Louise Weiss, journaliste, femme de lettres, féministe et femme politique.

Louise Weiss, née le 25 janvier 1893 à Arras et morte le 26 mai 1983 à Paris, est une journaliste, femme de lettres, féministe et femme politique française, notamment doyenne des députés au Parlement européen (1979-1983).

Louise Weiss est d’origine alsacienne. Son père, Paul Louis Weiss, ingénieur des mines est un protestant alsacien dont les parents originaires de La Petite-Pierre se sont installés en Lorraine à Phalsbourg. Son grand-père, Georges-Émile Weiss est notaire. Il ne peut conserver son étude après l’annexion en 1871 de l’Alsace-Lorraine par l’Allemagne et doit la vendre. Paul Louis Weiss fait toute sa carrière dans l’industrie minière, dirigeant successivement plusieurs sociétés et finissant président de l’Union des mines. Sa mère, Jeanne Félicie Javal est la fille de l’ingénieur et ophtalmologue Émile Javal, un des inventeurs de l’orthoptique, passionné d’espéranto. La famille de sa mère, la famille Javal, est une riche famille alsacienne d’origine allemande, tchèque et juive, installée à Seppois-le-Bas et très engagée dans la vie publique. Louise Weiss est l’ainée de six enfants (une de ses sœurs cadettes, Jenny Aubry — mariée en premières noces avec le docteur Alexandre Roudinesco et mère de l’historienne Élisabeth Roudinesco — sera connue comme psychanalyste et pédiatre ; son frère Jacques, polytechnicien, est inspecteur des finances, directeur de société de charbon et traducteur de livres spiritualistes). Elle passe sa jeunesse à Paris, élève, notamment, au collège Sévigné et au lycée Molière.

Contre l’avis de son père, peu favorable à l’éducation des filles, Louise Weiss devient agrégée de lettres à 21 ans et diplômée de l’université d’Oxford. Elle refuse le poste d’enseignant qui lui est proposé puis se tourne vers le journalisme. Elle fréquente alors les exilés tchèques et slovaques à Paris quartier du 19e, Tomáš Masaryk, Edvard Beneš et Milan Stefanik et s’intéresse aux relations internationales.

Louise Weiss,carte maximum, Paris, 15/05/1993.

Elle s’engage comme infirmière, pendant la Première Guerre mondiale dans un hôpital pour soldats à Saint-Quay-Portrieux, où sa famille s’était réfugiée.

Femme de convictions et marquée par l’horreur du premier conflit mondial, elle cherche à rapprocher la France et l’Allemagne pour des intérêts publics. Après avoir collaboré au journal Le Radical sous le pseudonyme masculin Louis Lefranc, elle écrit jusqu’en 1934 dans la revue hebdomadaire L’Europe nouvelle — fondée avec le soutien financier du journaliste Hyacinthe Philouze, dont le premier numéro paraît le 12 janvier 1918 et le dernier en juin 1940. Avec cet hebdomadaire, elle a pour ambition de fonder « une méthode et un instrument de travail pour une science de la paix ».

Étant en désaccord avec Philouze, Louise Weiss quitte L’Europe nouvelle pour collaborer à L’Information et au Petit Parisien. Elle se rend en reportage dans les capitales de l’Europe orientale (Prague, Budapest, Vienne, Varsovie), et à son retour revient à L’Europe nouvelle, dont Philouze, qui quitte la revue, lui laisse les commandes. Elle entend utiliser ce journal pour diffuser sa volonté de pacifisme. Elle sait s’entourer de futures grandes personnalités, qui lui fournissent une aide précieuse au sein du comité de rédaction, tel Louis Joxe, collaborateur privilégié. Henry de Jouvenel, Wladimir d’Ormesson, Georges Bonnet, Aristide Briand, Édouard Herriot, Marcel Cachin, Léon Blum, Saint-John Perse, Paul Valéry, Élie Faure l’aident également, occasionnellement. Louise reprend ses voyages en Europe : elle se rend notamment en Russie où elle rencontre Léon Trotski, mais ne peut approcher Lénine.

Croyant toujours en l’efficacité de la SDN, elle accompagne à Genève Herriot, qui fait partie de la délégation française à la SDN, au début d’octobre 1924. Elle y rencontre Briand : celui-ci vient d’exprimer dans L’Europe Nouvelle son souhait de créer une « compagnie anonyme de la paix ». Pacifiste, elle s’efforce de suivre Briand dans ses déplacements, convaincue comme lui que le recours à l’arbitrage est la seule voie pour assurer la sécurité. Elle est inconsciente, comme lui, que la SDN, sans force armée et sans le soutien des États-Unis, la plus grande puissance économique mondiale, est vouée à l’impuissance quel que soit le talent verbal d’un Briand.

Les chances s’amenuisant de sauver la paix par le désarmement, face à l’atmosphère de l’Allemagne à partir de 1930, Louise Weiss organise un cycle de conférences dans le cadre de L’École de la Paix qu’elle a fondée à la fin de l’année. Louis Joxe en est le secrétaire général. Placée sous le haut patronage de Briand, elle est inaugurée le 3 novembre 1930 et connaît un certain succès du fait de la renommée des conférenciers. Devenue un “établissement libre d’enseignement supérieur”, l’École de la Paix, rattachée à l’académie de Paris, alloue aussi des bourses d’étude et de voyage aux étudiants des Écoles normales d’instituteurs et institutrices pour former des missionnaires de la paix qui feront évoluer les mentalités.

L’accession au pouvoir de Hitler, le 30 janvier 1933, et la politique initiée par le nouveau chancelier allemand inquiètent Louise Weiss. Elle se fait un devoir de publier en 1933 les lois d’Adolf Hitler relatives à l’aryanisation des écoles et administrations allemandes, à la stérilisation des infirmes et des malades, et elle ajoute dans ses Mémoires d’une Européenne « Personne, en France, n’y fit alors attention ».

Elle quitte L’Europe Nouvelle à la suite de l’arrivée d’Hitler au pouvoir en Allemagne, qui marque l’échec du projet européen de rapprochement franco-allemand porté dès 1930 par Aristide Briand, et à cause des dissensions au sein de l’équipe de la revue, certains souhaitant encore une coopération avec l’Allemagne. Elle y signe son dernier article le 3 février 1934.

Louise Weiss choisit très tôt de faire cavalier seul. De Maria Vérone, elle dresse ce portrait acide :

« Le souvenir qu’elle me laisse est celui d’une avocate dont le grand talent n’éclipsait ni la méchanceté, ni le manque de grâce. Quels chapeaux et quels souliers ! À elle seule, Maria entretenait la légende de la femme croque-mitaine, ogresse encline à dévorer les pauvres hommes ! »
De Cécile Brunschvicg : « Si le féminisme l’avait introduite dans les milieux politiques, le radicalisme lui avait permis d’y rester et d’en retirer les agréments qui découlent toujours de relations avec un pouvoir que l’on ne désire point heurter ». De façon injuste et méprisante au regard des féministes qui l’ont précédée « c’est à coups de pied qu’il faut sortir le féminisme des quelques salons où il se pavane et des ligues orthodoxes où il se momifie ».

En 1934, elle épouse José Imbert, un architecte dont elle divorce deux ans plus tard en 1936, ce que certains jugeront comme un mariage de convenance.

Louise Weiss, épreuve de luxe.

Droit de voter et d’être élue : elle entend bousculer l’inertie des élus nationaux par des méthodes radicales et fonde en 1934 l’association « Les femmes nouvelles ». Louise Weiss se présente symboliquement aux élections municipales de Montmartre le 5 mai 1935 ; elle excelle dans la provocation ironique : transformant des cartons à chapeaux en urnes, elle recueille 18 000 bulletins en sa faveur. Aux élections législatives de 1936, elle se présente symboliquement dans le 5e arrondissement de Paris et mène des actions spectaculaires destinées à attirer l’attention de la presse.

En 1936, elle aurait refusé un poste ministériel proposé par Léon Blum en lui répondant « J’ai lutté pour être élue pas pour être nommée ».

  •  1936 : elles lâchent des ballons rouges, lestés de tracts, au Stade olympique Yves-du-Manoir lors de la finale de la Coupe de France de football.
  • Le 1er juin 1936, elles distribuent aux députés des myosotis, fleur qui signifie symboliquement « Ne m’oubliez pas ».
  • Le 2 juin 1936, elles offrent aux sénateurs des chaussettes avec l’inscription « Même si vous nous donnez le droit de vote, vos chaussettes seront raccommodées ».
  • Le 28 juin 1936, elles investissent la piste du champ de course de Longchamp, lors du Grand Prix, avec des pancartes portant l’inscription « La Française doit voter ».
  • Le 10 juillet 1936, elles s’enchaînent les unes aux autres et empêchent la circulation, rue Royale, à Paris.

Après l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne, le 12 mars 1938, Louise Weiss fonde fin 1938 l’Union des Françaises décorées de la Légion d’honneur, comptant sur leur patriotisme pour promouvoir l’importance de la défense passive d’un « service national féminin ». Les volontaires sont nombreuses à vouloir s’engager pour défendre la patrie en cas de guerre, mais Édouard Daladier, ministre de la Guerre, et Albert Lebrun, président de la République, refusent de les incorporer. À la fin d’août 1939, elle propose au général responsable du Comité de la défense passive, d’utiliser les femmes à la défense de la patrie. Il lui propose d’organiser des quêtes pour recueillir de l’argent !

Le 31 décembre 1938, elle obtient de son ami Georges Bonnet, ministre des Affaires étrangères, la création d’un Comité des réfugiés — dont le baron Robert de Rothschild assurera généreusement le fonctionnement — pour accueillir ceux qui fuyaient le régime nazi. Elle écrit « les persécutions d’Adolf Hitler contre la « race maudite » laissaient la moyenne des Français encore incrédules, les atrocités de la Kristallnacht, à partir desquelles l’extermination des israélites de la Grande Allemagne avait été décidée, n’avaient pas autrement ému l’opinion publique, maintenue dans une ignorance délibérée par les partisans de la paix à tout prix, qui fermaient les yeux et se bouchaient les oreilles ».

En 1940, le général de Gaulle prononce l’Appel du 18 Juin. Elle y est indifférente, ne souhaitant pas quitter le théâtre politique français. Elle se rapproche de René Gillouin, un intime et conseiller de Pétain7.

Son séjour de quatre mois aux États-Unis à la tête d’une mission confiée par le gouvernement de Vichy, pour collecter des médicaments destinés aux enfants de France, et son retour à Vichy le jour de la Noël 1940, est dans la logique de l’engagement pacifiste qui conduisit tant de Français révoltés par la Grande Guerre à accepter l’armistice et Pétain. De retour à Paris, elle s’aperçoit que son nom figure sur la liste des personnalités juives à éliminer ; elle se fait délivrer un « certificat » de non-appartenance à la « race juive », grâce à la complaisance du pasteur Monod. La mention de son nom disparaît de la liste publiée par le Commissariat général aux questions juives.

En 1944, elle se retrouve à Sigmaringen, siège de la Commission gouvernementale française pour la défense des intérêts nationaux, où est installé le gouvernement en exil de la France vichyste, ainsi que de nombreuses autres figures de la Collaboration. En 1950, elle tirera une parodie en trois actes et en prose de cette expérience qui ne fut jamais représentée ni imprimée : Sigmaringen-en-France ou les Potentats du néant.

À la Libération, elle entreprend de s’informer en multipliant les voyages à l’étranger, aux États-Unis, au Canada, au Mexique, en attendant que la situation politique en France se décante et qu’elle puisse y retrouver une position d’influence. Le 3 septembre 1946, elle indique à Radio Canada qu’elle a dirigé, pendant l’occupation allemande, en tant que rédactrice en chef, le journal clandestin La Nouvelle République ; elle laisse aussi entendre qu’elle a participé au réseau de résistance Patriam Recuperare, ce qui sera catégoriquement démenti par ses membres.

Elle couvre le procès de Nuremberg comme journaliste.

En 1945, avec Gaston Bouthoul, fondateur de la polémologie (science de la compréhension des conflits), elle fonde l’Institut de polémologie, qu’elle fera rentrer à l’université de Strasbourg dans les années 1960. Elle va alors commencer à parcourir le monde, réalisant de nombreux films documentaires. En 1971, elle fonde à Strasbourg l’Institut des sciences de la paix.

En 1971, elle crée une fondation qui porte son nom qui chaque année prime les auteurs ou les institutions ayant le plus contribué à l’avancement des sciences de la paix, à l’amélioration des relations humaines et aux efforts en faveur de l’Europe. Parmi les lauréats, on compte Helmut Schmidt, Médecins sans frontières, Anouar el-Sadate.

Elle tente par deux fois, en 1975, d’être élue à l’Académie française.

Elle s’est engagée dans les premiers projets d’une union européenne. En 1979, pour la première élection au suffrage direct du Parlement européen, elle est élue eurodéputée sur la liste RPR malgré ses combats féministes assez éloignés de la ligne du parti. À 86 ans, elle y prononce, au titre de doyenne, un discours d’ouverture historique lors de la première session du nouveau parlement à Strasbourg le 17 juillet 1979.

Possédant une maison à Conflans-Sainte-Honorine, elle est à l’origine de la création, en 1965, du Musée d’intérêt national de la batellerie de cette ville. Elle participe également activement à la notoriété du pardon national de la batellerie créé quelques années plus tôt.

En 1981, elle fait don à la ville de Saverne de ses collections historiques et ethnographiques. Une section Louise Weiss sera ouverte dans le musée du château de Rohan dans cette ville. Elle lègue l’ensemble de sa correspondance et de ses manuscrits à la Bibliothèque nationale et ses livres à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg.

Louise Weiss meurt le 26 mai 1983. Sa sépulture se trouve dans le cimetière de Magny-les-Hameaux.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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