Joseph Poukiou, sculpteur de racines.

Lauréat de la bourse d’art contemporain kanak du Centre culturel Tjibaou, Joseph Poukiou a gagné Paris à la rencontre d’autres arts. De retour chez lui, à La Foa en Nouvelle-Calédonie, entre chasse, pêche et tribu, il sculpte les bois en Kanak. Quand nature et culture s’entremêlent.

Sa maison de tôle et de bois se noie dans les arbres. A l’abri dans une case ouverte aux quatre vents, Joseph Poukiou se raconte, raconte son art, sa vie, ses racines. Coup de chasse ou coup de pêche, un champ d’ignames là-haut dans la tribu, une plongée dans le récif, les gosses qui touchent l’ordinateur alors que lui n’y comprend pas grand-chose. Au mois de juin, Joseph, « Joe », était en métropole, visitait Paris, son musée des arts premiers au quai Branly « deux heures de queue, j’ai vu des œuvres d’ici, ça m’a fait plaisir », se perdait dans la belle artificielle alors qu’en Brousse la nature prime. De la lointaine France, il n’a ramené que des pieds de chênes, pour garnir son jardin. A Paris, les gens veulent vivre plus vite que le vent, Joseph, lui, prend son temps. 3 mois, 6 mois, un an parfois pour terminer une sculpture. Ses sujets, ses matériaux, ils sont là, tout autour. Du bois, à profusion, qu’il récupère deci delà, sans jamais couper un arbre. La nature il faut la choyer, prélever sans détruire, au diable les scieries et les usines, « qu’y gagnerait-on ? Manger des conserves ? » Il suffit d’un chambranle, d’une planche pour créer un masque, voire d’un simple poteau de barrière, bois idéal, si dur qu’on peut l’affiner sans le briser.

Artiste, il l’est par passion, vit de petits boulots et sculpte la nuit. Dans sa case, à la lumière du feu ou d’une lampe à huile les ombres dansent sur les morceaux de bois, allument en lui l’inspiration puisée dans ses racines, ancrée à sa terre. Déjà tout gosse, Joseph sculptait, des flèches, des pendentifs, « des miniatures qui m’ont permis de passer au grand format sans difficultés. » Autour, les vieux taillaient, ces mêmes thèmes qu’il réinvente aujourd’hui, flèches faîtières, cagous, guerrier de légende juché sur un gland, serpent ou tortue esprit de la mer, portée par un pêcheur. Des sujets couleur kanak, pour se connaître soi avant d’aller voir l’ailleurs, pour perpétuer la tradition, de l’art aux plantations, et ne plus être assisté. « Avant de réclamer l’indépendance, il faut savoir pêcher. » Joseph veut vivre comme hier mais à la mode d’aujourd’hui, « avancer mais pas trop vite, en gardant un pied sûr. » Au ciseau à bois, il réinvente sa culture à hauteur d’homme, des hommes d’aujourd’hui et de ceux de demain. Le soir, quand ses outils claquent contre le bois, ses gosses éteignent la télé et, à leur tour, se prennent à sculpter.

Source : Passeportpourl’info.

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