François Faber, coureur cycliste.

François Faber né le 26 janvier 1887 à Aulnay-sur-Iton dans l’Eure et mort tué à l’ennemi le 9 mai 1915 à Carency ou à Mont-Saint-Éloi selon les sources, dans le Pas-de-Calais, est un coureur cycliste de nationalité luxembourgeoise. Il compte à son palmarès un Tour de France, un Tour de Lombardie, un Paris-Roubaix, deux Paris-Tours, un Bordeaux-Paris et un Paris-Bruxelles. Sa réussite sportive est indissociable de la figure d’Alphonse Baugé qui fut son directeur sportif au sein de plusieurs équipes. Durant la seconde partie de sa carrière, une certaine rivalité sportive a opposé Faber à Octave Lapize.

Engagé volontaire dans la Légion étrangère dès le début de la Première Guerre mondiale, il est tué au combat lors de la bataille de l’Artois en mai 1915. Il disparaît le 9 mai 1915 (son corps ne sera jamais retrouvé). Il est officiellement déclaré mort par le tribunal de la Seine, le 25 février 1921. Le Grand Prix François-Faber organisé au Luxembourg depuis 1918, lui rend hommage annuellement.

Il est le demi-frère d’Ernest Paul, également coureur cycliste et surnommé parfois « Faber ».


Muni depuis peu de sa bicyclette Labor, c’est sans aucune expérience de la course cycliste que François Faber s’inscrit en tant qu’indépendant au Tour de France 1906. Il est engagé avec le dossard numéro 709 dans la catégorie dite « des poinçonnés », ce qui lui interdit tout changement de machine au cours de l’épreuve. Il termine honorablement la première étape à Lille avec 25 minutes de retard sur le vainqueur Émile Georget. Lors de la seconde étape, il parvient à faire partie d’une échappée de six coureurs (dont Lucien Petit-Breton) mais il chute à Cambrai. Il est tout de même dixième au classement général à l’issue de l’étape, à Nancy ce qui fait écrire à un éditorialiste de L’Auto du 7 juillet 1906 :

« Ce garçon, qui doit posséder une réelle valeur, manque encore un peu de l’habitude de ces courses folles. »

La troisième étape entre Nancy et Dijon est pour lui la découverte de la moyenne montagne avec le franchissement du ballon d’Alsace. L’expérience est particulièrement difficile puisqu’il perd plus de six heures sur le vainqueur du jour René Pottier. À l’issue de la quatrième étape à Grenoble, il est seizième au général sur vingt-cinq coureurs toujours en course. Épuisé, François Faber termine la sixième étape à Marseille le 15 juillet 1906 à 9 h du matin, plus de sept heures après la fermeture du dernier contrôle officiel ; il est donc disqualifié. Il décide toutefois de poursuivre le Tour avec deux autres coureurs dans la même situation face au règlement, Serres et Morel. Si cette déconvenue lors de ce premier Tour a probablement entraîné des doutes chez François Faber sur sa capacité à devenir coureur cycliste, il est bien inscrit pour l’édition 1906 de Paris-Tours organisée le 30 septembre. Sa prestation au Tour de France n’est d’ailleurs pas passée totalement inaperçue puisque l’édition du 29 septembre de L’Auto le place parmi les « jeunes routiers qui déjà se sont distingués et espèrent vivement démontrer qu’il ne sont pas moins valeureux que leurs aînés. » Le lendemain, dans ce même journal, Charles Ravaud considère qu’il fait partie des « routiers de valeur » au départ de l’épreuve. Il finit treizième de ce Paris-Tours à trente cinq minutes du vainqueur Lucien Petit-Breton.

Les bonnes performances de François Faber lors du Tour 1906 lui ont permis de se faire remarquer par les observateurs de la course cycliste. Il est ainsi approché par Alphonse Baugé, ancien chroniqueur pour Le Vélo, auteur d’ouvrages sur le métier de directeur sportif et alors soigneur officiel de l’équipe cycliste Labor. Celui-ci parvient à faire signer Faber chez Labor pour l’ensemble de la saison 1907. La signature a lieu début 1907, au siège de Labor, au 23 avenue du Roule à Neuilly-sur-Seine, avec Maurice de Clèves (fondateur et directeur de la marque Labor) et en présence de Baugé. La première épreuve à laquelle Faber participe en tant que coureur de Labor est Bordeaux-Paris sur laquelle il se présente en compagnie de trois coéquipiers de chez Labor : Augustin Ringeval, Léon Rabot et Lucien Pothier. Ringeval termine second de ce Bordeaux-Paris à Ville-d’Avray tandis que Faber termine sixième à quatre heures du vainqueur belge Van Hauwaert. En juin 1907, Faber participe également à Paris-Bruxelles, course sur laquelle il termine sixième.

Avant le départ du Tour de France 1907, Alphonse Baugé est promu directeur sportif de l’équipe Labor. Faber entame plutôt bien cette cinquième édition du Tour de France : il se classe troisième de la troisième étape entre Metz et Belfort18. Au soir de la quatrième étape à Lyon, il est sixième du classement général et second des « poinçonnés »18. Lors de l’étape suivante, François Faber démontre qu’il est un honorable grimpeur contrairement à ce que sa corpulence (88 kg pour 1,78 m) et surtout sa piètre performance dans l’ascension du Ballon d’Alsace en 1906 pouvaient laisser penser. En effet, il est le seul à pouvoir suivre le train imposé par Émile Georget en particulier dans l’ascension du col de Porte. Il termine second de l’étape à quelques minutes de Georget, ce qui est perçu par Baugé comme « presque une victoire ». La seconde partie de son Tour de France est toutefois plus compliquée : une blessure récurrente à la selle, deux chutes le 28 juillet au cours de l’étape Bordeaux – Nantes, puis une autre le 1er août peu après le départ de Brest l’empêchent de se montrer à son avantage. Néanmoins, il termine ce Tour 1907 à la septième place du classement général final.

Le début de cette nouvelle saison est marqué par la volonté d’Ernest Paul, le demi-frère de François Faber, de suivre son exemple et de s’essayer à la course cycliste. Il est également marqué par la décision de Faber de quitter Labor, et donc Alphonse Baugé, et de rejoindre dans un premier temps l’équipe cycliste La Française (seulement pour Paris-Roubaix et pour Bordeaux-Paris). Sur Paris-Roubaix, Faber attaque et parvient à s’échapper : il a trois minutes d’avance à Douai. À 150 mètres du Vélodrome roubaisien, alors qu’il a course gagnée, il chute. Cet accident lui fait perdre deux places et il termine finalement troisième derrière Van Hauwaert et Lorgeou. Sur Bordeaux-Paris, il abandonne à la suite d’une crevaison puis plusieurs chutes. Il abandonne également sur Paris-Bruxelles, consécutivement à une défaillance physique alors que son demi-frère Ernest qui court sa toute première course (sous le maillot d’Alcyon) termine septième. Faber intègre alors l’équipe cycliste Peugeot et est retenu pour courir le Tour de France 1908 ; Ernest Paul également : il s’apprête à courir son premier Tour avec Alcyon.

Le Tour commence plutôt mal pour François Faber : il cumule les incidents mécaniques et les crevaisons sur les deux premières étapes. À l’issue de la seconde étape à Metz, il est vingt-sixième au classement général. Dans l’étape suivante, il s’échappe dans l’ascension du col du Ballon d’Alsace avec Gustave Garrigou. Dans la descente, à la faveur d’une chute de ce dernier, Faber s’en va gagner le premier succès de sa carrière à Belfort. Le surlendemain, il récidive dans la quatrième étape et gagne à nouveau alors qu’il s’était encore échappé avec Garrigou qu’il règle au sprint à Lyon. Deux jours après, il termine second à Grenoble derrière son coéquipier Georges Passerieu qui a été le seul à ne pas poser pied à terre dans le col de Porte. L’équipe Peugeot de Faber domine alors le Tour : elle a remporté toutes les étapes et c’est un de ses coureurs qui est en tête du général (Passerieu puis Petit-Breton) depuis le départ. À Grenoble, Faber est revenu à la cinquième place du classement général. La suite de ce Tour nettement dominé par Lucien Petit-Breton offre d’autres occasions à Faber : ainsi il remporte la huitième étape à Toulouse puis la douzième à Brest. À l’arrivée à Paris, il est second du classement général et remporte le classement Wolber des « pneus démontables »27. Petit-Breton, premier coureur à remporter deux fois le Tour, se retire de la compétition cycliste pour devenir chroniqueur cycliste. À l’issue de ce Tour 1908, il déclare en parlant de Faber :

« Je suis convaincu que cet homme-là sera imbattable l’an prochain. »

Au cours de la saison 1908 ; il obtient également une troisième place sur Paris-Tours puis participe le 8 novembre à la quatrième édition du Tour de Lombardie : d’abord lâché, il parvient à revenir sur le peloton puis à s’en extraire pour remporter sa première classique. D’un point de vue plus personnel, c’est en 1908 également qu’il rencontre Eugénie Terrier (qui deviendra sa femme et la mère de sa fille) comme en atteste la carte postale (écrite en italien) qu’il lui a envoyée juste après sa victoire en Lombardie : « Per te solo palpita il mio cuore » (mon cœur bat pour toi seule).

François Faber au Parc des Princes à l’arrivée de Bordeaux-Paris 1909.
Au début 1909, la question de la nationalité de Faber est ambiguë : conformément à la loi du 26 juin 1889 et comme il n’a pas fait avant sa majorité une demande explicite de la nationalité française, il n’est pas Français. Mais est-il pour autant Luxembourgeois ? Pourtant, il procède à une déclaration explicite de répudiation de la nationalité française, le 25 janvier 1909 auprès du juge de paix du canton de Colombes et réclame celle de son père. On ne sait pas précisément les raisons de la démarche effectuée par Faber : l’hypothèse la plus vraisemblable est la volonté d’échapper au service militaire dont la durée était alors de deux ans, ce qui aurait probablement pu contrarier sa carrière sportive.

En février, une polémique l’oppose à Léopold Alibert, le patron de l’équipe cycliste Peugeot. Ainsi, le 3 février, celui-ci l’attaque assez violemment dans une lettre ouverte publiée dans L’Auto dans laquelle il dévoile une rupture de contrat à l’initiative de Faber de manière à signer pour Alcyon, équipe dans laquelle il retrouverait Alphonse Baugé. Le lendemain, dans le même journal, Faber répond à Alibert en expliquant que cette décision de rupture s’était faite dans le dialogue avec Peugeot et dans le respect de ses interlocuteurs et qu’il ne s’attendait pas à ce « bruyant désespoir » de la part d’Alibert.

Au mois d’avril, il court ses premières courses avec l’équipe Alcyon : Milan-San Remo (sur laquelle il se classe sixième) puis Paris-Roubaix. Sur cette dernière il termine cinquième ce qui constitue pour lui une relative déception dans la mesure où il avait consacré tout le mois de mars à s’entraîner spécifiquement pour cette course. Ainsi il a rallié à plusieurs reprises Roubaix en compagnie de son demi-frère Ernest Paul, de Constant Ménager ou encore de Jean Alavoine (son coéquipier chez Alcyon) ou de Frédéric Saillot. Le 18 avril, il remporte Sedan-Bruxelles devant Garrigou. En mai, alors gêné par un problème aux yeux contracté sur Paris-Roubaix, il termine 4e de Bordeaux-Paris. Le 19 juin, il remporte Paris-Bruxelles, à nouveau devant Garrigou qu’il bat au sprint. Il avait été envisagé un temps que Faber participe au Giro 1909 (comme Trousselier par exemple) avant qu’il ne renonce à cette idée.

François Faber, à l’issue de son Tour de France victorieux, le 1er août 1909
Faber débute en fanfare son Tour 1909 : après une seconde place lors de la première étape36, il enchaîne par cinq victoires d’étapes consécutives à Metz, Belfort, Lyon, Grenoble et Nice gagnant ainsi de la seconde à la sixième étape. Le surlendemain de sa cinquième victoire à Nice, c’est son demi-frère Ernest (qui court en « isolé ») qui gagne la septième étape à Nîmes. Le 19 juillet, il est pris dans une chute collective dans l’étape Nîmes – Toulouse : il termine la course, le crâne ensanglanté et dans un état qualifié de « comateux ». Le 23 juillet, il remporte à Bordeaux sa sixième victoire d’étape de l’édition 1909. Le 1er août, il remporte à Paris son premier Tour de France avec pas moins de 580 kilomètres d’échappée en solitaire avantagée par ses mensurations impressionnantes pour l’époque de (90 kg pour 1,85 m). Il est ensuite reçu en grande pompe à Colombes (pour un banquet organisé par la municipalité) où son succès, doublé de celui d’Ernest dans la catégorie des « isolés », font la joie de la population. En septembre, initialement cinquième, il remporte Paris-Tours à la suite du déclassement pour une erreur de parcours (à Angerville) de quatorze coureurs, dont le gagnant initial Octave Lapize. Il reste, en 2017, le seul vainqueur de Paris-Tours à avoir remporté le Tour de France la même année. À la fin 1909, la popularité de Faber est telle que L’Auto réédite l’ouvrage Le géant de la route : François Faber, ses débuts, sa carrière, ses Tours de France, comment il s’entraîne… écrit par Charles Ravaud. En fin d’année également, Faber reprend du service comme débardeur sur les quais de Seine ; il conserve cet emploi jusqu’à janvier 1910 et la reprise de son entraînement.

Au déclenchement de la Première Guerre mondiale, Faber s’engage dans la Légion étrangère (car Luxembourgeois), le 22 août 1914. Les raisons de cet engagement si rapide sont mal connues. Toutefois, on lui prête les propos suivants :

« La France a fait ma fortune, il est normal que je la défende. »

Il signe un contrat d’engagé volontaire pour la durée de la guerre (EVDG) au bureau de recrutement de la Seine. Il est affecté au 1er régiment étranger et rejoint le dépôt de Bayonne dès le 23 août 1914 pour y faire ses classes. Il quitte ainsi son épouse Eugénie, avec qui il est marié depuis fin 1913. Ses classes terminées, il est affecté au 2e régiment de marche du 1er régiment étranger basé au camp de Mailly dans l’Aube. À la fin du mois d’octobre, il part avec son régiment vers le front. Le 1er janvier 1915, il est nommé caporal ; à peu près à la même période, il apprend qu’Eugénie est enceinte. Il reçoit en mars un long courrier réconfortant d’Alphonse Baugé. Stationné depuis plusieurs mois à Soissons, il part à Acq puis à Mont-Saint-Éloi. Là-bas, il croise le soldat Charles Cruchon qu’il a côtoyé par le passé sur plusieurs Tour de France. Charles Cruchon le trouve alors « heureux et confiant » comme il l’écrit dans une lettre adressée à sa famille. Le 5 mai, il apprend la naissance de sa fille Raymonde. Le 8 mai, les hommes sont prévenus d’un assaut imminent dont l’objectif serait entre autres la prise des « Ouvrages blancs », lieu-dit escarpé situé près de Mont-Saint-Éloi. François Faber écrit alors une lettre à son épouse Eugénie dans laquelle il écrit :

« Pourtant on peut envisager franchement la situation car aucun de nous est immortel. Je suis donc heureux que nous soyons papa et maman car cela aurait été un cauchemar si il m’était arrivé malheur. Tout t’appartient au cas où… Faut bien l’envisager, je serai buté. Oui, jusqu’à ta mort tu pourras disposer du peu que nous avons sans même que la gosse ait à y mettre son nez. »

Il disparaît le 9 mai 1915 au cours de la bataille de l’Artois alors que son bataillon tente de prendre les « Ouvrages blancs ». Son corps n’a jamais été retrouvé et Faber sera officiellement déclaré mort par le tribunal de la Seine, le 10 mai 1918.

Le 21 mai 1915, Etienne Petit-Chilot écrit à sa mère :” Le mardi [11mai], même chose même carnage, même impression pénible. La plaine n’est plus qu’un charnier et le vent nous apporte des relents de putréfaction. Je passe sur le corps de François Faber, le célèbre coureur, il est crispé sur sa baïonette. Quel bel homme !”.

Voir aussi cette vidéo :

Sources : Wikipédia, YouTube.

 

Un soldat également coureur cycliste, nommé L’Archevêque, parcourt la nuit les « Ouvrages blancs » pour tenter de retrouver le corps de Faber ; en effet, il souhaite le « faire enterrer convenablement »73,Note 14. À Paris, le milieu cycliste cherche à en savoir plus et à vérifier l’information de la disparition de Faber. Ainsi Alphonse Baugé écrit ce télégramme à Henri Desgrange73,Note 15 : « Apprends par journaux ici que Faber aurait été tué 9 mai. Ma douleur est atroce. Vous supplie dire à Steinès m’écrire si nouvelle exacte… » Le 19 mai, l’incertitude règne encore car le journal L’Auto utilise le conditionnel dans sa une : « Nouvelles des nôtres : François Faber serait tué »74. Le 29 mai 1915, une communication militaire officialise sa disparition en précisant que le « Caporal Faber a été tué à l’ennemi »75.

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