Chiune Sugihara, diplomate.

Chiune Sugihara (杉原 千畝, Sugihara Chiune?), aussi appelé Sempo Sugiwara ou Chiune Sempo Sugihara, et surnommé le Schindler japonais (1er janvier 1900 – 31 juillet 1986), est un diplomate japonais orthodoxe qui sauve des milliers de Juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Il occupe alors le poste de consul du Japon à Kaunas, en Lituanie.


Chiune Sugihara naît le 1er janvier 1900 (année 33 de l’ère impériale Meiji), près du temple bouddhiste Kyosen-ji (教泉寺) dans le quartier Kitayama du village de Yaotsu (八百津) près de la ville de Mino dans la préfecture de Gifu, d’un père de la classe moyenne travaillant dans un bureau fiscal de la ville de Kozuchi, Yoshimi Sugihara (杉原好水 Sugihara Yoshimi) et d’une mère de classe moyenne supérieure, Yatsu Sugihara (杉原やつ Sugihara Yatsu). Chiune est le deuxième fils d’une fratrie de cinq garçons et une fille.

Son père et sa famille déménagent plusieurs fois : à Nagoya (préfecture de Aichi), en 1903 à Asahi (préfecture de Fukui), en 1904 à Yokkaichi (préfecture de Mie), en 1905 à Nakatsu (préfecture de Gifu).

Le 2 avril 1906, Chiune entre à l’école élémentaire municipale de Nakatsu (maintenant Nakatsugawa dans la préfecture de Gifu). Le 31 mars 1907, il est transféré à l’école primaire municipale de Kuwana dans la préfecture de Mie (actuellement école élémentaire municipale de Nissin). En décembre de cette même année, il entre à l’école élémentaire municipale Nagoya de Furuwatari (maintenant école primaire municipale Heiwa Nagoya) où en 1912, il obtient les honneurs de l’école. Il entre ensuite à l’école secondaire de la préfecture d’Aichi (maintenant lycée Zuiryo), un groupe scolaire collège-lycée.

À la fin de cette scolarité, son père voulait qu’il devienne médecin mais Chiune échoue délibérément à l’examen d’entrée d’études en rendant copie blanche. Au lieu de cela, il entre à l’université de Waseda en 1918 (7 de l’ère Taishō) et en sort diplômé en langue anglaise. À cette époque, il est inscrit également à Yuai Gakusha, la fraternité chrétienne fondée par le pasteur baptiste Harry Baxter Benninhof, afin d’améliorer son anglais.

En 1919, il passe l’examen des bourses d’études du ministère des Affaires étrangères. De 1920 à 1922, Sugihara sert dans l’armée impériale comme lieutenant dans le 79e d’infanterie, stationné en Corée, qui était alors une colonie japonaise. Il démissionne de son poste en novembre 1922 et s’engage dans les examens de qualification linguistique du ministère des Affaires étrangères l’année suivante, en passant l’examen russe avec les honneurs. Le ministère japonais des Affaires étrangères le recrute et l’affecte à Harbin en Chine où il étudie également les langues russe et allemande et il devient ainsi plus tard un expert des affaires russes.

Lorsque Sugihara travaille au ministère des Affaires étrangères mandchoue, il participe aux négociations avec l’Union soviétique concernant le chemin de fer de Mandchourie du Nord (東清鐵路), le CER.

Pendant son séjour à Harbin, Sugihara se marie à Klaudia Semionovna Apollonova et pour ce mariage, se convertit au christianisme de l’église orthodoxe russe sous le nom de baptême de Sergueï Pavlovitch.

En 1935, Sugihara quitte son poste de ministre adjoint aux Affaires étrangères en Mandchourie pour protester contre les mauvais traitements infligés par les Japonais aux Chinois locaux.

Sugihara et sa femme divorcent en 1935, avant son retour au Japon, où il épouse Yukiko Kikuchi, devenue Yukiko Sugihara (杉原幸子 Sugihara Yukiko, 1913-2008). Le couple aura quatre fils (Hiroki, Chiaki, Haruki et Nobuki – ce dernier, plus tard, représentera la famille Sugihara). Chiune Sugihara travaille également au département de l’information du ministère des Affaires étrangères et comme interprète pour la délégation japonaise à Helsinki en Finlande.

En 1939, Sugihara devient vice-consul du Consulat du Japon à Kaunas en Lituanie. Ses fonctions comprennent des rapports sur les mouvements des troupes soviétiques et allemandes, et la recherche d’attaques de l’Allemagne contre les Soviétiques pour, le cas échéant, signaler ces détails à ses supérieurs à Tokyo et à Berlin.

Sugihara coopère avec les renseignements polonais dans le cadre d’un vaste plan de coopération japonais-polonais4. Comme l’Union soviétique occupe la Lituanie en 1940, de nombreux réfugiés juifs de Pologne (Juifs polonais) ainsi que des Juifs lituaniens essaient d’acquérir un visa de sortie. Sans visa, il est dangereux de voyager, mais en l’occurrence, il est surtout impossible de trouver des pays prêts à les délivrer. Des centaines de réfugiés viennent aux portes de tous les consulats dont le consulat japonais à Kaunas, en essayant d’obtenir un visa pour le Japon. À l’époque, au bord de la guerre, les Juifs lituaniens forment un tiers de la population urbaine de la Lituanie et la moitié des habitants de chaque ville.

Le gouvernement japonais exige que les visas soient délivrés aux seules personnes qui sont passées par les procédures d’immigration appropriées et ont suffisamment de fonds mais la plupart des réfugiés ne remplissent pas ces critères. Sugihara contacte docilement le ministère japonais des Affaires étrangères à trois reprises pour obtenir des instructions à ce propos. À chaque fois, le ministère répond qu’il ne doit être accordé aucun visa pour le Japon sans qu’il y ait un autre visa pour une troisième destination après avoir quitté le Japon, et ce, sans exception.

Dans la période allant du 16 juillet au 3 août 1940, le consul honoraire néerlandais Jan Zwartendijk fournit à des Juifs plus de 2 200 visas comprenant une troisième destination officielle à Curaçao, une île des Caraïbes et colonie hollandaise qui n’exigeait pas de visa d’entrée, ou en Guyane néerlandaise (le Suriname devenu indépendant en 1975).

En bonne intelligence avec son confrère néerlandais Zwartendijk — car conscient comme lui du fait que les demandeurs sont en grand danger s’ils restent sur place —, Sugihara décide d’ignorer les ordres de ses supérieurs et du 18 juillet au 28 août 1940, il émet des visas de transit de dix jours vers le Japon pour les Juifs accourus à son bureau. Compte tenu de son poste subalterne et la culture de la bureaucratie et de la hiérarchie des services japonais, c’est un acte inhabituel de désobéissance. Sugihara parle en outre aux fonctionnaires soviétiques qui acceptent de laisser les Juifs voyager à travers le pays via le Transsibérien pour cinq fois le prix du billet standard.

Sa démarche apparaît purement humaniste et désintéressée car non seulement il n’en tira aucun avantage, mais il fut congédié et sa carrière fut brisée par son action : il est exclu du corps diplomatique japonais en 19456. Ce n’est qu’après sa mort que l’État japonais l’a réhabilité. Quand on lui demanda pourquoi il avait risqué sa carrière, voire sa vie, pour aider d’autres personnes, il aurait répondu, citant un adage samouraï : « Même un chasseur ne peut tuer l’oiseau qui vole vers lui en cherchant un refuge. »

Sugihara continue d’écrire des visas à la main à raison de 18 à 20 heures par jour, produisant la valeur d’un mois normal de visas quotidiennement (environ 300 par jour), et ce, jusqu’au 4 septembre 1940 quand il doit quitter son poste avant que son consulat ne ferme. À cette époque, il avait accordé des milliers de visas aux Juifs dont beaucoup étaient chefs de famille et donc autorisés à prendre leurs familles avec eux. Avant son départ, il remet le tampon officiel consulaire à un réfugié afin que  davantage de visas soient émis après lui. Alors qu’il se préparait à partir, Sugihara dit : « S’il vous plaît, pardonnez-moi. Je ne peux pas écrire plus. Je vous souhaite le meilleur. » Quand il salue profondément le peuple amassé devant lui, quelqu’un hurle : « Sugihara, nous ne vous oublierons jamais. Je vais sûrement vous revoir ! ». Selon des témoins, il était toujours en train d’écrire des visas après avoir quitté son hôtel, en transit vers la gare de Kaunas et après être monté à bord du train, jetant par sa fenêtre des visas à la foule des réfugiés désespérés alors même que le train était sorti de gare. En désespoir de cause, des feuilles de papier vierge avec seulement le sceau consulaire et sa signature étaient hâtivement préparées et jetées hors du train.

Sugihara s’est interrogé sur la réaction officielle aux milliers de visas qu’il a émis. Plusieurs années plus tard, il rappelle : « Personne n’a jamais rien dit à ce sujet. Je me souviens avoir pensé qu’ils ne se rendaient probablement pas compte du nombre que j’ai réellement émis. »

Sugihara est réaffecté à Königsberg en Prusse orientale9 avant de servir en tant que consul général à Prague en Tchécoslovaquie de mars 1941 à la fin de 1942, et dans la légation à Bucarest en Roumanie de 1942 à 1944. Il est promu au rang de troisième secrétaire en 1943, et est décoré de l’Ordre du trésor Sacré de 5e classe, en 1944.

Lorsque les troupes soviétiques entrent en Roumanie, elles emprisonnent Sugihara et sa famille dans un camp en tant que prisonniers de guerre (POW) pendant dix-huit mois. Les Sugihara sont libérés en 1946 et retournent au Japon via l’Union soviétique par le chemin de fer Transsibérien jusqu’au port russe de Nakhodka qui donne sur la mer du Japon.

En 1947, le ministère des Affaires étrangères japonais demande à Chiune Sugihara de démissionner, en raison de la réduction des effectifs. Il est donc exclu du corps diplomatique japonais. Certaines sources, y compris sa femme Yukiko Sugihara, affirment que le ministère des Affaires étrangères a dit à Sugihara qu’il était licencié en raison de « cet incident » en Lituanie.

Sugihara s’installe à Fujisawa dans la préfecture de Kanagawa avec sa femme et ses trois fils. Pour faire vivre sa famille, il doit prendre une série de petits emplois, notamment celui de vendeur d’ampoules en faisant du porte à porte.

Une tragédie personnelle le frappe en 1947 quand son plus jeune fils,  Haruki, meurt d’une leucémie à l’âge de sept ans, peu de temps après son retour au Japon. En 1949, les Sugihara avaient encore un enfant, Nobuki, qui est leur dernier fils vivant (représentant la famille Sugihara), et résident en Belgique. Sugihara commencera plus tard à travailler pour une société d’exportation en tant que directeur général de l’US Military Post Exchange. Utilisant sa maîtrise de la langue russe, Sugihara est allé, pendant 16 ans, travailler et vivre une vie modeste en Union soviétique, alors que sa famille restait au Japon.

Sugihara meurt le 31 juillet 1986 dans un hôpital de Kamakura. Malgré la publicité que lui a donné Israël et d’autres pays, il reste pratiquement inconnu dans son pays d’origine. C’est seulement quand une importante délégation juive venue du monde entier, notamment l’ambassadeur d’Israël au Japon, assiste à ses funérailles, que ses voisins apprennent ce qu’il avait fait pendant la guerre. Ce n’est qu’après sa mort que l’État japonais le réhabilite. Il peut avoir perdu sa carrière diplomatique, mais il a reçu beaucoup d’éloges à titre posthume.

Source : Wikipédia.

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