La bataille du mont Mouchet (1944).

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La bataille du mont Mouchet opposant des maquisards à des éléments de l’armée allemande a eu lieu les 10 et 11 juin 1944.

Le mont Mouchet, situé sur un plateau à cheval sur trois départements, Cantal, Haute-Loire et Lozère, est un lieu de rassemblement de résistants et de réfractaires au STO en mai et juin 1944.

Des éléments allemands et des volontaires de l’est attaquent le réduit les 10 et 11 juin 1944. La plupart des maquisards purent s’échapper et rejoindre le réduit de la Truyère. Les récits les plus fantaisistes ont circulé sur les combats et sur les pertes des deux côtés. Les recherches d’Eugène Martresn 1, professeur d’histoire et correspondant du Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, dans les archives françaises, alliées et allemandes confrontées aux témoignages des maquisards et des soldats allemands, permettent maintenant de connaître l’origine du rassemblement, le déroulement de la bataille et les pertes des deux côtés.

Coulaudon, devenu le colonel Gaspard s’installe à la maison forestière du Mont Mouchet. Il s’adjoint comme chef d’état major le lieutenant-colonel Garcie (Gaston) et nomme le colonel Mondange (Thomas) commandant du réduit de la Truyère.

À partir du 8 mai, l’ordre de rejoindre le Mont Mouchet circule et des maquisards s’y regroupent mais ce n’est que le 20 mai que l’ordre de mobilisation générale est donné. À partir de cette date, le regroupement s’accélère. Les maquisards viennent naturellement du canton de Saint-Flour, mais surtout très nombreux de Clermont-Ferrand; jusqu’au 6 juin le Mont Mouchet est une affaire de Clermontois. Le 25 mai, plus de 100 Clermontois arrivent en gare de Ruines. On peut estimer que le 10 juin entre 2 400 et 2 700 hommes sont rassemblés au Mont Mouchet, 1 300 au réduit de La Truyère et environ 1 000 à Venteuges (Haute-Loire).

Combats du mont Mouchet, carte maximum, Saint-Flour, 7/06/1969.

Autour de la maison forestière, près du sommet, les 15 compagnies se sont réparties dans un rayon d’une dizaine de kilomètres jusqu’aux villages de Clavières et Védrines-Saint-Loup dans le Cantal, Paulhac en Lozère et Pinols en Haute-Loire.

De nombreux parachutages ont approvisionné les maquisards en armes, essentiellement des armes individuelles. Martres estime que 55 tonnes d’armes ont été parachutées, 3 000 armes individuelles (fusils et mitraillettes), 150 fusils mitrailleurs, 3 600 à 4 000 grenades. Plusieurs compagnies étaient dotées de mitrailleuses françaises ou américaines et (ou) d’une arme antichar dite bazooka., Mais de nombreux jeunes maquisards n’ont aucune formation au maniement des armes et ils n’ont pas le temps d’apprendre à se servir d’une arme de guerre. Certains ont seulement utilisé un fusil de chasse ou une carabine de fête foraine.

La défense du réduit semble avoir été laissée à l’initiative des chefs de compagnie. Le chef d’état major a fait passer l’ordre de creuser des trous individuels. Le 9 juin, veille de la principale attaque, il tente de mettre de l’ordre. Dans une longue note intitulée “Décision” il écrit : “Surveillance des compagnies : beaucoup trop de commandants de compagnie ou de chefs de bataillons quittent leurs unités sans motifs… Ces errements doivent cesser…”

Maurice Montel, capitaine du Génie, témoignera que « c’était la pagaille au Mont Mouchet » et aussi « ils avaient reçu des explosifs mais ils ne savaient pas s’en servir », ce qui explique que les ponts de Ruines et du Crépoux n’aient pas sauté.

Mondange sera plus direct : « Au Mont-Mouchet c’était l’anarchie par pléthore de chefs. Tout le monde commandait, prenait des décisions que personne n’exécutait ».

Combats du mont Mouchet, épreuve d’artiste signée C. Durrens.

Garcie et l’état major attendaient les Allemands « comme en 14 » pour une bataille en terrain découvert sur le plateau. La route de Ruynes à Clavières se prêtait parfaitement à des embuscades mais le commandement n’imaginait pas du tout ce type de combat.

Les renforts demandés par Garcie à Mondange sont amenés en camion de Fridefont à Lorcières à la pointe du jour. Il s’agit de deux compagnies, la 26e et la 27e, dont le commandement a été donné à Ostertag, sous-officier de carrière et capitaine au maquis.

La 27e compagnie part à pied vers La Bromesterie tandis que la 26e (composée de jeunes de Laroquebrou) se dirige vers Clavières. Ostertag demande aux camions qui se sont arrêtés à Lorcières de se rendre à Clavières. Puis, informé de ce qu’une automitrailleuse a été abandonnée sur la route au-delà de Clavières, il s’en va accompagné de quelques officiers pour essayer de la récupérer. Pendant ce temps les trois sections de la 26e prennent position à l’initiative de leur chef respectif : à l’entrée du village côté Ruynes pour la section du lieutenant Bories, dans le village pour la section Lambert et à la sortie côté le Mont-Mouchet pour la section Grillon.

La colonne allemande arrive vers 10 h 30. Les armes automatiques et les bazookas de la section Bories détruisent le véhicule léger qui précède la colonne, deux autres véhicules sont touchés, un troisième repart en marche arrière. Les Allemands se mettent à l’abri et font avancer deux automitrailleuses qui mitraillent les maquisards. Les bazookas ne tirent plus : les servants sont tués ou blessés. Les maquisards rescapés se replient dans Clavières tandis que les Allemands installent des mitrailleuses à l’entrée du village et que les deux automitrailleuses attaquent le château au canon de 20 millimètres. Les camions des maquisards, des gazogènes qui refusent de démarrer, bloquent la route empêchant les automitrailleuses d’avancer. La section Lambert qui a pris position dans le parc du château a des blessés. Lambert les fait évacuer et devant la supériorité de feu de l’ennemi décide de décrocher ; neuf hommes partent avec lui vers la Bromesterie. Dans le village restent quelques membres de la section Lambert et les rescapés de la section Bories. Le combat y fait rage de midi à 13 heures. Après 13 heures pendant une accalmie, les Allemands dégagent les camions des maquisards, finissent d’incendier le village et repartent vers le Mont Mouchet.

Les maquisards, ne connaissant pas les lieux, sans guide, sans boussole, avec le lieutenant Bories, le seul gradé au contact du début à la fin de l’engagement, tentent d’échapper à l’ennemi. Bories se sacrifie pour couvrir la retraite, il est tué avec une quinzaine de ses hommes au poste de défense qu’il organise au lieu-dit Puech Ferrat. La 27e compagnie qui avait pris position à la Bromesterie se retire sans combattre, sans que l’on sache qui donne l’ordre de décrocher. Ostertag et les officiers partis sur la route du Mont Mouchet le matin vers 9 heures ne sont pas revenus sur les lieux des combats, ils se retirent au réduit de la Truyère, peut-être avec la 27e compagnie. Vers 18 heures, la bataille de Clavières est terminée, c’est une centaine de maquisards des sections Bories et Lambert qui ont combattu le 11 juin à Clavières. Les rescapés tentent de rejoindre Fridefont à pied.

Robert Séguin, un des rescapés écrit (Revue de La Haute Auvergne, T 57, Avril-juin 1995, page 220) :

« Je m’intégrai à un petit groupe de sept hommes qui arriva à Fridefont dans la matinée du 13 juin. Nous y eûmes la surprise de voir notre capitaine (Ostertag) porter les galons de commandant. Personne ne fit d’observation et nous n’en parlâmes qu’entre amis »

. À l’arrivée des rescapés de la 26e compagnie, Gaspard déplore l’hécatombe mais s’étonne que la 26e n’ait pas décroché.

Le lendemain, 12 juin, le colonel Mondange écrit à Gaspard : « Le spectacle d’hier fut pénible : autos personnelles de plus ou moins grands chefs civils qui fuyaient le coin où l’on se battait, ou tout au moins en donnaient l’apparence, camions à demi-chargés, voire pas chargés du tout, qui ne servaient qu’à véhiculer le conducteur et ses amis… »

La nuit du 11 au 12 juin, les Allemands bivouaquent à quelques centaines de mètres de la maison forestière qu’ils atteindront le 12 au matin. Le PC de Coulaudon est intact, rien n’a été mis à l’abri, ni les sacs de farine, ni l’énorme stock de fromage. Martres ajoute : « Les prises allemandes comportent un dernier aspect inquiétant. Le 1000e régiment entra en possession, soit à la maison forestière, soit à la ferme du Pavillon, de documents d’un telle importance que le lieutenant Kappel fut chargé de les apporter immédiatement au haut-commandement à Royat. Ces documents auraient prouvé la collusion entre la Résistance et certains organismes de Vichy ».

Dans le journal le Mur d’Auvergne no 6 de juin 1944, Gaspard célèbre la victoire 1 400 morts et 1 700 blessés allemands. La réalité est malheureusement différente, 30 tués et 60 blessés côté Allemands, côté résistance 140 maquisards tués auxquels s’ajoutent 60 civils fusillés ou tués par balles perdues.

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Sources : Wikipédia, YouTube.