La Mer Noire.

La mer Noire est située entre l’Europe, le Caucase et l’Anatolie.  Principalement alimentée par le Danube, le Dniepr et le Don, elle est issue de la fermeture d’une mer océanique ancienne, l’océan ou mer Paratéthys. Elle est bordée au nord par la steppe pontique, en Crimée, à l’est et au sud par des chaînes issues de l’orogénèse himalayo-alpine : respectivement monts de Crimée, Caucase et chaîne pontique. Les pays riverains sont (dans le sens des aiguilles d’une montre) : la Russie au nord-est, la Géorgie à l’est, la Turquie au sud, la Bulgarie, la Roumanie à l’ouest et l’Ukraine au nord-ouest. Longue de 1 181 km d’ouest en est (de Burgas, en Bulgarie, à Kobuleti Beach, en Géorgie) et large de 616 km du nord au sud (de Kobleve, en Ukraine, à Akçakoca, en Turquie) elle s’étend sur une superficie de 413 000 km2.

L’ancien nom de cette mer était Pont-Euxin (du grec πόντος Ἄξεινος, póntos Axeinos, mer Sombre). L’adjectif correspondant est « pontique ». Le terme océanographique d’« euxinisme » y fait référence, qui désigne une anoxie des eaux profondes, plus salées qu’en surface, car provenant de la Méditerranée par un courant de fond inverse de celui des eaux de surface, plus douces et alimentées par les fleuves se jetant dans la mer Noire.

Cette mer communique au sud-ouest par le détroit du Bosphore avec la mer de Marmara, cette dernière étant reliée à la mer Méditerranée par le détroit des Dardanelles. Sur ses côtes ouest et nord, elle communique avec de nombreux limans (lagunes navigables dont la salinité et la turbidité varient avec la saison, et qui servaient de frayères pour le poisson). Au nord-nord-est, la mer d’Azov, reliée par le détroit de Kertch, est considérée comme le plus grand des limans. Son climat spécifique doux et humide, aux épais brouillards aux saisons intermédiaires, subit des influences méditerranéennes au sud-ouest et en été (chaud, sec et ensoleillé), continentales au nord et en hiver (froid glacial, la mer peut geler, les chutes de neige sont fréquentes), et subtropicales au sud-est. Pendant les tempêtes, surtout hivernales, les vagues sont courtes, mais hautes, et peuvent venir de plusieurs directions à la fois, rendant la navigation difficile.

Depuis 1996, le 31 octobre est la « journée internationale pour la protection de la mer Noire ».


Le bassin pontique a une profondeur maximale de 2 252 m. Sa formation fait l’objet de deux hypothèses :

  • selon l’une il s’agirait d’un vestige tectonique de l’océan Téthys (qui séparait jusqu’au Paléocène l’Eurasie de la Gondwanie), isolé lors de l’orogénèse himalayo-alpine ; cette hypothèse qui a la faveur de la majorité des géologues s’appuie sur la présence au fond d’une croûte océanique datant du Crétacé ;
  • selon l’autre, minoritaire, ladite croûte téthysienne aurait d’abord été soulevée et le bassin pontique résulterait d’un processus d’effondrement plus récent (Miocène) ; cette hypothèse s’appuie sur la présence d’un système de failles et de fossés de subduction sur le pourtour du bassin.

Quoi qu’il en soit, les sédiments déposés au fond du bassin sont  essentiellement Pléistocènes et Holocènes, de faciès détritique (voir Roche détritique) et dulçaquicole en profondeur (voir Organisme dulçaquicole, témoignage d’importants apports fluviaux lors des périodes de dégel inter glaciaires), et marin au-dessus (sédiments de moins de 8 000 ans).

Les sédiments détritiques et dulçaquicoles correspondent à une période dite « sarmatique » commencée il y a 5 millions d’années, durant laquelle une mer intérieure d’eau douce recouvrait les actuelles Hongrie, Roumanie, mer Noire, Ukraine littorale, Russie méridionale, mer Caspienne et Asie centrale. Le niveau de cette étendue d’eau a beaucoup varié, et à l’Holocène récent (durant la dernière glaciation, dite Würmienne), il était 180 m plus bas que le niveau actuel des mers, de sorte que seuls les bassins profonds pontique et caspien étaient encore en eau.

Dans les années 1960, en analysant au carbone 14 des coquillages d’eau douce trouvés dans les carottages des sédiments de la mer Noire sous les sédiments marins actuels, les chercheurs bulgares, roumains et soviétiques avaient découvert que l’actuelle mer Noire a été il y a près de 8 000 ans un lac d’eau douce appelé « lac Pontique » qui se trouvait à 150 mètres au-dessous du niveau général des mers. À l’époque, le Bosphore n’était pas un détroit mais un isthme qui séparait ce grand lac de la mer de Marmara, elle-même isolée de la mer Égée par l’isthme des Dardanelles. Après la chute du rideau de fer et avec le développement d’internet, les géologues américains Walter Pitman et William Ryan découvrent en 1997 les publications  bulgares, roumaines et soviétiques modélisant les effets de la déglaciation post-würmienne qui, élevant le niveau de la mer Méditerranée, finit par entraîner le déversement d’eaux salées en mer de Marmara puis dans la mer Noire, mais sans donner d’opinion sur la vitesse du phénomène, ni sur son caractère répétitif ou unique.

Pitman et Ryan rapprochèrent ces faits du mythe de l’arche de Noé, de la légende de Gilgamesh dans le royaume de Sumer, du déluge de Deucalion et du mythe de l’Atlantide dans la Grèce antique. Selon eux, le remplissage a dû être unique, brutal et catastrophique, une cascade gigantesque se serait formée par érosion hydraulique au débouché du Bosphore, et le niveau de la mer Noire serait monté de 180 m en seulement quelques semaines, ses rives reculant d’un kilomètre par jour ou plus. Or, les rives de ce lac étaient déjà peuplées d’agriculteurs, car, en Anatolie et en Europe orientale,  l’agriculture a commencé très tôt. Ryan et Pitman pensent que ces agriculteurs, chassés par la montée des eaux, se seraient dispersés en Anatolie et en Mésopotamie, véhiculant le mythe du Déluge. Les deux géologues américains en firent des livres et des documentaires.

L’hypothèse de Pitman et Ryan n’a toutefois pas convaincu la majorité des chercheurs : des études géologiques publiées en 2007 récusent l’idée d’un déversement catastrophique unique, pour modéliser une série d’oscillations des niveaux des bassins pontique, marmarien et égéen, avec des périodes de déversements multiples, graduels et pas toujours dans le même sens. Actuellement, trois reconstructions très différentes de l’histoire de la mer Noire coexistent donc : l’hypothèse catastrophiste de Pitman et Ryan, une hypothèse gradualiste à déversement unique mais lent, et l’hypothèse des déversements multiples, qui recueille l’assentiment de la majorité des auteurs.

La grande majorité des espèces animales et végétales présentes dans la mer Noire sont d’origine méditerranéenne. Seules 150 espèces sont considérées comme « autochtones », c’est-à-dire présentes avant la dernière  transgression du Bosphore qui a de nouveau permis les échanges d’eau vers la Méditerranée. Parmi les espèces d’origine méditerranéenne, seules celles supportant une faible salinité ont pu s’adapter.

Du fait de l’anoxie de l’eau au-delà de 200 m de profondeur qui ne permet une vie aérobie que dans ses couches supérieures, la mer Noire est un milieu biologiquement pauvre. Elle compte 167 espèces de poissons. Parmi celles-ci, 37 espèces d’eau douce et 27 espèces d’eau saumâtre.

La mer Noire abrite un pic de la biodiversité planétaire avec par exemple 42 espèces d’amphipodes benthiques relevées dans la région, où l’on découvre encore de nouvelles espèces mais elle est très menacée par la pollution et par des « espèces invasives ».

La mer Noire a été historiquement frontalière de grands espaces géostratégiques : au nord, les nomades de la steppe pontique (Cimmériens, Scythes, Sarmates, Roxolans, Huns, Avars, Onogoures, Khazars, Bulgares, Magyars, Alains, Petchénègues, Coumans, Mongols, Tatars…), au sud les royaumes et empires organisés (hittite, perse, hellénistique, romain, byzantin, ottoman…). À l’ouest et à l’est, des « zones tampons » au contact de ces deux mondes (bouches du Danube, Scythie mineure, Caucase…), ont depuis toujours été à la fois disputées, et en même temps des refuges pour les perdants, donc multiethniques. Ce fut aussi le cas de la Crimée.

Au XVe siècle, tout navire non-ottoman devait obtenir l’autorisation du sultan de Constantinople pour entrer ou sortir de la mer Noire. Au XVIe siècle, l’accès fut totalement interdit aux navires étrangers. Il fallut le traité de Koutchouk-Kaïnardji en 1774 pour ouvrir les détroits à la navigation internationale. De nos jours, c’est la convention de Montreux de 1936 qui fixe l’accès des navires à la mer Noire par les détroits.

Plus récemment la mer Noire a été une zone de contact entre l’URSS et ses satellites au nord, et la Turquie membre de l’OTAN au sud : le rideau de fer la traversait donc. Aujourd’hui elle se trouve sur les marges les plus orientales de l’Union européenne, face à la CEI et à la Turquie. Les bases militaires de Crimée, stratégiques pour la Russie, sont depuis 2014 sous son administration directe. La péninsule et ses eaux territoriales appartiennent de jure à l’Ukraine, mais de facto à la Russie qui, à travers son contrôle et son occupation de l’est et du sud de l’Ukraine, jusqu’aux abords des bouches du Danube, contrôle de fait l’espace maritime ukrainien.

Du point de vue économique, les grains, le bois, le poisson séché, les esclaves du pourtour de la mer Noire, ainsi que les épices et soieries d’Asie, ont attiré ici d’abord les colons grecs, ensuite les Perses, les Romains, les Varègues, les Russes, les Vénitiens et leurs rivaux génois, les Mongols et Tamerlan. De nos jours, ce sont les gisements d’hydrocarbures off-shore des eaux ukrainiennes qui attisent tensions et conflits au cours desquels l’Ukraine a perdu une grande partie de sa flotte. Lors de la guerre entre la Russie et l’Ukraine en 2022, en février de cette même année, l’ambassadeur d’Ukraine en Turquie, Vasil Bodnar, demande au gouvernement turc de «  fermer les détroits du Bosphore et des Dardanelles à la marine de guerre russe ».

Source : Wikipédia.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.