Augustin d’Hippone (Saint Augustin) philosophe et théologien.

Augustin d’Hippone (latin : Aurelius Augustinus) ou saint Augustin, né le 13 novembre 354 à Thagaste (l’actuelle Souk Ahras, Algérie), un municipe de la province d’Afrique, et mort le 28 août 430 à Hippone (l’actuelle Annaba, Algérie), est un philosophe et théologien chrétien romain d’origine Berbère ayant occupé le rôle d’évêque d’Hippone en Numidie. Avec Ambroise de Milan, Jérôme de Stridon et Grégoire le Grand, il est l’un des quatre Pères de l’Église occidentale et l’un des trente-six docteurs de l’Église.

La formation qu’il reçoit à Carthage est celle des lettrés romains de  l’époque, même si ses écrits laissent apparaître une sensibilité et des traits liés à sa région de naissance. S’il est un maître de la langue et de la culture latines, il ne maîtrise jamais réellement le grec, ce qui a pour effet de romaniser le christianisme occidental et de lui donner une tonalité différente du christianisme oriental, plus proche des auteurs grecs.

Né d’une mère profondément pieuse, il se passionne d’abord pour la philosophie vue alors littéralement comme un « amour de la sagesse », avant de devenir manichéen. Il n’abandonne le manichéisme pour se  convertir au christianisme qu’assez tard, en 386, après sa rencontre avec Ambroise de Milan. Après sa conversion, il devient évêque d’Hippone (l’actuelle Annaba en Algérie) et s’engage dans une série de controverses d’abord contre les manichéens, puis contre les donatistes, et enfin contre le pélagianisme. Ces controverses ont alimenté une œuvre considérable tant en quantité qu’en qualité dans laquelle trois ouvrages particulièrement connus se détachent : Les Confessions, La Cité de Dieu et De la Trinité.

Augustin est un des penseurs qui ont permis au christianisme d’intégrer une partie de l’héritage grec et romain, en généralisant une lecture allégorique des Écritures suivant le modèle préconisé par Ambroise de Milan et le néoplatonisme. Toujours à la suite d’Ambroise, un ancien haut fonctionnaire romain, il incorpore au christianisme une tendance au recours à la force héritée de la République romaine. Il est le penseur le plus influent du monde occidental jusqu’à Thomas d’Aquin qui, huit siècles plus tard, donnera un tour plus aristotélicien au christianisme. Malgré tout, sa pensée conserve une grande influence au XVIIe siècle, où elle est l’une des sources de la littérature classique française et inspire les théodicées de Malebranche et de Leibniz.

Augustin est un penseur exigeant dans tous les sens du terme. Homme clé de l’émergence du moi en Occident, il joue également un rôle de premier plan dans l’évolution de la notion de justice. De son passé manichéen, il garde une forte distinction entre le Bien et le Mal. Toutefois, le  néoplatonisme — qui a fortement influencé sa conversion — l’a amené à une conception d’un Dieu fort qui, à l’inverse du Dieu faible des manichéens, assure qu’à la fin le Bien l’emporte. En Occident, il est le théologien qui insiste le plus sur la transcendance divine, c’est-à-dire que pour lui, les pensées de Dieu ne sont pas, de près ou de loin, les pensées des hommes. Selon lui, la croyance inverse constitue précisément le péché originel.

Le Dieu d’Augustin est à la fois au-dessus des êtres humains et au plus profond d’eux-mêmes. Il en résulte un accent mis sur ce qu’il nomme la trinité intérieure : la mémoire, l’intelligence et la volonté. Si la mémoire est importante, l’idée de commencement, de renouveau, est également très présente. La volonté permet de se diriger vers le Bien, mais n’est pas suffisante ; il faut aussi la grâce. Augustin met malgré tout l’accent sur la capacité que confère la raison à l’homme de s’approcher de la vérité des choses — la vérité absolue n’étant pas de ce monde —, dans une perspective qui intègre une dimension spirituelle certaine. En règle générale, la pensée augustinienne est animée d’un double mouvement : d’une part depuis l’extérieur (le monde) vers l’intérieur, qui est le domaine d’un Dieu lumière intérieure ; de l’inférieur (les plaisirs faciles) au supérieur (la vraie réalisation de soi).

Saint Augustin, carte maximum, Algérie.

Dans sa théologie, le poids et l’habitude du péché sont tels que, sans la grâce divine, l’homme ne peut pas se sauver : c’est le sens de la lutte contre le pélagianisme, qui soutient l’inverse. Au XVIe siècle et au XVIIe siècle, le protestantisme et le jansénisme, qui reprennent ses thèses, s’adressent, comme Augustin en son temps, plutôt aux classes moyennes actives qu’à l’aristocratie usuellement plus pélagienne. En lien avec sa théologie, Augustin distingue fortement le monde (lié à l’amour de soi), de la Cité de Dieu (liée à l’amour de Dieu). Lorsqu’à la fin du XIXe siècle, après Vatican I, l’Église catholique veut se rapprocher du monde, elle tend à privilégier la pensée de Thomas d’Aquin plutôt que celle d’Augustin, estimant que ce dernier est trop préoccupé par la vie éternelle. À la suite de ce concile, le courant néothomiste relativise la portée de l’œuvre augustinienne, estimant qu’Augustin n’a qu’une connaissance partielle des valeurs humaines.

L’approche du politique chez Augustin est marquée par le réalisme. S’il reconnaît la nécessité du gouvernement, il ne lui accorde qu’une place seconde face à la morale, estimant qu’il faut éviter de choisir les  gouvernants parmi les êtres égocentriques et irrationnels. Pour l’évêque d’Hippone, les dirigeants restent toujours responsables de leurs actes. Enfin, chez lui, le bonheur ne relève pas du domaine du politique ou du gouvernement, il est apolitique. Selon lui, ni l’Église ni l’État n’ont vocation à établir une Cité de Dieu terrestre. L’accusation d’avoir favorisé la théocratie de l’Église sera essentiellement portée contre lui au début du XXe siècle dans le cadre de ce que certains ont appelé l’augustinisme politique. De nos jours Augustin est plutôt considéré comme un des pères de l’individualisme moderne, voire du libéralisme.

S’il a contribué fortement à mettre au premier plan le concept d’amour dans le christianisme, il est aussi accusé d’avoir transmis à l’Occident une forte méfiance envers la chair. À proprement parler, chez lui, la sexualité n’est pas mauvaise puisqu’elle assure la descendance ; le problème vient selon Augustin du fait que depuis le péché originel les êtres humains ne  contrôlent plus leur sexualité. Il aurait, sur la notion de péché de chair, une position plutôt modérée par rapport à Jérôme de Stridon et Grégoire de Nysse, en partie reprise aux platoniciens et aux néoplatoniciens.


Lorsque Augustin va vers ses dix-sept ans, son père — grâce à la libéralité d’un ami plus riche — acquiert les moyens d’envoyer son fils reprendre ses études à Carthage. Dans les Confessions, Augustin décrit le climat d’extrême sensualité de cette ville d’Afrique du Nord, « la friture des amours infâmes », les plaisirs de l’amour et du théâtre.

Là, il connaît une sorte de crise d’adolescence. Dans un latin flamboyant et un style apprécié des Romains d’Afrique où abondent les jeux de mots et les chiasmes, il avoue : « Je n’aimais pas encore, mais j’aimais aimer et, par un besoin secret, je m’en voulais de ne pas en avoir encore assez besoin. »

Patricius meurt prématurément en 370 ou 371 et, l’année suivante, à Carthage, Augustin fait très vite la connaissance d’une femme dont il a un fils, Adéodat, et dont il partage la vie durant quinze ans, dans les liens du concubinage romain. On ne sait toutefois pas grand-chose de cette compagne.

La lecture de l’Hortensius de Cicéron, ouvrage aujourd’hui disparu, le conduit à se passionner pour la philosophie, qui est alors comprise comme « l’amour de la Sagesse ». Si, à Carthage, le Christ n’est pas vu comme le « Sauveur souffrant » mais comme la Sagesse de Dieu, la façon extrêmement légaliste dont l’Église d’Afrique interprète les Écritures amènera Augustin à devenir, neuf ans durant, un adepte du manichéisme.

En même temps qu’il se convertit au manichéisme, Augustin décide  d’abandonner le projet que son père et son protecteur Romanianus avaient pour lui — devenir avocat ou fonctionnaire impérial —, pour plutôt se faire enseignant. Aussi, en 375, retourne-t-il à Thagaste pour y enseigner la grammaire.

Néanmoins, Augustin revient assez rapidement à Carthage où il reste jusque vers 382. Un prix de poésie lui permet de devenir familier du proconsul de Carthage, Vindicius, qui, s’apercevant de la passion d’Augustin pour l’astrologie, parvient à l’en détourner en lui montrant que le succès de quelques prédictions n’est que le fruit du hasard. Ce lien avec un personnage influent lui donne l’opportunité de nouer des relations qui lui permettent d’envisager un départ de Carthage pour Rome. Il est d’autant plus enclin à quitter Carthage qu’il veut faire carrière et qu’il trouve ses étudiants indisciplinés.

Son année à Rome se passe mal : il tombe malade, il se sent coupable d’avoir menti à sa mère pour éviter qu’elle ne le suive, et pour finir, les étudiants s’avèrent aussi décevants qu’à Carthage et « oublient » de payer leur professeur. Heureusement, à l’automne 384, le sénateur Quintus Aurelius Symmaque, dont il est le protégé, l’envoie comme professeur de rhétorique à Milan, sur recommandation des manichéens.

À Milan, il fréquente une société composée de poètes et de philosophes, particulièrement des platoniciens. Il rencontre aussi Ambroise de Milan, l’évêque chrétien de la ville dont il suit les homélies avec assiduité. Sous son influence, il décide de rompre avec le manichéisme. Ambroise lui apprend également la lecture symbolique de la Bible, ce qui lui permet de dépasser ses préventions face à un texte qui le rebutait tant par sa forme que par son contenu.

Sa mère, qui a fini par le rejoindre, lui arrange une union avec un riche parti, mais la jeune fille n’étant pas encore en âge de se marier, il doit patienter deux ans. Il renvoie, sur les conseils de sa mère selon certains, la concubine avec laquelle il vivait depuis quinze ans. Puis, ne pouvant rester seul, il prend une nouvelle maîtresse.

Fin août 386, Ponticianus, un de ses compatriotes fonctionnaire à Trèves, en visite à Milan, lui fait le récit de la conversion au christianisme de deux de ses collègues appartenant au corps des agents secrets. Ce récit provoque chez Augustin un tel bouleversement qu’il se convertit à son tour.

Après sa conversion, Augustin abandonne le métier de rhéteur et fait une retraite culturelle (Otium Liberale), comme c’est la mode à la fin  du IVe siècle, dans une villa qu’un ami a mise à sa disposition près de Milan à Cassiciacum (aujourd’hui Cassago Brianza). Durant ce séjour, il est accompagné de sa mère, qui fait office de maîtresse de maison, de son fils Adéodat, de son frère aîné Navigius, et de quelques-uns de ses amis. Ce séjour permet aussi à Augustin de se déprendre de la vie compliquée qu’il a eue au début de son séjour en Italie. C’est de ce séjour que datent le Contre les Académiciens, De l’ordre, le Traité de la vie bienheureuse, les Soliloques.

Saint Augustin, épreuve d’artiste, signée.

Le séjour d’Augustin à Cassiciacum dure de septembre 386 jusqu’au 23 mars 387. Augustin revient alors à Milan et se prépare au baptême. Durant cette période, il écrit le De musica ainsi que plusieurs traités sur les arts libéraux : grammaire, dialectique, rhétorique, géométrie, arithmétique et philosophie maintenant perdus. Dans la nuit du 24 au 25 avril 387, à Pâques, il est enfin baptisé par Ambroise, évêque de Milan, en même temps que son fils Adéodat et son ami Alypius.

Vers la fin 388, il est de retour en Afrique après cinq années d’absence. Il décide de vivre en communauté non loin de Thagaste (l’actuelle Souk Ahras en Algérie) avec ses amis parmi lesquels se trouve Alypius, qui devient vite évêque du lieu. Les tensions entre catholiques et manichéens se faisant très vives, Augustin écrit De la vraie religion afin de dissuader ceux qui seraient tentés par le manichéisme. Il termine également avec son fils Adéodat De la Grandeur de l’âme, ouvrage qu’il avait commencé de composer à Rome.

La mort de son fils à l’âge de 17 ans, et celle de Nebridius, un ami qu’il connaît depuis Carthage, provoquent chez lui un immense vide et lui donnent l’envie de quitter une vie purement contemplative. Aussi, en 391, il accepte d’aller à Hippone (l’actuelle Annaba en Algérie) rendre visite à un ami, membre de la police secrète, qui désire se retirer du monde, tout en sachant bien qu’on lui demandera de devenir prêtre. En effet, les évêques et les prêtres sont à cette époque choisis par les fidèles.

Au moment de son arrivée à Hippone, l’Église catholique est minoritaire face à la puissante Église donatiste tandis que les manichéens sont actifs. Leur chef Fortunatus est une ancienne connaissance d’Augustin. L’évêque catholique d’Hippone d’alors, Valerius, est un Grec qui parle mal le latin et est incapable de comprendre la langue punique. Aussi, lorsque ce dernier explique à ses fidèles le besoin de prêtres pour son église, ceux-ci se saisissent d’Augustin pour l’ordonner prêtre sur-le-champ. Valerius fait tout pour conserver Augustin et l’autorise à fonder un monastère à Hippone dans le jardin de la principale église. Ce monastère fournira par la suite de nombreux évêques à l’Église d’Afrique en recrutant de nombreux anciens membres de l’administration impériale, notamment de la police secrète.

Saint Augustin, carte maximum, Vatican.

Augustin se montre extrêmement actif pour renforcer la position de l’Église catholique. Le 28 août 392, lors du débat avec le chef des manichéens Fortunatus, il fait tant et si bien qu’il le réduit au silence et le force à quitter la ville. Instruits par l’expérience, les donatistes évitent le débat ; pour les affronter, Augustin écrit en 394 le Psalmus contra partem donati, destiné à les combattre sur leur propre terrain, celui des cantiques populaires.

En 395, Augustin est nommé évêque d’Hippone et il le restera jusqu’à sa mort en 430. En 399, les temples païens carthaginois sont fermés. À cette occasion, il rédige la Catéchèse des Débutants.

C’est à Hippone (l’actuelle Annaba en Algérie) qu’il écrit les grandes œuvres de la maturité : Les Confessions (397 à 400) ; De la trinité (410-416) ; la Cité de Dieu (410 à 426). C’est aussi depuis Hippone qu’il mène l’essentiel de ses combats contre les manichéens (environ de 387 à 400), contre les donatistes (environ de 400 à 412) et contre les pélagiens, de 412 à 430.

Augustin impose à son clergé un mode de vie très modeste, à son exemple. Toutefois, il est confronté à certaines dérives et le lien entre les nouveaux clercs et les anciens — très unis et aux tendances autoritaires — est difficile. Comme l’Église d’Afrique en général, il se montre peu missionnaire et n’essaie guère d’évangéliser hors de la frontière romaine et de la zone littorale d’Afrique du Nord.

Durant cette période, Augustin est le conseiller spirituel d’une certaine Pauline, dont on sait peu de choses mais certaines indications laissent à penser qu’il pourrait s’agir d’une noble romaine. De la correspondance qu’ils ont échangée, il reste la lettre 147, connue sous le titre de La Vision de Dieu.

Il passe les dernières années de sa vie à établir une chronologie de ses écrits, à les relire et à les évaluer, ce qu’il fait dans les Rétractations. Il meurt à Hippone en 430, pendant le siège de la ville par Genséric, roi des Vandales. Il laisse derrière lui une œuvre considérable. Il passe ses derniers jours volontairement seul, de peur d’être distrait, se concentrant sur la lecture des psaumes de David affichés au mur de sa cellule.

Selon le Martyrologe de Bède le Vénérable, le corps d’Augustin aurait été emporté à Cagliari en Sardaigne par des évêques catholiques expulsés d’Afrique du Nord par Hunéric. Vers 720, sa dépouille est déposée à la basilique San Pietro in Ciel d’Oro à Pavie (Italie) par Pierre, évêque du lieu et oncle du roi Lombard Liutprand, pour la protéger des raids côtiers musulmans. En janvier 1327, le pape Jean XXII, par la bulle Veneranda Sanctorum Patrum, fait des augustins les gardiens de la tombe.

Augustin est canonisé en 1298 et reconnu comme docteur de l’Église la même année par le pape Boniface VIII. Il est fêté par les catholiques le 28 août, jour de sa mort. Augustin est considéré comme le saint patron des brasseurs, des imprimeurs et des théologiens. L’Église orthodoxe le considère également comme un saint et le célèbre le 15 juin.

Source : Wikipédia.

 

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