Eugène-François Vidocq, bagnard, policier et détective privé.

Eugène-François Vidocq, né le 24 juillet 1775 à Arras et mort le 11 mai 1857 à Paris, était un aventurier français, successivement délinquant, bagnard, indicateur puis policier et enfin détective privé.

Forçat évadé du bagne, il devient chef de l’officieuse « brigade de sûreté » de la préfecture de police de Paris, puis fonde une agence de détectives privés.


Eugène-François Vidocq est né le 24 juillet 1775 à Arras dans une famille de petite bourgeoisie. Il est le fils de Nicolas Joseph François Vidocq (1743-1799), maître boulanger et marchand de blé, et d’Henriette Françoise Vidocq, née Dion (1744-1824).

Intrépide, rusé et bagarreur, Eugène-François commet divers larcins au cours de son enfance. Sa forte taille (à douze ans, il a une taille d’adulte) lui rend la besogne facile. À l’âge de treize ans, il vole des couverts en argent à ses parents. Son père l’envoie dix jours à la prison des Baudets (maison d’arrêt pour jeunes délinquants) pour lui apprendre à devenir honnête. À seize ans, il vole les économies de ses parents, 2 000 francs, et rejoint Ostende pour embarquer sur un bateau à destination de l’Amérique mais, dans cette ville portuaire, il est dépouillé. Pour survivre, il devient saltimbanque dans une troupe de cirque, puis colporteur avant de revenir à Arras4. En 1791, il s’engage dans l’armée révolutionnaire. Il se bat alors à Valmy et à Jemappes. Il est renvoyé du 11e régiment de chasseurs à cheval le 28 mai 1793, après une dizaine de duels. Marie-Anne-Louise Chevalier le contraint au mariage en 1794, le couple tenant une épicerie à Arras, mais lorsqu’il apprend qu’elle lui a fait croire faussement qu’elle était enceinte, il la quitte après lui avoir volé toutes ses économies. Il poursuit alors une vie aventureuse de voleur et d’escroc entre Paris et le Nord de la France, rejoignant même en 1795 les rangs de l’armée roulante.

Vidocq, carte maximum, Paris 30/08/2003.

Le 27 décembre 1796, il est condamné par le tribunal criminel de Douai à huit ans de travaux forcés pour « faux en écritures publiques et authentiques ». À Bicêtre, où il est initié à la savate par Jean Goupil, il est incorporé dans la chaîne de Brest, un groupe de forçats — que l’on enchaîne les uns aux autres — destiné au bagne de ce port. Le voyage, particulièrement éprouvant, dure vingt-quatre jours.

Le 20 mai 1797, la prison de Bicêtre mentionne dans ses registres le portrait suivant : « François Vidocq, marchand d’indienne, marié à Marie-Anne Chevalier, demeurant lors de son arrestation à Lille, département du Nord, et en deuxième, à Paris, rue Saint-Hugues, 4, cour Saint-Martin, âgé de 26 ans, natif d’Arras, département du Pas-de-Calais, taille 5 pieds 6 pouces, cheveux et sourcils blonds, front rond, nez aquilin long, yeux gris, bouche moyenne et de travers, menton rond et long, visage ovale, barbe blonde, ayant une cicatrice à la lèvre supérieure à droite et les oreilles percées… ».

Vidocq en profite pour tenter une première évasion en forêt de Compiègne. Ce premier échec ne le décourage pas. La chaîne de forçats parvient à Brest le 24 nivôse an VI (13 janvier 1798). La « chaîne » fait halte à l’entrée de Brest à l’hôpital de Pontanézen où on procède au déferrement des bagnards. Vidocq essaie à nouveau de fausser compagnie à ses gardiens, mais il se foule les deux chevilles en tentant de sauter du mur d’enceinte.

Huit jours après son arrivée, il réussit à se procurer des vêtements de matelot qu’il dissimule dans l’arsenal où il travaille. Ayant réussi à se changer subrepticement, il quitte Brest sans être inquiété.

De nouveau arrêté en 1799, il est cette fois envoyé au bagne de Toulon, d’où il s’évade encore une fois, le 6 mars 1800. Il acquiert de cette façon auprès des gens du milieu un respect et une notoriété sans égale.

En 1809, à nouveau arrêté, il propose ses services d’indicateur à la préfecture de police. Il la renseigne d’abord en étant mouchard dans les prisons de Bicêtre et de La Force.

En 1811, le préfet de police Pasquier le place officieusement (il ne le sera officiellement qu’une fois gracié en 1818) à la tête de la « brigade de sûreté », un service de police dont les membres sont d’anciens condamnés et dont le rôle est de s’infiltrer dans le « milieu ». Excellent physionomiste, il repère toute personne, même grimée, qu’il a préalablement dévisagée (ayant vu cette personne une fois, il la reconnaît au premier regard). Il excelle lui-même dans l’art du déguisement.

L’urbanisation qui accompagne la révolution industrielle et la constitution des classes laborieuses que l’on observe à la fin de la Restauration transfèrent la peur du crime des zones rurales vers la ville, et c’est dans ce contexte qu’opère Vidocq. Ses nombreux succès et ses méthodes peu orthodoxes lui apportent autant d’admirateurs que de détracteurs. Ses hommes revendiquent trois fois plus de captures que les policiers classiques entre 1811 et 1827. Ces derniers tentent alors par tout moyen de déstabiliser Vidocq.

En 1818, Louis XVIII lui accorde sa grâce par lettres patentes, ce qui lui rend ses droits civils.

Ses ennemis se trouvent dans la pègre mais aussi au pouvoir. Par deux fois, ses supérieurs le font démissionner. Plusieurs personnes arrêtées par Vidocq l’accusent d’avoir monté les coups pour ensuite arrêter ceux qui y ont participé et, de cette manière, prouver son efficacité dans la lutte contre le crime. La justice ne retient pas ces allégations. La presse d’opposition n’en attaque pas moins le préfet Henri Gisquet en lui reprochant d’avoir simulé des attentats contre le roi Louis-Philippe Ier, entre autres provocations montées par son « ignoble » police symbolisée par la brigade de Sûreté peuplée d’anciens repris de justice. Un journal publie des caricatures qui exploitent la ressemblance physique entre Vidocq et le roi Louis-Philippe Ier. Le préfet de police finit par annoncer la réorganisation complète de la brigade de Sûreté afin de l’épurer. Comprenant que « l’administration supérieure [veut] réformer le personnel des agents qui serv[ent] sous [s]es ordres », le chef de la brigade de Sûreté prétexte l’état de santé de sa femme pour offrir sa démission le 15 novembre 1832, offre acceptée deux jours plus tard par la préfecture. Pierre Allard prend la tête de la nouvelle brigade de Sûreté et Louis Canler en devient le principal inspecteur.

Vidocq revendiquera finalement plus de 16 000 arrestations.

En 1827, Vidocq démissionne de ses fonctions de chef de la « sûreté ». Il s’installe à Saint-Mandé, près de Paris, et crée une petite usine de papier. Il invente le papier infalsifiable. En 1828, il publie des Mémoires qui connaissent un grand succès, et qui inspirent notamment à Honoré de Balzac son personnage de Vautrin. Ruiné par son affaire d’usine de papier, il redevient chef de la « sûreté » le 31 mars 1832 — à cinquante-sept ans — et occupe ce poste durant sept mois avant de démissionner le 15 novembre suivant à la demande du préfet Gisquet, qui souhaite « moraliser » ses équipes.

Quelques jours plus tard, ayant quitté définitivement le service public, il fonde le « Bureau de renseignements universels dans l’intérêt du commerce ». Sis au 12 de la rue Cloche-Perce à Paris, cet établissement se consacre aux « recherches et explorations dans l’intérêt des personnes lésées, affaires contentieuses ». Bien qu’il existe déjà à l’époque des centaines d’autres agences d’affaires non spécialisées, le « Bureau » de Vidocq s’en distingue progressivement grâce à une « double vocation » constituant sa marque de fabrique, observe l’historien Dominique Kalifa. En effet, l’ancien policier certifie pouvoir fournir aux commerçants, moyennant finance, des services de renseignement et de surveillance économique sur les auteurs d’escroquerie plutôt que sur « les véritables négociants » ; de surcroît, il se consacre à « l’intérêt des familles » dans le cadre d’affaires d’adultère, de succession et de disparition. Ainsi, sans camper Vidocq en « ce précurseur absolu que la tradition se plaît à reconnaître », Dominique Kalifa constate que son « Bureau de renseignements » représente bien un « prototype » de la police privée.

Vidocq prétend enregistrer plus de 8 000 clients et s’installe au 13 passage Vivienne. Durant son procès, il revendique la devise « Haine et guerre aux fripons, dévouement sans bornes au commerce ». En 1834, il fréquente les dîners de Benjamin Appert, où sont conviés de nombreux écrivains comme Balzac, Dumas et Hugo. L’agence ferme en 1837, par décision de justice : Vidocq est emprisonné à Sainte-Pélagie, puis acquitté au bout d’un an.

En 1845, ruiné, Vidocq part pour Londres. Fort de sa légendaire réputation, il y donne des conférences payantes. Il y vend des brevets pour des inventions de sa conception : papier infalsifiable, serrure incrochetable.

En 1848, il reprend du service dans les renseignements français en se laissant emprisonner à la Conciergerie durant les émeutes du 15 mai et opère comme indicateur.

En juillet 1854, le choléra frappe Vidocq à quatre-vingts ans. Malgré son grand âge, il parvient à survivre à la maladie infectieuse. Une seconde fois veuf depuis l’année 1847, il se console dans les bras de jeunes maîtresses à qui il fait successivement miroiter un riche héritage en distribuant des testaments olographes sans valeur.

Le 30 avril 1857, la paralysie gagne ses jambes. Vidocq meurt le 11 mai 1857 à son domicile parisien sis au 2 rue Saint-Pierre-Popincourt (actuellement 82 rue Amelot). Le jour suivant, il est enterré dans la 20e division du cimetière du Père-Lachaise. Sa sépulture, relevée, n’existait plus à la fin du XIXe siècle.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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