Dracula.

Dracula est un roman épistolaire de l’écrivain britannique Bram Stoker publié en 1897. Il raconte l’histoire du comte Dracula, un vampire immortel qui se repaît du sang des vivants et peut les transformer à leur tour en créature démoniaque.

La complexité du personnage de Dracula renouvelée par des thèmes modernes chers à la psychanalyse comme l’association d’Éros et de Thanatos — du désir de la vie éternelle — ou le questionnement des limites (entre la bête et l’homme, entre la vie et la mort ou entre le Bien et le Mal…) en feront un mythe moderne que le cinéma contribuera à amplifier par le biais d’adaptations.


Dracula n’est pas le premier roman fantastique à exploiter le thème du vampire. Il marque pourtant une étape cruciale dans la littérature fantastique et en particulier celle abordant le thème des vampires ; le succès du livre et la popularité du personnage l’attestent encore aujourd’hui. Plus que le sens du récit et la maîtrise du suspense de Stoker, c’est la personnalité de son personnage principal qui fonde le mythe. Le comte Dracula, au-delà de la créature d’épouvante aux pouvoirs surnaturels, est avant tout un être humain damné, un non-mort, et c’est cette dimension complexe qui assure son charme.

Dracula, carte maximum, Roumanie.

En effet, Dracula est un monstre mais est aussi un réprouvé, un rejeté de Dieu, une personne à craindre mais aussi à plaindre. Mina Harker exhorte ses compagnons à éprouver à son endroit non de la haine mais de la pitié, ce qui n’exclut évidemment pas de la détermination pour s’en débarrasser.

« Mais ce n’est pas une œuvre de haine. Le pauvre être qui a causé toute cette souffrance est le plus malheureux de tous. Songez quelle sera sa joie à lui aussi quand, son double malfaisant étant détruit, la meilleure part de lui-même survivra, son âme immortelle. Vous devez avoir pitié de lui aussi, sans que cela empêche vos mains de le faire disparaître de ce monde. » — Bram Stoker, Dracula, chapitre 23.

Le récit se joue donc entre l’Angleterre et la Transylvanie au xixe siècle, notamment dans un château retiré des Carpates. Se fondant sur des récits mythologiques, Bram Stoker crée le personnage du comte Dracula, un vampire aristocratique à la fois monstrueux et raffiné. La première partie du livre, qui se déroule dans le château du comte, est magistralement teintée d’une atmosphère étrange et sinistre.

Le récit est épistolaire et est composé de fragments des journaux intimes et lettres des protagonistes, ainsi que d’articles de journaux. Des passages ont été retranscrits alors que ce sont des passages enregistrés au phonographe. C’est donc un récit écrit à la première personne mais qui épouse plusieurs points de vue – excepté celui du comte.

L’on ne connaît pas avec certitude les documents auxquels Bram Stoker a eu accès, mais le rapprochement des éléments du roman avec les ouvrages disponibles au moment de sa conception indique, selon Denis Buican, Neagu Djuvara et Marinella Lörinczi que l’auteur a pu puiser aux sources suivantes…

Tout d’abord le thème du vampire apparaît dès 1819 en Angleterre, en pleine mode du roman gothique : John William Polidori (The Vampire inspiré d’une idée originale de Lord Byron), Sheridan Le Fanu (Carmilla) mais aussi, en Allemagne, Karl Von Wachsmann (L’Étranger des Carpathes en 1844, avec tous les ingrédients : château en Transylvanie, forêts sombres, personnage maudit, voyageurs effrayés…) et, en France, Charles Nodier (Histoires de vampire), Théophile Gautier (La Morte amoureuse), Paul Féval (qui fait de la goule la femelle du vampire dans La Vampire de 1856) et surtout, cinq ans avant Dracula, Jules Verne (Le Château des Carpathes), sans oublier le roman de Marie Nizet : Le Capitaine Vampire. De plus, Bram Stoker a commencé ses recherches pour son roman en pleine horreur médiatique suscitée par son contemporain Jack l’Éventreur, qui sévit à Londres en 1888.

Le nom du comte Dracula est calqué sur le surnom de deux voïvodes de Valachie du XVe siècle : Vlad Țepeș et son père Dracul, le « Dragon », ainsi appelé parce qu’il était membre de l’Ordre du Dragon ; Vlad Țepeș fut qualifié dans certains libelles, publiés par ses ennemis, de Draculea : le « Dragonneau ». Dracul ne fut d’ailleurs pas le surnom du seul Vlad, mais aussi celui d’un autre voïvode plus tardif : Mihail Ier Șuțu (1730 – 1803, règne de 1783 à 1795). La vie de ces voïvodes valaques est décrite par des sources hostiles comme Histoires de la Moldavie et de la Valachie de Johann Christian Engel, publié au début du xixe siècle, qui les présente comme des tyrans sanguinaires, s’appuyant, gravures effrayantes à l’appui, sur les libelles de leurs ennemis. Bram Stoker a pu y avoir accès soit directement en librairie ou en bibliothèque, soit par les articles d’Ármin Vámbéry,  professeur à l’université de Budapest que le Dr Abraham Van Helsing (personnage du roman) cite comme ami et source de renseignements sous le nom d’Arminius Vambery.

Stoker a pu aussi avoir en mains l’une des nombreuses nouvelles du xixe siècle inspirées par la Tragica historia de László Turóczi, un jésuite de 1729, relatant les supposées frasques sanglantes de la comtesse Élisabeth Báthory (dans l’actuelle Slovaquie). Le romancier évoque aussi une princesse-vampire nommée Lénore, qui, selon un reportage de Klaus Steindl diffusé sur la chaîne franco-allemande Arte, a pu être inspirée par les rumeurs entourant Éléonore-Amélie de Lobkowicz.

Puisqu’il place dans la bouche des paysans roumains des mots tels que « vrolok » et « vlkoslak », il semble que Stoker a lu les ouvrages d’Emily Gerard sur le folklore de Transylvanie, où elle décrit les « vrykolakas » (ou « vârcolac » : mort-vivant en roumain). Outre l’orthographe approximative, Bram Stoker répète une erreur d’Emily Gerard : Nosferatu, écrivent-ils, signifierait « vampire » ou « non mort » en roumain. Or, dans cette langue, vampire se dit vampir et non-mort : strigoi (qui a la même étymologie que « stryge »). Quant à Nosferatu, dont la forme roumaine est nesuferitu (littéralement « l’insupportable »), il désigne « l’innommable », le démon. D’ailleurs, sur les cartes disponibles à l’époque, Stoker a cherché les noms des lieux où Vlad Țepeș et ses contemporains ont fait campagne, et comme la Transylvanie était austro-hongroise à la fin du xixe siècle, dans le roman, les noms de lieux sont donnés dans leur forme allemande : cela a peut-être contribué au succès que le personnage de Dracula et son avatar Nosferatu connurent en milieu germanophone.

Enfin, Stoker place dans la bouche de Van Helsing des références aux théories criminologiques de son époque, notamment celles de Max Nordau sur la « dégénérescence sociale » et celles de Cesare Lombroso qui considère le criminel comme un être infantile. Dans le roman, il est également question d’hypnose, de transfusion sanguine et d’une découverte zoologique qui avait fasciné un public friand d’animaux exotiques : l’existence, en Amérique du Sud, d’une famille de chauves-souris hématophages, aussitôt baptisées « vampires ».

Jonathan Harker, en voyage d’affaires en Europe de l’Est, décrit son périple à travers l’une des régions les plus isolées de l’Europe. Il part à la rencontre d’un noble de Transylvanie, le comte Dracula avec qui il doit engager une transaction immobilière. Au vieil hôtel de Bistritz où il séjourne avant la dernière étape du voyage, une lettre de Dracula l’attend. Jonathan se repose avant de partir, le lendemain, pour le col de Borgo (col de Tihuța), où l’attendra la voiture du comte.

Le propriétaire de l’hôtel et son épouse essaient de dissuader Jonathan de se rendre au château de Dracula, l’avertissant que le lendemain est le jour de Saint-Georges et qu’à la veille, à minuit, le Mal est à son apogée. Quand il insiste sur son devoir, l’épouse de l’aubergiste lui offre son crucifix, que ce dernier refuse dans un premier temps, y voyant de l’idolâtrie), avant de l’accepter. Sur le trajet de la diligence, ses compagnons de voyage, en apprenant où il va, le traitent avec une sorte de sympathie préoccupée, lui donnant des cadeaux et le protégeant avec des charmes.

Le cocher parvient au col de Borgo avec une heure d’avance, il essaye alors de convaincre Jonathan que le cocher de Dracula pourrait ne pas venir ce soir et qu’il devrait poursuivre avec le reste des voyageurs jusqu’en Bucovine. À ce moment, un cocher au regard effrayant arrive sur une dilligence tirée par quatre chevaux noirs et embarque Jonathan. À plusieurs reprises des loups suivent la voiture, le trajet se termine sur l’apparition du château de Dracula.

Jonathan est déposé au grand Château de Dracula, où il est accueilli par le Comte lui-même. Le comte est « un grand vieillard, rasé de près, si l’on excepte sa longue moustache blanche, et vêtu de noir des pieds à la tête […] mains aussi froides que de la glace, elles ressemblaient davantage aux mains d’un mort qu’à celles d’un vivant. […] elles étaient grossières : larges, avec des doigts courts et gros. […] le milieu des paumes était couvert de poils. Toutefois, les ongles étaient longs et fins, taillés en pointes ». Dracula montre sa chambre à Jonathan avant de le conduire à une salle à manger où l’attend un excellent dîner, auquel le Comte ne touche pas. Les deux hommes sont toujours éveillés à la venue de l’aube, quand Dracula prend congé.

Jonathan Harker aperçoit le comte ramper le long du mur du château.
Jonathan dort jusqu’à très tard dans la journée, se réveillant en début de soirée pour prendre son petit déjeuner. Dracula est absent, mais une note dit à Jonathan d’attendre le retour du Comte. La demeure n’a aucun domestique, bien que les meubles et le service de table montrent que le Comte est riche. Il n’y a aussi aucun miroir nulle part. Jonathan erre dans une énorme bibliothèque, où il trouve beaucoup de livres. Le comte le trouve là et l’assaille de questions relatives à l’Angleterre. Le comte planifie d’acheter un grand domaine anglais appelé Carfax. C’est une gigantesque demeure, semblable au château, construite de lourdes pierres sur un grand terrain.

Jonathan se retire dans sa chambre, dort seulement quelques heures. Il utilise son propre petit miroir afin de se raser, sans entendre Dracula s’approcher derrière lui. Surpris par la présence du comte, Jonathan se coupe avec son rasoir puis constate que le miroir ne reflète pas l’image de son hôte. En voyant le sang couler de la coupure, le comte surexcité saisit brusquement Jonathan à la gorge mais se ressaisit sur-le-champ lorsque sa main touche les perles du crucifix du jeune Anglais. Dracula avertit alors le jeune homme qu’il est dangereux de se couper avant de jeter le miroir par la fenêtre.

Jonathan erre autour du château et il apprend qu’il est construit sur le « rebord même d’un précipice impressionnant ». Sur le côté sud, l’à-pic est d’au moins mille pieds. Continuant à errer, Jonathan se rend compte que toutes les sorties du château ont été verrouillées et qu’il en est prisonnier. Quand il se rend compte qu’il est pris au piège, il est enfin en mesure de réaliser le danger qui pèse sur lui. Il décide de ne rien dire au comte, qui en est manifestement responsable. Ses soupçons quant à l’absence de tout domestique sont confirmés et Jonathan se demande si le cocher n’était pas aussi le comte Dracula déguisé. Plus tard, le comte dit à Jonathan qu’il devrait rester au château pendant un autre mois pour l’aider à s’occuper de ses intérêts Jonathan se rend compte qu’il doit se soumettre. Non seulement est-il un prisonnier, mais de plus il estime toujours qu’il en va de l’intérêt de son employeur, Peter Hawkins. Cette nuit-là, en regardant en bas du vaste espace ouvert sur le côté sud du château, Jonathan voit le comte ramper le long du mur, la tête en bas.

Une nuit plus tard, il observe que le comte quitte le château par cette voie. Il profite de l’opportunité pour explorer l’endroit. Il découvre une aile du château vaste et inexplorée, tombant en ruine. Ne tenant pas compte de l’avertissement du comte, il s’y endort et fait un rêve de trois belles femmes qui entrent dans la chambre et discutent de qui allait l’« embrasser » la première. Jonathan est simultanément rempli de crainte et de désir et ne bouge pas, mais continue à observer les femmes, les yeux mi-clos. L’une d’elles se penche sur lui et commence à le mordre au cou, quand le comte apparaît tout à coup et les repousse. Il déclare que Harker lui appartient mais leur promet aussi qu’elles pourront l’avoir une fois qu’il en aura terminé avec lui ; puis il leur donne un petit sac qui gémit comme si un enfant était à l’intérieur. Horrifié, Jonathan perd connaissance.

Après le succès du roman de Stoker, le personnage de Dracula devint l’un des plus vigoureux mythes modernes, donnant naissance à une riche littérature fantastique autour du thème des vampires. Dans un article intitulé Les Avatars de Dracula dans la littérature contemporaine11, Jean Marigny retrace l’histoire de cette littérature qui s’est développée depuis la seconde moitié du XXe siècle et qui a su épouser des genres littéraires fort diversifiés et parfois inattendus : fantastique, bien entendu, mais également érotique, historique, policier, science-fiction, parodie, et même jeunesse. La qualité de ces écrits est extrêmement variable. Certaines œuvres prêtent néanmoins au célèbre vampire une complexité intéressante, et révèlent le conflit qu’il incarne entre Éros et Thanatos, construisant un personnage tourmenté, damné.

Gérard Lopez en fait l’archétype du pervers qui réifie sa proie au niveau interpersonnel, familial, amoureux ou social dans son ouvrage Le Vampirisme au quotidien (2001).

Une suite Dracula l’Immortel a été écrite par l’arrière-petit-neveu de Bram Stoker, Dacre Stoker, et un ami passionné Ian Holt. C’est la seule œuvre littéraire écrite après la mort de Bram Stoker qui soit soutenue par la famille de l’auteur.

Le prequel Dracula, les origines écrit par Dacre Stoker et J.D. Barker, racontant les origines de Dracula et s’inspirant de la vie de Bram Stoker, a été publié fin 2018.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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