Maurice Thorez, homme politique.

Maurice Thorez, né le 28 avril 1900 à Noyelles-Godault (Pas-de-Calais) et mort le 11 juillet 1964 en mer Noire, est un homme politique français.

Ouvrier de profession, il est membre du Parti communiste français, dont il est secrétaire général de 1930 à 1964, étant l’élément-clé de  la « stalinisation » du mouvement.

Gracié par le général de Gaulle après sa désertion en URSS au début de la Seconde Guerre mondiale, il est ministre de la Fonction publique de 1945 à 1947 et vice-président du Conseil entre 1946 et 1947. Il bénéficie alors à nouveau d’un culte de la personnalité au sein de son parti.


En mars 1919, Maurice Thorez avait adhéré à la CGT et à la SFIO. Deux mois plus tard, enthousiasmé par la révolution russe, il rejoint le Comité pour l’adhésion à la IIIe Internationale, s’éloignant ainsi de son grand-père, resté dans le camp de Blum. Il fait son service militaire au 3e régiment du génie4, à Arras, lorsque la motion dite Cachin-Frossard triomphe au Congrès de Tours (du 25 au 30 décembre 1920). Les deux tiers du parti socialiste SFIO rejoignent le nouveau parti : la SFIC (section française de l’Internationale communiste) qui devient par la suite le Parti communiste (PC). Ce n’est qu’en 1943 que le nom de PCF (Parti communiste français) est définitivement adopté.

Comme les ouvriers révolutionnaires de l’époque, Maurice Thorez reste simple soldat. Il est d’abord magasinier puis secrétaire du commandant ce qui lui permet de consacrer une partie de son temps à la lecture et aux discussions politiques avec ses camarades. Lors d’une permission, portant la contradiction au député socialiste de la circonscription, il prend conscience de ses talents d’orateur.

À son retour du service, au printemps 1922, la mine refuse de le réembaucher. Il exerce alors une série de petits métiers tout en restant un ardent militant aux Jeunesses communistes et au syndicat unitaire des mineurs. Il se marie avec Aurore Membœuf, la nièce du secrétaire de la fédération communiste du Pas-de-Calais.

En octobre 1922, Maurice Thorez assiste au Congrès de Paris. Il s’était engagé auparavant pour la ligne du « Front unique », soutenue par l’Internationale communiste (IC) et défendue par Frossard et Souvarine. Au cours de la préparation du Congrès, dans une réunion de tendance, Souvarine avait remarqué le jeune militant du Pas-de-Calais, solide, limpide, sachant analyser simplement une situation concrète.

Maurice Thorez commence alors une ascension spectaculaire au sein du jeune parti communiste : Secrétaire à la propagande de son département en janvier 1923, il devient permanent au printemps de la même année. Il fait partie de ces jeunes ouvriers que le parti voudrait former et promouvoir à des postes de responsabilité. Ainsi le 30 mai 1923, Souvarine écrivant de Moscou au Bureau politique qu’il faudrait envoyer une vingtaine d’élèves en URSS pour suivre des cours de marxisme le prend en exemple : « À mon avis, l’élève type d’une telle école serait par exemple Thorez, du Pas-de-Calais ». Thorez impressionne également les militants du Pas-de-Calais qui le délèguent au congrès national de Lyon, en janvier 1924 où il est élu suppléant du Comité directeur.

Au printemps 1924, au Comité directeur, Souvarine était en opposition avec la nouvelle majorité emmenée par Albert Treint et ardemment soutenue par l’IC dominée par Zinoviev. À la conférence des secrétaires fédéraux, Maurice Thorez, toujours lié à Souvarine, vote contre les thèses de la majorité. Il soutient également le projet de Souvarine d’éditer une traduction de la brochure de Trotski “Cours nouveau” et entraîne avec lui la commission exécutive du Pas-de-Calais. Il faut que l’IC envoie Gouralski dans le Pas-de-Calais pour faire obtenir de la commission exécutive un vote favorable aux thèses de l’IC. Thorez, isolé, se réfugie dans l’abstention. Dans les mois qui suivent, Souvarine est exclu et Thorez doit se rallier à la politique de la Troïka (Zinoviev, Kamenev, Staline) dont les porte-paroles en France sont alors Albert Treint et Suzanne Girault. En novembre, Thorez devient secrétaire adjoint permanent de la région Nord5. Délégué au congrès national de Clichy, il y est élu membre titulaire du Comité central, et le 28 janvier 1925, il entre à la commission d’organisation.

C’est à ce titre qu’il participe à Moscou, en mars 1925 à la conférence d’organisation de l’IC, clôturée par une rencontre collective avec Staline. Le 13 juillet 1925, Suzanne Girault le coopte au bureau politique du parti français.

Thorez est alors chargé de l’action contre la guerre du Maroc. Au sein du bureau politique, Maurice Thorez est amené à s’opposer à Treint à qui il reproche son sectarisme. Il reste partisan, avec Pierre Semard, d’une politique de Front Unique. Alors que l’influence de Zinoviev décline, Thorez et Sémard reçoivent le soutien de Manouïlski contre Treint, Girault et Doriot qui apparaît de plus en plus comme le seul rival de Thorez.

Thorez, carte maximum, Russie.

En février 1926, au 6e plénum de l’Internationale, à Moscou, Maurice Thorez se prononce contre la réintégration de Souvarine. Ce n’est pas encore suffisant pour qu’il ait la pleine confiance de Staline qui prononce la disgrâce de Treint et Girault. Au congrès national de Lille, en juin 1926, Thorez est confirmé au bureau politique, parmi 12 autres membres dont le secrétaire en titre, Pierre Sémard. Thorez, qui reste secrétaire à l’organisation est naturellement l’un des hommes forts de cette équipe.

Le 22 avril 1927, Albert Sarraut ministre de l’Intérieur avait annoncé à Alger : « Le communisme voilà l’ennemi. » Thorez avait déjà été condamné à des amendes à cause de son action contre la guerre du Maroc. Le 30 juillet, des inspecteurs de police essaient de l’interpeller devant le siège du PC, rue Lafayette, mais il réussit à s’enfuir et passe dans la clandestinité.

C’est à ce moment que l’Internationale demande aux différents partis nationaux d’opérer un revirement, d’abandonner le « Front unique » pour une nouvelle politique « classe contre classe ». Thorez essaye de résister jusqu’en septembre, mais finit par obtempérer, et c’est lui qui devient le champion de cette nouvelle ligne, contre l’avis de Pierre Sémard et d’autres dirigeants alors emprisonnés à la Santé.

En 1928, Maurice Thorez, un des principaux dirigeants du Parti communiste, souhaite s’ancrer dans une circonscription et son choix se porte sur Ivry-sur-Seine, une commune de la banlieue rouge, où il se présente comme député, mais sans pouvoir faire campagne, car il est toujours clandestin. Son résultat est honorable, mais il est battu, comme la plupart des candidats communistes qui paient ainsi l’isolement qui résulte de la ligne « classe contre classe ». Activement recherché par la police, il part à Bruxelles, puis participe au VIe congrès de l’Internationale communiste où il continue à défendre une position « gauchisante ». Pierre Semard, le secrétaire général en titre est alors très affaibli par le peu d’enthousiasme dont il fait preuve vis-à-vis de la ligne officielle. Le poste de secrétaire général est supprimé. Thorez apparaît un temps comme le principal dirigeant du parti, mais après le VIe congrès national tenu à Saint-Denis en mars 1929, le pouvoir passe entre les mains d’une équipe ultra-gauchisante composée de deux dirigeants des J.C. (Jeunesses communistes), Barbé, Célor et de Gitton (chargé du contrôle politique de la CGTU) s’appuyant sur les responsables venant de la J.C.

Les affrontements se multiplièrent avec les dirigeants plus expérimentés comme Vassart ou Ferrat. Le conflit fut arbitré à Moscou en juin 1930. En sortit une nouvelle direction composée de Thorez (secrétaire général bien que ce titre ne fut pas employé publiquement), Barbé et Frachon, avec pour objectif de rectifier les excès sectaires.

C’est à ce moment que Thorez effectue un séjour de onze mois en prison. Il est arrêté le 9 juin 1929. En février 1930, Thorez peut être libéré s’il paie une amende. Cela est contraire aux règles en usage dans le parti. Il demande une dérogation au bureau politique qui refuse à l’unanimité. Passant outre, Thorez verse l’amende de 500 francs et retrouve la liberté le 23 avril.

L’équipe dirigeante se rend alors à Moscou où l’IC qui n’a pas encore renoncé officiellement à la tactique « classe contre classe » et à la dénonciation du « social-fascisme » demande alors à Thorez de préparer un tournant dans l’autre sens[réf. nécessaire]. C’est au cours de ce voyage à Moscou que Thorez rencontre, dans l’hôtel symbolique du Gotha communiste, le Lux à Moscou, une jeune ouvrière du textile en stage, Jeannette Vermeersch qui devient sa compagne, puis sa femme.

À son retour de Moscou, début juillet, Thorez est plus ou moins le nouveau secrétaire général du parti, même si le poste n’a pas encore été officiellement recréé. Il doit pendant quelques mois continuer de faire équipe avec Barbé jusqu’en avril 1931. Il demeure dans la ligne « classe contre classe » déclarant en mai 1931 que « par son colonialisme, son nationalisme son militarisme, son action anti-ouvrière et sa corruption, la social-démocratie française est plus que le Labour Party ou la social-démocratie allemande à la pointe du social-fascisme ». Le 8 mai, fort du soutien de l’IC, représentée à Paris par le Slovaque Eugen Fried, Thorez annonce au bureau politique qu’il prend la fonction de secrétaire général, assisté de Jacques Duclos et Benoît Frachon. En fait, il est loin d’être assuré du soutien total de l’IC puisqu’en juillet, il envoie une lettre à l’IC où il fait part de son découragement et présente sa démission.

La réponse vient en août sous la forme de la venue à Paris de Manouïlski, le responsable de l’IC qui suit le parti français depuis longtemps. Sur pression de Moscou7, il désigne le « groupe des jeunes », Barbé, Celor et Lozeray, comme responsables des mauvais résultats du parti, rejetant sur celui-ci les responsabilités d’une politique qu’il n’a fait qu’exécuter. Avec  l’encouragement de Fried et l’accord de Staline, Thorez prend ses distances avec la ligne sectaire à laquelle il a pourtant pleinement participé depuis 19286,7. Le 13 octobre, il déclare à un meeting à la salle Bullier : « Nous voulons que chaque membre du Parti puisse librement et sans crainte, exprimer son opinion, critiquer les directions, la discipline nécessaire n’étant que le résultat de la conviction et de la soumission aux décisions régulièrement prises par les organismes qualifiés, après discussion. »

La ligne sectaire dictée par Moscou avait en effet opéré des ravages dans le parti : entre 1927 et 1931, les effectifs avaient chuté de 55 000 à 25 000. Aux élections législatives de 1932, le Parti communiste tombe à son plus bas niveau (6,8 %). La plupart des dirigeants sont battus. Thorez fait exception, l’emportant de justesse dans la circonscription d’Ivry-sur-Seine. Cette victoire lui donne enfin un fief en milieu ouvrier. Cela lui est  particulièrement utile pour triompher de son rival Jacques Doriot, qui n’a pas renoncé à lui prendre la première place dans la rivalité et qui est lui aussi élu dans un autre bastion ouvrier, Saint-Denis. En septembre 1932, lors du 12e plenum de l’IC, les deux hommes en viennent aux mains dans un square de Moscou.

Pour autant, Moscou conserve la haute main sur le Parti communiste français. La section des cadres, qui a pour mission de transmettre tous les documents du parti à la police soviétique et d’assurer une totale discipline des militants français, est créée en 1934. Au fil des congrès, la confiance exprimée par Staline en Maurice Thorez — qui accepte notamment de ne pas participer au gouvernement Blum sur son injonction — se renforce.

Le « règne » de Thorez sur le parti dure plus de trente ans. Son ascension jusqu’à la plus haute fonction au sein du parti résulte à la fois de qualités personnelles qui s’imposent à tous et d’une parfaite discipline vis-à-vis de l’Internationale communiste dont il a toujours défendu les positions8. Son maintien à la tête du parti pendant plusieurs décennies est aussi celui d’une équipe dirigeante au premier rang de laquelle on retrouve toujours Jacques Duclos et Benoît Frachon. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, Eugen Fried, qui devient un ami personnel de Thorez est en fait l’éminence grise et a tout pouvoir sur les dirigeants du Parti français. À partir de février 34, la vie commune avec Jeannette Vermeersch contribue à équilibrer la vie politique et affective de Maurice Thorez qui arrive par ailleurs à préserver ses matinées pour lire, étudier et écrire, souvent dans son bureau de la chambre des députés. Il garde toujours une certaine distance avec les autres membres de la direction.

Les années 1932-1934 sont marquées sur le plan international, par l’arrivée au pouvoir d’Hitler, et en France par de timides tentatives de l’équipe Thorez de sortir le parti de son isolement. En janvier 1933, Thorez et Doriot rencontrent des membres de la SFIO. L’IC condamne ce  rapprochement, mais après la prise du pouvoir par Hitler, demande à tous les partis nationaux de renoncer aux attaques contre les organisations socialistes « durant l’action commune contre l’offensive du capital et contre le fascisme ». Thorez envoie un télégramme à l’IC pour lui demander de prendre contact avec l’Internationale ouvrière socialiste. Le parti français est alors violemment désavoué par l’IC. Dans son rapport présenté au comité central les 20, 21 et 22 octobre 1933, Thorez aurait inventé la formule « front populaire », reprise les jours suivants dans L’Humanité[source insuffisante]. En décembre 1933, Thorez et Frachon se rendent à Moscou où André Marty, délégué permanent auprès du Komintern ne cesse de dénoncer les illusions démocratiques de la direction française. Ils doivent faire leur autocritique et accepter que Marty vienne contrôler L’Humanité.

Lorsque survinrent les évènements de février 1934, Thorez était très affaibli à la direction du parti. Doriot se fait le champion d’une politique de « Front unique », au sein du Bureau politique dont les membres sont de plus en plus réceptifs à ce discours. Mais Thorez résiste. Pour des raisons de sécurité, il va se cacher à Barbizon et n’apparaît pas lors de la manifestation unitaire du 12 février. Son nom ne réapparaît dans L’Humanité que le 8 mars. « Le Parti communiste, écrit-il, … ne tolérera jamais une politique d’entente au sommet, une politique de recul et d’abdication devant le social-fascisme. »

Lors du comité central du 14 mars, Thorez est pris à partie par Renaud-Jean et Doriot. Ce dernier démissionne alors de son mandat de maire de Saint-Denis pour se faire réélire triomphalement le 6 mai par les trois quarts de ses électeurs. Devant cet acte d’indiscipline manifeste, ni Thorez, ni l’IC ne provoquent la rupture, et Manouïlski invite à Moscou Thorez et Doriot pour que chacun présente ses positions. Doriot, déjà engagé sur la voie de la rupture, décline l’invitation, et Thorez part seul le 26 avril. Le 16 mai, à une réunion de Présidium de l’IC, Dmitri Manouïlski fixe pour objectif la reconquête de Saint-Denis et l’isolement de Doriot, mais les moyens qu’il indique pour y parvenir, une politique de Front unique dirigée vers les ouvriers socialistes, revient en fait à pratiquer la politique de Doriot.

Le 11 juin, les socialistes Blum et Zyromski rencontrent les communistes Frachon, Gitton et Thorez lui-même. Lors de la conférence nationale de juin 1934 à Ivry, Thorez propose l’unité d’action et l’unité syndicale à tout prix. Le tournant de l’antifascisme était pris, et la route pour le Front populaire ouverte. Thorez avait freiné ce tournant vers une politique de Front unique, mais à partir de juin 1934, encouragé par Fried, il s’enhardit et devance de plusieurs mois les mots d’ordre du Komintern. Le 9 décembre, il défend sa politique devant le présidium de l’IC par un remarquable plaidoyer qui impressionne Manouïlski et fait oublier sa piteuse prestation du mois de mai.

En France, après des années de déclin, les organisations communistes recrutent et retrouvent leur dynamisme. Thorez est l’incarnation des nouvelles valeurs du parti : l’antimilitarisme des années 1920 est oublié, et dans une certaine mesure l’anticolonialisme, au profit de valeurs plus traditionnelles et l’adoption de mythes et de symboles nationaux comme le drapeau tricolore ou Jeanne d’Arc. Les camarades du parti sont invités à cesser d’être des révolutionnaires professionnels le dimanche pour s’intéresser à leurs compagnes et à leur famille. Cette politique est sanctionnée en avril et mai 1936 par d’excellents résultats électoraux.

Le 17 avril 1936, dans une allocution radiodiffusée, Thorez tend la main aux catholiques et aux Croix-de-feu. Selon Claude Pennetier, son rôle fut important dans les grèves de juin 1936 et son intervention le 11 juin, quatre jours après les Accords Matignon (« Il faut savoir terminer une grève dès que satisfaction a été obtenue »), déterminante dans leur achèvement. Sans participer au gouvernement, il s’entretient avec Léon Blum chaque semaine. En août 1936, il propose d’élargir vers la droite le Front populaire en faisant, sur la base de l’antifascisme, un « Front des Français ». Cela n’empêche pas le parti communiste de dénoncer la non-intervention en Espagne et de s’investir massivement dans le soutien à l’Espagne républicaine.

C’est à cette époque que Thorez, suivant le modèle de Staline en URSS, instaure, au sein du parti, un certain culte vis-à-vis de sa personne. En effet, Thorez a une grande admiration pour Staline. Pour renforcer son image personnelle, il publie, en 1937, une autobiographie, Fils du peuple, qui devait, selon la suggestion de Paul Vaillant-Couturier, incarner l’histoire du communisme français. Le livre avait été écrit avec l’aide de Jean Fréville, lequel avait inséré dans le récit un passage où les initiales des mots formaient la phrase « Fréville a écrit ce livre ». Ce passage, présent aux pages 36-37 de la première édition, sera supprimé dans les éditions suivantes. La parution du livre est accompagné d’une vaste campagne publicitaire, estimée à 180 000 francs, soit entre un tiers et la moitié des dépenses publicitaires annuelles des Éditions sociales. Des encarts sont publiés dans la presse non-communiste, et un film de promotion, d’une durée de 5 minutes dans lequel Maurice Thorez et Jeannette Vermeersch sont filmés à leur domicile, est réalisé en 1937. Jamais diffusé, le film, intitulé également Fils du peuple, aurait pour réalisateur Jean Renoir, alors proche du Parti communiste, et parrain du premier fils du couple Thorez13. Maurice Thorez dédicace à Staline un exemplaire publié en 1937 aux Éditions sociales internationales (E.S.I.) : « Au camarade Staline, le constructeur génial du socialisme, le chef aimé des travailleurs du monde entier, le guide des peuples, le Maître et l’ami, qui me fit, un jour heureux entre tous, le grand honneur de me recevoir, en témoignage de ma fidélité absolue et de mon amour filial. »

La popularité de Thorez atteint alors son plus haut niveau. Le 24 juin 1937, on entendit des manifestants scander, place de la Nation, « Thorez au pouvoir ».

Après Munich, l’année 1939 est placée sous le signe de la menace de guerre. En janvier, à la conférence nationale de Gennevilliers, Thorez consacre une grande partie de son rapport à la question paysanne. Il participe également à Ivry à la célébration de la Révolution française à l’occasion de son 150e anniversaire. En février, lors d’une tournée en Algérie, il évoque « le peuple algérien uni autour de la France » en ajoutant que l’Algérie, est une « nation en formation dans le creuset de vingt races ».

Thorez, carte maximum, Russie.

L’annonce du Pacte germano-soviétique, le 23 août 1939, et la déclaration de guerre, le 3 septembre, bouleversent complètement la situation du Parti communiste. Il semble que Thorez, en vacances dans les Alpes, n’ait pas été mis au courant de la signature du pacte. Fried lui-même n’apprend la nouvelle qu’à Bruxelles, centre de regroupement de l’IC, en cas de crise. Quoi qu’il en soit, le secrétaire général aligne ses vues sur celles de Moscou. À Paris, L’Humanité est saisie dès le 25 août 1939. Le 1er septembre, le groupe parlementaire communiste réuni sous la présidence de Thorez décide de voter les crédits de guerre pour réagir à l’agression allemande contre la Pologne. Le 3 septembre 1939, Thorez répond à l’ordre de mobilisation et rejoint son régiment, le 3e régiment du génie, à Arras. Les hommes étaient en effet mobilisables jusqu’à quarante-neuf ans.

À partir de la mi-septembre, l’IC fait parvenir des consignes demandant clairement de dénoncer la guerre comme étant le fait de l’impérialisme britannique. Le Parti communiste est interdit le 26 septembre. Le secrétaire de l’IC, Dimitrov envoie un télégramme enjoignant au secrétaire général du parti français de déserter. Mounette Dutilleul, en compagnie de Jeannette Vermeersch, enceinte, porte le message à Chauny, où Maurice Thorez est en garnison. « Qu’en pensent Benoît et Jacques ? » (Frachon et Duclos) aurait demandé Thorez qui se soumet à la décision de l’IC comme il l’a fait tout au long de sa carrière. Le 3 octobre 1939, le sapeur Maurice Thorez quitte illégalement la quatrième Compagnie de navigation fluviale : le couple Thorez-Vermeersch est embarqué dans la 11 CV du militant Pelayo, passe en Belgique avant de rejoindre Moscou via Stockholm et Riga, quelques semaines plus tard. Thorez est donc considéré comme déserteur16. Le 28 novembre 1939, il est condamné à six ans de prison pour « désertion en temps de guerre » et le 17 février 1940, le gouvernement signe un décret qui déchoit Thorez de la nationalité française. Il est l’un des rares hommes français de sa génération à n’avoir participé à aucune des deux guerres mondiales puisqu’il ne s’est pas engagé en 1917 comme il le pouvait.

Député membre du groupe ouvrier et paysan français, il est déchu de son mandat, le 21 janvier 1940, et condamné par contumace le 3 avril 1940 par le 3e tribunal militaire de Paris à 5 ans de prison, 5 000 francs d’amende et 5 ans de privation de ses droits civiques et politiques pour être resté fidèle à la ligne du Parti communiste et ne pas avoir dénoncé le pacte germano-soviétique.

Thorez arrive à Moscou le 8 novembre 1939. Il s’installe dans une proche banlieue de Moscou, parmi d’autres « clandestins », se laisse pousser la barbe et se fait appeler Ivanov. Officiellement, Thorez est resté en France jusqu’en 1943, date à laquelle il se serait rendu à Moscou pour la dissolution de l’Internationale. Cette version de l’histoire a été maintenue par le PCF jusqu’à la fin des années 1960. Il retrouve l’autre dirigeant français André Marty, bien en vue auprès des Soviétiques et des responsables du Komintern, toujours prêt à critiquer le parti français. Jusqu’en juin 1941, au moins, Thorez, reste en contact avec la direction clandestine du parti restée en France. A-t-il eu un rôle important dans les différentes orientations prises par le parti, pourparlers pour la reparution de L’Humanité en juin-juillet 1940, politique de semi-légalisation en août-septembre, politique de Front national au printemps 1941 ? Les archives du Komintern à Moscou ne sont pas très claires sur ce point.

En automne 1941, l’offensive allemande provoque l’évacuation des Thorez à Oufa, dans l’Oural. Il n’a pratiquement rien à faire et doit rester clandestin. Il ne peut que constater la réalité de la misère soviétique20 et vit une des périodes les plus sombres de son existence. Il supporte difficilement que de Gaulle autorise Marty à se rendre à Alger pour prendre la tête de la délégation communiste alors que lui, Thorez, reste persona non grata pour cause de désertion.

Le 20 janvier 1944, il est reçu par la délégation de la France libre à Moscou. Il raconte qu’il est resté « à son poste de combat », en France, jusqu’en mai 1943 et demande à rejoindre Alger. De Gaulle répond quelques semaines plus tard que la condamnation de Thorez pour désertion garde force de loi.

Après l’installation à Paris le 31 août 1944, du gouvernement provisoire de la République française (GPRF) qui comprend deux ministres communistes, le PCF mène une campagne pour exiger le retour de Maurice Thorez qui envoie lui-même un télégramme à de Gaulle, le 17 octobre. Le Conseil des ministres du 28 octobre rend un avis favorable au retour de Thorez en même temps qu’il donne l’ordre de dissoudre les milices patriotiques communistes. Le 6 novembre, à la suite d’un accord secret entre Staline et le Général de Gaulle, en échange de l’assurance que Staline ordonne aux communistes français de ne pas se révolter contre de Gaulle malgré la dissolution des milices patriotiques communistes, Thorez bénéficie d’une grâce individuelle et rentre en France le 27 novembre. Avant son départ, Maurice Thorez rencontre une nouvelle fois Staline, qui l’appelle à « cacher les armes », à rassembler autour du PCF et à écarter de Gaulle de la vie politique.

En février 1956, Maurice Thorez conduit la délégation française au XXe Congrès du PC de l’Union soviétique. Il est le seul, avec Mao, à citer le nom de Staline dans son discours d’introduction. Dans la nuit du 25 au 26 février, il reçoit une copie en russe d’un rapport secret rédigé par Nikita  Khrouchtchev et destiné aux partis frères. Ce rapport est traduit immédiatement par Georges Cogniot en présence de Jacques Duclos et Pierre Doize.

À la fin du mois de mars, Thorez rend visite à Togliatti, secrétaire du parti italien, pour chercher un appui contre Khrouchtchev, mais, selon l’historien Philippe Robrieux, « Togliatti, tout en déplorant la méthode utilisée par le leader russe, avait clairement manifesté son choix en sens contraire. »[réf. nécessaire] C’est la rupture entre les dirigeants des deux partis les plus puissants d’Europe occidentale.

Le public français apprend l’existence de ce rapport par la presse « bourgeoise ». Thorez avait d’abord choisi de dissimuler l’existence de ce rapport. Robrieux a écrit que cette dissimulation est le fruit d’une discussion au sein du couple Thorez-Vermeersch, qui pensait que le rapport allait rester enfoui dans les archives du PCUS à Moscou et qu’il était de nature à déstabiliser les militants français. À la table familiale, le jeune Jean Thorez, 20 ans, se serait exclamé : « Nous sommes tous des  assassins ! » Lors du XIVe congrès du PCF, en juillet 1956, le rapport introductif de Maurice Thorez affirme que « Staline avait fait preuve de mérites exceptionnels, et par voie de conséquence, s’était acquis une grande autorité, une grande popularité ».

Au sein du PCF, des tiraillements se font sentir, de nombreux dirigeants se sentant plus proches de la position de Togliatti que de celle de Thorez. À la fin de 1956, l’affaire hongroise permet à Thorez de reprendre la situation en main : de violentes manifestations anticommunistes qui ont lieu devant les locaux du parti réveillent le « patriotisme de parti » : Thorez soutient Khrouchtchev et la répression de l’insurrection hongroise, et au sein du PCF les rangs se resserrent autour de Thorez qui continue par ailleurs à freiner la déstalinisation au sein du mouvement communiste.

En 1959, Thorez doit faire face aux analyses krouchtchéviennes de Laurent Casanova et Marcel Servin, proches des positions italiennes : ils sont mis sur la touche. Mais à partir de 1961, Thorez appuie Khrouchtchev contre Mao et les Albanais.

Autour de 1960, Thorez soutient son épouse, Jeannette Vermeersch, lorsqu’elle s’exprime en tant que vice-présidente de l’Union des femmes françaises, contre le « contrôle des naissances » : « Le « birth control », la maternité volontaire, est un leurre pour les masses populaires, mais c’est une arme entre les mains de la bourgeoisie contre les lois  sociales. » Cette position va à l’encontre de celles de nombreux militants, notamment dans les milieux médicaux. Thorez prend parti pour Jeannette en condamnant les thèses néo-malthusiennes.

Peu avant sa mort, à la fin de l’année 1962, Maurice Thorez reste toujours impopulaire, une majorité de Français ne lui faisant pas confiance, contre un sur cinq étant d’un avis inverse. En vue de l’élection présidentielle prévue au suffrage universel en 1965, le candidat communiste arrive très loin dans les préférences des sondés.

En mai 1964, affaibli par la maladie, il fait nommer Waldeck Rochet, plutôt krouchtchévien3, au secrétariat général du PCF lors du XVIIe Congrès, alors que lui-même prend la fonction de président.

Maurice Thorez partit à bord du Litva le 6 juillet, en compagnie de Jeannette Vermeersch. Le navire qui quitta Marseille pour Odessa devait les emmener passer leurs vacances en URSS, comme chaque été.

Le 11 juillet 1964, Maurice Thorez meurt d’une hémorragie cérébrale, faisant suite à des troubles cardiaques, au bord d’un paquebot soviétique, le Litva, qui se trouvait sur les côtes turques et se rendait à Varna Varna. Le couple Thorez devait aller à la station balnéaire de Yalta pour y passer ses vacances.

Le lendemain matin, Léon Mauvais, Michel Vandel et Giancarlo Pajetta, en vacances à Droujba, rejoignent Jeannette Vermeersch à bord. Des ministres et dignitaires soviétiques vinrent rendre hommage à Maurice Thorez, parmi lesquels Jivsko Jivkov, Vassili Garbouzov, Kounaev, Manbetav, Etam Bekov, Vaniolka. Puis la dépouille est examinée à l’Institut de médecine Raïtcho Auguelov32. Le 12 juillet, à 13 h, Léon Zitrone annonce sa mort à la télévision française et retrace sa vie. Lors du 20 h, Claude Joubert « débite un tissu de mensonges et de calomnies les plus éculées », accuse L’Humanité. Le PCF fait imprimer par ce quotidien une édition spéciale dont les Unes reproduisant son portrait seront collées sur les murs de nombreuses villes. Nikita Krouchtchev envoie ses condoléances à Jeannette, et le quotidien Moscou-Soir publie une grande photo en première page, ainsi que le communiqué du Comité central du PCUS.

Le PCF fait ramener sa dépouille en France à bord d’un Tupolev 104, qui arrive dans l’après-midi du 12 juillet à l’aéroport du Bourget, en présence de milliers de personnes et des ambassadeurs des pays socialistes. Une chapelle ardente est installée à la Mairie d’Ivry, et la garde y est assurée par Angela Grimau, veuve du dirigeant communiste espagnol Julian Grimau récemment exécuté par les franquistes. Le Parti lui organise alors des funérailles grandioses, prévues le 16 juillet 1964 à Paris.

Le PCF annonce que près d’un million36 de parisiens et d’habitants de la banlieue se déplacèrent à l’appel du Comité central et de la CGT pour rendre hommage et accompagner la dépouille de Maurice Thorez au Père-Lachaise. Les membres du gouvernement, les délégations des Partis frères, de l’Assemblée nationale, des délégations fédérales du PCF, des délégations de la CGT, la Vie Ouvrière, la FEN, l’UNEF et son président Bernard Schreiner, des artistes firent le déplacement. Le cortège, parti du siège du Comité Central entièrement crêpé de noir, défile en passant par la rue La Fayette, le boulevard Magenta et emplit la place de la République pour se diriger vers le cimetière. Mikhaïl Souslov, Benoît Frachon et Waldeck Rochet accueillent les participants à l’entrée. La plupart des observateurs, y compris des dirigeants communistes, dénoncent des chiffres gonflés et évaluent la foule à 600-650 000 personnes.

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Sources :  Wikipédia, YouTube.

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