Le château Henri IV à Pau (Pyrénées-atlantiques).

Le château de Pau est un château défensif et de plaisance situé à Pau, chef-lieu du département français des Pyrénées-Atlantiques en région Nouvelle-Aquitaine. Sa construction s’étale du XIIe au XIXe siècle et il est classé monument historique en 1840. Il accueille depuis 1927 le musée national du château de Pau, consacré à la mémoire et au règne du roi de France et de Navarre Henri IV, né en 1553 au château.

Fondé par les princes de Béarn, le château occupe une position stratégique pour la surveillance d’un gué sur le gave de Pau. La cour de Béarn se tient parfois au château de Pau dès le milieu du XIIe siècle, puis plus régulièrement à partir de Gaston VI. Dans sa volonté d’affirmation de la souveraineté béarnaise, le prince Gaston Fébus entreprend un vaste renforcement de l’édifice à la fin du XIVe siècle. À partir de 1464, le château de Pau devient la résidence principale des princes de Béarn à la suite de la décision de Gaston IV, qui restructure aussi profondément la bâtisse. Devenus rois de Navarre en 1481, les souverains béarnais rénovent le château dans le style Renaissance sous le règne d’Henri d’Albret et Marguerite d’Angoulême, tandis que Jeanne d’Albret et Antoine de Bourbon développent un jardin immense et exceptionnel.

Le Béarn ayant perdu son indépendance en 1620, lors d’une intervention militaire de Louis XIII au château, l’édifice subit un lent et long déclin, tandis que le développement de la ville empiète sur le domaine royal. Le mythe du bon roi Henri se répand au XVIIIe siècle et est utilisé par la propagande royaliste tout au long du XIXe siècle. Le château natal d’Henri IV bénéficie alors d’un regain d’intérêt qui se traduit par une profonde restructuration menée par Louis-Philippe puis Napoléon III. Le château est rénové et décoré dans le souvenir du premier roi Bourbon, et sa fonction muséale s’impose à partir du début du XXe siècle. Aujourd’hui, le musée national accueille environ 100 000 visiteurs par an.


Le site qu’occupe le château permet la surveillance d’un gué sur le gave, qui représente l’une des clés sur la voie nord-sud reliant les Pyrénées — notamment la vallée d’Ossaua — à la plaine d’hivernage pastorale du Pont-Long. S’il est difficile de savoir si le château précède la constitution du village, ou inversement, le site castral prend une importance symbolique dans l’origine de Pau. La légende raconte que pour délimiter l’étendue du domaine accordé par les Ossalois aux vicomtes de Béarn, trois pieux auraient été plantés, un pieu se disant pau en béarnais. Pau signifie également palissade, qui est une hypothèse souvent avancée pour expliquer le nom du château et de la ville. Selon d’autres spécialistes le nom Pau serait plutôt lié à la racine pré-indo-européenne, indiquant un rocher escarpé, comme c’est le cas pour d’autres toponymes pyrénéens (col de Pau, pic Palas, etc.).

La plus ancienne mention écrite connue du château de Pau remonte au XIIe siècle, alors qu’un conflit oppose l’évêque de Lescar Guy de Lons et un aristocrate local — Ramon de Bizanos — en 1131. Le texte évoque le castelo de Pal. Plus tard, une glose du for général confirme que la cour de Pierre II de Béarn se tient parfois au castello de Pau en 1147. Les fouilles archéologiques menées sur le site datent également les plus anciens éléments du château du XIIe siècle, il s’agit des actuelles tours Mazères et Billère, ainsi que des restes d’un donjon primitif dans la cour. Dès le XVIIIe siècle, l’historiographie traditionnelle reprend l’idée d’une fondation du château dans le courant du Xe siècle, parfois sous la commande de Centulle le Vieux, néanmoins aucune donnée écrite ou archéologique ne peut confirmer cette théorie. En conservant cette hypothèse d’une construction du château de Pau au XIIe siècle, son maître d’ouvrage pourrait être Gaston IV de Béarn, dit le Croisé. Ce premier site castral aurait donc compté au moins deux tours d’angle, ouest et nord-ouest, ainsi qu’un donjon (ou réduit) côté est. L’emprise de la place forte est alors estimée à environ 2 200 m2.

Château de Pau, carte maximum, 4/10/1947.

Une fonction vicomtale semble être à l’origine du château de Pau, sans qu’il soit possible de définir précisément cette fonction. Les premiers vicomtes de Béarn y séjournent régulièrement, comme Gaston VI ou Gaston VII. Dès Gaston VI, le château de Pau occupe un rang éminent au sein des résidences vicomtales. C’est en ce lieu que le souverain rénove le for général de Béarn en 1188. Au XIIIe siècle, le donjon primitif (ou réduit) est arasé pour faire place à la tour Montauser. Celle-ci s’adosse en partie sur cette ancienne construction, son mur sud constitue un reliquat de 12 à 15 m du mur nord de l’ancien donjon. La construction de la tour Montauser au XIIIe siècle vise peut-être à un agrandissement de la cour du château, ou bien à une reprise de la partie est du site en lien avec le bourg. À la fin du XIIIe siècle, un domaine étendu vers l’ouest entoure le château, avec moulin, verger et vignoble.

Au XIVe siècle, le Béarn accède au statut de principauté souveraine sous le règne de Gaston III de Foix-Béarn, dit Fébus. Le jeune prince affirme en 1347 la neutralité du Béarn dans le conflit opposant Français et Anglais, signant de fait une déclaration d’indépendance. Le 5 décembre 1362 à Launac, les troupes de Fébus écrasent celles du comte d’Armagnac, l’ennemi héréditaire de la maison Foix-Béarn. Après cette victoire — probablement dans les derniers mois de 1363 — Fébus élabore son plan de défense face au double danger d’une vengeance d’Armagnac et d’une offensive anglaise. Pour mener à bien ses désirs d’indépendance, Fébus met en place un système de forteresses d’une rare densité, grâce à la construction et la transformation de nombreuses places fortes béarnaises. Le château de Pau se place au premier rang de ce système de défense souhaité par le prince. Il occupe une place stratégique d’importance, entre la citadelle anglaise de Lourdes et la capitale béarnaise d’Orthez. La place forte de Pau permet également d’épauler Montaner et Morlaàs, face à des attaques venant de Tarbes ou Auch.

La profonde restructuration du château de Pau se déroule aux alentours des décennies 1370-1380, sous la direction du maître d’œuvre Sicard de Lordat et de maçons cagots6. Parmi les principales mutations opérées durant cette campagne, la plate-forme sommitale est parée de pierres, formant un glacis abrupt de 60°. L’assiette initiale du château est ainsi élargie, tandis qu’un chemin de ronde couronne ce glacis. Une enceinte extérieure crénelée est également constituée en contrebas, depuis laquelle un pont-levis donne accès au sommet de la nouvelle tour du Moulin (devenue tour de la Monnaie), haute de 18 m sur la plaine du gave. Les tours Mazères et Billère sont coiffées d’un crénelage à mâchicoulis, tandis qu’un donjon haut de 33 m est réalisé à l’angle sud-est. Désormais nommée tour Gaston-Fébus, celle-ci est une maçonnerie de briques de terre cuitec, caractéristique des constructions fébusiennes. Un accès fortifié — porte du Terrer — permet l’accès au donjon. L’aile sud du château est également l’œuvre de Sicard de Lordat ; celle-ci n’est alors haute que d’un étage, elle relie la tour Mazères au donjon. Fébus fait inscrire sur le donjon la signature « Febus me fe » (« Fébus me fit », en béarnais).

La résidence principale de Fébus se trouve au château de Moncade, à Orthez. Malgré tout, le prince séjourne régulièrement au château de Pau à partir de 1373, généralement durant l’hiver. Les principaux travaux de transformation du château de Pau se terminent aux alentours de 1378, permettant à Fébus de se fixer à Pau pendant quatre ans à partir de 1380. Ce long séjour fait suite au drame d’Orthez durant lequel l’unique fils légitime de Fébus — Gaston — trouve la mort, probablement de la main de son père. Durant ses séjours au château de Pau, Fébus fait suivre son mobilier, ses tapisseries et sa vaisselle, comme il est alors d’usage. Le prince est presque toujours accompagné de ses autres fils Yvain et Gratien, ses frères Arnaud-Guilhem et Pierre, et de ses fidèles chevaliers Espan du Lion, Pierre de Gabaston ou encore Jean de Lanta. Autour de ces personnages, s’agite une foule d’hôtes de passage : chevaliers, damoiseaux, jongleurs. Le soir venu, le prince fait donner de grands repas dans le tinel — la grande salle — en présence de troubadours.

Par son mariage avec Éléonore de Navarre, Gaston IV assure à ses héritiers la couronne de Navarre. Le 6 novembre 1481, François Fébus est couronné roi de Navarre à Pampelune, mais des troubles éclatent et hâtent son retour en Béarn. Le jeune roi réunit les États pour leur prêter serment à partir du 24 novembre 1482 dans le tinel du château de Pau. François Fébus meurt de manière fulgurante le 30 janvier 1483 dans sa chambre du château, après avoir joué d’une flûte empoisonnée la veille. Sa sœur Catherine de Navarre lui succède et prête serment aux États de Béarn le 14 février 1483, avant d’épouser Jean II d’Albret en 1484. Durant les années suivantes, la cour de Navarre continue de résider assidûment au château de Pau, où se déroulent régulièrement les sessions d’États. Les deux souverains sont couronnés à Pampelune le 13 janvier 1494, et alternent par la suite les séjours en Navarre et en Béarn. En 1512, Ferdinand le Catholique exige des souverains de Navarre de se ranger à ses côtés dans sa guerre contre Louis XII. Ces derniers choisissent de maintenir leur neutralité, mais doivent subir l’invasion de la Navarre par les troupes espagnoles en juillet 1512. Catherine et Jean s’enfuient de Pampelune pour rejoindre définitivement le Béarn. Le château de Pau devient donc à partir de cette date la résidence principale des rois et reines de Navarre, privés d’une grande partie de leur royaume.

Château de Pau, essais de couleurs.

Les deux souverains meurent dans les années qui suivent la perte de Pampelune, en 1516 pour Jean II d’Albret puis en 1517 pour Catherine. Leur fils — Henri d’Albret — prend la suite, d’abord sous la tutelle de son grand-père Alain d’Albret, puis seul à partir du 21 décembre 1521. Lors de la bataille de Pavie, Henri d’Albret est fait prisonnier en compagnie de François Ier. Après cet épisode, Henri d’Albret épouse la sœur du roi — Marguerite — le 27 janvier 1527. Le roi et la reine de Navarre visitent Pau entre novembre et décembre 1527. C’est lors de ce séjour que Henri d’Albret décide d’embellir le château de Pau à la mode de la Renaissance. Cette nouvelle campagne de travaux débute en 1529 et se poursuit jusqu’en 1535, peut-être sous la direction de Pierre Tourner. L’aspect extérieur du château n’est que faiblement modifié : les travaux consistent en l’ouverture de portes et fenêtres ainsi que d’une longue terrasse sur l’aile méridionale. La cour du château est dotée d’une façade intérieure revêtue d’un parement de pierres de taille et d’un décor triomphal. Les transformations sont profondes à l’intérieur du château, les salles basses sont voûtées, l’escalier d’honneur remplace les cuisines de Fébus, les appartements royaux reçoivent une décoration somptueuse et les initiales du couple ornent murs et plafonds.

Malgré ces embellissements, le roi et la reine ne séjournent que rarement au château. C’est la sœur du roi — Anne d’Albret — qui administre le château et la principauté jusqu’en 1532, lors de leurs nombreux séjours à la cour de France. C’est après 1540 que Henri et Marguerite y séjournent plus souvent, Marguerite préférant la vie à Nérac ou même à Mont-de-Marsan. Après la mort de François Ier en 1547, Marguerite réside presque exclusivement au château de Pau. Elle meurt le 21 décembre 1549 près de Tarbes. Le souvenir de la Marguerite des Marguerites est resté peu attaché au château de Pau, ses séjours restant très brefs hormis à la fin de sa vie. Au cours de ces rares passages, la cour de Navarre amène au château de Pau une cour brillante.

La période troublée des guerres de Religion touche alors le Béarn, notamment avec la décision de la reine d’interdire les processions du Corpus Christi. Les tensions aboutissent le 18 octobre 1568 à un édit du roi de France Charles IX ordonnant la saisie des seigneuries de la reine de Navarre. L’édit constitue une véritable déclaration de guerre de la France envers le Béarn, et le 1er décembre 1568 la noblesse béarnaise se réunit dans la grande salle du château de Pau, le baron d’Arros appelant à la défense de la nation. Les préparatifs militaires s’organisent durant les semaines qui suivent, l’armée française d’Antoine de Lomagne atteignant les frontières béarnaises le 13 mars 1569. Les forces catholiques arrivent autour du 15 avril à Pau et réalisent un siège d’une dizaine de jours avant la capitulation de la ville. Henri de Navailles est alors nommé gouverneur de la ville et du château, mais la résistance de la place forte de Navarrenx permet une contre-offensive protestante menée par le comte de Montgommery, qui aboutit à la reprise du château le 20 août 1569. Jeanne d’Albret ne s’écarte alors plus guère de La Rochelle. Elle retourne tout de même au château de Pau à l’automne 1571, y laissant le prince de Navarre en qualité de lieutenant-général. Quelques jours avant le mariage de Henri avec Marguerite de Valois, la reine de Navarre meurt à Paris le 9 juin 1572.

Tout nouveau roi de Navarre sous le titre de Henri III, le souverain échappe de peu au massacre de la Saint-Barthélemy le 24 août 1572. Captif à la cour de France, il reste plusieurs années éloigné de son château de naissance. En son absence, le baron d’Arros garde la fonction de lieutenant-général jusqu’en 1575, avant son remplacement par le baron de Miossens. Le 3 février 1576, le roi Henri III s’évade du Louvre pour rejoindre ses terres du Midi. C’est seulement au printemps 1579 que Henri rejoint le Béarn, en compagnie de son épouse et de sa sœur Catherine. Le cortège royal atteint le château de Pau le 26 mai 1579, le roi profitant de son séjour pour jouer au billard, aux échecs ou à la paume, et s’amourachant de Mlle Rebours, demoiselle d’honneur de la reine. Henri réalise son serment auprès des États le 2 avril 1581 dans la grande salle du château. Vêtu de rouge et or — les couleurs du Béarn et de la Navarre — et nu-tête, le roi jure au diu bibàn (dieu vivant) d’être bon et fidèle seigneur. Déjà chargée de présider les États en 1577, la princesse Catherine reprend ce rôle de régente en 1582, puis à partir de 1583, son frère le roi ne pouvant que rarement venir en Béarn. Celle-ci fait construire, entre 1582 et 1583, l’actuelle porte Corisande au dessus du Hédas. Fait inhabituel, Henri III séjourne pendant deux mois consécutifs au château de Pau entre février et mars 1584, le souverain étant alors au plus fort de sa passion pour la comtesse de Gramont.

Avec la mort du dauphin François de France le 10 juin 1584, Henri III devient l’héritier direct de la couronne de France. Envoyé par le roi de France Henri III, le duc d’Épernon est chargé de convaincre le Béarnais d’abjurer le protestantisme. Le duc séjourne plusieurs jours au château de Pau en juillet 1584, l’occasion de prodigieux festins pour lesquels de la glace est amenée des Pyrénées. Le Béarn de nouveau menacé d’invasion, des mesures sont prises pour renforcer les défenses du château en 1586, notamment à la porte du Terrer. Après sa victoire à la bataille de Coutras en 1587, Henri gagne le Béarn, arrivant à Pau le 6 novembre. Il quitte son château le 3 décembre 1587, date qui marque son dernier séjour palois. Henri de Béarn devient le 2 août 1589 roi de France et de Navarre, après l’assassinat de Henri III par le moine Jacques Clément, le souverain prend le titre de Henri IV14. Sa sœur — la princesse Catherine — régente le Béarn jusqu’en 1592, réalise divers travaux au château de Pau en 1589 et 1590. Au printemps 1592, le comte de Soissons rejoint le château pour retrouver Catherine, qui lui voue un amour violent malgré l’opposition de son frère le roi. Prévenu de sa venue, Henri IV donne des instructions énergiques au président du Conseil souverain. Celui-ci fait cerner le château et arrêter le comte de Soissons, au grand désespoir de Catherine qui quitte définitivement le château le 26 octobre 1592.

Le départ de Catherine de Bourbon en 1592 marque la fin du pouvoir direct des rois et princes de Navarre en Béarn. Le souverain ne sera alors plus représenté que par un lieutenant-général, le château n’abritant plus que les intendants, la chancellerie et les prisons. Le marquis de la Force devient lieutenant-général pour le roi de Navarre à partir du 16 mars 1593. Le marquis fait réaliser divers travaux d’entretien dans le château, en 1595 dans le donjon ou encore en 1600 au pont dormant est. La Force est présent dans le carosse royal lors de l’assassinat de Henri IV par François Ravaillac le 14 mai 1610, il raconte a posteriori dans ses mémoires une étrange scène se déroulant la veille de l’assassinat : il vint dans la ville et faubourgs de Pau une très grande quantité de vaches mugissant et beuglant de manière épouvantable […] et un taureau se jeta du pont en bas où il fut trouvé mort le lendemain. L’année suivante, le père de François Ravaillac — condamné au bannissement — est enfermé dans le donjon du château de Pau. Malgré le rapprochement entre la France et la Navarre, le Béarn reste une principauté souveraine dans laquelle le culte catholique n’est pas totalement rétabli.

En 1614, l’assemblée des États généraux demande la réunion du Béarn à la France. Cette première demande est suivie le 25 juin 1617 par un édit de Louis XIII — fils de Henri IV — pour imposer la restitution des biens ecclésiastiques en Béarn. Le Conseil souverain de Béarn refuse d’enregistrer cet acte dans un arrêt du 29 juin 1618, demandant au jeune roi de laisser les affaires en l’état où elles étaient pour le bien de son pays de Béarn et repos de ses sujets. L’atmosphère de rébellion se poursuivant, le roi Louis XIII prend en 1620 la tête d’une importante force militaire depuis Bordeaux. Le 15 octobre 1620, le roi fait son entrée à Pau devant une population froide et hostile. Il est accueilli par les conseillers dans la cour du château, Louis XIII s’exclamant : Servez-moi mieux à l’avenir, et j’oublierai le passé. Le lendemain, le roi fait tenir une messe dans la grande salle du château, avant de visiter les jardins et le petit parc. Le 17, Louis XIII prend la direction de Navarrenx pour s’assurer de la soumission de la place forte. Dans l’après-midi du 19 octobre, le roi prête serment aux États réunis dans la grande salle basse du château, le premier article des fors est lu en français puis en béarnais par le président du Conseil, Louis XIII jurant en levant la main et disant : Oui. Le 20 octobre 1620, Louis XIII rétablit le culte catholique en Béarn par une procession du Corpus Christi à l’église Saint-Martin, puis le roi fait enregistrer par le Conseil un édit portant union de la Navarre et du Béarn à la France. Le lendemain, Louis XIII quitte le Béarn, envoyant quatre-vingt-quinze tableaux du château vers Paris.

L’épisode de 1620 marque le début d’un lent et long déclin pour le château de Pau jusqu’au XIXe siècle. Le palais joue alors le rôle d’un bâtiment administratif destiné au logement du gouverneur royal, de l’intendant, du sénéchal, de la Chambre des comptes et des prisonniers. À partir de 1621, et jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, la charge du château est confiée à la puissante famille de Gramont. Hormis un bref passage de Philippe V le 31 mai 1706, les descendants de la famille de Bourbon délaissent le château. Les travaux réalisés au château de Pau se limitent à de l’entretien, hormis en 1659 après un vaste incendie qui nécessite la reconstruction des galeries orientales. La fin des années 1680 signe la période d’abandon la plus sensible pour le château, les toitures prennent l’eau et l’herbe envahit la cour d’honneur. En 1715, un vaste projet visant à déplacer l’entrée principale du château est établi par le gouverneur de Gramont. Finalement, ce projet aboutit au milieu du XVIIIe siècle — dans une version très simplifiée — avec un pont en briques. Le mobilier du château, auparavant d’une richesse inouïe, perd progressivement de sa splendeur, si bien qu’il faut emprunter des meubles pour loger le gouverneur en 1758. Le même constat de détériotation avancée peut être fait pour les jardins et le parc, autrefois un ensemble exceptionnel, les travaux d’entretien se raréfiant au XVIIIe siècle. Une importante campagne de travaux d’entretien se déroule entre 1765 et 1770, tandis que le domaine royal est amputé par les travaux de construction de la route de Bayonne à Pau, de la place Gramont et du nouveau cimetière de la ville.

De somptueux bals se tiennent à la fin du XVIIIe siècle dans la grande salle du château — en écho avec les fêtes brillantes de la cour de Navarre — à l’occasion du retour en grâce du Parlement de Navarre en 1775 et 1788. Les révoltes parlementaires se réalisent dans un contexte national tendu, qui aboutit à la Révolution française. Le château de Pau évite la destruction, notamment en souvenir de Henri IV. Sur proposition du député Bertrand Barère, l’Assemblée constituante décide en 1791 que sera aussi réservé au roi le château de Pau, avec son parc, comme un hommage rendu par la nation à la mémoire d’Henri IV. L’année suivante pourtant — en 1792 — une partie des jardins, les maisons des gardes du parc et les écuries sont aliénées comme biens nationaux. En 1793, pendant la Terreur, une copie du berceau de Henri IV est brûlée en place publique, la vraie carapace de tortue ayant été mise à l’abri. Le Directoire des Basses-Pyrénées décide en 1796 d’aliéner la totalité du parc du château, mais face au risque de le voir démembrer, une centaine de citoyens de Pau décident de créer une société chargée de racheter l’ensemble des lots pour le conserver en promenade publique.

Château de Pau, épreuve de luxe.

De passage à Pau le 22 juillet 1808, l’empereur Napoléon Ier juge le château en très mauvais état. L’architecte Auguste Famin dresse alors des plans pour une rénovation totale du château, qu’il chiffre à 1 000 000 de francs. Ses plans ne sont pas suivis d’effet en raison du coût d’une telle opération. Le mythe du bon roi Henri s’installe en France à partir de la Restauration, tandis que le tourisme hivernal se développe à Pau sous l’effet du romantisme. Désireux d’admirer la vue sur les Pyrénées et de visiter le lieu de naissance de Henri IV, les touristes de marque se succèdent au château de Pau dans cette première moitié du XIXe siècle. Le duc d’Angoulême (1814), la princesse de Saxe (1819), le prince de Suède (1822), les souverains de Sicile (1830), Gustave Flaubert (1840), le duc de Montpensier (1841) ou encore Victor Hugo (1843) se succèdent au château.

Seul roi de France resté populaire après la Révolution, le souvenir d’Henri IV pousse les rois Bourbon à s’intéresser à l’état du château de leur ancêtre. Les appartements du château commencent à être remis en état sous Louis XVIII, avec comme architecte Jean Latapie fils. Des travaux de plus grande ampleur sont donnés à partir de 1838 sous la monarchie de Juillet, le roi Louis-Philippe Ier souhaitant élever le château au rang de résidence royale. Jusqu’en 1852, les architectes Lefranc et Vincent Latapie réalisent d’importantes modifications, supprimant le couloir fortifié conduisant de la basse-cour à la cour d’honneur, transformant l’avant-porte en chapelle ou ajoutant une tour factice à l’ouest (tour Louis-Philippe) symétrique à la tour Mazères. Pour l’aménagement intérieur, des objets de styles néo-Renaissance et néo-gothique sont placés, une chambre natale d’Henri IV est artificiellement constituée, tandis qu’une collection de tapisseries — des Gobelins pour la plupart — est ajoutée. Louis-Philippe, rénovateur de la demeure comme de Versailles — exilé en 1848 en Angleterre où il meurt deux ans plus tard — ne séjourne jamais dans ce lieu.

En 1848, la Révolution de février entraîne une suspension des travaux de restauration. Alors que les principales résidences de Louis-Philippe, dont les Tuileries ou le Palais-Royal, sont saccagées par les révolutionnairesB 85, le château de Pau est épargné, et repris par l’administration de l’Enregistrement et des Domaines dès le 1er mars 1848. Le château de Pau devient alors la prison de l’émir Abd El-Kader — et de sa suite de quatre-vingt-neuf personnes — du 29 avril au 2 novembre 1848. Le coup d’État du 2 décembre 1851 et le plébiscite l’année suivante installent au pouvoir Louis-Napoléon Bonaparte sous le titre de Napoléon III. Ce dernier redonne vie à l’ancienne liste civile et décide une reprise officielle des travaux au château de Pau en 1853. Les architectes Alexis Paccard, Jacques-Martin Tétaz, Louis-Auguste Couvrechef, Gabriel-Auguste Ancelet et Auguste Lafollye se succèdent alors au chevet du château jusqu’aux années 1870. Les travaux concernent essentiellement l’extérieur du château — le décor intérieur étant déjà presque complet — avec une reprise des façades et des lucarnes, une restauration des portes et fenêtres, et surtout la destruction de l’aile est — la vétuste Chancellerie — pour son remplacement par un portique à trois arcades. Ce dernier élément est l’œuvre de l’architecte Ancelet, tandis que les deux médaillons « H » et « M » sont commandés en 1861 au sculpteur Charles-Martial Baury par le comte Émilien de Nieuwerkerke. À la même époque sont construits les bâtiments reliant le portique à la tour Montaüser, dont la tour Napoléon III à l’angle nord-est. L’empereur Napoléon III visite plusieurs fois le château, le 21 août 1854 ainsi qu’en 1863 et 1868, son épouse Eugénie également lors de ses multiples cures thermales dans le Sud-Ouest de la France. Du 30 septembre au 6 novembre 1868, la reine Isabelle II d’Espagne — en fuite — séjourne au château.

Avec la chute du Second Empire en 1870, le château de Pau conserve toujours sa vocation de résidence de prestige. Il devient alors palais national à destination de la Troisième République, le président Sadi Carnot y séjournant en 1891. Au début du XXe siècle, les visites de marque se succèdent, comme celle du roi d’Espagne Alphonse XIII le 27 juillet 1905 ou du roi d’Angleterre Édouard VII lors de ses multiples séjours à Biarritz. Au printemps 1918, au moment où les Allemands lancent une série d’offensives pour précipiter la fin de la Première Guerre mondiale, quelques services du ministère des Finances s’installent au château de Pau.

À partir des années 1920, la vocation de musée s’impose face à celle de palais de résidence, le château devient ainsi musée national en 1927. La visite guidée — reprenant un circuit guidé réalisé dès 1848 — s’effectue autour de la mémoire d’Henri IV, avec comme point d’orgue le berceau-carapace du bon roi. Les collections visent principalement à perpétuer la mémoire d’Henri IV et de son règne. Chaque année, le musée attire environ 100 000 personnes, tandis que les visiteurs illustres continuent de défiler dans le palais royal, du général de Gaulle en 1959, en passant par Haïlé Sélassié Ier aussi en 1959, Nikita Khrouchtchev en 1960 ou plus récemment la famille royale de Suède en 2018.

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Sources : Wikipédia, YouTube.