Étienne III (Le grand), roi de Moldavie.

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Ștefan cel Mare (Étienne III le Grand ou Étienne III Mușat de Moldavie pour les historiens) est un voïvode de Moldavie qui a régné durant 47 ans entre 1457 et 1504.

Étienne le Grand est issu de la famille des Mușatini. Il est né en 1433 à Borzești et mort le 2 juillet 1504 à Suceava.


Il est le fils du prince de Moldavie Bogdan II Mușat et de l’une de ses épouses successives, soit Maria, soit la princesse Oltea, sœur du boyard Vlaicou, qui serait originaire de la principauté de Valachie. Il serait dans ce second cas un cousin de premier degré de Vlad III dit « l’Empaleur » (Vlad Ṭepeș). Selon les chroniqueurs moldaves Miron Costin et Grigore Ureche, Étienne Mușat était un « homme de petite taille, rouquin, râblé, portant cheveux longs et moustache » et c’est bien ainsi qu’il est représenté sur une fresque exécutée de son vivant dans l’église de Humor. Mais, ultérieurement, l’iconographie le concernant évolua de plus en plus vers des représentations élancées, musclées et de grande taille, tandis que sa chevelure diminuait et virait au châtain…

Etienne III, carte maximum, Roumanie.

La couronne était élective en Moldavie et Étienne III Mușat pouvait y prétendre, étant grand boyard, mais il jugea moins aléatoire de s’emparer du trône par un coup d’État mené avec son armée à Suceava, la capitale de la Principauté, en avril 1457. Le prince régnant, Pierre Aron (roumain : Petru Aron), s’enfuit en Pologne, dont la Moldavie a été la vassale de 1387 à 1497. Étienne est acclamé prince de Moldavie par le Sfatul Ţării (assemblée de la noblesse) et béni le 14 avril par le métropolite de Moldavie, Théoctiste Ier (en).

Etienne III, entier postal, Moldavie.

Le 13 mars 1458, il renouvelle le privilège accordé par Alexandre Ier le Bon aux marchands allemands transylvains pour favoriser le commerce entre la Moldavie et la Transylvanie. En revanche, il ne renouvelle pas ceux des Génois dans leurs comptoirs des ports de Polihronia, Oblucița (aujourd’hui Reni ou Izmail), Chilia, Licostomo (aujourd’hui Periprava) et Cetatea Albă, mais fortifie ces cités et développe sa propre flotte de commerce et de guerre. Il réorganise aussi l’armée, préférant recruter des fermiers libres (răzeşi) ou des bergers libres (mocani) qu’il n’hésite pas à anoblir, plutôt que d’utiliser des mercenaires, et il agrandit et consolide les principales forteresses, qui doivent désormais pouvoir résister aux tirs d’artillerie : Hotin, Neamț, Soroca, Tighina, Cetatea Albă et Suceava. Il laisse à Mathias Ier Corvin, le roi de Hongrie, l’usufruit des anciens comptoirs génois de Chilia et Cetatea Albă, ce qui permet à la Hongrie de disposer de deux ports sur la mer Noire.

Ayant besoin du soutien des métropolites de Suceava, Étienne édifie des monastères et des églises. Sous son règne, la tolérance religieuse est de mise : des églises catholiques s’ouvrent à Baia, Suceava, Bacău et Chilia, des synagogues à Baia, Roman, Iași et Chilia. Beaucoup d’églises historiques de Moldavie sont construites sous son règne, de même que le monastère de Putna et le monastère de Voroneț qui ont conservé leurs fresques polychromes d’origine.

Le 4 avril 1459, il signe une nouvelle alliance avec la Pologne, qui le reconnaît de droit comme voïvode légitime. Ayant ainsi assuré ses arrières, il pénètre en 1461 en Transylvanie, vassale du Royaume de Hongrie pour piller le Pays sicule, et rentre avec un important butin. De plus, il révoque les droits de la Hongrie dans les ports de Chilia, et de Cetatea Albă en 1465, ce qui mène Mathias Ier Corvin à confisquer les domaines d’Étienne en Transylvanie (citadelles de Balta et Ciceu près de Dej) et à envahir la Moldavie le 19 novembre 1467. Mathias Ier Corvin incendie Roman et menace Suceava, puis entre dans Baia, d’où il se fait chasser par Étienne dans la nuit du 14 au 15 décembre. La situation reste indécise, mais la menace ottomane détermine les deux monarques à se réconcilier : Étienne récupère ses domaines de Transylvanie et Mathias ses privilèges dans les ports moldaves.

Etienne III, carte maximum, Moldavie.

Le 20 août 1470, Étienne bat les Tatars criméens dans la forêt de Lipnic près du Nistru, arrête leurs pillages, libère leurs captifs de l’esclavage et fait de nombreux prisonniers Roms qui étaient les éclaireurs, charriers, maquignons et ferblantiers des Tatars, mais deviennent serfs (robi3) des boyards ou des monastères moldaves. Des princes tatars sont également capturés et gardés prisonniers contre rançon : quelques-uns, ne pouvant être libérés, préfèrent passer à l’orthodoxie et s’intégrer à l’aristocratie moldave, comme le khan Temir, à l’origine de la famille princière moldave Cantemir.

En 1470 et en 1473, Étienne le Grand s’immisce dans les querelles dynastiques de la principauté de Valachie où il impose comme voïvode Basarab III Laiotă cel Bătrân. Face aux progrès de l’Empire ottoman, ce dernier doit peu après se reconnaître vassal de la « Sublime Porte ». À cette occasion, Étienne annexe à la principauté de Moldavie la région jusque-là valaque de Vrancea, au nord-ouest de Focșani.

En 1472, Étienne le Grand, veuf, épouse en secondes noces Marie Assénide-Paléologue, princesse grecque originaire de l’État byzantin de Théodoros, sur les bords de la mer Noire en Crimée. Il s’immisce ainsi dans les querelles dynastiques de Théodoros, envoyant une flotte et une armée à la famille de son épouse, mais les Ottomans réagissent et débarquent dans la principauté le 6 juin 1475, mettant fin, 22 ans après la chute de Constantinople, au tout dernier état grec jusqu’à l’indépendance de la Grèce moderne au xixe siècle. Marie Paléologue, qui avait eu quatre enfants d’Étienne, mourut deux ans plus tard et fut enterrée au monastère de Poutna, dans le pays de Vrancea4. Face à l’expansion ottomane, de nombreux Grecs de Crimée, de Bulgarie, de Dobrogée, de Constantinople et du Pont se réfugient en Valachie et en Moldavie à partir du règne d’Étienne, amenant avec eux icônes, reliques, bibliothèques, savoir-faire artistiques, artisanaux, viticoles et commerciaux, ce qui contribua à faire du règne d’Étienne le Grand l’« âge d’or » de la Moldavie.

Le 12 juillet 1474, à Iași, Étienne reconnait la suzeraineté du roi de Hongrie et confirme la liberté de commerce pour les marchands hongrois de Moldavie. Ainsi la Moldavie a deux suzerains protecteurs et alliés contre la menace ottomane : la Hongrie et la Pologne.

Le 10 janvier 1475, Étienne repousse les Ottomans du sultan Mehmed II à la bataille de Vaslui. Cette victoire a un grand retentissement, parvenant jusqu’aux oreilles du pape Sixte IV qui le qualifie de « champion du Christ ». Malgré cela, ses appels à l’aide pour former un grand front uni contre les envahisseurs Ottomans restent lettre morte parmi les princes d’Europe, et les Ottomans prennent la colonie génoise de Caffa en Crimée.

Le 26 juillet 1476, l’armée d’Étienne, repliée dans la vallée de la Moldova, après avoir pratiqué la politique de la terre brûlée devant les Ottomans, est pourtant battue à la Valea Albă, au nord-ouest de Roman. La Moldavie est dévastée, et si les Ottomans lèvent le siège de Suceava et de Hotin le 10 août 1476, c’est seulement faute de ravitaillement. Étienne signe la paix avec les Ottomans, et se résout à leur payer un tribut annuel de 6 000 ducats d’or. La Moldavie devient ainsi vassale de trois voisins simultanément : la Hongrie, la Pologne et l’Empire ottoman, situation diplomatiquement instable.

Cela n’empêche pas, le 14 juillet 1484, le sultan Bajazed II de s’emparer de Chilia, et le 9 août, de Cetatea Albă, ce qui est très grave car cela enclave la Moldavie et la prive de son accès à la mer Noire. La flotte moldave est battue et brûlée, tandis que les troupes turques dévastent tout jusqu’à la capitale Suceava, incendiée le 19 septembre 1485. Étienne renouvelle son serment de fidélité au roi de Pologne Casimir IV Jagellon, et réussit, avec l’aide de celui-ci, à battre les Turcs le 16 novembre, mais ne peut reprendre Chilia. En 1489, il accepte de se reconnaître définitivement vassal du sultan, mais assure ainsi à la principauté de Moldavie son autonomie vis-à-vis de la « Sublime Porte » (contrairement à ce qu’indiquent par erreur de nombreuses cartes historiques russes ou occidentales, qui représentent la Moldavie et la Valachie comme provinces de l’Empire ottoman).

Depuis 1387, la Principauté de Moldavie s’était reconnue vassale et alliée de la Pologne mais cela ne signifie pas, comme l’affirment par erreur certains auteurs5, qu’elle soit devenue une province polonaise ou un fief du roi de Pologne6. La preuve en est que pour restaurer sa suzeraineté sur la Moldavie et briser l’allégeance de celle-ci à la Hongrie et à l’Empire ottoman, le roi de Pologne Jean Ier Albert Jagellon dut mettre le 24 septembre 1497 le siège devant Suceava, sommant Étienne de ne prêter allégeance qu’à la Pologne.

Étienne négocie avec lui, le rassure et obtient le retrait des troupes polono-lituaniennes vers Lwów, mais Jean ne lui fait pas confiance et marche sur Siret. Étienne réagit et surprend Jean avec son armée dans la forêt de Cosmin où il lui inflige une cuisante défaite le 26 octobre. Le 30 octobre, au moment où Jean traverse le Prut à Cernăuți, le reste de son armée est taillé en pièces à Sipinţi. Le 22 juin 1498, Étienne dépasse ses frontières et entre en Podolie. Il incendie plusieurs villes, et emmène des milliers de personnes qu’il installe en Moldavie : c’est le début de la présence ukrainienne dans les territoires qui formeront, bien plus tard, l’oblast de Tchernivtsi. Étienne signe un traité de paix avec la Pologne le 12 juillet 1499 : c’est la fin de la vassalité et de l’alliance polonaise pour la Moldavie.

Durant les sept dernières années de son long règne, Étienne fait tout pour assurer au pays une paix durable, la prospérité commerciale et la vie culturelle et religieuse. Lui qui avait tant bataillé conseille à ses successeurs, quels qu’ils soient, de rechercher la paix. Il meurt le mardi 2 juillet 1504 et est enterré au monastère de Poutna.

Dans son Histoire de l’Empire ottoman, Dimitrie Cantemir, prince de Moldavie au début du xviiie siècle, rend hommage à son prédécesseur Étienne le Grand : « Étienne, prince de Moldavie, fut le héros de son siècle. Il vainquit le célèbre Mathias Corvin, roi de Hongrie, et lui ravit les passages montagneux de la Transylvanie qui, encore aujourd’hui, servent de limites à la Moldavie du côté du Couchant. Ses victoires réitérées lui valurent la Pocutie et la Podolie, qu’il joignit à ses États après avoir défait les Polonais, dont il fit un terrible carnage, outre quinze mille prisonniers. Cela se passa près de Cotnari, renommé pour ses vins… Il réduisit sous son obéissance toutes les villes qui sont entre Leopole (Lwów, Lviv, Lemberg) et la Moldavie ; il donna bataille deux fois à Bajazed II et, dans toutes les deux, il eut l’avantage ; la seconde surtout fut une défaite complète. »

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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