Le lycanthrope (Loup-garou).

Un lycanthrope, plus connu en français sous le nom de loup-garou, est, dans les mythologies, les légendes et les folklores principalement issus de la civilisation européenne, un humain qui a la capacité de se transformer, partiellement ou complètement, en loup, ou en créature anthropomorphe proche du loup.

Cette transformation peut être due à plusieurs causes, comme une malédiction ou un rituel volontaire, et plus récemment la morsure ou griffure d’un loup ou d’un autre lycanthrope. Elle se déclenche généralement durant la nuit et à chaque pleine lune, condamnant le lycanthrope à errer sous forme de loup jusqu’au matin. Les histoires de lycanthropes sont mentionnées depuis la mythologie grecque, elles se sont étendues à de nombreux pays européens, et plus récemment au monde entier. Les lycanthropes sont majoritairement décrits comme des êtres maléfiques possédant les capacités du loup et de l’homme à la fois, une force colossale, et d’une grande férocité puisqu’ils sont capables de tuer de nombreuses personnes en une nuit. Ils se rappellent rarement leurs méfaits nocturnes après avoir repris forme humaine.

Hormis par le recours à la chirurgie et l’utilisation de costumes, la transformation physique d’hommes en loups est impossible. Cependant, bon nombre de personnes, y compris érudites, y ont cru pendant des siècles et cette croyance perdure parfois encore. La lycanthropie est aujourd’hui scientifiquement reconnue comme symptôme d’une maladie mentale dans laquelle la personne se croit changée en loup, on parle alors de lycanthropie clinique.

Le thème de la lycanthropie est devenu un sujet de fiction moderne fréquent, abondamment repris dans les arts, les littératures fantasy et fantastique ainsi que l’audiovisuel, il est au centre d’un très grand nombre de films d’horreur et de sagas, bien que ces lycanthropes modernes puissent avoir des caractéristiques différentes des légendes classiques.


Le débat sur l’origine des lycanthropes dure depuis des centaines d’années et voit s’affronter des théories très diverses qui impliquent à la fois des théologiens, des anthropologues, des enquêteurs, des médecins, des occultistes et des spécialistes du loup. Bien que les attaques de loups, les berserkers, les symptômes de maladies, de troubles psychiatriques et d’abus de drogues expliquent largement les légendes de lycanthropes, il reste une part de mystère dans leur universalité, et dans le fait que la croyance dans la métamorphose physique et la possession demeure largement répandue.

L’anthropologue Robert Eisler attire l’attention sur le fait que de nombreux noms tribaux indo-européens ainsi que quelques noms de famille modernes signifient « loup » ou « homme-loup ». L’argument est que la transition européenne de la cueillette de fruits à la chasse fut un processus conscient, accompagné d’un bouleversement émotionnel qui reste gravé dans le subconscient de l’humanité. On retrouverait les traces de ce bouleversement à travers la croyance aux lycanthropes.

L’homme a toujours été fasciné par le loup, animal de meute et principal prédateur des régions d’Europe. Le loup incarne symboliquement la face sombre de l’espèce humaine, la cruauté de l’homme livré à lui-même, et de l’homme libre des contraintes que la civilisation tente de lui imposer18. Plus tard, les théoriciens de l’école pessimiste anglo-saxonne magnifient cette énergie carnassière de l’« humaine nature ».

Le loup d’Ansbach, considéré comme la réincarnation de Michael Leicht, bourgmestre exécré de la principauté d’Ansbach, un loup mangeur d’hommes fut tué puis pendu en 1685. Pour l’occasion, sa dépouille fut revêtue d’un masque, d’une perruque et d’un costume à la semblance du dignitaire bavarois défunt.

Les loups mangeurs d’hommes sont attestés depuis l’Antiquité. Ainsi, jusqu’au xxe siècle, les attaques de loups sur l’homme étaient occasionnelles, mais généralisées et caractéristiques de la vie en Europe. Contrairement au loup-garou qui est généralement décrit comme un tueur solitaire, le loup est un animal de meute qui s’attaque en priorité aux proies les plus faibles ou les plus faciles. Les registres paroissiaux donnent de longues listes où des loups s’attaqueraient plus particulièrement aux femmes et aux enfants. En France, près de 1 600 actes de décès concernant la période qui va de 1580 à 1840 ont été rassemblés, pour lesquels le rédacteur incrimine le loup ou une bête carnivore. Le cas des loups enragés est particulier car ils s’attaqueraient alors plus volontiers à l’homme, en portant leurs attaques à la tête de leurs victimes, contrairement aux loups sains qui procèdent par égorgement ou par étranglement. Les loups ne mangent jamais la tête ni la peau des animaux qu’ils prennent.

Sur les 1 600 décès attribués aux loups entre 1580 et 1840, 1 165 seraient imputables à des loups indemnes et environ 400 seraient attribués à des loups enragés. Cependant, ces informations sont à nuancer du fait de la confusion possible entre une attaque de loup et de chien sauvage ainsi qu’au climat de peur du loup à l’époque. Il était inévitable que le loup, prédateur le plus redouté d’Europe, devienne une créature du mal dans les folklores. Cette théorie est corroborée par le fait que dans les zones géographiques où les loups sont absents, d’autres prédateurs se retrouvent au centre de légendes thérianthropes, comme la hyène en Afrique, le tigre en Inde, le puma (runa uturunco), et le jaguar (yaguaraté-abá ou tigre-capiango) en Amérique du Sud.

L’historien Jean-Marc Moriceau observe que le qualificatif de « garou » s’emploie sous l’Ancien Régime pour « caractériser le type particulier de loup qui s’attaque à l’homme. » L’acception commune du terme ne désigne donc pas un homme-loup, à l’exception de cas judiciaires comme celui de Gilles Garnier. L’historien Julien Alleau précise que « le loup dévoreur est perçu tout d’abord comme un loup, puis son identité change (…) il devient un loup que l’on qualifie de « ravissant », de « cruel ». C’est un loup dont on doit « se garer » (tel est le sens du nom de loup-garou) et, par conséquent, un loup étranger car étrange par son comportement. Dès lors, ce ne sont plus les loups que l’on craint — ils n’attaquent pas habituellement — mais le loup déviant. Il peut même être associé aux forces malfaisantes, mais cela n’apparaît le plus souvent que lorsque des attaques nombreuses ont eu lieu et dans un contexte de crise et de désorganisation sociale (conflits socio-économiques, catastrophes démographiques et sociales). »

Certaines théories ésotériques se sont développées en s’inspirant des croyances nordiques anciennes à propos de la Fylgja et de hamr, l’âme animale. Selon Claude Lecouteux, la croyance aux lycanthropes est liée à celle des voyages de l’âme dont elle ne représente qu’un cas particulier. Dans la mythologie nordique, hamr, « la peau », est une des formes que peut prendre l’âme, celle-ci pouvant en avoir plusieurs. Elle est précisément la forme interne qui épouse intimement l’enveloppe corporelle. La manifestation de l’hamr s’accompagne d’un accroissement de force, peut prendre l’aspect d’un animal et se jouer des distances et des obstacles. Le changement de forme, « tandis que l’individu tombe en léthargie », est « un point qui rappelle exactement la transe pendant laquelle l’esprit du chaman visite l’autre monde et entre en communication avec les esprits qu’il interroge ».

Selon Régis Boyer, le Hugr de la tradition scandinave est un principe actif universel qui peut parfois être capté par des gens malveillants pour produire des effets nuisibles. C’est ainsi que dans la Saga de Thórdr hredha, un homme voit en rêve dix-huit loups qui sont en fait le « hugr de loup » de ses ennemis, c’est-à-dire le « mauvais hugr ».

On trouve mention dans les très anciens rites païens issus de sociétés traditionnelles, notamment amérindiennes et chez les anciens Celtes, d’hommes-loups revêtus de peaux et coiffés de la tête de cet animal. Il ne s’agit pas, dans ce cas, de lycanthropes comparables à ceux de la tradition européenne, mais d’un chamane à la fois sorcier et guérisseur, capable de communiquer avec les esprits et, entre autres, celui du loup.

Au xixe siècle, Éliphas Lévi rejette la « manie furieuse » et les théories de la médecine pour expliquer la lycanthropie par l’existence d’un corps sidéral, ou corps-fantôme qui agit en tant que médiateur entre l’âme et un organisme matériel. « Ainsi, chez un homme dont l’instinct est sauvage et sanguinaire, son fantôme errera vers l’extérieur sous la forme d’un loup, alors qu’il dort paisiblement chez lui, rêvant qu’il est un vrai loup. » La lycanthropie s’expliquait par une expérience extrasensorielle, le corps humain était sujet à des influences magnétiques et nerveuses et recevait les blessures reçues sur la projection de lui-même. Plusieurs théosophes étudièrent les phénomènes parapsychiques et proposèrent des théories similaires, selon Charles Webster Leadbeater, le doublement des blessures était le résultat d’une projection astrale dirigée par la personne blessée, et le transfert de blessure vers le corps matériel s’appelait répercussion. Les entités astrales seraient capables de matérialiser le corps astral d’une personne violente et brutale pour le contrôler, le transformer en loup ou en autre animal et le propulser dans une course frénétique.

Au XXe siècle, l’exorciste et voyante britannique Rose Gladden pensait également que le voyage astral pouvait expliquer l’activité des loups-garous. « Supposons que je sois une personne cruelle, tirant plaisir de choses horribles dans la vie. Si je projetais mon corps astral à l’extérieur de mon corps matériel, tout le mal environnant pourrait entrer en moi. Et il se saisirait de ma projection astrale ou de mon double. Je serais alors transformée en loup ou en un autre animal féroce. Les forces du mal se matérialisent mieux dans le genre humain — en la personne d’un homme mauvais — que dans un vide nébuleux. Les lycanthropes sont les manifestations les plus néfastes de toute l’humanité ».

De nombreux auteurs ont associé l’origine des légendes du vampire et du lycanthrope aux meurtres en série pour lesquels il faut trouver une explication à des époques peu rationnelles. Cette théorie est accréditée par le fait que les tueurs en série modernes s’adonnent parfois au cannibalisme, aux mutilations et aux attaques cycliques. Un tueur en série comme Gilles Garnier est l’un des rares cas de lycanthropie répertoriés comme tel dans les annales de la justice française.

Plusieurs symptômes maladifs peuvent laisser croire qu’une personne est atteinte de lycanthropie dans le sens où elle se transforme en loup et se nourrit d’êtres humains. Dans le domaine de la psychiatrie, penser que son corps se transforme en celui d’un animal (un loup ou autre) est un symptôme de maladie psychiatrique. Des personnes souffrant du syndrome de Down ont parfois été citées comme pouvant être à l’origine du mythe des lycanthropes.

La lycanthropie est passée peu à peu du statut d’une croyance en une transformation physique à celui de maladie psychiatrique reconnue, de nombreuses explications étant avancées au fil des siècles. Les Latins nommaient la lycanthropie « mélancolie, rage lupine, insania lupina ou folie louvière ». Les lycanthropies cliniques sont probablement à l’origine de nombreux aveux lors des procès de loups-garous.

Au XVIe siècle, Jean Wier, médecin des Pays-Bas, explique la lycanthropie comme un phénomène imaginaire et maladif. Il décrit ainsi les malades qui en sont atteints : ils sont pâles, ont les yeux enfoncés et la langue fort sèche. Certains chercheurs affirmèrent aussi que la lycanthropie clinique était due à un excès de mélancolie ou un déséquilibre des humeurs, c’est-à-dire des fluides qui circulaient dans le corps. Selon les médecins, cette mélancolie pouvait provoquer des hallucinations et des fantasmes jusqu’à conduire à la folie. On recommandait de soigner les lycanthropes avec des bains, des purgations, des saignées et un régime, ou encore de leur enduire les narines d’opium. En 1621, Robert Burton associa la lycanthropie à une forme de démence due à l’influence de magiciens et de sorcières, un déséquilibre du régime alimentaire, une atmosphère délétère et un manque de sommeil ou d’exercice40,41. Deux siècles plus tard, Collin de Plancy, dans son Dictionnaire infernal, publié en 1818, définit la lycanthropie comme une « maladie qui, dans les siècles où l’on ne voyait partout que démons, sorcelleries et maléfices, troublait l’imagination des cerveaux faibles, au point qu’ils se croyaient métamorphosés en loups-garous, et se conduisaient en conséquence. Les mélancoliques étaient plus que les autres disposés à devenir lycanthropes, c’est-à-dire hommes loups. ».

Une affaire récente implique un homme de trente-sept ans qui hurlait à la lune, dormait dans des cimetières et s’allongeait au milieu d’autoroutes fréquentées. Il s’était laissé pousser les cheveux et la barbe mais ne consommait ni drogues ni alcool. Il avait l’âge mental d’un enfant de huit à dix ans. Une biopsie de son cerveau révéla un tissu cérébral détérioré, il fut finalement soigné mais resta mentalement déficient.

Vers 1977, une femme de quarante-neuf ans se prenait pour une louve et en adoptait le comportement. Elle faisait des rêves érotiques où elle se livrait à des orgies avec d’autres femmes, accompagnée d’un loup dont elle sentait « le fascinant regard rivé sur elle et le souffle tiède sur sa nuque la nuit ». Elle ne put résister longtemps à ses pulsions et lors d’une réunion de famille, elle se déshabilla complètement et se mit à quatre pattes devant sa propre mère, dans la position d’une louve en chaleur. Le lendemain soir, elle grogna pendant deux heures et lacéra son lit conjugal avec ses ongles et ses dents après avoir eu des relations sexuelles avec son mari. Selon elle, « le Diable avait pris possession de son corps et l’avait transformée en animal ». Elle suivit une longue psychothérapie et connut plusieurs rechutes où elle était en proie à une forte excitation sexuelle et une envie de tuer,  notamment pendant les pleines lunes. Les médecins qui la soignèrent notèrent une schizophrénie, un syndrome cérébral organique accompagné de psychose, une réaction dépressive psychotique, une névrose hystérique de type dissociatif, une psychose maniaco-dépressive et une épilepsie psychomotrice.

Les mythes, légendes et récits du folklore impliquant des loups comme forces positives sont presque essentiellement issus de traditions dites païennes, qu’il s’agisse des deux loups Geri et Freki qui accompagnent Odin dans la mythologie nordique, de ceux de Lug dans la mythologie celte, de la louve qui allaita Romulus et Rémus ou encore des Turcs et des Mongols qui se disaient descendants de la race des loups.

Cette particularité a pu contribuer à faire du loup une créature diabolisée par les autorités chrétiennes, de plus, pour les habitants des campagnes dans une Europe en pleine expansion démographique et en phase de défrichement massif, le loup passait pour un envoyé du Diable, on comprend facilement pourquoi les autorités religieuses de l’époque se mirent à le diaboliser et à prôner son extermination.

Source : Wikipédia.

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