Le doryphore, insecte nuisible.

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Le Doryphore (Leptinotarsa decemlineata), ou Doryphore de la pomme de terre, est une espèce d’insectes de l’ordre des coléoptères et de la famille des chrysomélidés aux élytres jaunes rayés de noir. Ce phytophage, spécialisé dans les plantes de la famille des Solanaceae, est un ravageur important, tant à l’état adulte qu’à l’état larvaire, des cultures de pommes de terre qu’il peut anéantir en cas de défoliation totale. Il peut aussi s’attaquer à d’autres Solanacées cultivées comme la tomate et l’aubergine. S’il reste un problème sérieux dans certaines régions (Nord-Est des États-Unis, Canada, Europe orientale), il est moins redouté de nos jours en Europe occidentale et notamment en France.

Originaire du Mexique où il vivait à l’origine aux dépens de Solanacées sauvages, il fut d’abord découvert aux États-Unis où il a envahi les cultures de pommes de terre à la fin du XIXe siècle, avant d’être introduit en Europe à la fin de la Première Guerre mondiale. Il s’est depuis répandu dans presque toute l’Amérique du Nord ainsi que dans les zones tempérées de l’Ancien monde jusqu’en Extrême-Orient. Son potentiel d’expansion est encore élevé dans la mesure où il est absent de zones importantes pour la culture de la pomme de terre, notamment l’Amérique latine, l’Australie, le sous-continent indien et une grande partie de la Chine. Classé comme organisme de quarantaine par toutes les organisations régionales de protection des plantes, il fait l’objet de mesures strictes de surveillance pour empêcher sa propagation. La lutte contre le doryphore repose encore largement sur les insecticides chimiques malgré l’apparition de phénomènes de résistance envers toutes les classes de substances utilisées.


Doryphore, entier postal, Belgique.

L’imago est un insecte de 10 à 12 mm de long, de forme ovale, fortement bombé sur le dessus. La tête jaune porte une tache frontale ayant la forme de la lettre V. Le thorax, brun roux, présente quelques taches noires. Chaque élytre, jaune clair, a cinq bandes longitudinales noires caractéristiques.

Le dimorphisme sexuel est très peu marqué. Le mâle est légèrement plus petit et de forme légèrement plus allongée. Seul l’examen du dernier sternite sur la face ventrale peut permettre de distinguer les sexes. Les mâles ont une petite dépression, ou fossette, absente chez les femelles1. Le sexe mâle peut être confirmé par observation de l’édéage falciforme et fortement scléreux.

Les œufs, de couleur jaune soutenu et de forme ovale allongée, ont de 1,5 à 2 mm de long et 0,8 mm de large en moyenne. Ils sont dressés sur la face inférieure des feuilles par groupes de 20 à 30, voire plus, fixés à la base par une matière adhésive.

La larve est de type éruciforme. Elle se caractérise par une tête petite de couleur noire, portant six ocelles derrière les antennes et une paire de mandibules broyeuses, un thorax rouge-orangé portant trois paires de pattes noires, avec le pronotum couvrant le premier segment, noir devenant partiellement marron au quatrième stade larvaire, et un abdomen arqué, cyphosomatique, mou. Composé de neuf segments, l’abdomen a une couleur rouge-orangé au premier stade, qui devient plus foncée par la suite. Le dernier segment, aux propriétés adhésives, fait fonction de pseudopode. Les segments de l’abdomen sont ornés latéralement de deux rangs de taches noires, celles du rang supérieur entourant les stigmates3. En fin de croissance, la larve mesure 11 à 12 mm de long.

La nymphe, de couleur orangée, mesure environ 10 mm de long. Le sexe peut aussi être distingué chez la nymphe. On peut en effet observer une dépression sur la face ventrale du septième segment abdominal seulement chez les mâles.

Les couleurs vives et contrastées des adultes et des larves ont un caractère aposématique, avertissant d’éventuels prédateurs du goût désagréable et de la toxicité de ces organismes, caractère qui a sans doute facilité l’expansion de l’insecte.

Les adultes ressemblent à ceux de cinq espèces appartenant au même genre, cependant le risque de confusion est faible, la disposition et le nombre de bandes sombres sur les élytres étant différents. En outre aucune de ces espèces ne parasite la pomme de terre. Il s’agit de : Leptinotarsa defecta, Leptinotarsa juncta, Leptinotarsa texana, Leptinotarsa tumamoca, Leptinotarsa undecimlineata.

Au début du printemps, quand le sol s’est suffisamment réchauffé, au minimum à 10 °C, les adultes survivants qui ont hiberné en profondeur dans le sol sortent de la période de diapause. Ils ont besoin en général d’accumuler de 50 à 250 degrés-jours pour émerger du sol. Ils se dirigent aussitôt vers des plantes hôtes pour s’alimenter pendant quelques jours et régénérer leurs muscles de vol. Ils peuvent marcher au sol sur plusieurs centaines de mètres et ont besoin d’accumuler encore un minimum de chaleur et d’insolation pour retrouver les conditions nécessaires au vol et à l’accouplement.

Les œufs, de couleur jaune-orangé, sont déposés par petits paquets de 20 à 40 (36 œufs en moyenne) au total, collés à la face inférieure des feuilles. On peut trouver de 500 à 800 œufs par feuille. L’espèce est très prolifique, une femelle pouvant pondre en moyenne 800 œufs, avec un maximum de 1 500 voire 3 000 œufs.

Les jeunes larves, très voraces, naissent au bout de 10 à 15 jours et se nourrissent des feuilles. À défaut de pommes de terre, le doryphore peut attaquer d’autres solanées cultivées (tomate, aubergine) ou sauvages (morelle noire, douce-amère, datura).

Après trois mues, la larve a terminé son développement ; elle descend alors dans le sol et s’enterre à environ 10 cm de profondeur pour se transformer en nymphe, puis en insecte adulte. La nymphose dure de 10 à 20 jours. Les adultes de la nouvelle génération peuvent entrer dans un nouveau cycle de reproduction ou bien, en fin de saison, s’enterrer pour entrer en diapause.

Le cycle complet, de l’œuf à l’adulte, demande en général un mois à un mois et demi. Il peut varier selon les conditions de température de 14 à 56 jours, l’optimum de température étant compris entre 25 et 32 °C. Selon le climat, il peut y avoir d’une à trois générations par an, voire quatre dans les régions les plus chaudes. Dans les régions tempérées comme le Nord de la France, il n’y a qu’une génération, deux dans le Midi si les insectes peuvent trouver des plantes hôtes relais à végétation plus tardive comme les tomates ou les aubergines. Les cycles se superposant, on peut trouver des individus à différents stades simultanément dans les cultures.

À la fin de l’été, les adultes survivants s’enfoncent dans le sol pour hiberner à 30-40 cm de profondeur. Le taux de survie à la fin de l’hibernation a été estimé à plus de 60 %.

Les doryphores sont attirés vers les plants de pomme de terre par des composés volatils émis par le feuillage et constitués d’un mélange de terpénoïdes. Ces émissions sont amplifiées chez les plantes déjà attaquées par les insectes. Par ailleurs les doryphores mâles produisent une phéromone agrégative, le (S) 3,7-diméthyl-2-oxo-oct-6-ène-1,3-diol de formule semi-développée (CH3)2C=CH2CH2C(CH3)OHC(=O)CH2OH11. L’interaction de cette substance avec les composés volatils émis par les plantes renforce l’attirance de ces dernières pour les coléoptères.

Les doryphores adultes sont très mobiles et peuvent se déplacer de plusieurs manières. Par la marche, ils peuvent aller d’un pied de pomme de terre à l’autre, et d’un champ à l’autre sur plusieurs centaines de mètres, pour trouver de la nourriture, mais aussi pour trouver un emplacement où s’enterrer pour la nymphose ou la diapause hivernale. Par le vol, l’insecte s’élance du sommet d’une plante et peut se déplacer vers un champ voisin, ou parcourir des distances plus importantes de migration. Porté par le vent, il peut parcourir des dizaines de kilomètres dans la journée, pour par exemple traverser la Manche en 1953. Des vols dépassant les 100 km ont ainsi permis des incursions de l’insecte en Scandinavie en traversant la mer Baltique en 1973 (de la Pologne vers la Suède).

Les doryphores peuvent aussi se transporter, passivement, par flottaison sur les cours d’eau, les lacs et même la mer, soit accroché à un corps flottant (bois, feuille morte), soit à la surface de l’eau dans laquelle ils ne s’enfoncent pas.

Ils peuvent aussi profiter de transports involontaires soit par l’homme (par le transport de produits agricoles ou de matériel, véhicules, bagages, etc.), soit par des animaux à fourrure laineuse à laquelle ils peuvent s’accrocher. En Grande-Bretagne, par exemple, des interceptions de doryphores ont lieu régulièrement dans des livraisons de produits frais, tels que laitues et persil, en provenance d’Italie et d’autres pays du sud, mais très rarement sur des lots de tomates ou d’aubergines14.

Le doryphore est un insecte oligophage, qui se nourrit sur un nombre limité de plantes hôtes, sauvages ou cultivées, appartenant exclusivement à la famille des Solanaceae. La principale est Solanum tuberosum, la pomme de terre. Les autres plantes-hôtes primaires, c’est-à-dire capable d’assurer la totalité du cycle biologique de l’insecte, de l’œuf à l’adulte, sont les suivantes : Solanum melongena (l’aubergine), Solanum lycopersicum (la tomate), Atropa belladonna, (la belladone), Solanum rostratum, Solanum heterodoxum, Solanum fructo-tecto, Hyoscyamus niger (la jusquiame noire), Solanum viarum. Cette dernière espèce, originaire d’Amérique latine, a été « adoptée » par le doryphore après son importation en Floride où elle est classée plante envahissante.

D’autres espèces de Solanaceae, considérées comme hôtes secondaires n’assurent qu’une partie du cycle biologique, nourrissant seulement les adultes et les larves au dernier stade de développement. Ces plantes peuvent jouer un rôle de relais important pour la survie de l’espèce lorsque les hôtes primaires ne sont plus disponibles, par exemple après la récolte. Parmi les hôtes secondaires figurent Datura stramonium (le datura), Solanum dulcamara (la morelle douce-amère), Solanum nigrum (la morelle noire), et des espèces des genres Lycium et Physalis. En outre d’autres espèces, dont Nicotiana tabacum (le tabac), Solanum carolinense, Solanum dimidiatum, Solanum diversifolium, Solanum elaeagnifolium, sont des hôtes secondaires potentiels.

Si la pomme de terre est le plus souvent la plante-hôte préférée, cette affinité peut varier selon les populations par suite de différenciations génétiques. Ainsi, au Mexique central, où le doryphore n’est pas un ravageur de la pomme de terre, ses hôtes habituels sont Solanum rostratum et Solanum angustifolium, tandis qu’en Arizona, l’hôte principal et naturel est Solanum elaeagnifolium17. Cette dernière plante, devenue envahissante dans le bassin méditerranéen, peut dans certains cas servir de relais, permettant par exemple en Grèce l’infestation des cultures de pommes de terre d’été.

Certaines espèces de pommes de terre sauvages sont réfractaires au doryphore. Une étude de 1994 a montré que sur un millier d’accessions de la banque de gènes de pommes de terre américaine (United States potato genebank) 3 était immunes et 241 résistantes au doryphore. Cette propriété s’explique soit par leur teneur en glycoalcaloïdes, notamment des leptines, plus toxiques que ceux de la pomme de terre tolérés par le doryphore. C’est le cas en particulier de Solanum demissum qui ne permet pas un développement larvaire complet du doryphore du fait de sa teneur en démissine, alcaloïde voisin de la solanine, mais aussi de Solanum chacoense et Solanum neocardenasii20. Une autre cause est la présence à la surface des feuilles et des tiges de trichomes, poils glandulaires qui peuvent opposer un obstacle physique aux insectes et aux larves, en entravant leurs mouvements ou en engluant les pièces buccales et les tarses par sécrétion d’un exsudat qui durcit rapidement. C’est le cas notamment de Solanum berthaultii, mais aussi de Solanum tarijense et Solanum polyadenium. D’autres espèces présentent aussi des résistances au doryphore mais leur mécanisme est inconnu, c’est le cas notamment de Solanum pinnatisectum, Solanum jamesii, Solanum acroglossum.

La lutte contre les doryphores fait appel à divers moyens, le principal en culture de plein champ étant la lutte chimique au moyen d’insecticides. De nombreuses substances actives, comme les composés organophosphorés et les carbamates, ont été utilisées, entraînant des problèmes de pollution, notamment des eaux souterraines, et des effets indésirables sur d’autres populations d’insectes non visés, mais également l’apparition de populations résistantes de doryphores.

Les autres moyens étudiés ou mis en œuvre sont des pratiques culturales adaptées pour limiter la pullulation des doryphores, la sélection de cultivars résistants, la création de variétés transgéniques (réalisée par Monsanto puis abandonnée pour des raisons commerciales), la lutte biologique faisant appel à des ennemis naturels du doryphore, insectes ou arachnides prédateurs, ou microbiologique à l’aide du Bacillus thuringiensis, efficace contre les premiers stades larvaires.

Dans les cultures potagères, d’autres moyens sont praticables, comme le ramassage manuel des coléoptères, l’arrachage et la destruction par le feu des pieds contaminés, la désinfection préventive du sol pour détruire les adultes hibernants.

On peut également cultiver à proximité des pommes de terre des plantes attirant les doryphores mais toxiques pour eux comme le datura stramonium, le brugmansia ou le ricin.

De nombreux insecticides chimiques sont employés pour lutter contre les doryphores. Les substances actives appartiennent à divers groupes de composés organiques, dont les organophosphorés, les pyréthrines de synthèse, les carbamates et les organochlorés. Aux États-Unis, les insecticides principalement utilisés sont l’imidaclopride et le thiaméthoxame, deux produits de la famille des néonicotinoïdes. En 2005, ils étaient employés sur 60 à 80 % des surfaces cultivées en pommes de terre dans le Nord-Est des États-Unis.

Voir aussi cette vidéo :

Sources : Wikipédia, YouTube.

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