Stjepan Radić, homme politique.

Stjepan Radić (né le 11 juin 1871 à Trebarjevo près de Sisak, Autriche-Hongrie – assassiné le 8 août 1928 à Zagreb, Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes) était un homme politique croate, fondateur du Parti paysan croate (en croate Hrvatska Seljačka Stranka, HSS) en 1905. Il réussit à unifier la population rurale croate en une force politique viable.

Il s’était opposé à l’union de l’État des Slovènes, Croates et Serbes avec le royaume de Serbie puis à l’hégémonie serbe au sein du Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes. Il devient une importante personnalité politique du pays et est assassiné par Puniša Račić, un Monténégrin du Parti radical populaire serbe, un geste qui a par la suite causé de nombreuses tensions entre les Croates et les Serbes.

Sa mort violente fait de lui un héros de la cause nationale croate.


Après la Première Guerre mondiale, Stjepan Radić devient un personnage politique croate de premier plan en s’opposant à la dilution de la Croatie dans un Royaume de Serbie qui ne garantirait pas une autonomie de la Croatie. Le 24 novembre 1918, craignant que la Croatie devienne un acteur mineur au sein d’un état dominé par le Serbes, il déclara cette phrase restée célèbre aux délégués assistant à une session : de ne pas « […] se précipiter comme des oies saoules dans le brouillard […] ».

Sous la pression des Grandes Puissances (la France, le Royaume-Uni, les États-Unis), et tout en respectant les accords secrets entre la Triple-Entente et le royaume de Serbie, le Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes est créé en 1918, et deux représentants du parti de Radić (appelé alors le Parti populaire paysan) furent mandatés au Conseil représentatif provisoire qui servit de Parlement jusqu’à ce que se tiennent des élections constituantes. Les partis représentés, cependant, refusèrent de siéger.

Le 8 mars 1919, le Comité central du PPP vote une résolution déclarant que « les citoyens croates ne reconnaissent pas le Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes de la dynastie Karađorđević car ce Royaume a été proclamé autrement que par le Sabor (parlement) croate et sans aucun mandat du peuple croate ». Le texte original a été traduit en français et expédié à l’étranger ; il a précipité la décision du gouvernement d’arrêter Radić ainsi que de nombreux autres membres du parti.

Il fut détenu pendant 11 mois jusqu’à février 1920, juste avant les premières élections législatives du Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes devant se tenir en novembre 1920. La participation fut de 230 590 suffrages en Croatie, correspondant à 50 sièges sur un total de 419. Avant la première session parlementaire, après une manifestation géante rassemblant 100 000 personnes à Zagreb, Stjepan Radić et le PPP (qui a changé son nom juste après en PPCR – Parti paysan croate républicain) tinrent un meeting extraordinaire lors duquel une motion fut présentée et votée, selon laquelle le PPCR ne prendra pas part aux discussions parlementaires avant que les litiges avec la Serbie ne soient résolus sur le plan de la gouvernance, le point le plus marquant étant la minoration du peuple croate et les pouvoirs directs du Roi sur le gouvernement central de Belgrade.

Le 12 décembre 1920, le Parlement du Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes eut sa première session, sans les représentants du HSS (50 députés) et du Parti croate du Droit (2 députés). Le 28 juin 1921, la constitution du Royaume des SHS (la constitution Vidovdan) fut adoptée après le vote des 223 députés sur un total de 285 présents (soit une confortable majorité de 78,24 % parmi les présents), représentant un quorum maximal de 53,2 % sur un nombre total de députés étant de 419. Le parlement étant censé voter une nouvelle constitution dans le cadre d’une assemblée constituante, la majorité fut donc en fait très faible.

Les élections législatives suivantes se tenant en mars 1923, Stjepan Radić et le PPC essayèrent de mobiliser l’électorat contre le gouvernement central. Le Parti paysan croate républicain remporta 70 sièges avec 473 733  suffrages exprimés, ce qui représentait la majorité de l’électorat en Croatie septentrionale et méridionale, ainsi que l’électorat croate en Bosnie et en Herzégovine.

Radić persistait dans l’idée d’une Croatie indépendante, et tint le parti en dehors du parlement en signe de protestation. Ceci permit au premier ministre Nikola Pašić de renforcer le pouvoir de son gouvernement dominé par les Serbes. À son retour d’une tournée à l’étranger en 1923 pendant laquelle Stjepan Radić visita le Royaume-Uni (pendant 5 mois), l’Autriche (5 mois), et l’URSS (2 mois), il fut arrêté à Zagreb et condamné pour association avec les communistes Soviétiques. Ce voyage avait en effet pour but de plaider la cause les Croates opposés au Royaume des SHS et  d’internationaliser la lutte.

À sa sortie de prison, Stjepan Radić revint en politique, non sans difficultés. Le 23 décembre 1923, le gouvernement central dominé par les Serbes déclara dans la résolution Obzana que son parti PPCR était en infraction avec la loi de sécurité intérieure de 1921, ce qui fut confirmé par le roi Aleksandar Karađorđević le 1er janvier 1924, déclenchant le 2 janvier 1925 l’arrestation des dirigeants du PPCR et de Stjepan Radić, le 5 janvier.

Après les élections législatives de février 1925, même avec tous ses  dirigeants derrière les barreaux, excepté Stjepan Radić, le PPCR remporta 67 sièges avec 532 872 suffrages. Même si la participation fut plus forte qu’à la précédente élection, un minutieux redécoupage des circonscriptions par le gouvernement central permit au PPCR de remporter moins de sièges. Afin de renforcer son pouvoir de négociation, le Parti paysan croate républicain entra en coalition avec le Parti démocrate (Demokratska stranka), le Parti populaire slovène (Slovenska ljudska stranka) et l’Organisation musulmane yougoslave (Jugoslavenska Muslimanska Organizacija).

Immédiatement après les élections législatives en mars 1925, le PPCR changea son nom en Parti Paysan Croate (Hrvatska Seljačka Stranka)1. Avec le soutien de ses partenaires dans la coalition, le PPC conclut un accord avec le plus grand parti conservateur serbe, le Parti populaire radical (Narodna Radikalna Stranka), en vue d’un partage du pouvoir et d’une libération des dirigeants du PPC. Le PPC dut faire certaines concessions1 comme la reconnaissance du gouvernement central, du roi Aleksandar Ier  Karađorđević comme chef d’État, et de la constitution Vidovdan, devant un parlement comble le 27 mars 1925. Stjepan Radić devint ministre de l’Éducation et d’autres dirigeants du PPC obtinrent d’autres postes ministériels : Pavle Radić, Dr Nikola Nikić, Dr Benjamin Šuperina and Dr Ivan Krajač. Cet accord de partage du pouvoir prit fin peu de temps après le décès, le 10 décembre 1925, du président du Parti Populaire Radical Nikola Pašić.

Radić démissionna rapidement de son poste ministériel en 1926 et retourna dans l’opposition, puis entra en coalition avec Svetozar Pribićević, président du Parti démocratique indépendant, parti majoritaire chez les Serbes de Croatie. La coalition Paysanne-Démocrate avait une réelle chance de briser la longue domination des Radicaux sur le parlement. Ils avaient été  longtemps opposés, mais les Démocrates furent déçus par la bureaucratie belgradoise et ont retrouvé de bonnes relations avec le Parti Paysan avec lequel ils étaient alliés à l’époque de l’Empire austro-hongrois. Stjepan Radić put ainsi obtenir une majorité parlementaire en 1928, mais il ne put pas former de gouvernement. La coalition Paysanne-Démocrate s’opposait en effet à une certaine élite croate ; par exemple Ivo Andrić, qui voyait les partisans du PPC comme des “…idiots suivant un chien aveugle…” (ce chien aveugle étant Stjepan Radić).

Le pouvoir du Parti radical étant amoindri, et la coalition paysanne-démocrate incapable de former un gouvernement, l’atmosphère au Parlement devient de plus en plus instable, les députés s’affrontant sur des contentieux à base ethnique. Ces accusations fusent de tous côtés et Radić répond ainsi à l’une d’entre elles : «…Nos amis serbes nous rappellent toujours le prix qu’ils ont payé pendant la guerre. J’aimerais les inviter à en établir les coûts, afin que nous en soldions les comptes, et que nous nous en allions… ». Des menaces de mort et d’agression sont proférées à son encontre au Parlement, sans aucune intervention du président de l’Assemblée. Le matin du 20 juin 1928, Radić est averti du risque d’une tentative assassinat à son encontre et est incité à rester à l’écart de l’Assemblée ce même jour. Il répond qu’il est comme un soldat dans la guerre des tranchées, et en tant que tel, il est de son devoir d’y aller, mais il promet cependant de ne pas s’exprimer.

Dans l’Assemblée, Puniša Račić, un membre monténégrin du Parti radical populaire serbe, se lève et fait un discours provocant qui soulève une réaction houleuse de l’opposition, mais Radić lui-même reste  complètement silencieux. Finalement, Ivan Pernar se met à hurler en direction de l’orateur : «…toi, Bey plumé !… », en se référant à des accusations de corruption à l’encontre de Puniša Račić. À ces mots, ce dernier sort un revolver, abat Pernar et continue à tirer sur Radić et quelques autres députés du Parti paysan croate dont deux, Pavle Radić et Đuro Basariček, sont tués sur le coup. On croit alors que Stjepan Radić est mort lui aussi, mais, gravement touché, il est ramené à Zagreb, où il meurt quelques semaines plus tard des complications d’une sévère blessure à l’estomac, à l’âge de 57 ans. De son côté, Pernar survit à ses blessures.

L’enterrement de Radić rassemble une foule nombreuse et son décès est perçu comme un gouffre dans les relations entre Croates et Serbes dans la première Yougoslavie.

Son assassin est « condamné » à la résidence surveillée dans une luxueuse villa de Serbie. Il sera par la suite libéré et mourra en 1944, exécuté pour collaboration avec l’Allemagne.

À la suite des tensions ethniques engendrées par ce meurtre, le roi Alexandre abolit la Constitution en janvier 1929, dissout le Parlement et met en place une dictature monarchique, opprimant désormais les sentiments nationalistes au sein de la désormais (première) Yougoslavie, officiellement proclamée en octobre de la même année.

Radić est enterré au cimetière Mirogoj à Zagreb.

Source : Wikipédia.

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