Le conseil d’état.

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Le Conseil d’État est une institution publique française créée en 1799 par Napoléon Bonaparte, dans le cadre de la Constitution du 22 frimaire an VIII (Consulat), sur l’héritage d’anciennes institutions ayant porté ce nom sous l’Ancien Régime. Il siège au Palais-Royal à Paris depuis 1875.

Dans les institutions de la Cinquième République, son premier rôle est celui de conseiller le gouvernement. À cette fin, le Conseil d’État doit être consulté par le gouvernement pour un certain nombre d’actes, notamment les projets de lois. Son second rôle est celui de la plus haute des juridictions de l’ordre administratif (pour plus d’informations voir : dualité des ordres de juridiction : ordre administratif, ordre judiciaire). Le Conseil d’État est néanmoins soumis aux décisions du Tribunal des conflits qui tranche les conflits de compétence entre les ordres de juridiction.

La présidence du Conseil d’État est assurée par son vice-président. Son assemblée générale peut être présidée par le Premier ministre ou bien le ministre de la Justice, ce qui n’a lieu que de manière exceptionnelle. Comme premier fonctionnaire de l’État, le vice-président présente au président de la République les vœux de l’ensemble des corps constitués, parlant au nom des trois fonctions publiques (de l’État, territoriale et hospitalière), de la magistrature, des autres agents publics et des services publics.

Création du conseil d’état, carte maximum, Mauritanie, 1968.

On peut faire remonter l’origine du Conseil d’État à des formations qui à partir du XIIIe siècle et sous des noms divers, dont notamment celui de Conseil d’État, ont réuni des juristes (on disait alors des légistes) autour des rois. Ceux-ci, qui détenaient le pouvoir de justice et jugeaient en dernier ressort (l’image de saint Louis rendant la justice sous le chêne de Vincennes est restée), ont après le Moyen Âge laissé exercer ce pouvoir de justice par des tribunaux, les parlements. On parle de justice déléguée (aux parlements). Cependant, si les parlements décidaient en dernier ressort des litiges entre les sujets du royaume, comme des poursuites contre eux, les rois ont continué à décider par eux-mêmes lorsque les actes de leur administration étaient contestés. On parle alors de justice retenue (par le souverain). Les légistes assistaient le roi tant pour l’élaboration des lois que pour l’exercice de la justice retenue.

Durant les trois derniers siècles de l’Ancien Régime, le Conseil du Roi avait déjà pris le nom de Conseil d’État et ses membres étaient désignés par les titres de conseiller d’État ou de maître des requêtes, toujours utilisés de nos jours. Cet organe central de l’institution monarchique avait des fonctions à la fois politiques et juridiques, servant à conseiller le souverain et à l’aider à administrer le royaume, à l’image du Conseil d’État rétabli par Bonaparte.

La Révolution conserve le principe de la justice retenue pour le contentieux administratif. La loi des 16 et 24 août 1790 relative à l’organisation judiciaire pose le principe de la soustraction du contentieux administratif au contrôle des tribunaux ordinaires (dits « judiciaires ») :

« Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions. »

Le décret du 16 fructidor an III confirme le principe de séparation en affirmant, dans un article unique, que « Défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes d’administration, de quelque espèce qu’ils soient, avec peine de droit ».

Néanmoins, ce n’est que sous le Consulat qu’est mise en place une véritable justice administrative, si bien que, durant toute la période révolutionnaire, on ne peut contester les actes de l’administration que devant l’administration elle-même.

Le Conseil d’État sous sa forme actuelle est institué par la Constitution du 22 frimaire de l’an VIII (13 décembre 1799), celle du Consulat :

« Sous la direction des consuls, un Conseil d’État est chargé de rédiger les projets de lois et les règlements d’administration publique, et de résoudre les difficultés qui s’élèvent en matière administrative »

Le Conseil d’État de l’an VIII est chargé de préparer les projets de lois, et d’assister le chef de l’État dans le jugement du contentieux administratif (les « difficultés »). Le Conseil apparaît dans plusieurs articles de la Constitution, et ses membres, nommés par le Premier consul, jouissent d’un statut élevé. Les grades sont ceux d’aujourd’hui : auditeur, maître des requêtes, conseiller d’État. Ce sont des membres du Conseil d’État qui présentent et défendent les projets du gouvernement devant le corps législatif. Face à la justice, ils bénéficient de la même immunité que les parlementaires : les poursuites doivent être autorisées par le Conseil. Choyé par Bonaparte, le Conseil tient une place importante pendant le Consulat et l’Empire, tenant en particulier un rôle clé dans la rédaction du Code civil.

Dans sa fonction contentieuse, le Conseil n’a à l’époque qu’un rôle consultatif. Le système reste celui de la justice retenue, la décision revenant au chef de l’État. Dans les faits, ce dernier suit presque toujours les avis du Conseil (ses successeurs feront de même), d’autant plus facilement que le Conseil refuse d’apprécier les décisions de l’administration prises pour des motifs « politiques ».

La Restauration regarde cette institution napoléonienne avec méfiance. Le Conseil, même s’il n’est plus mentionné dans la Charte (qui tient alors lieu de Constitution) est conservé, mais ses avis sont moins sollicités, et l’activité se recentre sur sa fonction contentieuse. Le Conseil retrouve un peu de lustre sous la monarchie de Juillet, s’installe à l’hôtel de Roquelaure de 1832 à 1840, et la IIe République en 1849 le renforce en mettant fin à la justice retenue. Le Conseil reçoit la justice déléguée. Dans sa fonction contentieuse, il ne donne plus des avis, certes généralement suivis, mais rend « au nom du peuple français » des arrêts exécutoires, tout comme les tribunaux de l’ordre judiciaire. En même temps, est créée la fonction de commissaire du gouvernement. Napoléon III revient à la justice retenue en 1852, tout en donnant, comme son oncle, un grand rôle au Conseil. Le Conseil d’État sera cependant marqué par l’affaire des biens de la famille d’Orléans, qui voit l’empereur exercer une pression politique sur un commissaire du gouvernement du Conseil d’État pour qu’il conclue devant le Tribunal des conflits dans un sens conforme à ses intérêts.

Conseil d’état, carte maximum, Paris, 11/12/1999.

Les membres du Conseil d’État impérial, ayant pris une part importante sous ce régime, sont suspendus par un décret du 15 septembre 1870 qui institue une commission provisoire. Ses membres sont désignés par un décret du 19 septembre 1870. La commission comporte huit conseillers, dont quatre avaient appartenu à l’ancien Conseil, dix maîtres des requêtes dont six venaient de l’ancien Conseil d’État et douze auditeurs. Au moment de la Commune, les membres du Conseil d’État se réfugient au château de Versailles. Le Palais d’Orsay, siège du Conseil depuis 1840, est livré aux flammes, avec son importante bibliothèque16 dont on a longtemps cru que la perte était irrémédiable.

La commission temporaire fonctionne jusqu’en août 1872, date d’entrée en vigueur de la loi du 24 mai 1872 sur l’organisation du Conseil d’État. La IIIe République naissante, par cette loi, rend au Conseil la justice déléguée18. Elle institue aussi la fonction de vice-président du Conseil d’État. Après l’incendie du Palais d’Orsay, le Conseil s’installe au Palais-Royal, dans ses locaux actuels, en 1875. Cette même année 1875, par l’arrêt Prince Napoléon19 (Conseil d’État, 19 février 1875), le Conseil abandonne sa doctrine selon laquelle il doit s’abstenir de juger des décisions du gouvernement prises pour des motifs d’intérêts politiques.

Suite aux élections sénatoriales du 5 janvier 1879 qui ont donné la majorité aux Républicains dans les deux chambres du Parlement, une longue déclaration ministérielle est adoptée visant à épurer l’administration afin de s’assurer de la fidélité des fonctionnaires, notamment au sein du Conseil d’État. Une loi du 13 juillet 1879 est votée afin d’épurer le Conseil d’État des éléments trop rattachés au Second Empire.

Le 22 janvier 1921, le Tribunal des conflits porte un sérieux coup à l’unité de l’ordre administratif, avec sa décision Société commerciale de l’ouest africain (bac d’Eloka), qui attribue, par principe, le contentieux des services publics industriels et commerciaux à la juridiction de l’ordre judiciaire.

Sous Vichy, le Conseil rallie le nouveau régime autoritaire : un seul conseiller a refusé de prêter serment au maréchal Pétain mais fut convaincu de le faire ultérieurement. L’institution a été un instrument de la politique répressive du régime, particulièrement en ce qui concernait les juifs et les communistes. Allant même plus loin que ce que les textes requéraient, le Conseil d’État a ainsi pu, avec l’avis de la commission ad hoc du statut des juifs, interne au Conseil, instaurer une présomption de judéité, qui n’était pas exigée par la loi 2 juin 1941 sur le statut des Juifs. De plus, il établit que la charge de la preuve de la « non-appartenance à la religion juive » incombe aux individus présumés juifs.

Plusieurs membres du Conseil d’État d’origine juive font l’objet de mesures de discrimination et sont déchus de leur qualité de membres, comme Georges Cahen-Salvador, qui sera réintégré dans ses fonctions à la Libération, ainsi que Pierre Larroque, qui se réfugie à Londres en avril 1943. Deux membres du Conseil d’État sont déportés par le convoi n° 62 du 20 novembre 1943 du camp de Drancy à Auschwitz, à savoir Jean Cahen-Salvador, qui parvient à s’échapper, et Jacques Helbronner, qui trouve la mort à Auschwitz le 23 novembre 1943. D’autres membres entrent dans la Résistance, comme Alexandre Parodi, dont le frère René est retrouvé pendu dans sa cellule de Fresnes le 15 avril 1942, et Michel Debré. Michel Pontremoli, également menacé par le statut des juifs, s’engage dans la Résistance à Marseille et meurt fusillé à Lyon la veille de la Libération. À l’issue de la guerre, dix-sept membres du Conseil d’État sur 120 font l’objet de mesures d’épuration.

De juin 1940 à juin 1942, il siège dans un hôtel thermal de Royat (à 60 km de Vichy), puis regagne ses locaux parisiens. Jean Massot distingue ces deux périodes, où dans un premier temps la survie du Conseil d’État se serait faite « avec le régime », dont beaucoup de ses membres s’accommodèrent, et dans un second temps « malgré » lui, en tentant d’en limiter les excès.

À partir de 1945, les conseillers d’État seront pour la plupart issus de l’École nationale d’administration nouvellement créée. En 1953, sont créés les tribunaux administratifs, à compétence interdépartementale et issus des anciens conseils départementaux de préfecture, qui avaient été créés par Napoléon Ier, après 1800. Ces tribunaux sont désormais la juridiction de droit commun du premier degré, et le Conseil d’État n’intervient dorénavant dans la plupart des affaires que comme juridiction d’appel. En 1958, le Conseil participe à la rédaction de la nouvelle Constitution. Michel Debré, alors garde des Sceaux et futur premier ministre, qui coordonne les travaux, est un ancien conseiller d’État, tout comme Georges Pompidou, son successeur à Matignon.

En 1987, sont créées les cours administratives d’appel, deuxième degré de juridiction entre les tribunaux administratifs et le Conseil d’État, pour alléger la charge de ce dernier. Pour de nombreuses affaires, les formations contentieuses du Conseil d’État n’interviennent plus qu’en cassation. En même temps, les magistrats de l’ordre administratif se voient confirmer, pour assurer leur indépendance, des garanties proches de celles des magistrats de l’ordre judiciaire, tout particulièrement l’inamovibilité.

Dans sa fonction de conseiller du gouvernement, le Conseil a rendu dans les dernières années quelques avis marquants sur des questions d’actualité, tels celui du 27 novembre 1989, dit port de signe d’appartenance à une communauté religieuse, lors de la première affaire du foulard islamique ou encore celui du 22 août 1996, dit séjour des étrangers non ressortissants de l’Union européenne, lors de l’affaire de l’occupation de l’église Saint-Bernard par des étrangers en situation irrégulière.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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