Vuk Stefanović Karadžić, écrivain, folkloriste et linguiste.

Vuk Stefanović Karadžić (en serbe cyrillique : Вук Стефановић Караџић), né le 7 novembre 1787 à Tršić et mort le 7 février 1864 à Vienne) est un écrivain, un folkloriste et un linguiste serbe. Il a été membre de la Société de lettres serbe (DSS), l’ancêtre de l’Académie serbe des sciences et des arts, et il figure sur la liste des 100 Serbes les plus éminents choisis par un comité d’académiciens de l’Académie serbe des sciences et des arts.

Vuk Stefanović Karadžić est le principal réformateur  du serbe moderne et, notamment, de la langue littéraire serbe. Pour sa collecte et sa préservation du folklore serbe, l’Encyclopædia Britannica l’a désigné comme « le père de l’érudition en matière de littérature populaire serbe »8. Il a également été l’auteur du premier dictionnaire serbe dans la langue rénovée. En plus, il a traduit le Nouveau Testament dans l’écriture et la langue serbes renouvelée.

Il était bien connu dans les milieux intellectuels à l’étranger, notamment par Jacob Grimm, Goethe et l’historien Leopold von Ranke. Karadžić a servi de source primaire à Ranke pour son ouvrage Die serbische Revolution (La Révolution serbe), écrit en 1829.


Karadzic, carte maximum, Yougoslavie.

Vuk Karadžić est le fils de Stefan et de Jegda (née Zrnić) ; il est né en 1787 dans le village de Tršić, près de Loznica, une ville qui se trouvait alors dans l’Empire ottoman. Sa famille paternelle était issue de la tribu des Drobnjaci et sa mère était née à Ozrinići, près de Nikšić (aujourd’hui au Monténégro). Comme il était le seul enfant à avoir survécu à six autres frères et sœurs, il a été appelé « Vuk », c’est-à-dire « le loup » en serbe, ce prénom étant destiné à le protéger « des sorcières et des fantômes ».

Il a appris à lire et à écrire avec son cousin Jevta Savić-Čotrić (1767-1820 ou 1821) qui était alors un des rares hommes alphabétisés de la région. Plus tard, Vuk a dit de lui qu’il a été son « premier professeur » et qu’« il savait lire et écrire mieux que tous les prêtres et les moines et mieux que de nombreux anciens scribes de Serbie et même mieux que le premier secrétaire de Karađorđe, Janićije Dimitrijević ». Il a été ensuite scolarisé à Loznica mais, parce qu’il était malade, il a dû interrompre ses études. En 1797, ses parents l’ont placé à l’école du monastère de Tronoša mais, comme, selon eux, il passait plus de temps à s’occuper du bétail qu’à étudier, ils l’ont retiré du monastère.

Avant le début du premier soulèvement serbe contre les Ottomans, Vuk a travaillé comme secrétaire pour Đorđe Ćurčija, le haïdouk harambaša (haïdouk en chef) de la région de Cer. En 1804, il a tenté de s’inscrire au lycée de Sremski Karlovci mais son inscription a été rejetée parce qu’il avait dix-sept ans et était trop âgé ; il a alors passé quelque temps au séminaire de Karlovci où il a eu comme professeur Lukijan Mušicki puis il a déménagé à Petrinja où il a étudié le latin et l’allemand11. Persistant dans son intention d’étudier, Vuk est allé à Belgrade pour demander de l’aide à Dositej Obradović dans la poursuite de ses études ; cependant Dositej l’a éconduit et Vuk est reparti pour sa région d’origine du Jadar. Pendant un certain temps, il a travaillé comme secrétaire du voïvode Jakov Nenadović, l’un des fondateurs du Conseil d’administration serbe (en serbe : Praviteljstvujušči sovjet serbski), le gouvernement d’insurrection du premier soulèvement serbe contre les Ottomans. Après que son cousin Jevta Savić est devenu membre du Conseil, Vuk a déménagé à Belgrade et est devenu son secrétaire.

En septembre 1808, Dositej Obradović a ouvert le premier lycée de Belgrade avec un discours Sur le respect de la science. La classe de 20 étudiants était composée, entre autres, d’Aleksa Karađorđević, de Milan et d’Ivan Stojković, de Milosav Zdravković et de Vuk Karadžić. La salle de classe de la première école a été consacrée par le métropolite de Belgrade Leontios et assistaient à la cérémonie d’inauguration les membres du Conseil d’administration. En plus des sciences générales, les étudiants de la Haute école de Dositej (c’était le nom de la nouvelle institution ; en serbe : Velika škola) ont également étudié les institutions des pays européens modernes et leur système juridique ; ils ont également étudié la philosophie et les langues étrangères, de sorte que cette école peut être considérée comme le précurseur de l’université de Belgrade. Cependant, Vuk est vite tombé malade et il s’est rendu à Novi Sad et à Pest pour se faire soigner. En 1810, il est retourné en Serbie et a travaillé comme instituteur puis il s’est installé dans la krajina de Negotin, où il a travaillé comme secrétaire de Jevta Savić11. Après l’échec du premier soulèvement serbe en 1813, il a gagné Zemun, qui, à l’époque, était une terre autrichienne, d’où il s’est rapidement rendu à Vienne.

En tant que témoin du premier soulèvement serbe, Vuk a rassemblé une grande quantité de documents sur les événements qui se sont déroulés en Serbie jusqu’en 1814 ; il a décrit les événements du règne du prince Miloš Obrenović dans le livre Miloš Obrenović knjaz Serbije (Miloš Obrenović, prince de Serbie), publié en 1828. Il a également écrit des monographies historiques sur des personnages célèbres de ce temps-là comme Veljko Petrović (Haïdouk Veljko), Miloje Petrović, Milenko Stojković, Petar Dobrnjac et Hadži-Ruvim.

Dans la capitale autrichienne, Vuk a fait la connaissance d’Anna Maria Kraus, une jeune fille de dix-huit ans ; elle était la fille de son propriétaire et aussi un riche marchand ; il est tombé amoureux d’Anna et a décidé de l’épouser ; ensemble, ils ont eu treize enfants, dont onze sont morts dans l’enfance ou au début de l’adolescence. Il ne leur restait plus qu’une fille, Mina (1828-1894), et un fils, Dimitrije (1836-1883), que leur mère a élevés seule parce que Vuk se rendait souvent en Serbie où il rassemblait des objets folkloriques et du matériel historique. Ses lettres font comprendre qu’elle-même ne voulait pas vivre en Serbie, un pays dont les coutumes et les mœurs lui très étranges, voire étrangers.

À Vienne, Vuk a publié un article sur l’échec du premier soulèvement serbe, qui a attiré l’attention de Jernej Kopitar (1780-1844), un linguistique et un philologue slovène. Sur ses conseils mais aussi avec son aide, Karadžić a commencé à collecter des chansons folkloriques et à travailler sur la grammaire de la langue vernaculaire. L’influence de Kopitar a aidé Karadžić dans son combat pour réformer la langue serbe et son orthographe. Dans son travail de linguiste, il a également été influencé par le linguiste et philologue croate Sava Mrkalj.

En 1814, il a publié à Vienne un recueil de chansons folkloriques intitulé Mala prostonarodna slaveno-serbska pjesnarica (Un petit recueil de chansons folkloriques slavo-serbes) et, la même année, il a publié Pismenicu srbskoga jezika po govoru prostoga naroda napisanu (Un écrivain de langue serbe écrit dans la langue des gens ordinaires). Bien qu’elle soit incomplète et imparfaite, c’était la première grammaire de la langue serbe vernaculaire ; dans son travail, Vuk s’est appuyé sur la grammaire de la langue slavo-serbe d’Avram Mrazović, publiée au XVIIIe siècle. En 1815, il a publié un autre recueil de chansons folkloriques intitulé Narodna serbska pesnarica, également imprimés à Vienne, car, en raison de désaccords avec le prince Miloš Obrenović, l’impression des livres de Vuk a été interdite en Serbie ; ce nouveau recueil rassemblait environ 100 poèmes lyriques et 17 poèmes épiques, chansons de la région de Syrmie et de ses environs, ainsi que des chansons psalmodiées par Tešan Podlugović et Filip Višnjić.

Avec la coopération de Kopitar, Vuk a compilé le Srpski rječnik (Dictionnaire serbe), dont le nom complet était Srpski rječnik istolkovan njemačkim i latinskim riječma (Dictionnaire serbe mis en parallèle avec des mots allemands et latin), paru à Vienne en 181820 ; cette première édition contenait environ 26 000 mots, empruntés au parler des habitants de Serbie, de Syrmie et de Voïvodine. La deuxième édition, préparée avec l’aide du jeune philologue Đuro Daničić (1852), contient environ 47 000 mots, recueillis dans une région linguistique plus large. Le dictionnaire Vuk n’est pas seulement un ouvrage lexicographique ordinaire mais aussi une encyclopédie de la vie du peuple serbe, qui décrit les croyances populaires, les coutumes, les costumes, les relations sociales, la vie politique, la flore et la faune, l’éducation et les écoles, les armes et les outils : l’œuvre est abondamment illustrée de contes populaires et d’extraits de poèmes lyriques et épiques. À ce titre, le dictionnaire est une synthèse de l’ensemble de l’œuvre de Vuk : toutes les branches de son activité y sont représentées : philologie et ethnologie, histoire et objets folkloriques etc.

Toujours en 1818, il a fait paraître une édition augmentée de sa grammaire, qui change radicalement la compréhension antérieure des règles linguistiques. Dans cet ouvrage, il a grandement simplifié l’alphabet et l’orthographe et il a utilisé le principe de Johann Christoph Adelung (1732-1806) : « Écrivez comme vous parlez et lisez comme il est écrit » ; car, contrairement au philologue Sava Mrkalj, Vuk pensait que chaque son (ou phonème) ne devait correspondre qu’à une seule lettre, ce qui simplifiait grandement la grammaire et l’orthographe.

En 1824, Vuk a envoyé son recueil des chansons populaires qu’il avait collectées à Jacob Grimm, qui a été particulièrement séduit par Zidanje Skadra (La Construction de Skadar), une poésie épique serbe du XIVe siècle, que Karadžić avait retranscrite d’après le conteur Starac Raško ; Grimm a traduit le texte en allemand, le décrivant comme « un des poèmes les plus touchants de tous les pays et de tous les temps » Il a envoyé sa traduction à Goethe, qui, tout en ne partageant pas l’enthousiasme de Grimm car il trouvait le poème « superstitieusement barbare », l’a fait éditer. Les fondateurs de l’école romantique en France, Charles Nodier, Prosper Mérimée, Alphonse de Lamartine, Gérard de Nerval et Claude Fauriel ont aussi traduit un grand nombre de ces poèmes en français et ils ont aussi attiré l’attention du russe Alexandre Pouchkine, du poète national finnois Johan Ludvig Runeberg, du tchèque Samuel Rožnay, du polonais Kazimierz Brodziński, des écrains anglais Walter Scott, Owen Meredith et John Bowring, entre autres.

Karadžić a continué à recueillir des chansons populaires dans les années 183026. Il est arrivé au Monténégro à l’automne 1834. Bien qu’infirme, il est descendu jusqu’à la baie de Kotor pour y passer l’hiver et il est rentré au printemps 1835. C’est là que Karadžić a rencontré Vuk Vrčević, un aspirant littérateur, né à Risan. Vrčević est alors devenu le fidèle collaborateur de Karadžić ; il collectait pour lui des chansons populaires et des contes et les lui envoyait à Vienne. Un autre de ses collaborateur a été un prêtre de la baie de Kotor nommé Vuk Popović. Vrčević et Popović se sont donnés corps et âme à la reche des matériaux ethographiques, folkloriques et lexicaux dont Karadžić avait besoin. Plus tard, d’autres collaborateurs ont rejoints  Karadžić, dont Milan Đ. Milićević.

La plupart des ouvrages de Karadžić ont été interdits de publication en Serbie, et même en Autriche, pendant le règne du prince Miloš Obrenović. D’un point de vue politique, Obrenović considérait pour de nombreuses raisons les travaux de Karadžić une variable potentiellement risquée ; il pensait que, quelque poétiques que soient ses travaux, ils étaient susceptibles de réveiller un certain patriotisme au sein de la population et pouvait l’encourager à prendre les armes contre les Ottomans ; cette possibilité contrariait la politique du prince qui sohaitait conclure vaille que vaille la paix avec la Sublime Porte. En revanche, au Monténégro, l’imprimerie de Njegoš fonctionnait sans utiliser les lettres « archaïques », connues sous le nom de « signe dur ». Miloš en voulait à Njegoš d’abandonner le signe dur, sujet sur lequel des batailles intellectuelles faisaient rages, impliquant également la hiérarchie de l’Église. En revanche, les travaux de Karadžić ont été loués et reconnus ailleurs, notamment dans l’Empire russe, où le tsar lui a attribué une pension en 1826. Malgré l’enthousiasme suscité par les travaux de Vuk, il a rencontré une grande opposition chez les intellectuels serbes, comme le métropolite de Karlovci Stefan Stratimirović, qui n’était pas d’accord avec ses idées et a réussi à empêcher la publication de ses œuvres folkloriques, ou encore Jovan Hadžić, le fondateur et le premier président de la Matica srpska à Novi Sad, avec qui il a entretenu une polémique de près de dix ans. Malgré cette opposition, en 1836, un recueil de Proverbes populaires serbes, dédié au prince-évêque du Monténégro Petar II Petrović-Njegoš, a été publié à Cetinje11. Malgré tout, la controverse s’est poursuivie jusqu’en 1847 et s’est terminée par ce qui est considéré comme une victoire pour les idées de Vuk ; car cette année-là, quatre ouvrages ont été publiés dans la langue vernaculaire : une traduction du Nouveau Testament par Vuk, une discussion sur la langue intitulée De la guerre pour la langue et l’orthographe serbe (Rat za srpski jezik i pravopis) par Đuro Daničić, les Poèmes (Pesme) de Branko Radičević et les Lauriers de la montagne (Gorski vijenac) par Petar Petrović Njegoš. De fait, l’évêque Petar Petrović Njegoš du Monténégro et des collines a soutenu les idées de Vuk et sa réforme linguistique, les appelant « le salut spirituel du peuple serbe ».

Vuk est mort à Vienne et sa dépouille a été rapatriée à Belgrade en 1897 ; il a été enterré avec les plus grands honneurs à côté de la tombe de Dositej Obradović, sur le parvis de la cathédrale Saint-Michel.

 

 

 

Source : Wikipédia.

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