Le rattachement de la Corse à la France (Traité de Versailles, 1768).

Le traité de Versailles est un traité signé à Versailles le 15 mai 1768. La Corse reste juridiquement possession de la République de Gênes mais de fait, elle est occupée et administrée par la France, car ce n’est que l’exercice de la souveraineté qui est cédé, et non la souveraineté elle-même. La Corse est le seul territoire sous souveraineté française, en 2020, dont la possession par la France n’a pas été ratifiée.

La Corse est reconnue comme possession génoise, par les puissances, et notamment la France, par des traités multilatéraux ou bilatéraux : 1659, 1737, 1745 (explicitement), 1752, 1755, 1764, 1768, 1772, 1793. Pour qu’une possession soit reconnue faire partie d’un État, il faut que les autres États reconnaissent ce fait. Le fait ne crée pas un droit.

Depuis 1284, la Corse est sous domination de la République de Gênes. Au XVIIIe siècle, les Corses luttent contre les Génois. Durant ce même siècle, un aventurier allemand, Théodore de Neuhoff, est proclamé roi de Corse, avec l’aide des Provinces-Unies et de l’Angleterre (cette dernière dans la mer Méditerranée possède à cette époque Minorque et Gibraltar).

Pendant la Guerre de Sept Ans et juste après le désastre de Rossbach et les nombreuses défaites dans les colonies, Choiseul, successivement à la tête de la diplomatie et du ministère de la guerre et de la marine, cherche à arrêter rapidement la guerre et la chute du pouvoir français sur l’échelle mondiale et dans une moindre mesure européenne. Ainsi, le traité de Paris (1763) reconnaît notamment la perte de la Nouvelle-France et des Indes françaises au profit des Britanniques.

En agissant comme secrétaire d’État aux Affaires étrangères de Louis XV, Choiseul vise à occuper des positions stratégiques dans la Méditerranée afin de s’opposer à la puissance croissante des Britanniques et éviter un encerclement au sud, où la Corse occupe une position importante. L’île est en effet déjà dans les mires britanniques et devient aussi par conséquent, un objectif fondamental et précieux pour le ministre français, qui souhaite par ailleurs réaffirmer la puissance française à la suite d’une Guerre de Sept Ans mitigée. En plus, la situation politique de l’île est la plus fragile du cadre méditerranéen : incapable de s’opposer toute seule à la révolte corse, Gênes, qui a reçu un soutien trop faible par les troupes impériales, se trouve forcée de faire appel au roi de France pour obtenir des troupes d’occupation à envoyer sur l’île rebelle.

Choiseul voit dans cet appel l’occasion qu’il cherchait pour occuper l’île sans déchaîner un nouveau conflit européen tel que la France ne pourrait en soutenir pour l’instant.

Rattachement de la corse à la France, carte maximum Ajaccio, 5/10:1968.

Plusieurs milliers de soldats français – pour le compte du gouvernement de Gênes et à ses frais – sont ainsi envoyés garnir les forteresses de l’île contre les Corses qui les assiègent.

Toutefois, Choiseul préfère tenir ses troupes enfermées dans les ports et dans les forteresses corses plutôt que de balayer la révolte, en se donnant des airs de médiateur entre les Corses et Gênes. En quelques années, sans avoir rien obtenu, l’ancienne République se trouve endettée envers le roi de France au-delà de ses possibilités économiques.

Rattachement de la Corse, annulation des rebuts.

Ainsi, Choiseul pense forcer Gênes à céder la Corse, en échange des créances que le Roi de France détient sur la république ligure. En effet, celle-ci a accumulé une dette de 2 millions de livres avec Louis XV pour son aide militaire destinée à “réprimer” la révolte des Corses. Le 15 mai 1768, Gênes signe une convention avec la France, lui cédant la souveraineté sur la Corse mais non la propriété de la Corse. Ce n’est pas tant l’étendue de la dette qui pousse Gênes à céder sa souveraineté de la Corse à la France mais parce qu’elle a compris qu’elle dépensait des sommes colossales et inutiles pour conserver une île entièrement révoltée et qui ne leur rapportait plus rien. La population, hostile et habituée à la liberté, n’aurait jamais accepté de retourner sous le joug ligure1. Finalement, après une difficile expédition militaire contre des Corses très combatifs, le Roi se rend maître de l’île (mai 1769).

Il n’est à l’origine qu’un traité de « conservation ». En effet, moyennant une rente annuelle d’environ 200 000 livres tournois pour une durée de 10 ans, la République de Gênes ne cède pas ses droits de souveraineté sur la Corse à la France, laquelle est chargée d’administrer et de pacifier l’île.

Voltaire résume ainsi la transaction effectuée : « Par ce traité, le royaume de Corse n’était pas absolument donné au roi de France, mais il était censé lui appartenir, avec la faculté réservée à la république de rentrer dans cette souveraineté en remboursant au roi les frais immenses qu’il avait faits en faveur de la république. C’était, en effet, céder à jamais la Corse, car il n’était pas probable que les Génois fussent en état de la racheter ; et il était encore moins probable que, l’ayant rachetée, ils pussent le conserver contre les Corses qui avaient fait serment de mourir plutôt que de vivre sous le joug de Gênes. »

La France pensait véritablement qu’après la période des dix ans de versement de subsides, c’est-à-dire en 1778, Gênes allait probablement accepter la cession de la souveraineté sur la Corse. En effet, Gênes, ruinée, a été incapable de rembourser à la France les frais occasionnés par la pacification des troupes de Louis XV exigés dans les deux derniers articles « séparés et secrets » du traité durant ces dix ans. En conséquence de ce non-respect des termes du traité par Gênes, la France va donc à l’issue de cette période, considérer la Corse comme faisant partie intégrante de son territoire. Néanmoins, aucun traité définitif de cession de la souveraineté sur la Corse n’a été signé à partir de 1778 et la situation est restée en l’état !

En 1789, Gênes, dont les finances se sont plus que brillamment améliorées, demande par deux fois la rétrocession de la Corse à l’exécutif français. Le projet, accueilli en pleine tourmente révolutionnaire sera très mal perçu par les conventionnels et finalement, il ne se concrétisera pas. La somme évoquée par la France pour la rembourser de ses investissements s’élevait à un peu plus de trente millions de livres tournois, somme que la République de Gênes était largement en mesure de fournir1. En décembre de la même année, la République de Gênes proteste envers le décret du 30 novembre 1789, déclarant officiellement la Corse comme faisant partie intégrante de la France.

En septembre 1791, à la suite de l’information donnée par Louis XVI aux puissances de son acceptation de la constitution, la République de Gênes lui répond en lui rappelant ses droits souverains sur l’île. En décembre 1793, la République française promulgue un décret : “Tous les traités existant entre la France et Gênes seront fidèlement exécutés”, sans que quoi que ce soit ne change à la situation.

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Sources : Wikipédia, YouTube.