“La belle au bois dormant”, conte populaire.

La Belle au bois dormant est un conte populaire, qui se rattache au conte-type 410, dans les dernières version de la classification Aarne-Thompson. Parmi les versions les plus célèbres figurent celle de Charles Perrault, publiée en 1697 dans Les Contes de ma mère l’Oye, et celle des frères Grimm (Dornröschen) publiée en 1812.

La version de Perrault est fondée sur Soleil, Lune et Thalie de Giambattista Basile (publié à titre posthume en 1634), un conte lui-même fondé sur un ou plusieurs contes populaires. Une des premières versions connues de l’histoire est Perceforest, composé entre 1330 et 1344 et imprimé en 1528. Mais on peut aussi mentionner la version provençale (parfois considérée comme catalane) de la même époque que constitue Frayre de Joy e Sor de Plaser.


À l’occasion du baptême de leur fille, le roi et la reine organisent une fête somptueuse, invitant famille, amis et sept fées marraines (ou trois fées selon les versions) bienveillantes de l’enfant. Chacune d’elles offre un don à la princesse : beauté, grâce, etc. Brusquement une méchante fée, qui n’a pas été invitée, se présente et lance à la princesse un charme mortel : lors de son quinzième anniversaire , la princesse se piquera le doigt sur le fuseau et en mourra. Heureusement, une des jeunes et bonnes fées marraines qui s’était cachée pour parler en dernier atténue la malédiction de la méchante fée : « Au lieu d’en mourir, elle tombera seulement dans un profond sommeil qui durera cent ans, au terme desquels le prince, le fils d’un roi, viendra la réveiller ».

Pour protéger sa fille, la princesse, le roi fait immédiatement interdire de filer au fuseau ou d’avoir un fuseau sous peine de mort. Pourtant, lors de son quinzième anniversaire dans une partie reculée du château, la princesse découvre une vieille fileuse qui ne connait pas l’interdiction. Elle se pique aussitôt au fuseau et s’endort, en même temps que tous les habitants du château. Au cours des cent ans, celui-ci est envahi par la végétation. Il n’est redécouvert qu’après cent ans, lorsqu’un prince, le fils d’un roi, y pénètre et réveille la Belle au bois dormant, la princesse.

Sept fées-marraines de Perrault : l’auteur ne leur donne pas de nom distinctif. Les six premières font un don à la princesse, la septième infléchit le sortilège lancé par la vieille et méchante fée, incarnation de la fée Carabosse :

« On donna pour Marraines à la petite Princesse toutes les Fées qu’on put trouver dans le Pays (il s’en trouva sept), afin que chacune d’elles lui faisant un don, comme c’était la coutume des Fées en ce temps-là, la Princesse eût par ce moyen toutes les perfections imaginables.
Cependant les Fées commencèrent à faire leurs dons à la Princesse. La plus jeune lui donna pour don qu’elle serait la plus belle du monde, celle d’après qu’elle aurait de l’esprit comme un Ange, la troisième qu’elle aurait une grâce admirable à tout ce qu’elle ferait, la quatrième qu’elle danserait parfaitement bien, la cinquième qu’elle chanterait comme un Rossignol, et la sixième qu’elle jouerait de toutes sortes d’instruments à la perfection. »
— Charles Perrault.

Douze “femmes sages” de Grimm : de sept fées dans la version de Perrault, on passe à douze “femmes sages” (en allemand : weise Frauen) dans l’adaptation du conte des frères Grimm, plus une, la treizième, incarnation de la fée Carabosse :

« (Le roi) organisa une grande fête. Il ne se contenta pas d’y inviter ses parents, ses amis et connaissances, mais aussi des femmes sages afin qu’elles fussent favorables à l’enfant. Il y en avait treize dans son royaume. Mais, comme il ne possédait que douze assiettes d’or pour leur servir un repas, l’une d’elles ne fut pas invitée. La fête fut magnifique. Alors qu’elle touchait à sa fin, elles offrirent à l’enfant de fabuleux cadeaux : l’une la vertu, l’autre la beauté, la troisième la richesse et ainsi de suite, tout ce qui est désirable au monde.
Comme onze femmes venaient d’agir ainsi, la treizième survint tout à coup. Elle voulait se venger de n’avoir pas été invitée. Sans saluer quiconque, elle s’écria d’une forte voix :
– La fille du roi, dans sa quinzième année, se piquera à un fuseau et tombera morte.
Puis elle quitta la salle. Tout le monde fut fort effrayé. La douzième des femmes, celle qui n’avait pas encore formé son vœu, s’avança alors. Et comme elle ne pouvait pas annuler le mauvais sort, mais seulement le rendre moins dangereux, elle dit :
– Ce ne sera pas une mort véritable, seulement un sommeil de cent années dans lequel sera plongée la fille du roi.  »

La version de Perrault est la plus connue, elle s’inspire d’un récit plus ancien, Soleil, Lune et Thalie (Sole, Luna et Talia)6, extrait du Pentamerone de Giambattista Basile, publié en 1634.

Perrault en transforme néanmoins sensiblement le ton. Le conte de Basile, écrit pour un public aristocrate et adulte, met l’accent sur la fidélité dans le couple et l’héritage. Perrault quant à lui écrit pour un public de la haute bourgeoisie, inculquant des valeurs de patience et de passivité chez la femme.

L’intrigue contient d’autres différences notables : le sommeil n’est pas le résultat d’un sortilège mais est annoncé par une prophétie, le roi – qui est déjà marié – ne réveille pas Thalie par un baiser mais la viole dans son sommeil ; lorsqu’elle donne naissance à ses deux enfants, l’un d’eux lui tête le doigt, ôtant l’écharde de lin qui l’avait plongée dans le sommeil, ce qui la réveille8. Dans cette version, Thalie reste dans le chateau où l’avait déposé son père. Le roi revient la retrouver à plusieurs reprises et sa femme, la reine, devient soupçonneuse. Elle tente de faire manger les enfants de Thalie à son mari, puis de brûler Thalie – et d’utiliser ses cendres pour faire des lessives. C’est finalement elle qui trouve la mort.

Il existe des sources plus anciennes du conte, parmi lesquelles le roman de Perceforest, dans lequel la princesse Zellandine tombe amoureuse de Troylus. Le père de la princesse met le jeune homme à l’épreuve pour déterminer s’il est digne de sa fille et, alors qu’il est parti, Zellandine tombe dans un sommeil enchanté. À son retour, Troylus la trouve endormie et, tout comme dans Soleil, Lune et Thalie, la viole dans son sommeil. Quand leur enfant naît, il tête le doigt de sa mère et en extrait ainsi l’écharde de lin qui est à l’origine de son sommeil. Elle sait grâce à l’anneau que Troylus lui a laissé qu’il est le père de l’enfant. À la fin de ses aventures, Troylus finit par l’épouser.

L’histoire de Brunehilde, héroïne endormie de la Saga des Völsungar, témoigne d’une version plus ancienne.

Graham Anderson a émis une théorie qui met en relation les versions de Basile et de Grimm avec les mythes antiques de Chloris d’une part, de Philomèle de l’autre. Il considère que l’histoire de Philomèle et Procné a perdu son commencement, et mentionne un conte arménien à l’appui de sa thèse d’un rapprochement avec le « rossignol ».

Le poète russe Vassili Joukovsky (1783-1852) a publié une version en vers intitulé Spiachtchaïa tsarevna (« La Princesse endormie ») qui suit fidèlement l’histoire, quoique adaptée à l’environnement russe.

Bruno Bettelheim, dans Psychanalyse des contes de fées, voit dans ce récit un processus initiatique, une manière de préparer les petites filles aux changements qui les attendent. Malgré toute l’attention des parents et les dons prodigués par ses marraines, la petite fille est frappée dès le berceau, c’est-à-dire dès sa naissance, par la malédiction qui s’accomplira à son adolescence. Cette malédiction, marquée par le sang qui coule (une allusion à la menstruation) a une origine ancestrale. S’ensuit un repli sur soi (un sommeil de cent ans) et une forêt de ronces qui ne se lèvera qu’à l’arrivée du prince charmant, le seul à trouver la voie, à lever les obstacles et sortir la princesse de son sommeil grâce au baiser de l’amour. Le prince n’est en fait qu’une figure accessoire, la trame du conte mettant en scène les diverses phases de la vie d’une femme : l’enfance, l’adolescence et la jeunesse représentée par la princesse, la mère représentant l’âge adulte, la fécondité et la grossesse, et la vieillesse incarnée par la fée Carabosse.

Dans une étude qui renouvelle la lecture de ce conte, Ute Heidmann démontre les liens entre le conte de Perrault et l’histoire de la condition des femmes de la noblesse. A travers la personne de la dédicataire du recueil du manuscrit d’apparat de 1695 et du livre publié chez Barbin en 1697, un lien apparait entre l’Apologie des femmes et le conte de Perrault. Heidmann lit le conte comme une mise en garde de la princesse en passe d’être mariée et objet d’un différend entre sa mère, la Princesse Palatine, et le roi Louis XIV lui-même. La présence à peine cachée de l’histoire sous le conte merveilleux est certainement un aspect majeur de ce long texte, objet d’une triple publication (en 1695, 1696 et 1697), inséparable de l’épître dédicatoire et de la devise de la vignette qui la surplombe : “Pulchra et nata coronæ”, traduit en vers sous la devise latine et le blason des Bourbons : “Je suis belle et suis née / Pour estre couronnée”. Cette lecture montre à quel point la suppression de la deuxième partie du récit de Perrault, par les Grimm et chez de nombreux traducteurs et éditeurs, ruine la mise en garde et l’attention à la filiation : le prince qui épouse la belle endormie est fils d’une ogresse à laquelle il confie sans discernement femme et enfants pour aller à la guerre. Le réveil de la princesse devenue reine est pour le moins rude et elle ne survit, et ses enfants avec elle, que grâce à la solidarité et à la pitié qu’elle inspire au Maître d’Hôtel de son ogresse de belle-mère.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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