James Joyce, romancier et poète.

James Joyce, de son nom de naissance James Augustine Aloysius Joyce (2 février 1882 à Dublin – 13 janvier 1941 à Zurich), est un romancier et poète irlandais, considéré comme l’un des écrivains les plus influents du XXe siècle. Ses œuvres majeures sont un recueil de nouvelles, intitulé Les Gens de Dublin (1914), et des romans tels que Portrait de l’artiste en jeune homme (1916), Ulysse (1922), et Finnegans Wake (1939).

Bien qu’il ait passé la majeure partie de sa vie en dehors de son pays natal, l’expérience irlandaise de Joyce est essentielle dans ses écrits et est la base de la plupart de ses œuvres. Son univers fictionnel est ancré à Dublin et reflète sa vie de famille, les événements, les amis (et les ennemis) des jours d’école et de collège. Ainsi, il est devenu à la fois le plus cosmopolite et le plus local des grands écrivains irlandais.

Son œuvre se caractérise par une maîtrise éblouissante de la langue et par l’utilisation de formes littéraires innovantes, associées à la création de personnages qui, comme Leopold Bloom et Molly Bloom (Ulysse), constituent des individualités d’une profonde humanité.


James Joyce, carte maximum, Belgique, 2000.

En 1888, Joyce entre chez les jésuites au Clongowes Wood College, dans le comté de Kildare pour y commencer ses études. Selon son biographe Herbert Gorman, en entrant dans cet établissement, Joyce est « établi mince, très nerveux, sensible comme un enfant. Il a la bénédiction ou la malédiction (cela dépend de votre point de vue) d’un tempérament introspectif ». James fut bientôt distingué comme un élève très doué, même dans les sports. Il en sort en 1892, lorsque son père ne peut plus payer les frais de scolarité. Il entre alors à l’école des Christian Brothers sur North Richmond Street à Dublin, avant qu’on ne lui offre une place au collège jésuite de Dublin Belvedere College en 1893 : offre faite dans la perspective d’intégrer l’ordre des jésuites. Mais Joyce rejette le catholicisme dès l’âge de 16 ans10, tout en reconnaissant une influence indélébile de la philosophie de Thomas d’Aquin11. À partir de ce moment, Joyce se contente d’une attitude neutre, froide contre le fait religieux, et n’en aime que les effets linguistiques. Ses lectures à cette époque sont nombreuses et influentes : Dickens, Walter Scott, Jonathan Swift, Laurence Sterne, Oliver Goldsmith et John Henry Newman. Parmi les poètes qu’il lit avec délectation : Byron, Arthur Rimbaud, William Butler Yeats, George Meredith, William Blake et Thomas Hardy.

En 1898, il entre à l’University College de Dublin (UCD), où il suit un enseignement de lettres et de langues modernes (français et italien). Il s’intègre dans les milieux théâtraux et littéraires de la ville. Il porte un intérêt pour la grammaire comparée, tout en s’engageant dans la lecture et l’écriture, en prenant une part active aux activités littéraires de l’université. En 1900, en tant que contributeur à la revue Forthnightly Review, il publie son premier essai sur les travaux de la dernière pièce d’Ibsen, un de ses auteurs préférés de la « New Drama », ce qui lui vaut une lettre de remerciement de la part de l’auteur norvégien. Durant cette période, il écrit quelques articles, et deux pièces aujourd’hui perdues. Il devient un membre actif de la Literary and Historical Society de Dublin. Il y présente d’ailleurs son exposé sur « Le théâtre et la vie ». Bon nombre des amitiés tissées au collège apparaissent plus tard dépeintes dans ses œuvres.

Après son diplôme de l’UCD en 1903, il fait un premier séjour à Paris, officiellement pour étudier la médecine mais en réalité il dilapide l’argent que sa famille avait pu difficilement lui procurer. Il revient en Irlande après quelques mois, lorsqu’un cancer est diagnostiqué chez sa mère. Il refuse de prier à son chevet et révèle ainsi son agnosticisme. Après la mort de sa mère, il continue de boire beaucoup et les conditions de vie au foyer des Joyce deviennent très mauvaises. Il vivote en écrivant des comptes-rendus de livres, en enseignant et en chantant. Car Joyce est un ténor léger passionné de musique et de chant, comme l’était son père. En 1904, il remporte la médaille de bronze au Feis Ceoil.

Le 7 janvier 1904, il écrit en un jour une esquisse autobiographique intitulée Portrait de l’artiste, qui est rejetée par le magazine libre penseur Dana. Il décide lors de son 22e anniversaire de développer l’histoire en un long roman, Stephen le héros, dont la forme élaborée paraîtra sous le titre Dedalus (Portrait de l’artiste en jeune homme). Le 16 juin, il fait la connaissance de Nora Barnacle (24 mars 1884 – 10 avril 1951), jeune femme originaire du Connemara, Comté de Galway, qui travaille comme femme de chambre. Il en tombe amoureux. Cette date de leur premier rendez-vous est aussi la date de l’action d’Ulysse (le Bloomsday).

Joyce reste un certain temps à Dublin, buvant énormément. Au cours d’une beuverie, il se bat avec un homme à la suite d’un malentendu au Phoenix Park. Il est recueilli par une vague connaissance de son père, Alfred H. Hunter, qui le ramène chez lui pour le soigner. Hunter, juif et marié à une femme infidèle, sera l’un des modèles de Leopold Bloom, le personnage principal d’Ulysse. Il fait venir un étudiant en médecine Oliver St John Gogarty, qui formera la base du caractère de Buck Mulligan dans Ulysse. Après être resté dans la tour Martello de Gogarty pendant six nuits, il la quitte au milieu de la septième à la suite d’une altercation avec Gogarty, qui a dirigé un pistolet sur lui. Il retourne à pied à Dublin, reste chez des amis pour la nuit et envoie le lendemain l’un d’entre eux chercher ses affaires dans la tour. Peu après, il rejoint le continent avec Nora.

Joyce et Nora s’imposent un exil volontaire, d’abord à Zurich, où Joyce doit obtenir, par l’intermédiaire d’un agent en Angleterre, un poste  d’enseignant en anglais à l’école Berlitz. Mais l’agent a été escroqué et le directeur de l’école l’envoie à Trieste, qui est à l’époque en Autriche-Hongrie. Là encore il échoue, mais avec l’aide d’Almidano Artifoni, directeur de la Trieste Berlitz school, il trouve un poste d’enseignant à Pola, qui fait alors partie de l’Autriche-Hongrie (actuellement en Croatie). Joyce y reste d’octobre 1904 à mars 1905, lorsque les Autrichiens découvrent un réseau d’espionnage dans la ville et expulsent tous les étrangers. Avec l’aide d’Artifoni, il retourne à Trieste et commence à enseigner l’anglais pendant la majeure partie des dix années suivantes. À partir de ce moment-là, la langue parlée à la maison est l’italien. Il continuera à parler cette langue avec sa fille, Lucia, lorsque celle-ci sombrera dans une démence profonde.

Cette même année (1905), Nora donne naissance à leur premier enfant, Giorgio. Il peut alors persuader son frère Stanislaus de le rejoindre à Trieste, et lui assure un poste d’enseignant à l’école. Officiellement, il s’agit de répondre au besoin de l’école et d’offrir à son frère une vie plus intéressante que celle du simple emploi de clerc qu’il a laissé à Dublin. En réalité, Joyce espère ainsi augmenter les maigres revenus de sa famille avec les gains de son frère. Les relations entre Stanislaus et James se tendent pendant toute cette période où ils vivent ensemble à Trieste, principalement en raison de la tendance de James à « flamber » et à boire.

Un de ses étudiants à Trieste est Ettore Schmitz (plus connu sous le pseudonyme de Italo Svevo) ; ils se sont connus en 1907 et sont devenus amis, s’échangeant des critiques mutuelles. Schmitz est juif, et devient le principal modèle du personnage de Leopold Bloom dans Ulysse ; la plupart des détails concernant le judaïsme contenus dans Ulysse (roman) proviennent des réponses de Schmitz aux questions de Joyce. Joyce passe la plupart du reste de sa vie sur le continent. C’est à Trieste qu’il commence à souffrir de ses problèmes oculaires qui se traduiront par une douzaine d’opérations jusqu’à sa mort.

Nostalgique de l’errance du début de sa vie, Joyce est frustré de sa vie à Trieste : il déménage à Rome à la fin 1906, ayant obtenu une situation stable dans une banque. Mais il n’aime pas la vie à Rome et retourne à Trieste au début de l’année 1907. Sa fille Lucia naît au printemps de cette année-là. En cette même année, il publie son premier livre, Chamber Music et commence à présenter les premiers symptômes d’iritis, une maladie oculaire qui au fil des ans, le rendra presque aveugle.

Joyce retourne à Dublin à l’été 1909 avec Giorgio, pour rendre visite à son père, lui faire faire la connaissance de son fils et publier Gens de Dublin. Il rend également visite pour la première fois à la famille de Nora à Galway.

Toutefois, au début août, il subit une des plus grandes déceptions de sa vie, quand ses amis Oliver St John Gogarty et Vincent Cosgrave, lui suggèrent que son épouse Nora aurait été infidèle par le passé, et que Giorgio ne serait pas son fils. Seules les dénégations énergiques d’un autre ami, John Francis Byrne, de son frère Stanislas, et des lettres de Nora réussissent à lui faire admettre que tout n’avait été qu’un mensonge infâme. Alors qu’il s’apprête à retourner à Trieste, il décide d’emmener une de ses sœurs Eva pour aider Nora à la maison. Il ne reste qu’un mois à Trieste avant de revenir à nouveau à Dublin, cette fois comme représentant de propriétaires de cinéma. Il a pour projet d’ouvrir une salle à Dublin. C’est une réussite (qui tournera en échec en son absence), et il retourne à Trieste en janvier 1910 accompagné de son autre sœur, Eileen. Alors qu’Eva a le mal du pays, et rentre à Dublin quelques années plus tard, Eileen passe le reste de sa vie sur le continent, se mariant finalement avec le banquier tchèque Frantisek Schaurek.

Joyce revient brièvement à Dublin à l’été 1912, toujours en conflit avec son éditeur George Roberts à propos de la publication de Gens de Dublin. Son voyage est vain, et, à son retour en Italie, il écrit le poème « Gas from a Burner » [Gaz d’un Bec], pour critiquer Roberts. Il ne reviendra plus en Irlande, malgré les prières de son père et les invitations de son compatriote William Butler Yeats.

Joyce réfléchit en permanence au moyen de gagner de l’argent rapidement. Il donne plusieurs conférences à l’Université Popolare et continue à publier des articles dans les journaux. Il pense importer du tweed irlandais à Trieste, mais le projet n’aboutit pas. Cependant, il ne sombre jamais dans la misère, grâce aux revenus tirés de sa place à l’école Berlitz et aux cours particuliers. La plupart des personnes qu’il rencontre grâce à ces cours ne lui seront d’aucun secours lorsqu’il voudra quitter l’Autriche-Hongrie pour la Suisse en 1915.

En 1915, H. G. Wells se déclare admirateur de l’œuvre de Joyce. Cette même année, Joyce et sa famille, comme tous les citoyens britanniques quittent Trieste puisque la guerre austro-hongroise a éclaté. Stanislas, lui, est prisonnier dans un camp. Les Joyce déménagent à Zurich. L’écrivain a déjà séjourné quelques années en Suisse, pays neutre. Sa renommée grandit de jour en jour, mais ses revenus restent maigres. La famille survit grâce à l’enseignement, et l’aide de Pound, Yeats, Wells. Il rencontre celui qui restera son meilleur ami jusqu’à sa mort, Frank Budgen, auquel Joyce se référera en permanence durant la rédaction d’Ulysse et de Finnegans Wake. C’est aussi dans cette ville qu’Ezra Pound le signale à l’éditrice et féministe anglaise Harriet Shaw Weaver, qui deviendra la mécène de Joyce, lui fournissant jusqu’à la fin de sa vie l’argent pour vivre sans avoir à enseigner.

En décembre 1916, la première édition américaine de Dubliners et le premier Portrait de l’artiste en jeune homme sont publiés, tous deux grâce aux efforts de l’éditeur de New York BW Huebsch. La publication aux États-Unis le fait connaître à un public beaucoup plus large. L’année suivante, en 1917, les problèmes oculaires de l’auteur s’accentuent et le diagnostic tombe : il est atteint de glaucome et synéchies. Sa réputation devient impressionnante au point qu’il reçoit régulièrement des dons d’argent d’un admirateur anonyme. Toujours en 1917, lors d’un voyage de santé à Locarno, il lie une relation amoureuse avec une Allemande de 26 ans, Gertrude Kaempffer. Dans Ulysse, Gerty (diminutif de Gertrude) est la boiteuse de l’épisode inspiré par Nausicaa. En 1918, il fonde la compagnie de théâtre « Les joueurs Español » avec un acteur anglais, nommé Sykes Claud, et représente les drames préférés des Irlandais.

Les Exilés est publié en mai 1918, simultanément en Angleterre et aux États-Unis. À la même époque, Ulysse est publié en feuilleton dans le magazine The Little Review. Le poète T. S. Eliot, admiratif, écrit dans la revue Athenaeum (1919) « La vulgarité et l’égoïsme sont exploités pour atteindre la perfection dans le dernier ouvrage de M. James Joyce ».

À la fin de la guerre, Joyce revient brièvement à Trieste, mais trouve la ville trop changée, et il s’entend encore moins bien avec son frère, qui a été interné dans les prisons autrichiennes à cause de ses positions pro-italiennes. Joyce accepte en 1920 une invitation d’Ezra Pound pour une semaine à Paris, où il restera durant vingt ans.

Après avoir passé une grande partie de la guerre à Zurich (1915-1919), il retourne à Trieste quelques mois avant de s’installer en 1920 à Paris sur les conseils d’Ezra Pound. 1921 est une année de travail acharné pour terminer Ulysse. Il entretient une relation étroite avec l’écrivain américain Robert McAlmon, qui lui a prêté de l’argent et l’a aidé à finir le dernier chapitre d’Ulysse, Pénélope. Cette même année, il fait de nombreuses rencontres, dont Morley Callaghan, Ernest Hemingway et Valery Larbaud, qui le présente au Tout-Paris littéraire, ainsi que Sylvia Beach qui publie l’édition originale d’Ulysse en 1922 et Adrienne Monnier qui en publie la traduction française en 1929 chez Maurice Darantière. Le livre lui cause de nombreux ennuis avec les censeurs anglophones.

Ulysse (Ulysses, en anglais), est considéré comme un chef-d’œuvre et permet la consécration littéraire de Joyce. Il s’agit d’un roman expérimental, dont chacun des épisodes ou chacune des aventures est créée avec une technique littéraire propre : les chapitres sont écrits de manière journalistiques, théâtrales, scientifiques, etc. Ils se focalisent sur le monologue intérieur et le « stream of consciousness ».

Ulysse est un roman plein de symbolisme, dans lequel l’auteur joue avec la langue. Ses attaques contre les institutions, principalement l’Église catholique et l’État, sont constantes et nombre de ses passages jugés par leurs contemporains inacceptables et obscènes.

Inspiré de l’Odyssée d’Homère, le roman explore le 16 juin de 1904 la vie de trois Dublinois de classe moyenne inférieure : le Juif Leopold Bloom, qui erre dans les rues de Dublin pour éviter de retourner à son domicile, car son épouse, Molly (second personnage), lui est infidèle, et le jeune poète Stephen Dedalus, qui est l’auteur lui-même. Ulysse est un portrait psychologique de la première moitié du vingtième siècle.

À cette époque, en mai 1922, il rencontre Marcel Proust. Selon le biographe de Proust, George D. Painter, l’écrivain français a parlé « de la truffe et des duchesses, et Joyce, qui était un peu ivre, se plaignait de sa vue, tandis que Proust de l’estomac ». À partir de 1923, Joyce commence son Work in Progress (aidé de Samuel Beckett), dont il devait faire paraître pendant plus de quinze ans de nombreux fragments dans la revue Transition, soit sous forme de plaquettes (notamment Anna Livia Plurabelle en 1928), avant la publication complète sous le titre de Finnegans Wake, simultanément à Londres et à New York en 1939.

Joyce voyage souvent en Suisse pour des opérations des yeux et des traitements pour Lucia atteinte de schizophrénie. À Paris, Maria et Eugène Jolas nourrissent Joyce pendant les longues années où il écrit Finnegans Wake. Sans leur indéfectible soutien (et aussi sans le soutien financier d’Harriet Shaw Weaver), il est probable que ses livres n’auraient jamais été finis et publiés. Dans leur magazine littéraire Transition, aujourd’hui légendaire, les Jolas publient sous forme de feuilleton plusieurs sections du roman de Joyce sous le titre Work in Progress (Travail en cours). Finnegans Wake n’est pas bien accueilli par la critique, même si de grands critiques comme Harold Bloom, l’ont défendu. Dans ce roman, le « style » est poussé à l’extrême, à l’absurde : le langage obtenu par voie expérimentale, et sans restriction à partir de l’anglais courant devient une langue difficilement compréhensible. Pour sa composition, Joyce utilise le mélange d’une soixantaine de langues différentes, des mots peu courants et de nouvelles formes syntaxiques.

En 1931, cédant aux incessantes demandes de sa fille et de son père, Joyce épouse sa compagne Nora Barnacle, avec qui il a vécu près de trente ans.

En 1940, « l’Irlandais » (surnom de Joyce depuis son arrivée dans l’Hexagone) s’installe de nouveau en France, à Saint-Gérand-le-Puy, dans l’Allier. Après un an passé à attendre un visa de sortie, celui-ci lui est accordé et il se rend à Zurich, où il meurt moins de deux semaines après son arrivée. En effet, le 11 janvier 1941, il est hospitalisé pour une perforation d’un ulcère au duodénum. Il jouit de quelques jours de sursis avant de tomber dans le coma. Il se réveille à deux heures du matin le 13 janvier 1941 et demande à une infirmière d’appeler sa femme et son fils, puis il perd à nouveau conscience. Ils sont en chemin lorsqu’il meurt, quinze minutes plus tard. Il est enterré au cimetière de Fluntern à Zurich. Sa femme Nora, épousée à Londres en 1931, lui a survécu dix ans. Enterrée également, son corps repose à ses côtés ainsi qu’à ceux de leur fils Giorgio mort à Constance en 1976.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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