Les jeux d’échecs.

Le jeu d’échecs oppose deux joueurs de part et d’autre d’un tablier appelé échiquier composé de soixante-quatre cases claires et sombres nommées les cases blanches et les cases noires. Les joueurs jouent à tour de rôle en déplaçant l’une de leurs seize pièces (ou deux pièces en cas de roque), claires pour le camp des blancs, sombres pour le camp des noirs. Chaque joueur possède au départ un roi, une dame, deux tours, deux fous, deux cavaliers et huit pions. Le but du jeu est d’infliger à son adversaire un échec et mat, une situation dans laquelle le roi d’un joueur est en prise sans qu’il soit possible d’y remédier.

Le jeu a été introduit dans le Sud de l’Europe à partir du Xe siècle par les arabes, mais on ignore où il fut inventé exactement. Il dérive du shatranj ou chatrang qui lui-même est la version perse du chaturanga de l’Inde classique. Les règles actuelles se fixent à partir de la fin du XVe siècle. Le jeu d’échecs est l’un des jeux de réflexion les plus populaires au monde. Il est pratiqué par des millions de gens sous de multiples formes : en famille, entre amis, dans des lieux publics, en club, en tournoi, par correspondance, contre des machines spécialisées, entre ordinateurs, entre programmes, sur Internet, aux niveaux amateur et professionnel. Depuis son introduction en Europe, le jeu d’échecs jouit d’un prestige et d’une aura particulière qui du « jeu des rois » l’a fait devenir peu à peu « le roi des jeux » ou encore « le noble jeu », en référence à sa dimension tactique et à sa notoriété mondiale. Il a très largement inspiré la culture, en particulier la peinture, la littérature et le cinéma.

La compétition aux échecs existe depuis les origines. On en trouve trace à la cour d’Hâroun ar-Rachîd au VIIIe siècle. Le premier tournoi de l’ère moderne a lieu à Londres en marge de l’Exposition universelle de 1851. La compétition est régie par la Fédération internationale des échecs (FIDE). Parallèlement, l’Association of Chess Professionals défend les intérêts des joueurs professionnels. Le premier champion du monde d’échecs est Wilhelm Steinitz en 1886 ; le champion en titre est le Norvégien Magnus Carlsen depuis 2013.

Une théorie du jeu, développée depuis son invention et de façon intensive par les joueurs de premier plan de l’époque moderne, est transmise au travers d’une littérature échiquéenne abondante. La théorie des jeux (mathématique) décrit quant à elle les échecs comme un jeu de stratégie combinatoire abstrait de réflexion pure, fini, sans cycle et à information complète et parfaite. L’absence de cycle est garantie par les règles de nulle : répétition de position, règle des cinquante coups et impossibilité de mater.

Un des objectifs des premiers informaticiens a été de mettre au point des machines capables de jouer aux échecs. De nos jours, le jeu est profondément influencé par les capacités des programmes joueurs d’échecs, ainsi que par la possibilité de jouer sur Internet. En 1997, Deep Blue devient le premier ordinateur à battre un champion du monde en titre dans un match qui l’oppose à Garry Kasparov.

La composition échiquéenne, la forme artistique du jeu, a produit des centaines de milliers de problèmes dans de multiples genres. Cette discipline est également sous l’égide de la FIDE, qui organise des concours spécifiques pour les compositeurs de problème et les solutionnistes. Elle édite l’Album FIDE, un recueil trisannuel des meilleures compositions.

Les Arabes font connaissance avec le jeu. Ils s’y adonnent avec passion et étendent sa pratique au fur et à mesure de leurs conquêtes. Vers l’ouest, le jeu traverse le Maghreb et la Méditerranée pour parvenir dans l’Espagne musulmane et atteindre l’Occident chrétien à la fin du Xe siècle37. Il existe des jeux d’échecs différents, persans (chatrang), indiens (chaturanga), arabes (shatranj), mongols (shatar), européens, birmans (sit-tu-yin), thaïs ou cambodgiens (makruk), malais (catur), chinois ou vietnamiens (xiangqi), coréens (Janggi), japonais (shogi), etc. Tous ces jeux partagent un ensemble de traits qui renvoient à une véritable préhistoire puisqu’il n’existe aucun témoignage direct et sans équivoque du supposé ancêtre commun.

Si la naissance même du jeu reste encore obscure et controversée38, on peut au moins affirmer que les échecs sont un jeu asiatique. Trois ensembles géographiques posent leur candidature au titre de berceau du roi des jeux :

  • l’Inde du Nord, du Cachemire à la haute vallée du Gange, en passant par le Sind et le Pendjab, le bassin de l’Indus (aujourd’hui largement au Pakistan) ;
  • la Chine historique, c’est-à-dire le bassin du fleuve Jaune et peut-être celui du Yangzi Jiang, plus au sud ;
  • la grande sphère iranienne entre les deux, les pays traversés par l’antique route de la soie : la Perse mais aussi le Gandhâra, la Bactriane, le Khwarezm, la Sogdiane, la Sérinde, soit l’Asie centrale de l’Iran et de l’Afghanistan au Xinjiang. Linguistiquement et culturellement, ces régions se rattachaient à la sphère iranienne.

L’Inde est généralement l’hypothèse la plus suivie. Elle a pour elle la tradition puisque même les premiers textes persans et arabes affirmaient que les échecs étaient venus d’Inde. Cependant, les traces historiques prouvant cette origine manquent. L’Asie centrale iranienne au contraire reste la terre des premiers témoignages comme des plus anciennes trouvailles archéologiques. Enfin la Chine revendique aussi le titre de berceau de ce jeu et s’il est vrai que les premiers témoignages confirmés sont tardifs en Chine, il existe des sources certes floues mais plus anciennes que les plus anciennes sources perses ou sanscrites (qui datent de l’époque 600 à 650 apr. J.-C.).

Une autre croyance très répandue est l’idée que les premiers échecs auraient été inventés (dans ce cas, c’est toujours en Inde) sous la forme d’un jeu se jouant à quatre joueurs et avec l’aide de dés. Vers l’an 600, des Indiens ou des Perses auraient éliminé les dés et regroupé les camps pour n’en faire que deux. Cette hypothèse est très certainement fausse. La plus ancienne mention connue du jeu à quatre date de 1030, soit quatre siècles après la mention du jeu à deux. Tout concourt à penser que ce chaturanga à quatre, appelé chaturaji, constitue une variante du chaturanga ou chatrang à deux et non le contraire.

Le mot sanskrit chaturanga, qui a donné chatrang en pehlevi (moyen persan), signifie quatre membres et désignait à l’origine l’armée épique indienne avec infanterie, cavalerie, éléphanterie et chars de combats. Ces pièces, avec un roi et son conseiller (ministre ou général) formaient l’ensemble des pièces du jeu, très semblables à celui d’aujourd’hui. Chaque joueur maniait 16 pièces sur un tablier de 64 cases, de couleur unique.

Les échecs arrivent en Europe sans doute peu avant l’an mil par l’Espagne musulmane ou par l’Italie du Sud (Sicile).

Une légende a longtemps attribué un jeu d’échecs à Charlemagne qui l’aurait reçu de la part du calife Hâroun ar-Rachîd, mais on pense aujourd’hui qu’il fut fabriqué postérieurement près de Salerne à la fin du XIe siècle.

La plus ancienne mention du jeu d’échecs en Occident se retrouve dans le Versus de Scachis, un poème latin vraisemblablement composé entre 900 et 950 dans le Nord de l’Italie. En 1010, un testament du comte d’Urgel, en Catalogne, le mentionne. De nombreuses pièces d’échecs ont été retrouvées lors de fouilles sur le site des chevaliers-paysans du lac de Paladru (Isère), site qui a été abandonné au plus tard en 1040. Le Libro de los juegos écrit en Espagne entre 1251 et 1283 et illustré de nombreuses miniatures, expose les règles du jeu au XIIIe siècle.

Dès son arrivée dans la chrétienté, l’échiquier et les pièces s’occidentalisent progressivement :

  • le plateau devient bicolore avec les cases rouges et noires (qui deviendront plus tard blanches et noires) ;
  • le vizir devient fierge (ou vierge), puis reine et/ou dame (il est difficile de déterminer lequel des deux termes prévalait — sans doute étaient-ils utilisés indifféremment) ;
  • l’éléphant (al fil en arabe, qui reste alfil en espagnol aujourd’hui) devient aufin, puis fou (bishop : évêque en anglais) ;
  • le roukh arabe devient roc (ce nom donnera rook en anglais, le verbe « roquer » en français et désignera la tour d’échecs en héraldique), puis tour vers la fin du XVIIe siècle (les tours de guet étant souvent placées en hauteur).
  • Dans certaines régions d’Europe, le double pas initial du pion est pratiqué. Certaines règles permettent au roi ou à la reine (ou dame) d’effectuer un saut à deux cases (sans prise) à leur premier mouvement. Ceci constitue la différence principale avec les règles du Shatranj des pays musulmans. Mais l’évolution la plus importante a lieu à la fin du Moyen Âge, après 1470, en Espagne ou en Italie, lorsque les mouvements limités de la reine (ou dame) et du fou sont remplacés par ceux que nous connaissons actuellement.

Les joueurs de cette époque nomment ces nouvelles règles : « eschés de la dame » ou « jeu de la dame enragée ».

Les plus anciens manuscrits conservés relatifs à ces évolutions sont le manuscrit de Göttingen et le Scachs d’amor. Le premier traité imprimé reflétant ces innovations est généralement attribué à Francesc Vicent, publié en 1495 à Valence, mais il est aujourd’hui perdu. Le deuxième, attribué à Lucena, nous est parvenu.

Pour parer aux effets dévastateurs des pièces aux pouvoirs renforcés, le roque est inventé vers 1560 et, progressivement, il remplace le saut initial du roi ou de la reine (la dame) qui deviennent obsolètes. On peut considérer que les règles du jeu moderne sont à peu près établies vers 1650. Si les premiers livres traitant des échecs remontent à l’époque arabe (dans le Kitab-al-Fihrist d’Ibn al-Nadim), la stabilisation des règles en Europe donne naissance à une littérature théorique très riche et on observe notamment élaboration des premiers systèmes d’ouverture.

L’aspect physique des pièces le plus courant aujourd’hui, le style « Staunton », date de 1850. C’est également durant la seconde moitié du XIXe siècle qu’émergent les échecs modernes. Les premières compétitions internationales ont lieu, les progrès théoriques de l’art de la défense mettent un terme à l’ère romantique.

Au XXe siècle, l’URSS en assure une promotion très active, le considérant comme un excellent outil de formation intellectuelle. C’est, en outre, une vitrine de la formation intellectuelle soviétique qui leur permet de dominer largement une discipline prestigieuse.

Durant la guerre froide, l’émergence de Bobby Fischer, le premier Occidental à défier les Soviétiques au plus haut niveau, puis de Viktor Kortchnoï, dissident soviétique qui parvint deux fois en finale du championnat du monde, donnent à cette compétition une véritable dimension politique. Plus tard, les tensions entre conservateurs russes et partisans de la perestroïka se cristalliseront autour de l’affrontement entre Anatoli Karpov et Garry Kasparov.

À la fin du XXe siècle, la confusion concernant le titre de champion du monde amène l’attention médiatique à se concentrer sur l’opposition entre l’humain et la machine, comme en témoigne le retentissement médiatique des matchs entre Kasparov et Deep Blue. Les femmes font également leur apparition au plus haut niveau dans un domaine longtemps réservé de fait aux hommes. Ainsi, depuis avril 2003, Judit Polgár figure parmi les meilleurs joueurs mondiaux du classement de la Fédération internationale des échecs.

Depuis janvier 2000, les échecs sont devenus, en France, un sport reconnu par le Ministère de la Jeunesse et des Sports. De nombreuses compétitions sportives sont organisées dans le monde entier. Depuis le début de l’année 2008, l’entrée de ce sport aux Jeux olympiques est discutée.

L’actuel champion du monde est le Norvégien Magnus Carlsen qui a succédé à l’Indien Viswanathan Anand en 2013.

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Sources : Wikipédia, Youtube.