Johann Peter Hebel, poète et prosateur.

Poète et prosateur de langue allemande, Johann Peter Hebel est né à Bâle le 10 mai 1760. Pasteur luthérien, enseignant, directeur du Gymnasium illustre (actuel Lycée Bismarck) de Karlsruhe, il grimpe dans la hiérarchie ecclésiastique, devient prélat (évêque) de l’église luthérienne et membre de la chambre haute du parlement du Grand-Duché de Bade. Il est mort le 22 septembre 1826 à Schwetzingen. Son recueil de poèmes, Alemannische Gedichte, paru en 1803, écrit en dialecte du sud du pays de Bade, d’Alsace et de Suisse a ouvert la voie à un renouveau de la poésie dialectale de cette région. Ses récits d’almanach, parus dans Der Rheinländische Hausfreund de 1803 à 1819 sont considérés par Walter Benjamin comme “l’un des plus purs joyaux de la prose allemande”.


Johann Jacob Hebel, le père du poète, était un soldat originaire du Palatinat, au service d’un patricien bâlois qui avait bataillé de la Flandre à la Corse le plus souvent dans les armées françaises. Sa mère, Ursula Oertlin, était domestique dans la famille de ce patricien à Bâle. Ils se marient le 30 juillet 1759. En été, le couple travaille à Bâle. En hiver, il retourne à Hausen, le village natal de la mère, où le père travaille comme tisserand. Le 25 juin 1761, ce dernier meurt du typhus à 41 ans. La petite sœur de Hebel, âgée de quelques semaines, meurt en août. Son père lui laisse une espèce de journal de bord de ses campagnes militaires où il avait noté des chansons populaires allemandes, des romances françaises, des extraits d’auteurs français qu’il aimait et des statistiques.

Hebel, carte maximum, Allemagne.

Hebel, orphelin de père, va en été à l’école à Bâle, en hiver, à Hausen. “J’ai passé la moitié de mon enfance tantôt dans un village perdu, tantôt dans une belle demeure d’une ville illustre. J’ai donc très tôt su ce que c’était que d’être riche, ce que c’était que d’être pauvre…”, raconte-t-il dans un projet de sermon jamais prononcé.

Le 16 octobre 1773, la mère du jeune Hebel est ramenée de Bâle à Hausen sur un char à bœufs. Elle est gravement malade et meurt à mi-chemin en la présence de son fils qui venait la chercher. Elle avait 46 ans. Sa mère avait souhaité qu’il fasse des études supérieures en théologie. Grâce à un legs de l’employeur bâlois, le jeune Hebel est admis de 1774 à 1778 au Gymnasium illustre de Karlsruhe, y est un élève brillant, y acquiert une solide formation classique (Cicéron, Plutarque, Sénèque, Théocrite, Virgile). Il participe à des concours d’éloquence en latin où apparaissent déjà le thème de l’instabilité de la condition humaine, le goût du déguisement et de la métamorphose et sa façon de contrebalancer des arguments.

De 1778 à 1780, il étudie la théologie à l’université d’Erlangen. Comme tout étudiant à cette époque, il adhère à une nation, celle des Mosellans, et plus particulièrement au sein de celle-ci, à une sorte de société secrète, assez semblable à une loge maçonnique, l’Amicisten-Orden. L’objectif de cette association est de concilier le message évangélique chrétien et les leçons du siècle des Lumières.

En 1780, retour à Karlsruhe où il passe l’examen final de théologie qu’il réussit. Il pose sa candidature à un poste de pasteur, n’est pas reçu et devient précepteur dans la maison d’un pasteur à Hertingen. À la suite de la maladie de ce dernier, il est ordonné pasteur et fait des remplacements dans des paroisses alentour. Il a le temps de lire. Ses notes de lecture  (Exzerpthefte) témoignent d’intérêts divers : littérature (Jung-Stilling, Klopstock, Edward Young), histoire du luthéranisme, morale protestante du 18e siècle, médecine).

En 1783, il est nommé au Pädagogium de Lörrach, une petite école latiniste préparatoire au Gymnasium illustre de Karlsruhe s’adressant à des jeunes de 10 à 16 ans. Hebel y enseigne la religion, le latin, l’histoire, la géométrie et l’allemand. Il se lie d’amitié avec le directeur, Tobias Günttert (1751-1821) et se liera plus qu’amicalement avec la belle-sœur de ce dernier, Gustave Fecht (1768-1828). Il entretiendra avec elle une longue correspondance jusqu’à sa mort. Hebel restera célibataire toute sa vie et quand on lui demandait pourquoi il ne se mariait pas, il répondait : “Quand je voulais me marier, ça m’a été impossible, et quand ça m’a été possible, je n’ai pas voulu”.

Vers 1787, Hebel forme un cercle d’amis avec Tobias Günttert, Wilhelm Hitzig (1767)-1849) et August Welper (1770-1829) sous le patronage de Protée (Proteuserbund), une espèce de contre-monde à une société figée dans ses castes. Dans ses notes de travail, il s’intéresse davantage à l’aspect éthique que dogmatique de la religion. Par ailleurs, il émet des propositions en matière de pédagogie où les capacités et les intérêts des élèves seraient mieux pris en compte, propositions sans aucun retour de la part de sa hiérarchie.

En 1791, il est nommé au Gymnasium illustre de Karlsruhe. Aux plus âgés, il enseigne le latin, le grec et l’hébreu, aux collégiens, l’arithmétique, la  comptabilité et la correspondance. Il lui arrive également de prononcer des sermons dans la chapelle du prince régnant. Pendant que la Révolution française suit son cours, que Karlsruhe est l’objet de conflits entre Français et Autrichiens (1796), qu’une paix est signée entre France et Bade, Hebel grimpe dans la hiérarchie, enseigne aussi la botanique et les sciences naturelles. Ses intérêts se portent également vers son dialecte natal, l’alémanique. Son ambition est d’en faire une langue littéraire tout en entrant en résonance par ses images et évocations avec l’imagination de gens simples. En 1803, il publie non sans mal (par souscription) les Alemannische Gedichte, recueil de poèmes en alémanique, qui fait de lui une personne célèbre. C’est également l’année où il commence à fournir des articles pour l’almanach protestant de Bade, le Badischer Landeskalender.

À partir de 1805, il se rend régulièrement à Strasbourg chez le couple Haufe, Gottfried (1768-1840), un de ses anciens élèves et homme d’affaires, et Sophie (1786-1864) dont il connaissait la famille. C’est un lieu de rencontre aussi bien pour des personnalités locales (Ehrenfried Stöber, Benjamin Zix, le pasteur Oberlin) qu’allemandes (Clemens Brentano, Joseph Görres, Jacob Grimm). Hebel aimait déambuler dans la ville qui lui rappelait Bâle et qui le délassait de la trop corsetée Karlsruhe avec ses fonctionnaires et ses militaires. Cette même année, il fait un voyage en Suisse en tant que mentor de deux fils de bonne famille. Ce pays qu’il découvre représente pour un homme des Lumières tel que Hebel un modèle de république et de liberté.

Hebel, carte maximum, Suisse.

C’est en 1807 qu’il est chargé de la rédaction du Rheinländischer Hausfreund. Les articles et récits qu’il y écrit suscitent une envolée des tirages de l’almanach (50 000 en 1811). Au casino de Baden-Baden, Hebel croise l’éditeur Johann Friedrich Cotta (1764-1823) qui lui propose de faire une anthologie des meilleurs récits de l’almanach. Le Schatzkästlein des rheinischen Hausfreundes, un florilège de 128 articles, est publié en 1811.

En 1813, a lieu la bataille de Leipzig (die Völkerschlacht) où les alliés russes, prussiens, autrichiens défont les armées de Napoléon. Elle signifie la fin d’une époque en Allemagne et comme une restauration d’avant la Révolution française tout en étant le germe de la nation allemande. Le Rheinländicher Hausfreund est un almanach officiel au sens où les autorités aussi bien ecclésiastiques que politiques avaient droit de regard et Hebel a été confronté par le passé à la censure18. En prévision de l’almanach de 1815, il avait prépublié un bref récit “Der fromme Rat (La demande de conseil)” dans lequel sa hiérarchie ne voyait rien à redire. Le ton désinvolte de l’article déplaît pourtant aux autorités catholiques qui protestent par la voie du nonce du pape à Lucerne. Pour ne mécontenter personne, Hebel se voit obligé de réimprimer l’almanach sans ce récit. Il démissionne de la rédaction et n’apportera son aide que pour l’almanach de 1819.

En octobre 1815, Goethe est de passage à Karlsruhe. Il rencontre Hebel, “un très grand monsieur (ein ganz trefflicher Mann)”, note-t-il par la suite. Entre-temps, Hebel a quitté la direction du Gymnasium illustre, devenu Lycée, mais y enseignera jusqu’en 1824. Il s’attache à rédiger des histoires bibliques, un manuel d’instruction religieuse pour adolescents. L’ouvrage est publié en 1824.

En 1819, il est nommé prélat de l’église luthérienne du pays de Bade. En 1820, lors de la création du parlement de Bade, il est membre de la chambre haute. Par ses efforts en faveur de la réunion des cultes luthérien et réformé, la faculté de théologie protestante de l’université de Heidelberg lui décerne le titre de docteur honoris causa. Lors d’un voyage d’inspection entre Mannheim et Heidelberg, il meurt subitement en 1826 à Schwetzingen où l’on trouve encore aujourd’hui une stèle funéraire en son honneur.

Source : Wikipédia.

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