, 1792).

De nouveaux genres apparaissent, qui associent texte et musique, tels le vaudeville ou l’opéra comique, ainsi que des textes de réflexion sur le théâtre avec Diderot et son Paradoxe sur le comédien, les écrits de Voltaire pour défendre la condition des gens de théâtre toujours au ban de l’Église, et les condamnations du théâtre pour immoralité par Rousseau.

Le théâtre de société, encore peu étudié, s’est développé au XVIIIe siècle, notamment en Suisse romande, encouragé sans doute par la présence de Voltaire près de Genève, et de Germaine de Staël au château de Coppet. Ce théâtre amateur, joué par, et pour, des amis dans les demeures de riches particuliers, devient, pour ces derniers, une manière d’affirmer leur rang social. Le château d’Hauteville (Saint-Légier), près de Vevey, a notamment conservé un corpus documentaire exceptionnel (y compris des décors et costumes) s’étendant du XVIIIe au XXe siècle.

À Paris, après l’ouverture en 1763 du théâtre de la Gaîté sur le boulevard du Temple, une douzaine de “Petits Théâtres” et salles de spectacles supplémentaires commencent à braver le monopole des grandes salles des théâtres de l’Opéra, des Italiens et de la Comédie Française, puis en 1782 du Théâtre Français (Odéon) outre une poignée de théâtre privés de quelques nobles amateurs et fortunés, et fleurissent dans le centre de la Capitale, notamment autour du Palais Royal et des grands boulevards, en comprenant des Vauxhall, salles de concerts et de bal, qui apparaissent à partir de 1769 et deux cirques à partir de 1783 (outre les premiers panoramas en 1799). En abolissant les privilèges, la révolution française libéralise la création des théâtres par la loi du 13 janvier 1791, qui dispose dans son article 1 que « Tout citoyen pourra élever un théâtre public et y faire représenter des pièces de tout genre en faisant, préalablement, une demande à la municipalité ». En moins de dix ans, près de vingt cinq nouveaux théâtres sont créés à Paris, après que le Théâtre de Monsieur ou Théâtre Feydeau, autorisé par privilège du roi Louis XVI, ait été construit en 1790, en portant leur total à une quarantaine de salles avant 1800. Dans son article 3, la loi de 1791 rétablit le droit d’auteur, après que dans la nuit du 4 août 1789 le tout récent privilège obtenu par Beaumarchais en 1777 ait été aboli, pour instaurer ce qui deviendra la Société des Auteurs.

Source : Wikipédia.