L’art du vitrail.

Le vitrail est une composition de verre formée de pièces de verre. Celles-ci peuvent être blanches ou colorées et peuvent recevoir un décor. Le mot vitrail désigne une technique tandis que la fermeture d’une baie fixe avec du verre s’appelle une verrière.

Créées au début du Moyen Âge, ces pièces sont assemblées par des baguettes de plomb, appelées de la même manière, « plomb ». Ce procédé, bien qu’aujourd’hui toujours dominant, n’est pas le seul en usage : d’autres techniques, telles que celles du ruban de cuivre (aussi appelée méthode Tiffany, de son concepteur Louis Comfort Tiffany), de la dalle de verre enchâssée dans le béton ou le silicone, de collages (avec des résines ou des polymères), de thermoformage, de fusing et du vitrail à verre libre, peuvent être utilisées ou combinées.

Un vitrail est appelé vitrerie lorsque son dessin est géométrique et répétitif (par exemple des losanges ou des bornes). La vitrerie est généralement claire et sans peinture.

La surface peinte des verres est apparente. Les plombs en H sont visibles avec leurs jonctions soudées, de même que les fers raidisseurs et les fils de cuivre qui les lient au vitrail.
Selon l’Institut national des métiers d’art, la France, pays de cathédrales, est le pays qui a la plus grande surface de vitraux dans le monde, soit 90 000 m2 de vitraux.

Le verre coloré a été produit depuis les époques les plus reculées. Tant les Égyptiens que les Romains ont excellé dans la fabrication de petits objets de verre coloré. Le British Museum possède deux pièces romaines exceptionnelles, la coupe de Lycurgue, dont la teinte couleur moutarde prend des reflets pourpres lorsque la lumière la traverse et le vase Portland, bleu nuit à décor incisé blanc.

Les Romains avaient l’habitude de décorer leurs thermes de mosaïques de verre coloré (tels les « millefiori », mosaïques de verre multicolore), ce qui permettait de tamiser la lumière, et les riches Romains fermaient les fenêtres de leurs villas avec du verre peint coloré. Des mosaïques incrustées d’or et de verre polychrome ornent l’architrave, l’entablement et les colonnes de la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs dès le IVe siècle.

Dans les premières églises chrétiennes des IVe et Ve siècles, on peut encore observer de nombreuses ouvertures occultées par des motifs en très fines feuilles d’albâtre serties dans des cadres en bois, donnant un effet de vitrail primitif. Ainsi cinq fenêtres de vitrail sont répertoriées dans la basilique Sainte-Sophie, datant du VIe siècle. On retrouve aussi des premiers vitraux pour la basilique Saint-Vincent de Paris, aujourd’hui disparue, et une des premières roses de vitraux, appelée cive, à la basilique Saint-Vital, montrant un Christ bénissant. Les églises européennes d’Occident adoptent massivement cette nouvelle mode au VIIe siècle, comme à Bourges et à York. En Orient aussi, on a trouvé les restes de vitraux du VIIIe siècle dans les fouilles d’une église de Jéricho, mais l’usage byzantin abandonne le vitrail par la suite.

Des effets semblables ont été atteints avec une grande sophistication par des créateurs orientaux en Asie Mineure et en Perse en utilisant le verre coloré en lieu et place de la pierre.

En tant que forme artistique, la technique du vitrail atteint sa plénitude au Moyen Âge.

À partir du VIe siècle, l’Italie, influencée par Rome, se dote de vitraux enchâssés dans des cadres en bois, quelquefois dans des châssis de métal ou sertis dans du plâtre ou du stuc, cette technique de stabilisation des vitraux étant progressivement remplacée (il subsiste de robustes cadres de fer qui sont encore visibles dans la cathédrale de Chartres et à l’extrémité orientale de la nef de la cathédrale de Canterbury) à partir du Xe siècle en Occident par le vitrail au plomb qui résiste mieux à l’humidité de son climat et est un

matériau plus souple et malléable6. Ces vitraux n’utilisent comme couleurs que le gris, le brun et le noir, aussi ils restent assez sombres et sont employés pour souligner les ombres ou dessiner les draperies de personnages. La plupart n’ont pas résisté aux dégradations du temps, il n’en subsiste que des fragments dans la cathédrale Saint-Bénigne de Dijon, la cathédrale de Beauvais, l’église carolingienne de Lorch ou dans la châsse de Séry-lès-Mézières.

La technique de fabrication des vitraux est décrite pour la première fois dans l’histoire dans De arte vitriaria, deuxième livre du traité sur les métiers Schedula diversum artium rédigé dans le premier quart du XIIe siècle par le moine Theophilus Presbyter.

Durant les périodes romane et du gothique primitif (950 à 1240), les ouvertures se développent, exigeant de plus grandes surfaces vitrées. Le style roman utilisant l’arc en plein cintre ne permet que des ouvertures limitées, favorisant les jeux de contraste entre ombre et lumière et se caractérise essentiellement par de petits vitraux en assemblage de médaillons carrés ou circulaires, les scènes étant bordées de riches motifs végétaux (acanthes, fleurons, feuilles, pétales, motifs perlés). Le foyer du vitrail médiéval au plomb se trouve d’abord en France, notamment à la basilique Saint-Denis au IXe siècle, ou encore à Auxerre ou à Reims. Le pape Grégoire le Grand ayant mis en avant la fonction pédagogique de l’image qui se déploie dans les églises, et les canons du concile de Rome de 1050 ayant rappelé la mission d’instruire et de moraliser de l’Église, les œuvres sculptées et les fresques à l’intérieur des édifices romans retracent la suite des événements bibliques. Lorsque les baies se multiplient et gagnent en importance à l’époque gothique, la fonction pédagogique des fresques perd de son importance, au profit des sculptures et des vitraux. Comme l’œil doit effectuer un effort pour voir les motifs figuratifs des vitraux qui se situent à tous les niveaux de l’église, de plus en plus haut, les artistes les déforment volontairement afin de les rendre accessibles aux croyants.

Les Cisterciens développent, en rapport avec leur idéal de simplicité et de dépouillement, un type de vitrail incolore composé le plus souvent de motifs décoratifs non-figuratifs et répétitifs, comme dans l’abbaye d’Aubazine. À la même époque, les préoccupations religieuses de Suger le conduisent à donner une grande importance théologique et liturgique aux couleurs et à la composition dans la conception des vitraux de la basilique Saint-Denis. L’invention de l’architecture gothique y apparaît comme la volonté de substituer la transparence du verre à l’opacité des murs qui ont tendance à se réduire à des nervures où s’encastre le verre. L’arc brisé et la croisée d’ogives permettent d’équilibrer les forces sur les piles. Les murs n’ont donc plus à supporter le poids de la structure et peuvent alors être ouverts vers l’extérieur. Avec le développement ornemental de

l’architecture gothique, les ouvertures deviennent donc de plus en plus grandes, améliorant l’éclairage des intérieurs. La cathédrale de Metz innove en se dotant de bas-côtés relativement bas par rapport aux voûtes de nef principale (plus de 27 m de différence) pour permettre la réalisation d’imposantes verrières qui en feront la cathédrale la plus vitrée d’Europe. La lumière devient suffisamment abondante pour que les peintre-verriers puissent jouer à la colorer par de nombreux vitraux. Ces derniers ne laissent rien voir de l’extérieur mais laissent entrer la lumière. L’architecture gothique innove en introduisant un cloisonnement des fenêtres par des piliers verticaux, les meneaux et des motifs de pierre. La composition narrative des scènes superposées (la lecture de cette iconographie se faisant généralement de gauche à droite en commençant par le bas) s’accompagne de décors et personnages plus naturalistes au gothique classique et rayonnant. La complexité de ces ouvertures atteint son apogée dans les immenses baies du style flamboyant européen dont les figures s’allongent, pouvant occuper toute la baie, tandis que les personnages présentés ont des allures plus maniérées.

Intégrés à la tendance à l’élévation verticale des cathédrales et des églises paroissiales, les vitraux deviennent des créations de plus en plus audacieuses. La forme circulaire, ou rosaces développée en France, évolua à partir de percements relativement simples dans les parois de pierre, jusqu’aux immenses rosaces, comme celle du fronton ouest de la cathédrale de Chartres. Cette cathédrale est célèbre pour son « bleu de Chartres » et ses vitraux du XIIIe siècle. Le temps des cathédrales en France voit l’explosion de cet art, comme à Notre-Dame de Paris, Bourges, Amiens, Reims, Rouen, ou au Mans ainsi que dans les contrées germaniques, comme à Strasbourg, Augsbourg, Cologne, Erfurt, Ratisbonne, etc. Ces modèles atteignent une énorme complexité, la dentelle de pierre étant ramifiée en centaines de différents points, comme à la Sainte-Chapelle à Paris, véritable vaisseau de lumière.

La palette du peintre-verrier, constituée essentiellement du bleu et de rouge, s’enrichit au XIIIe siècle du vert émeraude ou vert olive, du rouge carmin et vermillon, du mauve, puis au XIVe siècle du jaune d’argent qui permet de rehausser les couleurs et de teinter dans la masse les vitraux dont la peinture du verre est devenue trop coûteuse pendant la guerre de Cent Ans.

La réalisation de vitraux médiévaux nécessite des financements importants, les maître-verriers, bien qu’anonymes à l’origine (quelques noms nous sont parvenus à partir de la Renaissance, tels Arnoult de Nimègue, Engrand Leprince, Romain Buron, Dominique Florentin, Jean Soudain, Mathieu Bléville, Arnaud de Moles, Valentin Bousch8), étant des artistes très bien rémunérés. Ainsi deux tiers du budget d’une cathédrale sont consacré aux vitraux, un tiers à l’architecture. Le financement des vitraux est d’abord assuré par des donations de prélats, de nobles puis à partir du XIVe siècle par les corporations et les grands bourgeois qui jouent les mécènes dans les chapelles latérales et se retrouvent dans les fabriques paroissiales qui prennent le pas sur les évêques.

L’expression « cathédrale de lumière », désignant les églises médiévales baignées de lumière, est cependant à nuancer : les vitraux qui filtrent la lumière naturelle ont tendance à assombrir les églises et cathédrales d’autant plus que la fumée des bougies et de l’encens encrassent les murs et vitraux qui se colmatent et s’opacifient au cours des siècles (vitraux lixiviables) ; le clergé du XVIIe siècle et surtout du XVIIIe siècle qui recherche plus de clarté privilégie ainsi les vitreries claires aux bordures décoratives et les vitraux en grisaille qui rendent les églises moins sombres6. Les vitraux sont censés être édifiants pour les fidèles et représentent bien souvent des scènes bibliques, la vie des saints mais parfois aussi la vie quotidienne au Moyen Âge, constituant une véritable « Bible du pauvre (en)» selon l’expression d’Émile Mâle. Ils sont considérés comme de véritables supports imagés, à la façon d’une bande dessinée, pour le catéchisme des fidèles illettrés, supposés n’avoir alors qu’à lever les yeux et dépouillant de ce rôle le chapiteau roman historié, mal visible et parfois abscons. En réalité, cette conception utilitariste de l’art médiéval est exagérée, les historiens de l’art

ayant longtemps fait confiance aux discours normatifs des clercs : les vitraux existent comme œuvres d’art par elles-mêmes car certaines verrières étaient trop hautes pour être lisibles, leurs scènes bien souvent trop petites, et beaucoup de celles situées à hauteur d’œil n’étaient pas interprétables (à l’exception des grands classiques qu’étaient la Nativité, l’Assomption, etc.) par les fidèles (le catéchisme originel ne s’adressant pas aux fidèles mais aux prêtres). Or l’iconographie chrétienne dans les églises puise sa source d’inspiration principalement dans les Évangiles apocryphes et La Légende dorée dont la richesse n’est pas appréhendée par les laïcs. De plus, toutes sortes d’obstacles (jubés, chancels, autels, absides réservées aux officiants) se dressent entre les fidèles et les figurations, et le « laconisme du vitrail » (la concision cachant la sophistication qui préside à l’agencement des symboles et des scènes), à la limite du non-sens, rend souvent la lecture des images impossible sans un enseignement préalable et des commentaires complexes. Si le rôle iconographique du vitrail a pris une fonction didactique au XIXe siècle22, le vitrail médiéval répond à des finalités supérieures : volonté d’exaltation de la lumière, symbole de la transcendance selon les théologiens, tout en constituant une clôture par rapport au monde extérieur, ce qui accentue la sacralisation de l’église ; évocation de l’éclat des pierres précieuses dont resplendit la Jérusalem céleste de l’Apocalypse.

Mais au-delà de la représentation iconographique, c’est aussi pour toute la symbolique de la lumière que l’on avait recours aux vitraux durant le Moyen Âge, et plus particulièrement pendant la période dite gothique. Selon Vitellion, intellectuel du XIIIe siècle, on distingue deux sortes de lumières : la lumière divine (Dieu) et la lumière physique (manifestation de Dieu). Les vitraux étaient alors chargés de transformer la lumière physique en lumière divine, autrement dit de faire entrer la présence divine dans la cathédrale. En outre, la lumière provenant des vitraux a pour but de délimiter un microcosme céleste au cœur de l’église.

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Sources : Wikipédia, YouTube.