La Transylvanie.

La Transylvanie, du latin : trans-silvam : « au-delà des forêts » (ou « au-delà de la forêt ») également appelée Ardeal ou Transilvania en roumain, Erdély (« au-delà des forêts ») en hongrois, Седемградско (Syedyemgouradsko, « Les sept villes ») en bulgare et Siebenbürgen (« sept citadelles ») en allemand, est une région du centre-ouest de la Roumanie.

Du XIe siècle à 1538 et de 1699 à 1867, on appelait « Transylvanie » une région, au centre de l’actuelle Roumanie, d’un tiers plus petite que l’actuelle Transylvanie. Entre 1538 et 1699, les limites occidentales de la principauté de Transylvanie agrandie du Partium ont varié d’un traité à l’autre, à la suite des guerres entre les princes transylvains, les Habsbourg et les turcs Ottomans. Depuis 1918, la limite occidentale de la Transylvanie inclut l’ensemble des territoires dont les habitants roumains ont proclamé leur union à la Roumanie en décembre 1918, cédés par la Hongrie en 1920 au traité de Trianon.


La Transylvanie est formée du Plateau transylvain (entre 305 et 488 m d’altitude), entouré par les chaînes des Carpates qui culminent à 2 543 m au Sud ; à l’Ouest, les monts du Bihor et les monts Métallifères le séparent de la plaine occidentale (appelée câmpia Tisei ou câmpia de Vest en Roumanie et plaine de Pannonie en Hongrien 1). C’est dans les monts du Bihor et  Métallifères que prennent leurs sources les quatre rivières dont la confluence, en Hongrie, forme le Criș. Le plateau est creusé de dépressions et par les vallées des rivières qui y prennent leur source (Mureș, Olt et Someș).

La Transylvanie borde l’Ukraine au nord, la Hongrie à l’ouest et la Serbie au sud-ouest. Au nord, l’ancienne Marmatie forme la Ruthénie subcarpathique en Ukraine et le Maramureș en Transylvanie. À l’ouest, l’ancienne Crișana est partagée entre la Transylvanie, et plus à l’ouest encore, la Hongrie, où elle s’appelle Körösvidék. Au sud-ouest, l’ancien Banat est partagé entre la Transylvanie, et plus au sud-ouest encore, la Serbie, où elle s’appelle Voïvodine.

À l’est, les Carpates orientales séparent la Transylvanie de la région  historique roumaine de Moldavie, plus précisément de Moldavie occidentale. Au sud, les Alpes de Transylvanie séparent la Transylvanie de la Valachie, où se trouve la capitale roumaine, Bucarest. Dans les Carpates orientales et les Alpes de Transylvanie, la limite transylvaine, et par conséquent la superficie de la Transylvanie, sont variables, selon que l’on suit la ligne de séparation des eaux (limite physique), l’ancienne frontière austro-hongroise plus à l’est et au sud (limite historique), ou encore les limites des actuels județe (limite administrative et statistique).

Les villes les plus importantes sont Cluj-Napoca (Cluj pour les Roumains, Kolozsvár pour les Hongrois et Klausenbourg pour les Allemands), Brașov (Brassó, Kronstadt), Sibiu (Nagyszeben, Hermannstadt) et Târgu Mureș (Marosvásárhely, Neumarkt), Baia Mare (Nagybánya, Frauenbach ou Groß-Neustadt) Satu Mare (Szatmárnémeti, Sathmar), Oradea (Nagyvárad, Großwardein), Arad et Timișoara (Temesvár, Temeswar).

Dans l’Antiquité, l’actuelle Transylvanie est le cœur de la Dacie,  transformée en province romaine au IIe siècle, abandonnée au IIIe siècle aux Goths, puis dominée tour à tour de rôle ou simultanément par les Carpes, les Huns, les Gépides, les Avars, les Bulgares, les Magyars, les Petchénègues, les Coumans et les Iasses, tout en accueillant aussi des sklavinies (duchés slaves) et des colons allemands, et en subissant, au XIIIe siècle, la grande invasion des Mongols puis celle des Tatars.

De ce fait, elle a toujours été pluriethnique comme en témoigne sa toponymie : par exemple, la bourgade de Săvădisla/Szent-László vient du slave Sveti Vladislav (saint Ladislas), tandis que le pays de Târnava a en roumain un nom slave et en hongrois un nom d’origine finno-ougrienne (Küküllő) (signifiant respectivement « épineux » et « prunier »). Les noms des montagnes (Pietrosu, Găina, Codru, Pleșu, Căpățâna…) sont presque tous d’origine latine, comme la rivière Arieș (en hongrois Aranyos) qui tire son nom du latin Auraneus (« doré », en référence à l’orpaillage) ; les noms de beaucoup d’autres rivières sont hérités de l’antiquité. Néanmoins, les noms finno-ougriens dominent le long de ces mêmes fleuves et dans les plaines, ce qui montre que des populations magyares étaient  préférentiellement implantées le long des grands cours d’eau et dans les zones de végétation ouverte. De leur côté, les « Valaques » (comme on appelait alors les romanophones) dominaient sur les piémonts, dans les « valachies » : nom commun désignant des communautés autonomes rurales et pastorales (țări ou vlachfölds) régies par une charte de franchises dénommée Jus valachicum (en ancien roumain λеџѩ стръмошѩскѣ -legea strămoșească soit « droit ancestral ») et dirigées par des joupans et des boyards qui y rendaient la justice, levaient la troupe, collectaient l’impôt et veillaient au partage des droits de pâturage, de meunerie, de pêche, chasse, cueillette et bûcheronnage.

Ainsi en Marmatie, au pays d’Oaș, de Crasna, du Sălaj, de Lăpuș, de Năsăud, du Gurghiu, de Toplița, Vlăhița, Bihor, Zărand, des Motses, de Caraș, de Vâlcu, de Petroșani, Hațeg, Amlaș, Cibin, Făgăraș et Zărnești, ces « Valaques » vivaient surtout de pastoralisme : c’était encore le mode de vie traditionnel de la plupart des Roumains transylvains au XIXe siècle. Au gré des évènements, la population transylvaine a été tantôt plus dense et plus sédentaire, tantôt plus clairsemée et vouée à la transhumance de l’élevage extensif, comme en témoigne l’archéologie, avec des localités, des posade (clairières de défrichement), des nécropoles, des fossés et des oppidums (prisăci) successivement établis, abandonnés puis réinvestis.

Avant la formation de l’État roumain moderne en 1859, les Roumains, en « valachies » ou non, ont vécu principalement au sein de trois principautés autonomes, mais vassales des royaumes ou des empires voisins, plus puissants : les « principautés danubiennes » de Moldavie et Valachie, et la principauté de Transylvanie. Mais dans cette dernière, formée au début du XIIe siècle, la classe dominante était formée par la noblesse hongroise, et non par la noblesse roumaine comme dans les deux autres. La Transylvanie historique n’était donc pas, comme les « principautés danubiennes », une principauté roumaine, même si une grande partie de sa population était roumaine. Alors que les « principautés danubiennes », gouvernées par des voïvodes élus par les boyards roumains, avaient comme religion officielle l’orthodoxie, et comme langues d’Église et d’État le slavon, puis le grec et enfin le roumain, la Transylvanie, pour sa part, avait une aristocratie magyare ou magyarisée d’ispans ; ses voïvodes étaient pour la plupart magyars, sa religion officielle était initialement le catholicisme et ses langues d’Église et d’État furent le latin, puis le hongrois et l’allemand.

En effet, depuis l’édit de Torda émis en 1366 par le roi Louis Ier de Hongrie, l’accessibilité à la congregatio generalis (société transylvaine) et à la Diète (assemblée transylvaine), est conditionnée par l’appartenance à l’Église catholique ou, après l’« édit de tolérance » de 1565, à l’Église réformée. Bien que l’édit de Torda ne le mentionne pas ouvertement, cela en exclut les orthodoxes, obligeant les joupans et boyards roumains à se convertir et se magyariser, ou à s’exiler en Moldavie ou Valachie. La fin des franchises roumaines et de l’« Universitas Valachorum » qui regroupait les « valachies », ruine les Valaques orthodoxes qui, en 1437, se joignent à la jacquerie de Bobâlna. La répression exercée par les privilégiés l’année suivante scelle l’« Union des trois nations » qui crée en Transylvanie un ordre social foncièrement inégalitaire où la religion orthodoxe n’est plus que tolerata et non recepta, de sorte que seuls les catholiques (magyars, sicules et saxons) sont reconnus comme « nations », tandis que les orthodoxes  roumanophones sont asservis. Les aristocrates hongrois, sicules et saxons règnent désormais sans partage et leurs immenses domaines s’agrandissent encore des valachies disparues. Par la suite, les Roumains systématiquement asservis vécurent dans des villages et églises qui étaient construits en bois, et, en cas d’invasion, n’étaient pas admis dans les villes, les domaines et les châteaux magyars ou allemands bâtis en pierre : ils devaient s’abriter dans la forêt.

C’est pourquoi le mouvement d’émancipation des Roumains transylvains n’était pas seulement social comme dans les « principautés danubiennes », mais aussi national. Si au début (révolution transylvaine de 1784, révolution roumaine de 1848) il ne revendiquait que l’égalité de droits au sein de l’empire des Habsbourg dont la Transylvanie fit partie à partir de 1699, par la suite (début du xxe siècle) il devient séparatiste et vise à détacher la Transylvanie de cet empire (et donc, au sein de l’Autriche-Hongrie constituée en 1867, de la Hongrie) pour former, avec l’« ancien royaume des principautés danubiennes », un nouvel État : la Roumanie. Ce projet se concrétise lorsque l’union de facto à la Roumanie, de la Transylvanie et d’autres régions hongroises à majorité roumanophone (Banat, Partium/Crișana…), est votée par l’assemblée des députés roumains de Hongrie à Alba Iulia le 1er décembre 1918.

Pour officialiser de jure (de droit) l’union votée à Alba Iulia, il faut attendre le traité de Trianon signé le 4 juin 1920. Durant cette période, les armées roumaines du Sud, épaulées par la mission française Berthelot, se positionnent dans la province à partir de décembre 1918, tandis que le gouvernement est assuré par un condominium hongro-roumain et par un gouvernement transylvain autonome (Consiliul Dirigent, 1918 – 1920, à majorité roumaine pour la première fois dans l’histoire du territoire). De mai à août 1919, la Hongrie, devenue communiste, tente vainement de reprendre la Transylvanie : aujourd’hui, la partie nationaliste de l’historiographie hongroise (et, à sa suite, internationale) considère l’ensemble de la période du 11 novembre 1918 au 4 juin 1920 comme une guerre nationale d’un an et demi entre la Hongrie et la Roumanie ayant pour enjeu l’appartenance de la Transylvanie à l’un ou l’autre belligérant, alors qu’en fait, cette guerre n’a duré que quatre mois, son enjeu étant surtout la lutte contre le communisme et les belligérants étant plusieurs : outre les Roumains à l’est, la coalition antibolchévique comprenait aussi les troupes tchécoslovaques au nord, l’armée franco-serbe de Franchet d’Espèrey au sud et le gouvernement hongrois anticommuniste de Gyula Peidl.

Après le traité de Trianon, la tradition jacobine de la Roumanie, fidèle au modèle français, intègre la province dans le système des județe, calqué sur le modèle français des départements : pas plus qu’à l’époque hongroise, la Transylvanie n’a d’autonomie politique et administrative, comme l’ont souhaité les Hongrois de Roumanie. Ce centralisme, couplé au manque d’esprit démocratique de Bucarest (du moins jusqu’aux réformes démocratiques de 1923), provoque le mécontentement des élites roumaines de Transylvanie (boycott du couronnement du roi en octobre 1922). De leur côté, les Magyars, principale « minorité nationale », ne se satisfont pas du rattachement à la Roumanie : ils oscillent entre un « Erdélysme » sentimental (ressuscitant les souvenirs de leur âge d’or du xviie siècle) et un irrédentisme larvé qui ira croissant dans les années 1930, avec la montée des crispations nationalistes attisées par la grande Dépression. Parmi eux, les aristocrates, influents, grands perdants de la réforme agraire de 1921, jouent un rôle majeur dans la cristallisation des revendications contre le traité de Trianon. Chez les Saxons, le déclin démographique et les difficultés économiques après 1929 favorisent l’essor du parti nazi local animé par Andreas Schmidt, qui propage les idées du Grand Reich (Assemblée de Sibiu en octobre 1933).

À l’aube de la Seconde Guerre mondiale, les extrémismes nationalistes perturbent la société transylvaine, malgré des signes positifs de volonté de coexistence au sein des populations ou parmi certains artistes et  intellectuels comme Károly Kós. En juin 1940, sous la pression de Mussolini et d’Hitler, alors que ni la France ni la Grande-Bretagne ne peuvent plus la soutenir, la Roumanie est contrainte de rétrocéder la partie nord de la Transylvanie à la Hongrie le 30 août 1940 (deuxième arbitrage de Vienne). Entre 1940 et 1944, la Transylvanie est coupée en deux. On procède à des échanges de populations, Hongrois renvoyés au nord, Roumains expulsés vers le sud. La Hongrie organise son ultime colonisation de quelque 300 000 familles hongroises dans la région rattachée. Quant aux Saxons (restés en Roumanie), ils forment un quasi-État dans l’État, en s’organisant comme groupe ethnique allemand. Andreas Schmidt se considère comme le représentant local du Führer : sa garde rejoint à partir de mai 1943 la Waffen-SS, tandis que les Saxons sont incorporés — parfois de force, parfois avec enthousiasme — dans la Wehrmacht. Les Juifs de Transylvanie (nombreux dans les villes de l’Ouest et du Nord, Oradea, Cluj, et dans les campagnes du Maramureș) sont déportés par les autorités hongroises au printemps 1944 et livrés à l’Allemagne (ce qui est évoqué dans le livre La Vingt-cinquième Heure de Virgil Gheorghiu et dans les évocations de la mémoire d’Éva Heyman).

Après 1944, la Transylvanie entièrement reconquise par les armées roumaine et soviétique, est remise à la Roumanie dans les frontières de 1939 (ce que confirme le traité de Paris de 1947). Elle subit les contrecoups de la guerre et de la mise en place du régime communiste de Roumanie : les Saxons voient leurs terres confisquées, et ceux qui avaient servi dans l’armée allemande sont réclamés par l’URSS, livrés par la Roumanie et déportés en Sibérie. Les survivants reviennent dans les années 1950, certaines maisons sont restituées. Ils formeront, jusqu’en 1989, la plus grande minorité allemande compacte d’Europe de l’Est (100 000 h. en 1989). Les Hongrois, présents dans les structures du Parti communiste de Roumanie et profitant de la doctrine « socialiste » de « dépassement des nationalismes bourgeois », obtiennent la création d’une région autonome magyare dans l’Est de la Transylvanie (soit au centre de la Roumanie) sur le modèle des républiques autonomes d’URSS (1952 – 1972) : dans cette région, le magyar devient langue officielle. À cette époque, l’enseignement, la presse et les théâtres de Transylvanie sont trilingues : roumain – hongrois – allemand.

À la fin des années 1960, le nouveau président Nicolae Ceaușescu revient aux traditions jacobines de la Roumanie, rétablit les județe, supprime la région autonome magyare et rend au roumain son rôle de langue nationale unique : c’est ce que Catherine Durandin a appelé le « national-communisme roumain ». Tandis que le président de l’Allemagne fédérale (RFA) négocie à Bucarest (1981) des accords pour permettre l’émigration des Saxons contre paiement de frais proportionnels au niveau d’études, la Hongrie de János Kádár autorise (malgré le régime communiste « fraternel ») des manifestations à Budapest de « solidarité » envers la Transylvanie voisine, qui se multiplient entre 1987 et 1989. Dans les années 1980, l’opinion internationale, alertée par des émigrants hongrois, s’alarme de ces atteintes aux droits des minorités, tandis que la majorité roumaine les subit sans que l’on s’en émeuve, du moins jusqu’en 1989.

Lors de la chute de la dictature communiste, le désir de certains cercles roumains (militaires ou policiers) de se poser en défenseurs de la nation afin de conserver leurs privilèges, couplé au désir de certains nationalistes hongrois d’obtenir à nouveau une autonomie territoriale locale, a provoqué un regain de tension en Transylvanie (affrontements roumano-hongrois de Târgu Mureș (Marosvásárhely) en mars 1990). Mais, depuis, la tendance est nettement à l’apaisement. En 1995, l’accord de Timișoara a été signé entre la Roumanie et la Hongrie: les deux États multiplient les symboles et les manifestations, déclarant suivre le modèle franco-allemand de réconciliation.

Cela n’a pas empêché le particularisme transylvain de ressurgir en réaction contre le refus du gouvernement post-communiste d’Ion Iliescu de rendre les propriétés confisquées par le régime communiste. Ce particularisme s’est manifesté en partie dans les rangs du Parti national paysan et surtout dans ceux de l’Union démocrate magyare de Roumanie : le pouvoir a  répliqué en reprenant les thèmes du « national-communisme roumain » (également véhiculés par les partis de la « Grande-Roumanie » et du « Foyer roumain »). Le débat sur la régionalisation qui oppose le fédéralisme des Hongrois de Roumanie à l’ancienne tradition jacobine roumaine, s’est apaisé avec la démocratisation, avec l’intégration dans l’Union européenne, avec le recul des thèmes nationaux-communistes et surtout avec le début des restitutions, non seulement des petites propriétés hongroises confisquées par le régime communiste en 1950, mais même de certaines grandes propriétés de la noblesse hongroise confisquées par le royaume de Roumanie en 1923 et alors distribuées aux paysans roumains qui y vivaient, dont les descendants, eux, n’ont toujours pas obtenu réparation.

Source : Wikipédia.

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