Le morse (animal).

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Le morse (Odobenus rosmarus) est une espèce de grands mammifères marins, unique représentant actuel de son genre, Odobenus, ainsi que de sa famille, celle des Odobenidae. Il possède une répartition discontinue circumpolaire dans l’océan Arctique et sa périphérie, comme le nord de l’Atlantique ou encore la mer de Béring, au nord du Pacifique. Deux à trois sous-espèces sont distinguées par leur taille et l’aspect de leurs défenses : O. r. rosmarus trouvée dans l’Atlantique, O. r. divergens, occupant le Pacifique et O. r. laptevi, au statut discuté, vivant en mer de Laptev.

Le morse est parfaitement reconnaissable à ses défenses, ses moustaches drues et son allure massive. Les mâles adultes du Pacifique peuvent peser jusqu’à deux tonnes et, parmi les membres de l’ancien sous-ordre des pinnipèdes, l’espèce n’est dépassée en taille que par les éléphants de mer. Le morse vit principalement dans les eaux peu profondes des plateaux continentaux, passant une part importante de son existence sur les blocs de glace ou les icebergs dérivant en mer. De ces plates-formes, il part à la recherche de sa nourriture de prédilection, les mollusques bivalves du benthos. C’est un animal sociable, à l’espérance de vie d’environ 40 ans, et considéré comme une espèce clé des écosystèmes marins de l’Arctique.

Morse, carte maximum, Canada, 1954.

Le morse occupe une place importante dans la culture de nombreux peuples autochtones de l’Arctique, qui le chassèrent pour sa viande, sa graisse, sa peau, ses défenses et ses os. Aux XIXe et XXe siècles, le morse fut l’objet d’une très forte exploitation commerciale de sa graisse et de l’ivoire de ses défenses, faisant diminuer rapidement ses effectifs. Depuis, sa population mondiale a de nouveau augmenté, bien que les populations de l’Atlantique et de la mer de Laptev restent réduites et fragmentées.


Popularisé par Buffon, le terme « morse » est vraisemblablement issu d’une onomatopée lapone, morssa, arrivée en français via les langues slaves. L’origine commune de ce terme est en effet facilement identifiable dans le terme морж (morž) en russe, mors en polonais, mursu en finnois mais aussi dans les langues plus méridionales comme morsa en espagnol, morsă en roumain, etc.

Comme dans le cas de nombreux autres animaux marins, le vieux norrois est à l’origine de termes de plusieurs langues nord-européennes. Le terme actuel norvégien (en bokmål) est Hvalross, il dérive directement du vieux norrois hrossvalr qui signifie « cheval-baleine ». Ce terme passa sous une forme juxtaposée dans les dialectes néerlandais et nord-allemands en walros et Walross puis en anglais moderne sous la forme walrus, bien que quelques sources en fassent une juxtaposition du néerlandais wal (« rivage ») et de reus ou rus (« géant »).

La plus ancienne description connue de l’animal, du moins assez précise pour ne pas souffrir d’ambiguïté, est celle d’Olaus Magnus datant de 1539, même si ce religieux scandinave est habituellement fantaisiste dans ses descriptions. Le support où l’animal est représenté est une gravure sur bois nommée Carta Marina. Assez peu ressemblante, l’effigie est légendée rosmarus piscis et l’animal décrit en quelques lignes dans un encart à l’angle inférieur gauche. Puisque mar est en norrois une racine désignant la mer, comme dans le terme maralmr qui désigne une herbacée des dunes sableuses, il est possible que le terme rosmarus apparu sous la plume de Olaus Magnus soit une latinisation de termes scandinaves, cheval et mer, rosmarus signifiant alors « cheval marin ». Une autre hypothèse donnerait rosmarus comme la forme latinisée d’une déformation de rosmhvalr, rosm désignant chez les Scandinaves la couleur rouge-brun et hvalr signifiant « baleine ». Enfin rosmarus pourrait être une latinisation du nom vernaculaire russe. Ce nom est ensuite repris par de nombreux auteurs comme Conrad Gessner et enfin choisi par Carl von Linné comme dénomination spécifique de l’animal lors de sa description scientifique, et conservé depuis lors.

Le nom latin du genre, Odobenus, vient du grec odous, signifiant « dent » et baino, signifiant « marcher », et tiré des observations de morses s’aidant de leurs défenses afin de se hisser hors de l’eau. On retrouve également cette étymologie pour les Odobenocetopsidae. Odobenus rosmarus pourrait se traduire par « le cheval marin marchant sur ses dents », sous réserve des origines imprécises de la dénomination spécifique.

Pour distinguer en français les deux sous-espèces principales, la sous-espèce type, O. r. rosmarus, est appelée « morse de l’Atlantique » et O. r. divergens « morse du Pacifique », en référence évidente à leurs aires de répartition respectives.

Comme chez tous les pinnipèdes, le petit est couramment appelé « veau », ainsi les mâles peuvent être nommés « taureaux » et les femelles « vaches », mais ces deux dernières appellations tiennent plus de l’anglicisme issu des termes bull et cow. Lorsque le jeune atteint l’âge de quatre mois, il est de la même manière nommé yearling.

L’animal conservait toujours de nombreux noms au début du xixe siècle « vache marine » (latinisé en Vacca marina), « cheval marin » (latinisé en Equus marinus), « bête à grandes dents » ou encore « lamantin morse ». Le terme de « vache de mer » est ambigu car il était à l’époque également attribué à d’autres mammifères marins comme les éléphants de mer ou comme les sirénéens parmi lesquels les taxonomistes l’ont d’ailleurs classé pendant un temps.

Squelette de morse montrant les canines très allongées et les palettes natatoires courtes et quadrangulaires, grâce à leurs doigts munis de griffes réduites à de simples nodules. Bien que certains mâles isolés du Pacifique puissent peser près de deux tonnes, la plupart pèsent entre 800 et 1 800 kg. Les femelles pèsent environ les deux tiers de ce poids, les morses de l’Atlantique étant globalement légèrement plus petits. La sous-espèce atlantique a également tendance à avoir des défenses plus courtes et un museau plus aplati. Le morse est la deuxième plus grande espèce de pinnipèdes, derrière les éléphants de mer. Le mâle mesure de 2,70 à 3,60 mètres de long et la femelle entre 2,30 et 3,10 mètres.

Ses yeux, petits et noirs, sont placés haut de chaque côté de son crâne presque cubique, au museau court et large. Son cou est massif et sa queue très courte est souvent cachée par un repli de peau. Comme les phoques, il ne possède pas d’oreille externe et son corps est conique.

Les mâles possèdent un grand baculum, os du pénis appelé « oosik » chez les inuits, tubulaire et creux atteignant les 63 cm de longueur, soit le plus grand chez tous les mammifères, aussi bien par sa longueur absolue que par sa longueur relative, c’est-à-dire par rapport à la taille de l’animal. Les testicules se trouvent à l’intérieur du corps. La femelle présente deux paires de tétines.

Le morse partage certaines caractéristiques avec les otaries (Otariidae) et les phoques (Phocidae). Ses palettes natatoires, appelées improprement nageoires, sont garnies de cinq doigts. Comme les otariidés, il peut orienter les nageoires postérieures vers l’avant et se déplacer à quatre pattes, mais il reste globalement maladroit sur la terre ferme. Lors de la nage, il rappelle davantage les phocidés, se propulsant en ondulant de son corps plutôt qu’à l’aide de ses nageoires. Les nageoires antérieures mesurent le quart de la longueur totale, les nageoires postérieures étant de quinze centimètres plus courtes20. Il nage généralement à une vitesse de 7 km/h, mais peut atteindre 35 km/h.

Les mâles, et plus rarement certaines femelles, possèdent au-dessous de la gorge deux poches d’air qui peuvent se gonfler d’une cinquantaine de litres d’air. Elles leur servent de caisses de résonance pour leurs vocalisations ou de flotteurs, leur permettant même de se tenir verticalement dans l’eau tout en dormant.

Exceptées les vibrisses, la pilosité du morse est réduite à une fourrure répartie de manière très éparse, aux poils longs d’un centimètre, et l’animal semble presque glabre, le fœtus seul étant poilu. La peau imperméable, très ridée et épaisse de plusieurs centimètres le protège de la glace ou des pierres aux arêtes vives, et atteint les 10 cm d’épaisseur autour du cou et des épaules des mâles, chez qui elle peut également prévenir des blessures lors de combats. La couche de graisse sous-cutanée, ou lard, mesure jusqu’à 15 cm d’épaisseur et le morse craint moins le froid que les excès de chaleur, qu’il évacue à l’aide de ses nageoires hautement vascularisées. Chez un morse en bonne santé la graisse représente un tiers du poids, soit près de 500 kg.

Les jeunes morses sont brun foncé voire rougeâtres et pâlissent, virant au brun-cannelle au fur et à mesure de leur vieillissement. Les vieux mâles, en particulier, deviennent presque rose et la couleur peut servir à fournir une estimation grossière de l’âge. Les vaisseaux sanguins de la peau se contractant dans l’eau froide, le morse peut paraître presque blanc lorsqu’il nage et reprend sa couleur sombre voire rosit au soleil22. Les mâles ont pour caractère sexuel secondaire d’importants nodules, en particulier autour du cou et des épaules, où persistent également chez les mâles aguerris les cicatrices de combats passés. La face ventrale est généralement plus sombre que le dos.

À cause de leur régime alimentaire ciblant des proies inféodées au plancher marin, la vue est probablement moins bien développée que chez les autres pinnipèdes qui ont à chasser des proies mouvantes. Le sens tactile est notamment assuré par les vibrisses, la peau épaisse étant particulièrement peu sensible. L’ouïe est bien développée tout comme l’odorat, permettant la communication entre mères et petits, ou pour repérer à distance un prédateur. On ne connait pas la réelle importance du goût pour le choix de la nourriture, même si le morse a des préférences évidentes. Les papilles gustatives sont moins nombreuses mais plus grosses que celles des mammifères terrestres.

Le morse affectionne les eaux peu profondes du plateau continental où il prospecte dès l’aube le fond de la mer, souvent en groupes de 10 à 15 individus, en partant d’un bloc de glace lui servant de plate-forme. Il est nettement moins pélagique que les autres pinnipèdes, mais ses plongées, bien que moins profondes en moyenne, avoisinent tout de même 80 mètres et peuvent durer près d’une demi-heure, même si la moyenne n’excède guère dix minutes. Le record de plongée mesuré chez la sous-espèce atlantique était de 113 m de profondeur. Pour trouver sa nourriture, il peut s’éloigner jusqu’à 2 km des côtes lorsque les risques de se retrouver prisonnier sous la glace sont trop grands.

Le morse a un régime alimentaire diversifié et opportuniste, se nourrissant de plus de 60 genres d’organismes marins, comprenant crevettes, crabes, vers tubicoles, coraux mous, tuniciers, concombres de mer, divers mollusques et petits poissons. Sa source d’alimentation de prédilection reste toutefois les mollusques bivalves du benthos, en particulier myes, palourdes, mais aussi coques, clams ou bucardes qui constituent 60 à 80 % de son régime alimentaire. Il part en quête de nourriture deux fois par jour et peut consommer jusqu’à 400 palourdes par jour, soit 27 kg de nourriture et 3 à 6 % de son poids.

Il déniche ses proies sur le plancher marin à l’aide de ses vibrisses et chasse le sable en créant un courant à l’aide de sa nageoire ou en propulsant un puissant jet d’eau avec sa bouche. Une fois le terrain nettoyé, le morse casse les bivalves entre ses nageoires ou aspire la chair en plaquant ses puissantes lèvres sur l’organisme et en reculant rapidement sa langue dans sa bouche, comme un piston, créant un vide. Son palais particulièrement voûté, permet une aspiration efficace.

À côté de sa consommation de nombreux organismes, sa méthode de recherche de nourriture a un grand impact périphérique sur les communautés benthiques. Elle est une source de bioturbation du plancher de la mer, libérant des nutriments dans toute la colonne d’eau et encourageant le mélange et la circulation de nombreux organismes, ce qui accroît la dispersion du benthos. Leur voracité pourrait quant à elle avoir un impact négatif non négligeable sur les bancs de bivalves à reconstitution lente, et donc sur l’ensemble de la faune se nourrissant de ceux-ci.

Des restes de phoques ont déjà été retrouvés en quantité non négligeable dans l’estomac de morses du Pacifique, mais l’importance de ces mammifères dans l’alimentation des morses reste débattue. Quelques rares exemples de prédation sur les oiseaux de mer ont été rapportés, en particulier sur le Guillemot de Brünnich (Uria lomvia). Enfin, le morse peut se montrer cannibale, notamment envers les nouveau-nés, ou encore charognard, consommant carcasses de cétacés, de congénères, d’ours polaires ou même de chiens de traîneau.

La peau du morse peut héberger de nombreux types de parasites, comme ceux suceurs de sang du sous-ordre des Anoplura, et les acanthocéphales. Certains nématodes sont des parasites internes des plus courants. Une étude portant sur les Trichinella a trouvé les larves du parasite, et notamment celles de l’espèce T. nativa, chez 2,4 % des 1 529 morses étudiés : alors que les autres pinnipèdes et les cétacés ne sont que des porteurs occasionnels, le morse est un porteur vital pour le parasite, avec une prévalence de 0 à 9,4 %. Ses habitudes charognardes en font un vecteur particulièrement privilégié de la trichinellose, inoffensive pour l’animal mais un fléau pour les autochtones qui consomment la viande de morse crue.

Les infections bactériennes contractées par les nageoires ou les yeux mènent rapidement à la perte de poids précédant la mort de l’individu, comme cela a notamment été étudié pour le genre Brucella. L’impact des infections virales causées par les calicivirus et le morbillivirus est encore largement inconnu.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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