Italo Svevo, écrivain.

Italo Svevo, littéralement « Italien Souabe », pseudonyme d’Ettore Schmitz, né Aronne Ettore Schmitz le 19 décembre 1861 à Trieste et mort le 13  septembre 1928 (à 66 ans) à Motta di Livenza, près de Trévise, est un écrivain italien. Italo Svevo est considéré comme l’un des plus grands romanciers du XXe siècle. Son œuvre est traduite dans une vingtaine de langues.


 Sur seize grossesses abouties, le couple Francesco et Allegra Schmitz donne naissance à huit enfants qui survivent auxquels il attribue des prénoms majoritairement italiens et chrétiens : Natalia, parfois indiquée comme Natascia (1854-1930), Paola (1856-1922), Noemi (1857-1879), Ortensia (1859-1897), Adolfo (1860-1918), Ettore (1861-1928) inscrit « Aronne Ettore » dans le registre de la synagogue à la date du 20 février, Elio (1863-1886) et Ottavio (1872-1957). La « famille est alors installée dans un vaste appartement bourgeois, au troisième étage d’un immeuble situé 12 via dell’Acquedotto, aujourd’hui 16 viale XX Settembre » et jouit de conditions de vie agréables. La mère Allegra est tendre, douce et dévouée à sa famille tandis que le père Francesco, homme énergique, autoritaire, très travailleur est d’une honnêteté scrupuleuse et ne s’intéresse qu’à ses affaires. Il est en outre un membre bienfaiteur de la communauté juive et subvient également aux besoins pécuniaires d’une vaste parenté indigente. La famille est chaleureuse et unie selon tous les témoignages et le souvenir d’une enfance « très heureuse » émerge du Profil autobiographique de Svevo. À la maison, dans une atmosphère de gaîté, on parle le dialecte triestin (variante du vénitien) ainsi que l’italien et on pratique un judaïsme peu rigoureux.

Les garçons Schmitz ainsi que leurs cousins sont inscrits à l’école hébraïque (talmud Torah) qui dépend de la petite synagogue de via del Monte, dirigée par le vénérable et érudit rabbin Sabato Raffaele Melli. Ensuite, les frères Schmitz fréquentent un établissement israélite privé, proche de la demeure familiale, via della Legna, aujourd’hui via Gallina, tenu par le pédagogue Emanuele Edels ou Erdeles, où un enseignement commercial préparatoire vise à en faire de futurs employés de bureau appliqués.

À l’âge de 12 ans en 1873, Ettore est envoyé avec son frère Adolfo (Elio les rejoint plus tard et en repartira pour raison médicale) dans la section commerciale d’un internat à Segnitz, près de Wurtzbourg, en Bavière, l’Institut Brüssel. Leur père, à la fois fervent patriote italien et admiratif de la culture allemande, estimait en effet qu’il était nécessaire de bien connaître l’allemand pour devenir négociant, particulièrement à Trieste au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle. Ettore assimile rapidement cette langue allemande qu’il n’appréciait pas et apprend également le français, l’italien et l’anglais ; il découvre les grands penseurs allemands, Goethe, Schiller, Heine ou Arthur Schopenhauer et s’enthousiasme pour la traduction allemande de Hamlet de Shakespeare, qu’il apprend par cœur, et lit d’autres ouvrages de Jean Paul Richter, des classiques français et russes11. Son frère rapporte qu’Ettore déclare que « Schiller était le plus grand génie du monde ». Il reste cinq années dans ce pensionnat, ne revenant à Trieste que lors de brèves vacances. L’Avvenire dei ricordi (1925) de Svevo raconte justement le voyage de parents emmenant deux fils de Trieste (dont l’un fume beaucoup) à leur collège de Wurtzbourg alors qu’un troisième est malade.

De sa nombreuse fratrie, c’est son cadet Elio dont Ettore se sent le plus proche. Ce frère né après lui, qui lui a peut-être « volé » la place de benjamin de la famille, enfant et adolescent à la santé toujours fragile et au tempérament sensible d’artiste, a tenu un journal intime qui lui a survécu après sa mort précoce à 22 ans et donne des indications sur Ettore et la famille Schmitz.

De retour à Trieste, en 1878-1879, Ettore est inscrit par son père dont les affaires déclinent dans une école supérieure de commerce, la Fondation Revoltella où, bien plus tard, il donnera lui-même des cours de  correspondance commerciale. Même s’il rêve d’aller à Florence, d’y apprendre un italien plus académique dans un parcours désintéressé, de s’adonner à la littérature, il n’a pas la force d’affronter la volonté de son père.

En 1880, Ettore abandonne ses études pour travailler dans la succursale de la banque Union de Vienne comme commis, puisque son père, entrepreneur verrier, a fait faillite, comme le grand-père Abramo avant lui. Il y demeurera dix-huit années et raconte cette période de sa vie dans Una Vita, roman qui se déroule en grande partie dans une banque.

En 1890, paraît sa nouvelle L’Assassinat de la via Belpoggio (en italien, L’assassinio di via Belpoggio) écrite sous le pseudonyme de Ettore Samigli (dérivé italien à travers l’hébreu de shlemilh signifiant « rêveur ») avec lequel il signe aussi des articles de critique littéraire, dramatique et musicale dans le quotidien de tendance nettement irrédentiste « L’Indipendente » à Trieste. À la même époque, il travaille également « pendant la nuit à la rédaction du Piccolo (autre journal triestin) où il est chargé du dépouillement de la presse étrangère. Il fréquente aussi la société littéraire et artistique de la ville ».

En 1892, il publie sous le pseudonyme d’Italo Svevo et à compte d’auteur Una vita (le premier titre, Un inetto, c’est-à-dire un incapable, un inapte, ayant été refusé par l’éditeur), combinant le roman d’analyse et le roman naturaliste. En 1898, il publie aussi à compte d’auteur Senilità, un roman introspectif, cette même année où il épouse le 30 juillet, Livia Veneziani. Cependant, devant l’échec critique et commercial de Senilità, Svevo renonce à la littérature pendant plus de vingt ans, écrit peu et ne publie plus rien.

Il abandonne alors son emploi à la banque et prend un poste de directeur dans la manufacture de ses beaux-parents, « Gioachino Veneziani » qui fabrique des vernis marine pour coques de bateaux (intonaco e vernici sottomarine), ce qui l’oblige à voyager à travers l’Europe (Autriche, France, Angleterre) et à parfaire son anglais.

Il rencontre alors le jeune Irlandais James Joyce (« el sior Zoïs » en dialecte local) en 1903, qui sera un temps son professeur d’anglais à l’École Berlitz de Trieste et deviendra son ami. Il lui fait lire Senilità, que Joyce appréciera au point d’en connaître de longs passages par cœur, et celui-ci l’incite à reprendre l’écriture et à entreprendre la rédaction d’un nouveau roman.

Il découvre également, en 1910, la psychanalyse de Sigmund Freud, duquel il entreprend vers 1915 de traduire La Science des rêves qui aura une influence notable sur son œuvre émaillée d’allusions psychanalytiques, particulièrement son Zeno qui s’en moque ouvertement – même si Svevo prétendra ne devoir à Freud que « deux ou trois idées ».

Il se met par ailleurs au violon. La Première guerre mondiale le contraint ensuite à l’inactivité et le conduit de nouveau à la littérature dont Freud11. La politique dont il se tient éloigné fait de ce sujet autrichien jusqu’à 57 ans, un italien au rattachement de Trieste à l’Italie en 1918.

Joyce fera de lui le principal modèle du Leopold Bloom d’Ulysse publié entre 1918 et 1922, personnage qui reste à mi-chemin entre sa culture juive d’origine et sa culture chrétienne adoptée, qui déteste la violence, qui marque de l’indifférence pour le nationalisme, et qui adopte un pseudonyme dans sa liaison épistolaire avec sa maîtresse.

En 1923, il connaît la célébrité à 63 ans, notamment en France par l’entremise de Valery Larbaud et de Benjamin Crémieux, fervents  laudateurs de son œuvre et en Italie vers 1924-1925, grâce à Eugenio Montale, futur prix Nobel de littérature, avec son œuvre intitulée La Conscience de Zeno (« La Coscienza Di Zeno »). Ces trois auteurs signent trois articles de revue élogieux en sa faveur durant l’hiver 1925-1926 où ils décèlent dans le romancier triestin un précurseur de Marcel Proust. Toutefois, les Italiens attachés aux canons de la prose d’art boudent encore son œuvre et persistent à croire qu’elle est mal écrite. Ce roman psychologique publié à compte d’auteur, comportant de nombreuses références autobiographiques, comme son addiction à la cigarette ou son expérience du négoce, se termine avec une phrase sombre et prémonitoire : « Quand les gaz asphyxiants ne suffiront plus, un homme fait comme les autres inventera, dans le secret d’une chambre de ce monde, un explosif en comparaison duquel tous ceux que nous connaissons paraîtront des jeux inoffensifs ». » Il écrit des nouvelles, donne ensuite des conférences puis songe à une suite pour son roman mais il meurt le 13 septembre 1928 des suites d’un accident de voiture sur une route humide et glissante terminée dans un fossé à Motta di Livenza en Vénétie et d’une maladie cardiaque, à 67 ans. Grand fumeur, il demande sur son lit de mort une dernière cigarette, qu’on lui refuse, comme si, par ce dernier acte, il tendait la main à Alfonso Nitti, Emilo Brentani et surtout Zeno, les anti-héros de ses trois grands livres, respectivement Una Vita, Senilità et La Coscienza Di Zeno.

Source : Wikipédia.

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