Gottfried Wilhelm Leibniz, philosophe, scientifique, mathématicien, logicien, diplomate, juriste et philologue.

Gottfried Wilhelm Leibniz, né à Leipzig le 1er juillet 1646 et mort à Hanovre le 14 novembre 1716, est  un philosophe, scientifique, mathématicien, logicien, diplomate, juriste, bibliothécaire et philologue allemand. Esprit polymathe, personnalité importante de la période Frühaufklärung, il occupe une place primordiale dans l’histoire de la philosophie et l’histoire des sciences (notamment des mathématiques) et est souvent considéré comme le dernier « génie universel ».

Il naît en 1646 à Leipzig dans une famille luthérienne ; son père, Friedrich Leibnütz, est professeur de philosophie morale à l’université de la ville. Après la mort de celui-ci en 1652, Leibniz, parallèlement à son éducation supervisée par sa mère et son oncle, étudie dans la bibliothèque léguée par son père. Entre 1661 et 1667, il étudie dans les universités de Leipzig, d’Iéna et d’Altdorf et obtient des diplômes en philosophie et en droit. À partir de 1667, il est employé par Johann Christian von Boyneburg et l’électeur de Mayence Jean-Philippe de Schönborn. Entre 1672 et 1676, il séjourne à Paris et voyage à Londres et à La Haye, rencontrant les scientifiques de son époque et s’initiant aux mathématiques. À la suite de la mort de ses deux employeurs, en 1676, il accepte la proposition d’emploi par la maison de Hanovre régnant sur la principauté de Calenberg et s’installe à Hanovre où il occupe les postes de bibliothécaire et conseiller politique. Il y mène des recherches sur des domaines très diversifiés, voyageant à travers toute l’Europe et correspondant jusqu’en Chine, jusqu’à sa mort en 1716.

Leibniz, carte maximum, Allemagne.

En philosophie, Leibniz est, avec René Descartes et Baruch Spinoza, l’un des principaux représentants du rationalisme. Au principe de non-contradiction, il ajoute trois autres principes à la base de ses réflexions : le principe de raison suffisante, le principe d’identité des indiscernables et le principe de continuité. Concevant les pensées comme des combinaisons de concepts de base, il théorise la caractéristique universelle, une langue hypothétique qui permettrait d’exprimer la totalité des pensées humaines, et qui pourrait résoudre des problèmes par le calcul grâce au calculus ratiocinator, anticipant l’informatique de plus de trois siècles. En métaphysique, il invente le concept de monade. Enfin, en théologie, il établit deux preuves de l’existence de Dieu, appelées preuves ontologique et cosmologique. Au contraire de Spinoza, qui pensait Dieu immanent, Leibniz le conçoit transcendant, à la manière traditionnelle des religions monothéistes. Pour concilier l’omniscience, l’omnipotence et la bienveillance de Dieu avec l’existence du mal, il invente, dans le cadre de la théodicée, terme qu’on lui doit, le concept de meilleur des mondes possibles, qui sera raillé par Voltaire dans le conte philosophique Candide. Il aura une influence majeure sur la logique moderne développée à partir du xixe siècle ainsi que sur la philosophie analytique au XXe siècle.

En mathématiques, la contribution principale de Leibniz est l’invention du calcul infinitésimal (calcul différentiel et calcul intégral). Si la paternité de cette découverte a longtemps fait l’objet d’une controverse l’opposant à Isaac Newton, les historiens des mathématiques s’accordent aujourd’hui pour dire que les deux mathématiciens l’ont développé plus ou moins indépendamment. Il travaille également sur le système binaire comme substitut au système décimal, s’inspirant notamment de vieux travaux chinois. Par ailleurs, il introduit la notation qui porte son nom et travaille également sur la topologie.

Écrivant en permanence — principalement en latin, français et allemand —, il lègue un immense patrimoine littéraire — Nachlass en allemand —, conservé à la bibliothèque de Hanovre. Il est composé d’environ 50 000 documents dont 15 000 lettres avec plus de mille correspondants différents, et n’est toujours pas entièrement publié.


En 1661, âgé de 14 ans (un âge pas exceptionnellement jeune à l’époque), Leibniz entre à l’université de Leipzig, pour un baccalauréat en arts. Son enseignement concerne surtout la philosophie et très peu les mathématiques ; il étudie aussi la rhétorique, le latin, le grec et l’hébreu. Les penseurs modernes (Descartes, Galilée, Gassendi, Hobbes…) n’ayant pas encore eu d’impact sur les pays germanophones, Leibniz étudie surtout la scolastique, bien qu’on retrouve aussi des éléments de la modernité, notamment de l’humanisme de la Renaissance et des travaux de Francis Bacon.

Il est l’élève de Jakob Thomasius qui supervise son premier travail philosophique, qui lui permet d’obtenir son baccalauréat en 1663 : Disputatio metaphysica de principio individui. Dans son travail, il refuse de définir l’individu par négation à partir de l’universel et « souligne la valeur existentielle de l’individu, qui ne peut être expliqué par sa matière seule ou sa forme seule mais plutôt dans son être tout entier ». On retrouve ici les prémices de sa notion de monade.

Après son baccalauréat, il doit se spécialiser pour l’obtention d’un doctorat : ayant le choix entre théologie, droit et médecine, il choisit le droit. Avant le début de ses cours, durant l’été 1663, il étudie quelque temps à Iéna, où il est exposé à des théories moins classiques, et a entre autres, comme professeur de mathématiques, le mathématicien et philosophe néopythagoricien Erhard Weigel, qui amènera Leibniz à commencer à s’intéresser aux preuves de type mathématique pour des disciplines telles que la logique et la philosophie. Les idées de Weigel, comme le fait que le nombre est le concept fondamental de l’Univers, auront une influence considérable sur le jeune Leibniz.

En octobre 1663, il est de retour à Leipzig pour son doctorat en droit. Il doit à chaque étape de son cursus, travailler sur des « disputatio » et obtient un baccalauréat (en 1665) et une maîtrise. Par ailleurs, en 1664, il obtient une maîtrise en arts en philosophie pour une dissertation combinant philosophie et droit en étudiant les relations entre ces domaines selon des idées mathématiques, comme il a appris de Weigel.

Après avoir obtenu son baccalauréat en droit, Leibniz se lance dans l’obtention d’une habilitation en philosophie. Son travail, la Dissertatio de arte combinatoria (« Dissertation sur l’art combinatoire »), est publié en 1666. Dans ce travail, Leibniz entend réduire tous les raisonnements et toutes les découvertes à une combinaison d’éléments de base, comme des nombres, des lettres, des couleurs, des sons. Bien que l’habilitation lui donne le droit d’enseigner, il préfère se lancer dans l’obtention d’un doctorat en droit.

Malgré sa scolarité reconnue et sa réputation croissante, le doctorat en droit lui est refusé, pour des raisons partiellement inexpliquées. Il est vrai qu’il était l’un des plus jeunes candidats et qu’il n’y avait que douze tuteurs en droit disponibles, mais Leibniz suspecta la femme du doyen d’avoir persuadé celui-ci de s’opposer au doctorat de Leibniz, pour une raison inexpliquée. Leibniz n’étant pas enclin à accepter un quelconque délai, il part pour l’université d’Altdorf où il est inscrit en octobre 1666. Sa thèse étant déjà prête, il devient docteur en droit dès février 1667 avec sa thèse De Casibus Perplexis in Jure (« Des cas perplexes en droit »). Les universitaires d’Altdorf sont impressionnés par Leibniz (il est applaudi lors de sa soutenance de thèse, en prose et en vers, sans notes, avec tant de facilité et de clarté que ses examinateurs peinent à croire qu’il ne l’a pas apprise par cœur), et lui proposent un poste de professeur, qu’il refuse.

Alors qu’il est encore peut-être étudiant à Altdorf, Leibniz obtient son premier emploi, plus solution provisoire que véritable ambition : secrétaire d’une société alchimique de Nuremberg (dont l’affiliation ou non à la Rose-Croix fait débat). Il occupera ce poste pendant deux ans. La nature exacte de son obédience est encore fort discutée par les historiens. Il parlera de son passage comme d’un « doux rêve » dès 1669, et sur le ton de la plaisanterie dans une lettre à Gottfried Thomasius de 1691. De son appartenance à cette société, il espérait probablement des renseignements sur sa combinatoire.

Quand il quitte Nuremberg, Leibniz ambitionne de voyager, au moins jusqu’en Hollande. Il rencontre peu après le baron Johann Christian von Boyneburg, ancien ministre en chef de l’électeur de Mayence Johann Philipp von Schönborn, qui l’emploie : en novembre 1667, Leibniz s’installe dans la ville de Boyneburg, Francfort-sur-le-Main, à proximité de Mayence. Rapidement, Boyneburg obtient pour Leibniz un poste d’assistant auprès du conseiller juridique de Schönborn, après que Leibniz ait dédié à Schönborn un essai sur la réforme du pouvoir judiciaire. Ainsi, en 1668, il déménage à Mayence. Cependant, continuant à travailler pour Boyneburg, il passe autant de temps à Francfort qu’à Mayence. Avec le conseiller juridique, il travaille sur le projet d’une grande recodification du droit civil. C’est dans cette optique qu’il compose son Nova methodus discendæ docendæque jurisprudentiæ dédié à l’électeur de Mayence, Jean-Philippe de Schönborn, dans l’espoir d’obtenir un poste à la cour. Il y présente le droit sous un angle philosophique. Deux règles fondamentales de jurisprudence y figurent : n’accepter aucun terme sans définition et n’accepter aucune proposition sans démonstration. En 1669, Leibniz est promu assesseur à la cour d’appel dont il fera partie jusqu’en 1672.

Par ailleurs, Leibniz travaille sur plusieurs ouvrages concernant des thèmes politiques (Modèle de démonstrations politiques pour l’élection du roi de Pologne) ou scientifiques (Hypothesis physica nova (« Nouvelles Hypothèses physiques »), 1671).

Il est envoyé en 1672 à Paris par Boyneburg en mission diplomatique pour convaincre Louis XIV de porter ses conquêtes vers l’Égypte plutôt que l’Allemagne. Il y restera jusqu’en 1676. Son plan échouera avec l’éclatement de la guerre de Hollande en 1672. En attendant une opportunité de rencontrer le gouvernement français, il peut rencontrer les grands savants de l’époque. Il est notamment en contact avec Nicolas Malebranche et Antoine Arnauld. Avec ce dernier il parle particulièrement de la réunification des Églises. À partir de l’automne 1672, il étudie les mathématiques et la physique sous l’égide de Christian Huygens. Par conseil de ce dernier, il s’intéresse aux travaux de Grégoire de Saint-Vincent. Il se consacre aux mathématiques et laisse à Paris son manuscrit sur la quadrature arithmétique du cercle (donnant π sous forme d’une série alternée). Il travaille également sur ce qui sera le calcul infinitésimal. Il conçoit en 1673 une machine à calculer qui permet d’effectuer les quatre opérations, et qui inspirera bien des machines à calculer des XIXe et XXe siècles (arithmomètre, Curta). Avant de rejoindre Hanovre, il se rend à Londres pour étudier certains écrits d’Isaac Newton ; tous deux posent les bases du calcul intégral et différentiel.

Par deux fois, en 1673 et en 1676, Leibniz se rend à Londres où il rencontre les mathématiciens et physiciens de la Royal Society. Il devient lui-même fellow de la Royal Society le 19 avril 1673.

Leibniz, ayant entendu parler des compétences en optique de Baruch Spinoza, philosophe rationaliste comme lui, envoie à ce dernier un traité d’optique ; Spinoza lui envoya ensuite une copie de son Traité théologico-politique qui intéressa fortement Leibniz. Par ailleurs, par l’intermédiaire de son ami Ehrenfried Walther von Tschirnhaus, Leibniz est informé d’une grande partie des travaux de Spinoza sur l’Éthique (bien que Tschirnhaus ait interdiction d’en montrer une copie avancée).

Maison de Leibniz, où il vécut entre 1698 et sa mort en 1716, ici vers 1900. Leibniz vivait au premier étage. La maison fut détruite durant la Seconde Guerre mondiale, puis reconstruite à un autre emplacement.

Après la mort de ses deux employeurs, Boyneburg en 1672 puis Schönborn en 1673, Leibniz cherche à s’installer à Paris ou à Londres, mais, ne trouvant aucun employeur, il accepte finalement après deux ans d’hésitation la proposition du duc Jean-Frédéric de Brunswick-Calenberg, qui le nomme bibliothécaire du duché de Brunswick-Lunebourg (puis, à la suite des demandes de Leibniz dès février 1677, conseiller auprès de la maison de Hanovre en 1678), poste qu’il occupera pendant 40 ans, jusqu’à sa mort en 1716. Sur le chemin pour Hanovre, il fait étape à Londres, Amsterdam et La Haye, où il rencontre Spinoza, entre les 18 et 21 novembre qui vit alors les derniers mois de sa vie, atteint de tuberculose. Avec Spinoza, ils parlent de l’Éthique de ce dernier prête à la publication, de la physique cartésienne et de la version améliorée par Leibniz de l’argument ontologique sur l’existence de Dieu. Il y rencontre également les microscopistes Jan Swammerdam et Antoni van Leeuwenhoek, entrevues qui auront une grande influence sur la conception des animaux de Leibniz. Leibniz arrive finalement à Hanovre en décembre 1676 par la malle-poste. La ville est alors peuplée de 6 500 habitants de la vieille ville et 2 000 dans la nouvelle ville, de part et d’autre de la Leine.

En tant que bibliothécaire, Leibniz doit s’acquitter de tâches d’ordre pratique : administration générale de la bibliothèque, achat de nouveaux livres et de livres d’occasion, et inventaire des livres. En 1679, il doit gérer le transfert de la bibliothèque du palais de Herrenhausen à Hanovre même.

Dans les années 1680 à 1686, il fait de nombreux voyages dans le Harz pour s’occuper de l’exploitation des mines. Leibniz a consacré l’équivalent de trois années au métier d’ingénieur des mines. Il s’occupa principalement de mettre au point des dispositifs d’extraction des eaux des mines grâce à des moulins à vent. Il entra en conflit avec les exploitants qui n’acceptaient pas ses nouvelles idées. Cela le conduisit à se poser des questions sur l’origine des fossiles, qu’il attribuait initialement à l’effet du hasard, mais dont il reconnut plus tard l’origine vivante. Son livre Protogæa ne sera publié qu’après sa mort, car les théories qu’il y développe sur l’histoire de la terre pouvaient déplaire aux autorités religieuses.

En 1682, il fonde à Leipzig le journal Acta Eruditorum avec Otto Mencke. L’année suivante, il y publie son article sur le calcul différentiel — Nova Methodus pro Maximis et Minimis. Cependant, l’article ne contient aucune démonstration, et Jacques Bernoulli l’appellera une énigme plutôt qu’une explication. Deux ans plus tard Leibniz publie son article sur le calcul intégral.

En 1686, il rédige un « Court discours de métaphysique », maintenant connu comme le Discours de métaphysique. Le Discours est généralement considéré comme sa première œuvre philosophique mûre12. Il envoie un résumé du discours à Arnauld, entamant ainsi une riche correspondance qui traitera principalement de la liberté, de la causalité et de l’occasionnalisme.

Le successeur du duc Jean-Frédéric après la mort de celui-ci en 1679, son frère Ernest-Auguste, cherchant à légitimer historiquement ses ambitions dynastiques, demande à Leibniz la réalisation d’un livre sur l’histoire de la maison de Brunswick. Leibniz, occupé par les mines du Harz, ne peut s’en occuper tout de suite. En août 1685, les expérimentations de Leibniz s’avérant être un échec, le duc, peut-être dans le but d’éloigner Leibniz des mines, l’emploie pour qu’il écrive l’histoire de la maison Welf, dont celle de Brunswick était une branche, depuis les origines jusqu’à l’époque contemporaine, lui promettant un salaire permanent. Ce n’est qu’en décembre 1686 que Leibniz quitte le Harz, pour se lancer pleinement dans ses recherches historiques.

Rapidement, Leibniz traite tout le matériel contenu dans les archives locales, et obtient la permission de partir en voyage en Bavière, en Autriche et en Italie, qui durera de novembre 1687 à juin 1690. Leibniz est à Munich en 1687.

À Vienne, où il fait étape en attendant l’autorisation de François II de Modène de consulter les archives, il tombe malade et doit y rester quelques mois. Pendant ce temps, il lit le compte-rendu des Philosophiæ naturalis principia mathematica d’Isaac Newton, paru dans les Acta Eruditorum en juin 1688. En février 1689, il publie le Tentamen de motuum coelestium causis (« Essai sur les causes des mouvements célestes »), où il tente d’expliquer le mouvement des planètes à l’aide de la théorie des vortex de René Descartes, pour fournir une alternative à la théorie newtonienne qui recourt aux « force à distance ». Par ailleurs, il rencontre l’empereur Léopold Ier, mais échoue à obtenir un poste de conseilleur impérial ou d’historien officiel, ou l’autorisation de fonder une « bibliothèque universelle ». À la même époque, il obtient un succès diplomatique en parvenant à négocier le mariage entre la fille du duc Jean-Frédéric, Charlotte-Félicité, et du duc de Modène Renaud III.

En mars 1689, Leibniz part pour Ferrare, en Italie20. En cette période de tensions religieuses, Leibniz, qui se rend dans un pays catholique en étant protestant, est vigilant et prévoyant. Son secrétaire, Johann Georg von Eckhart, raconte ainsi qu’au moment de traverser le Pô, les passeurs, sachant que Leibniz était allemand et donc fort probablement protestant, prévoient de le jeter par-dessus bord et de s’emparer de ses bagages. Leibniz, s’apercevant du complot, sort de sa poche un rosaire et fait semblant de prier. Les passeurs, voyant cela, pensent qu’il est catholique, et abandonnent leur plan.

De Ferrare, Leibniz part pour Rome, où il arrive le 14 avril 1689. Outre son travail d’étude des archives, il prend le temps de rencontrer ses universitaires et des scientifiques. Il a beaucoup de discussions à propos de l’union des Églises et rencontre le missionnaire chrétien Claudio Filippo Grimaldi, qui lui donne des renseignements sur la Chine (voir section Sinologie). Il est élu membre de l’Académie physico-mathématique et fréquente des académies et des cercles, prenant notamment la défense de l’héliocentrisme de Nicolas Copernic, qui n’est pas encore accepté par tous. Il compose un dialogue, Phoranomus seu de potentia et legibus naturae (« Phoronomie ou La puissance et les lois de la nature »), la phoronomie étant l’ancêtre de ce qu’on appelle aujourd’hui cinématique, c’est-à-dire l’étude du mouvement sans prendre en compte les causes qui le produisent ou le modifient, autrement dit par rapport au temps et à l’espace uniquement.

En 1690, Leibniz séjourne à Florence, où il rencontre Vincenzo Viviani, qui fut élève de Galilée, avec qui il parle de mathématiques. Il se lie d’amitié avec Rudolf Christian von Bodenhausen, précepteur des fils du grand-duc de Toscane Cosme III, à qui il confie le texte encore inachevé de la Dynamica (« Dynamique »), où il définit la notion de force et formule un principe de conservation20. Après un bref passage à Bologne, Leibniz se rend à Modène où il poursuit ses recherches historiques.

Leibniz voit ses efforts dans ses recherches historiques récompensés : en 1692, le duché de Brunswick-Lunebourg est élevé au rang d’électorat. En récompense, le duc Ernest-Auguste le fait conseiller privé. Les autres branches de la maison de Brunswick lui sont également reconnaissantes : les co-ducs Rodolphe-Auguste et Antoine-Ulrich de Brunswick-Wolfenbüttel le nomment bibliothécaire à la Herzog August Bibliothek de Wolfenbüttel en 1691, s’engagent à payer un tiers du coût de publication de l’histoire de la maison Welf, et en 1696, le nomment conseiller privé. Par ailleurs, le duc de Celle Georges-Guillaume accorde un salaire à Leibniz pour ses recherches historiques. Les salaires annuels de Leibniz sont maintenant de 1 000 thalers à Hanovre, 400 de Brunswick-Wolfenbüttel, et 200 de Celle. Leibniz est donc très bien payé, puisque même le plus bas salaire, celui de Celle, est supérieur à ce qu’un ouvrier qualifié peut espérer gagner. À partir de ce moment et jusqu’à la fin de sa vie, il passera autant de temps à Brunswick, Wolfenbüttel et Celle qu’à Hanovre — les allers-retours faisant 200 km, Leibniz passera beaucoup de temps à voyager, possédant sa propre voiture, et profitant des voyages pour écrire ses lettres.

En 1691, il publie à Paris, dans le Journal des savants, un Essai de dynamique où il introduit les termes énergie et action.

Le 23 janvier 1698, Ernest-Auguste meurt et son fils Georges-Louis lui succède. Leibniz se voit de plus en plus écarté de son rôle de conseiller par le nouveau prince bien loin de l’homme cultivé que représentait Jean-Frédéric aux yeux de Leibniz qui y voyait le « portrait de Prince ». À l’inverse, l’amitié qu’il entretient avec Sophie de Hanovre et sa fille Sophie-Charlotte, reine de Prusse, se renforce

Le 29 septembre 1698, il s’installe dans la maison où il résidera jusqu’à sa mort, située Schmiedestraße, nouvelle adresse de la bibliothèque de Hanovre.

Il convainc le prince-électeur de Brandebourg (futur roi de Prusse) de fonder une Académie des sciences à Berlin dont il devient en juillet 1700 le premier président.

En 1710, il publie ses Essais de Théodicée, résultats de discussions avec le philosophe Pierre Bayle.

Reconnu comme le plus grand intellectuel d’Europe, il est pensionné par plusieurs grandes cours (Pierre le Grand en Russie, Charles VI en Autriche qui le fait baron), et correspondant des souverains et souveraines — notamment de Sophie-Charlotte de Hanovre.

Il doit faire face à une controverse qui l’oppose à Isaac Newton sur la question de savoir lequel des deux a inventé le calcul infinitésimal, et se voit même accusé d’avoir volé les idées de Newton. La plupart des historiens des mathématiques s’accordent aujourd’hui à considérer que les deux mathématiciens ont développé leurs théories indépendamment l’un de l’autre : Newton a commencé à développer ses idées le premier, mais Leibniz fut le premier à publier ses travaux.

À la cour, il est moqué pour l’apparence désuète (typique du Paris des années 1670) que lui donnent sa perruque et ses vêtements démodés.

En novembre 1712, il rencontre le tsar à Dresde, puis, se sentant à l’étroit à Hanovre, part pour Vienne (sans en demander l’autorisation à Georges-Louis) où il séjourne jusqu’à l’automne 1714.

En 1714, il doit faire face à la mort de deux proches : le 27 mars, Antoine-Ulrich de Brunswick-Wolfenbüttel, et le 8 juin, Sophie de Hanovre.

Quand, le 12 août, à la mort de la reine Anne, Georges-Louis devient roi de Grande-Bretagne, Leibniz demande à le rejoindre à Londres et demande même à devenir historien officiel d’Angleterre, mais au vu de la mauvaise réputation que le philosophe s’est acquise en Angleterre, le nouveau souverain refuse que Leibniz le suive et lui ordonne de rester à Hanovre.

Il envisage de partir à Paris, où Louis XIV l’a invité, mais la mort de ce dernier, ainsi que le fait qu’il lui faille se convertir, lui font abandonner cette proposition. Il envisage aussi sérieusement de s’installer à Vienne, où il va jusqu’à commencer des recherches pour se trouver une propriété. Il songe également à Berlin, où il est président de l’Académie royale des sciences de Prusse, et à Saint-Pétersbourg, où il occupe un poste de conseiller. Mais Leibniz, qui a alors plus de soixante ans, n’a plus l’état de santé pour continuer à voyager comme il l’a fait, ou pour commencer une nouvelle vie ailleurs. Son dernier voyage est une rencontre avec le tsar à Pyrmont en juillet 1716, après quoi il ne quitte plus Hanovre.

Très préoccupé par l’histoire de la maison Welf qu’il n’avait pas écrite malgré tout le temps qu’il y avait consacré, et espérant toujours pouvoir la finir avant sa mort pour pouvoir se consacrer à ses travaux philosophiques, il se remet à y travailler activement.

Peu avant sa mort, durant les années 1715 et 1716, il entretient une correspondance avec le théologien anglais Samuel Clarke, un disciple de Newton, à propos de physique, présentant sous sa forme définitive sa conception de l’espace et du temps. Il écrit également beaucoup au jésuite français Barthélemy Des Bosses.

Le 14 novembre 1716, à neuf heures du soir, après avoir passé une semaine bloqué dans son lit atteint de la goutte et d’une colique, il subit un accès de goutte ; on lui fait alors boire une tisane qui plutôt que de le soigner lui cause des convulsions et d’importantes douleurs ; moins d’une heure après il meurt à l’âge de 70 ans dans la ville où il résidait depuis 40 ans, en présence de son copiste et de son cocher, mais dans l’indifférence générale, alors que sa pensée a révolutionné l’Europe. Personne ne se préoccupe de ses funérailles à l’exception de son secrétaire personnel. La cour a été prévenue, mais on n’y voit aucun représentant, et ce, malgré sa relative proximité géographique ; cela s’explique peut-être par le fait que Leibniz n’était pas un fidèle religieux zélé. Son enterrement est celui d’une personne insignifiante.

On peut néanmoins noter deux éloges, se recoupant en partie car écrits d’après les renseignements de Johann Georg von Eckhart : le premier, intitulé Elogium Godofredi Guilelmi Leibnitii, est l’œuvre de Christian Wolff, rédigé en latin et publié en juillet 1717 dans les Acta Eruditorum ; le second est un éloge prononcé à l’Académie royale des sciences de Paris par Bernard Le Bouyer de Fontenelle en novembre 1717, un an après la mort de Leibniz.

À la mort de Leibniz, Georges-Louis, craignant la révélation de secrets, confisque le patrimoine littéraire (Nachlass) de Leibniz, permettant ainsi sa préservation.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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