L’hévéa.

L’arbre à caoutchouc, l’hévéa ou l’hévéa du Brésil (Hevea brasiliensis) est une espèce d’arbres, du genre Hevea de la famille des Euphorbiaceae. On en extrait un latex qui est utilisé pour être transformé en caoutchouc.


Dans son milieu naturel en Amazonie, l’Hevea brasiliensis est un arbre pouvant atteindre fréquemment plus de 30 m de hauteur pour une circonférence de 1 m. Son écorce est vert grisâtre. Ses feuilles sont composées de trois folioles disposées à l’extrémité d’un pétiole. L’hévéa perd ses feuilles et les renouvelle chaque année. Elles se forment périodiquement, par étage à l’extrémité des unités de croissance. Les fleurs sont petites, jaune clair et rassemblées en grappes. Les fruits sont composés d’une capsule à trois loges contenant chacune une graine de 2 cm environ, ovale, de couleur brune décorée de taches blanchâtres. On dit de ce fruit qu’il est déhiscent.

Le tissu laticifère se retrouve dans toutes les parties de l’arbre, des racines aux feuilles, en passant par l’écorce du tronc, siège de l’exploitation du latex chez l’hévéa. Les vaisseaux laticifères se développent en manchons concentriques dans le liber (écorce tendre) qui contient également les vaisseaux conducteurs de la sève élaborée, le phloème. Les vaisseaux laticifères s’anastomosent de façon à former un réseau continu à l’intérieur de chaque manchon. Les cellules qui composent les vaisseaux laticifères sont vivantes et possèdent tous les organites (noyau, mitochondries, plastes, etc.) nécessaires à leur fonctionnement.

Le latex est différent de la sève. Celle-ci assure la distribution de l’eau, des sels minéraux ou des sucres alors que le latex est plutôt impliqué dans les mécanismes naturels de défense de l’arbre. Il circule dans un réseau distinct de vaisseaux : les canaux laticifères. Comme la résine, il suinte lors d’une éventuelle blessure de la plante et forme en séchant une barrière protectrice. Le latex récolté par saignée est le cytoplasme, c’est-à-dire le contenu liquide, des cellules laticifères. Il est composé d’une suspension de particules de caoutchouc, mais également d’organites comme les lutoïdes. En revanche, les noyaux et les mitochondries demeurent attachés aux parois des cellules, assurant ainsi le renouvellement du latex après récolte. Les particules de caoutchouc représentent 25 à 45 % du volume du latex et 90 % de la matière sèche.

Cette espèce est originaire de la grande forêt amazonienne :

le Brésil (États d’Amazonas, du Mato Grosso ou du Pará) ;
le Pérou, la Bolivie , la Guyane et la Colombie.

Après que l’explorateur anglais Henry Alexander Wickham eut réussi à ramener 74 000 graines d’hévéa brésilien aux jardins botaniques royaux de Kew à Londres, les Britanniques purent ainsi constituer des plantations d’hévéas dans leurs propres colonies, comme en premier lieu, Ceylan. D’autres puissances coloniales imitèrent le Royaume-Uni dans cette voie comme la France.

Sa culture a été ainsi répandue dans toutes les régions tropicales, notamment dans le Sud-Est asiatique (Thaïlande, Malaisie, Indonésie, Viêt Nam, Inde, Chine, etc.), ainsi qu’en Afrique (République démocratique du Congo, Nigeria, Liberia, Cameroun, Côte d’Ivoire). Elle s’étend sur 8,3 millions d’hectares environ (83 000 km2, soit 2,75 fois la taille de la Belgique).

Le latex se récolte par saignées sur l’écorce du tronc de l’hévéa. Au moyen d’un couteau spécifique, les saigneurs pratiquent une légère entaille en descendant sur la moitié ou le tiers de la circonférence du tronc. La saignée débute en général à environ 1,50 m de hauteur, lorsque les arbres ont atteint 50 cm de circonférence à 1 m de hauteur. À chaque saignée, l’encoche est ravivée en découpant une fine lamelle d’environ 2 mm d’épaisseur, sur toute la profondeur de l’écorce. Il est toutefois important de ne pas toucher le cambium (assise génératrice du bois) car cela provoque des cicatrices. Les saignées ont lieu périodiquement. Il existe des systèmes plus ou moins intensifs, allant de la saignée deux jours sur trois à la saignée hebdomadaire, la fréquence la plus courante étant tous les deux jours. Lorsque toute l’écorce du côté exploité (appelé panneau) a été consommée, on passe sur le panneau suivant. Cela a lieu après six ans en général. Lorsque toute l’écorce basse a été utilisée, on peut pratiquer la saignée haute, remontante. Cette dernière, bien que délicate est très productive. Elle se pratique en quarts de spirales et peut durer ainsi au moins quatre ans. Il est alors possible de recommencer la saignée basse sur l’écorce déjà saignée qui se sera entretemps régénérée. L’arbre peut ainsi produire du latex à partir de l’âge de cinq ans et pendant trente ans environ. Cependant, dans de nombreuses régions et en particulier en Thaïlande, premier pays producteur, la tendance est au raccourcissement des cycles, avec une exploitation sur moins de vingt ans.

À l’issue de sa période d’exploitation, l’hévéa est abattu pour être replanté. Les progrès de la recherche permettent de procéder à ces replantations avec un matériel végétal beaucoup plus performants.

Le latex, en sortant de l’entaille, coule dans la tasse pendant quelques heures. Puis l’encoche se bouche par coagulation du latex et l’écoulement s’arrête. La récolte peut se faire sous forme liquide (on parle de récolte en latex) si on procède juste après la saignée, ou solide si on laisse le latex coaguler dans la tasse (récolte en coagulum). En cas de récolte sous forme liquide, on peut ajouter un peu d’ammoniac pour empêcher la coagulation précoce. À l’inverse, le processus de transformation post-récolte démarre par l’ajout d’un peu d’acide (formique en général) pour faire coaguler le latex.

L’Asie est la principale région productrice de caoutchouc naturel (95 % du total mondial). La production mondiale est estimée à 9,7 millions de tonnes environ, dont trois pays, Thaïlande, Indonésie et Malaisie, représentent près des trois quarts.

C’est au Liberia que se trouve la plus vaste plantation d’hévéas au monde : 48 000 hectares, qui sont la propriété de Firestone, le géant américain du pneu devenu depuis 1988 une filiale du groupe japonais Bridgestone.

Les chercheurs de l’Institut Fraunhofer à Aix-la-Chapelle (Allemagne) espèrent réaliser d’ici 2014 des pneumatiques en caoutchouc de pissenlit. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le pissenlit avait déjà été utilisé à cette fin, mais s’était avéré bien moins productif que l’hévéa. Et pour cause : le latex issu du pissenlit coagule spontanément et rapidement en caoutchouc, ce qui rend difficile sa récolte. Mais les chercheurs allemands sont parvenus à créer des pissenlits transgéniques dans lesquels l’enzyme à l’origine de la coagulation a été désactivée, pour un rendement de 4 à 5 fois supérieur.

En 2010, l’industrie du pneu consommait 70 % du latex produit dans le monde5. Elle justifie de vastes monocultures équiennes d’hévéas Hevea brasiliensis, au détriment de la forêt tropicale6,7, y compris dans des pays et sur des continents où l’hévéa n’existait pas. En Asie du Sud et Sud-Ouest, plus de deux millions d’hectares plantés de 2000 à 2010 ont bouleversé les écosystèmes et les réseaux socioéconomiques, constituant une menace de plus pour la biodiversité. En une génération (en 29 ans ; de 1983 à 2012), la surface de plantation est passée de 5,5 millions d’hectares environ à 9,9 millions (57 % de la surface dédiée au palmier à huile), mais avec un taux qui a atteint 71 % en Asie du sud-est en 2015. Comme pour l’eucalyptus ou l’huile de palme, cette tendance s’accélère : dans les années 2000 environ 219 000 hectares supplémentaires d’hévéas ont été implantés (plus du double des 108 000 hectares/an des deux décennies précédentes).

L’automobile individuelle se développe en Chine, impliquant une extension des cultures d’hévéas et de leurs effets délétères sur la biodiversité et les populations autochtones (comparables à ceux des cultures d’huile de palme), notamment dans le sud-est asiatique (Indonésie, Malaisie, Laos, Cambodge, Viêt Nam, sud-ouest de la Chine et Philippines), au détriment de la forêt primaire, de sa biodiversité et des grands équilibres écologiques (des aires protégées qui ont ainsi déjà été sacrifiées aux plantations). À titre d’exemple, la réserve naturelle Snoul (Cambodge) a été en quatre ans (de 2009 à 2013) recouverte à plus de 70 % par 75 000 hectares d’hévéas en dépit de la présence de nombreuses espèces menacées (banteng, cerf d’Eld et plusieurs singes carnivores). La croissance de ces cultures était de 3,5 %/an dans les années 2010-2015) et de 5,3 % si l’on ne tient compte que des pneus. Eleanor Warren-Thomas estime prospectivement que de 2015 à 2024, 3 à 8,5 nouveaux millions d’hectares d’hévéas pourraient encore remplacer la forêt tropicale (la surface en hévéas atteindrait alors 86 % entre 2012 et 2024 ; une catastrophe pour une biodiversité déjà mise à mal. Ainsi les gibbons et d’autres espèces dépendantes de la forêt primaire ne pourront que disparaitre, et de nombreuses espèces aviaires, de chauves-souris et scarabées seraient affectées (déclin attendu : jusqu’à 75 %). L’érosion des sols et la turbidité et la pollution de l’eau augmenteraient aussi. Dans des pays comme le Viêt Nam, l’hévéaculture s’étend aussi sur les pentes et en altitude dans les derniers refuges de la biodiversité. Enfin, ces immenses monoculture sont propices aux maladies capables de décimer les hévéas. Globalement, les services écosystémiques fournis par la forêt sont ainsi fortement dégradés par l’industrie du catoutchouc.

De 2000 à 2010, le public s’est montré plus sensible aux impacts de l’huile de palme qu’à ceux — moins médiatisés — de l’hévéaculture. Pourtant en 2015 selon W. Thomas : « Au minimum, les entreprises qui convertissent, en toute légalité, des forêts protégées en plantations d’hévéas devraient faire l’objet de restrictions d’accès au marché, avec une certification d’exploitation durable », ce qu’encourage une initiative dite Sustainable Natural Rubber Initiative (SNR-i) depuis janvier 2015 et l’écocertification de certaines plantations gérées en agrosylviculture, en Indonésie par exemple. Cette même année, Ahlheim et al. se demandent même s’il ne serait pas plus économiquement et écologiquement rentable dans le sud-ouest de la Chine de replanter des forêts tropicales à la place des monocultures d’hévéas.

Ainsi, la demande mondiale en caoutchouc toujours croissante met en lumière des effets environnementaux. En 2018, la revue Nature relève que 23,5 % de la surface boisée du Cambodge — plus de 2,2 millions d’hectares — ont été détruits entre 2001 et 2015 pour pallier la demande. De cette manière, la situation continuera à s’aggraver à moins de mettre fin aux politiques en faveur du développement de plantations de caoutchouc.

Les pneus s’usent (de plusieurs millimètres sur la bande de roulement) en roulant, contribuant à la pollution routière et urbaine. Vers 2005, environ 460 000 t de caoutchouc (enrichies d’additifs mal connus) ont ainsi été générées et dispersées en un an dans l’air, le sol et l’eau le long des routes européennes (soit l’équivalent de 13 150 camions de 35 t de caoutchouc de pneu).

En fin de vie lors de leur mise en décharge, incinération ou recyclage, ils sont aussi sources de particules, de polluants et substances chimiques problématiques dans l’air, l’eau et les sédiments, pouvant affecter la santé humaine, animale et les écosystèmes.

Alors que dans les années 1990 on constate que des fragments de caoutchouc issus de pneus ou de leur valorisation sont répandues dans l’environnement, peu de données scientifiques (méta-analyses en particulier) sont disponibles en matière de santé environnementale (caractérisation chimique fine d’éluats et lixiviat des pneus ou de leur résidus, études écoépidémiologiques d’exposition, données précises de toxicité et d’écotoxicité, de mutagénicité et cancérogénicité pour les mammifères, les organismes aquatiques et du sol, les microbes, et résidus dans leurs organites. Des chercheurs plaident pour des études interdisciplinaires et pour une modélisation de la pollution associé à la gestion des pneus usés. On a montré (2006) que les substances relarguées par les pneus se montrent toxiques pour la daphnie (espèce modèle courante en toxicologie)3 et en 2009 qu’ils peuvent être retrouvés « dans tous les compartiments environnementaux, dont l’air, l’eau, les sols / sédiments et le biote »4. Les taux maximaux (PEC) de microparticules issues de l’usure des pneus dans les eaux de surface vont de 0,03 à 56 mg/L, grimpant de 0,3 à 155 g/kg de matière sèche dans les sédiments, deux milieux où ils peuvent être absorbés par des animaux, filtreurs notamment. Une étude basée sur Ceriodaphnia dubia et Pseudokirchneriella subcapitata a cherché à calculer la PNEC25 et le ratio PEC/PNEC pour l’eau et les sédiments. Ce ratio dépassait la valeur 1, ce qui signifie que ces particules présentent un risque potentiel pour les organismes aquatiques, suggérant qu’il serait utile de traiter ou gérer les particules de pneus usés notamment dans les eaux de ruissellement routières et urbaines. En 2009, divers tests écotoxilogiques en laboratoire (sur l’algue Pseudokirchneriella subcapitata, deux crustacés : Daphnia magna, Ceriodaphnia dubia, et sur un poisson Danio rerio) ont confirmé ces risques à moyen et long termes pour trois types différents de pneus, aux concentration attendues dans l’environnement, ces effets écotoxiques et reprotoxiques ayant été attribuée au zinc d’une part et aux composés organiques lixiviés.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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