Les Martyrs de Belfiore (1853).

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Les martyrs de Belfiore (la vallée de Belfiore est située au sud de la ville de Mantoue) est un épisode douloureux du Risorgimento italien connu pour sa série de condamnations à mort par pendaison exigées par le maréchal (Field-marshall) autrichien Joseph Radetzky, gouverneur général de Lombardie et de Vénétie. Ces actes représentent, pour le peuple italien de l’époque, l’acmé de la répression et de la barbarie, depuis la première guerre d’indépendance d’Italie en 1853. Cette pratique expéditive favorise la haine du peuple italien contre l’occupant autrichien.


La ville de Mantoue appartient à la maison des Habsbourg d’Autriche depuis 1708. Capitale d’un riche petit duché, gouverné jadis par la famille  Gonzague, branche cadette française, des ducs de Nevers pendant près de quatre siècles. C’est une ville stratégique et une place forte grâce à ses fortifications. Sa situation géographique permet un contrôle de toute la région de la Lombardie, de la Vénétie, ainsi que de la plaine du Pô. Excepté la campagne napoléonienne de 1797, jusqu’à la capitulation d’Eugène de Beauharnais, le 23 avril 1814, les invasions sont essentiellement  autrichiennes. La domination de Heinrich Johann de Bellegarde fait de la ville, la plus importante forteresse du Royaume lombard-vénitien. Cette forteresse comporte une prison, où l’on enferme les patriotes mantouans et vénitiens, pour leur opposition et la non-acceptation de l’occupation autrichienne.

À la suite de la défaite de Charles-Albert (qui commande l’armée sarde qui incorpore des volontaires lombards et vénitiens), les Autrichiens en représailles, à partir d’août 1848 et pendant toute une année, jugent et exécutent 961 peines de mort, mettent au cachot plus de 4 000 prisonniers politiques, et saisissent tous les biens des expatriés. Les lombards sont lourdement imposés par des taxes et des impôts extraordinaires. La répression est encouragée par le maréchal Joseph Radetzky, gouverneur général, et fortement soutenue par les tribunaux de Vienne. Le climat est tendu et aggravé par deux visites de l’empereur en 1851 (mars-avril à Venise, septembre-octobre à Milan, Côme et Monza), qui veut montrer que la politique du maréchal Radetzky est une réussite dans le rapprochement de la noblesse italienne avec le régime habsbourgeois. Ce voyage est un échec, car le gouverneur général plénipotentiaire publie deux proclamations (21 février et 19 juillet 1851) qui punissent de un à cinq ans de réclusion tous ceux qui écrivent le mot « révolutionnaire », et rendent les municipalités responsables de ces actes.

Le mécontentement augmente, les patriotes sont obligés de se réunir  secrètement, et de s’organiser en mouvement de conspiration. Le 2 novembre 1850, une section secrète est constituée dans la ville de Mantoue. Une première réunion est organisée dans la maison appartenant à l’exilé Benintendi Livio, située au no 10 de la Via Chiassi. Cette réunion, en l’absence de son propriétaire, est présidée par l’ingénieur Attilio Mori. Une vingtaine de patriotes révolutionnaires sont présents, y compris l’ingénieur Giovanni Chiassi, le professeur Carlo Marchi, Giovanni Acerbi, l’avocat Luigi Castellazzo, Achille Sacchi et le médecin Carlo Poma. L’instigateur du groupe est un prélat, Enrico Tazzoli, proche du mouvement mazzinien. Don Enrico Tazzoli, se met en contact avec les notables appartenant à ce même mouvement, comme Tito Speri, héros des dix jours de Brescia, ainsi qu’Angelo Scarsellini de Legnago.

Le Comité insurrectionnel de Mantoue, fait imprimer des tracts, et en contact avec les cellules de Milan, Venise, Brescia, Vérone, Padoue, Trévise et Vicence, il récolte de l’argent en vendant des bons d’emprunt de solidarité de vingt-cinq francs, financement imaginé par Mazzini pour les activités révolutionnaires. Ce dossier conduit à l’arrestation de Luigi Dottesio de Côme, qui est pendu à Venise le 11 octobre 1851. Le 28 octobre 1851, le prêtre Don Giovanni Grioli, de Cerese, est arrêté à son tour par le capitaine Carl Pichler von Deeben et est condamné à mort le 5 novembre, pour avoir tenté de persuader deux soldats hongrois de déserter et être en possession de tracts révolutionnaires.

La police redouble sa surveillance, et le 1er janvier 1852, soupçonné de falsification de billets de banque autrichiens, le commissaire Filippo Rossi perquisitionne la maison de Luigi Pesci, et découvre le dossier comportant les feuillets des bons d’emprunt révolutionnaire. Luigi Pesci, soumis à un rude interrogatoire, révèle que le dossier venait du prêtre Don Ferdinando Bosio, ami de Tazzoli et professeur au grand séminaire de Mantoue. Ils sont arrêtés et avouent sous la torture que Don Enrico Tazzoli est le coordinateur du mouvement et il est, lui-aussi, arrêté le 27 janvier 1852. Chez ce dernier, la police saisit de nombreux documents, y compris le registre sur lequel sont notés les recettes et les dépenses chiffrées avec les noms codés des membres ayant versé l’argent.

Des amis de Tazzoli sont arrêtés : Attilio Mori, Luigi Castellazzo, Giuseppe Quintavalle et le prêtre Giuseppe Ottonelli. Tazzoli dira : « Que n’aurais-je pas fait pour les sauver ? Ils sont victimes de m’avoir fait une confiance illimitée. ».

Détenus de la province de Mantoue : Pietro Frattini, Omero  Zanucchi, Giovanni Nuvolari, Domenico Permeili, Lisiade Pedroni, Luigi Dolci, Giuseppe Finzi. Une femme, Camilla Marchi, directrice d’orphelinat, est dépositaire de nombreux secrets de Tazzoli, en état d’arrestation.
Détenus de la région de Vénétie et traduits à Mantoue : Angelo Scarsellini, Bernardo De Canal, le peintre Giovanni Zambelli, Giovanni Paganoni, l’ingénieur Giovanni Malaman, le médecin Luigi Pastro, Alberto Cavalletto, Carlo Augusto Fattori, l’avocat Giulio Faccioli, le libraire Domenice Cesconi, Annibale Bisesti, le négociant Augusto Donatelli, Pietro Paolo Arvedi, Francesco Tartarotti et le comte Carlo Montanari.

Tazzoli, torturé par le commissaire judiciaire Alfred von Kraus, ne parle pas mais la police réussit tout de même à déchiffrer le journal grâce à la dénonciation du fils d’un commissaire de police, Luigi Castellazzo, ainsi qu’un autre informateur, l’avocat Giulio Faccioli de Vérone. Ceci permet l’arrestation de Carlo Poma, Tito Speri, Carlo Montanari ainsi que d’autres membres des villes voisines, comme ceux de Vérone, Brescia et Venise. Plus de 110 patriotes sont arrêtés, seuls trente-deux d’entre eux prennent la fuite et ils sont condamnés par contumace dont Benedetto Cairoli. La police autrichienne et le gouvernement d’occupation font, par la torture, avouer ou assassiner certains patriotes. Pezzotta pour éviter la torture, préfère se suicider dans sa cellule à Milan.

Alfred von Kraus finit par apprendre l’existence de l’association subversive de Mantoue, des comités des autres provinces, les relations de ces cellules avec Mazzini, et les noms des expatriés réfugiés en Suisse. La tentative de Carlo Montanari d’établir les plans de la forteresse de Mantoue et de Vérone, est avortée. Un plan d’Iginio Sartena, patriote Trentin, avait été organisé, pour commandité un attentat contre le feld-maréchal Radetzky, et un autre projet plus ambitieux, pour capturer François-Joseph Ier d’Autriche lors de sa visite à Venise.

L’évêque de Mantoue, soutenu par d’autres évêques, tente une nouvelle fois d’intervenir, mais la fermeté de Radetzky est inébranlable. Il confirme les condamnations à mort pour Tazzoli, Scarsellini, Poma, De Canal et Zambelli, pour dit-il « trancher la révolution sur le vif ». Politiquement, cette sentence marque la fin de toute perspective de paix dans les provinces italiennes.

Dans la matinée du 7 décembre 1852, les cinq hommes condamnés sont conduits dans la vallée de Belfiore, proche de l’entrée Pradella, la porte sud de la ville. Giovanni Zambelli qui n’a que vingt huit ans, est le premier à se présenter devant le bourreau, son exemple est d’un grand soutien moral pour ses compagnons, qui doivent le suivre. Le second est Angelo  Scarsellini, le troisième Enrico Tazzoli, le quatrième Bernardo Canal, et le dernier Carlo Poma.

Le 3 mars 1853, trois autres conspirateurs, Tito Speri, Carlo Montanari et don Bartolomeo Grazioli, prêtre de Revere, condamnés à mort, sont aussi pendus à Belfiore. Par la suite, une vingtaine d’autres accusés et condamnés à mort, voient leur peine commuée à vingt ans d’emprisonnement aux fers. Le 19 mars 1853, Pietro Frattini est pendu, et le 4 juillet 1855, Pietro  Fortunato Calvi, subit le même sort près du pont San Giorgio.

Pour l’exemple, le gouvernement autrichien interdit l’enterrement religieux des pendus selon le rite chrétien ce qui est interprété par l’église comme une ultime humiliation.

François-Joseph Ier d’Autriche est à jamais inscrit dans l’esprit des Italiens, comme le bourreau des « pendus ». Son image négative de tortionnaire persiste jusqu’après les exécutions de Guglielmo Oberdan, Nazario Sauro, Damiano Chiesa, Fabio Filzi et Cesare Battisti. Les noms de ces héros sont mis à la postérité par la chanson Canzone del Piave (La Légende du Piave).

La découverte des ossements des martyrs a lieu après la deuxième guerre d’indépendance italienne. Pendant le mois de juin 1866, les militaires autrichiens décident de renforcer les fortifications de la ville de Belfiore. Pour les besoins des travaux, les maîtres d’œuvre Andreani père et fils de Mantoue, à la recherche de sable, découvrent les corps enfouis. Ils  dissimulent les restes et afin de rechercher les autres corps et les enterrer discrètement au cimetière de la ville, ils demandent aux autrichiens, la permission de travailler de nuit pour accélérer les travaux d’excavation. Les corps sont officiellement enterrés dans le rite chrétien à la fin de la guerre après la constitution du nouveau royaume d’Italie.

Le prêtre don Enrico Tazzoli est toujours honoré par une messe donnée par le diocèse de la ville, et Monseigneur Giovanni Corti qui lui avait donné l’absolution, est remercié par l’épiscopat pour service rendu à l’Église. Enrico Tazzoli écrit en prison que l’insurrection du clergé, fut marquée par la tradition catholique, un esprit de respect des valeurs sociales et pour l’éducation de l’homme libre. La nuit de la pendaison, il écrit « Così Dio mi perdoni », « que Dieu me pardonne ».

Le 7 décembre 1872, la place San-Pietro à Mantoue redevient officiellement la place Sordello et, un monument est élevé en l’honneur des martyrs de Belfiore, héros du Risorgimento, victimes politiques de 1851. Le monument est démonté en 1930 et les reliques sont transférés dans l’église Saint-Sébastien de Mantoue. En 2002, la ville rassemble dans l’église l’ossuaire et les potences..

En 1903, le journal catholique l’Osservatore Cattolico s’est associé à la commémoration faite à Mantoue par les francs-maçons italiens pour le cinquantenaire des « martyrs de Belfiore », carbonaris condamnés à mort par le gouvernement autrichien.

Source : Wikipédia.

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