Aliénor d’Aquitaine, reine de France et d’Angleterre.

Femme protectrice des arts, inspiratrice des poètes et véritable tête politique, la vie d’Aliénor d’Aquitaine est fascinante. Lorsque l’on survole les grands évènements qui jalonnèrent sa vie, on est frappé par la grande longévité de cette femme, et de sa résistance exceptionnelle face aux épreuves de son temps.

Héritière d’un vaste et riche duché, Reine de France à quinze ans par son union avec Louis VII en 1137, Reine d’Angleterre aux côtés d’Henri II Plantagenêt en 1154, Aliénor eut une vie particulièrement mouvementée, semée d’embuches, et s’éteignit à un âge extrêmement avancé pour l’époque : plus de 80 ans. Elle donna naissance à dix enfants, dont neuf atteignirent l’âge adulte, à une époque où les femmes mouraient souvent en couches et où la mortalité infantile faisait des ravages. Elle survécut à huit d’entre eux, mais également à ses deux maris et à sa soeur Pétronille, qui mourut… cinquante ans avant elle, en 1153 !

Le premier grand périple de sa vie, après son union avec le Roi de France Louis VII, est celui qu’elle entreprend aux côtés de son époux dans le cadre de la deuxième croisade (1147-1148). Certes, elle n’est pas la seule femme à prendre la route, loin de là ! Elle est d’ailleurs suivie par de nombreuses femmes, qui accompagnent aussi leurs maris. Et puis… elle est jeune et déborde d’énergie :

Elle avait vingt-quatre ans, une santé à toute épreuve et une superbe endurance aux longues chevauchées.
Mais si quantité de chariots (charge superflue qu’on lui reprochera) transportent robes de rechange, fourrures, voiles, selles et harnachements, bijoux et cuisines, etc, le périple n’en est pas pour autant moins long et moins dangereux.

La croisade, qui se révèlera un échec, mène Aliénor à Constantinople puis à Antioche, en Syrie. Sur la route de Terre sainte jalonnée de cadavres, chevaliers ou pauvres gens, elle résiste à la traversée de déserts, avec la faim, la soif et les flèches turques pour seules compagnies.

A son retour, elle prend une décision effarante : elle est bien résolue à divorcer de Louis VII. La mésentente dans leur couple est de notoriété publique. Le divorce n’est pas chose courante à cette époque, surtout lorsque l’on est Reine de France ! Qu’importe, on invoque le prétexte de consanguinité, et l’affaire est rondement menée en mars 1152. Deux mois plus tard Aliénor d’Aquitaine, libre, épouse le fringuant Henri, duc de Normandie, héritier du royaume d’Angleterre, qui possède déjà sur le continent français la Normandie, l’Anjou et le Maine : Aliénor lui apporte l’Aquitaine.

Une nouvelle vie, brillante, s’ouvre à la Reine. Elle partage alors son temps entre l’Angleterre, la Normandie et ses terres d’Aquitaine, traversant la Manche dans un sens puis dans l’autre, infatigable, visitant les terres de son époux et les siennes, dispensant grâces et faveurs, administrant en véritable chef d’Etat.

Il est vrai que ces déplacements incessants sont alors la vie quotidienne de tous les seigneurs et, plus encore, des rois qui vont d’une résidence à l’autre aussi bien pour y maintenir l’ordre et y rendre la justice que pour en consommer sur place les revenus. (…) Il reste que le rythme de l’existence se trouvait passablement accéléré auprès d’un homme tel qu’Henri Plantagenêt. Par tempérament personnel autant que pour assurer son pouvoir, il a mené une vie beaucoup plus agitée que la plupart des gens de son temps.

Ces voyages perpétuels ne font pas peur  à Aliénor : elle les entreprend avec fougue, souvent enceinte ! Car la jeune femme est non seulement Reine d’Angleterre et duchesse d’Aquitaine, mais aussi mère incroyablement féconde. Alors qu’elle n’a donné que deux filles à son premier époux en onze ans de mariage (Alix, future comtesse de Blois, et Marie, future comtesse de Champagne), les grossesses se succèdent avec Henri II : Guillaume en 1153 (il mourra à l’âge de 3 ans), Henri en 1155, surnommé Henri le Jeune, Mathilde en 1156, Richard en 1157, futur Richard Cœur de Lion, Geoffroy en 1158, Aliénor en 1161, Jeanne en 1165, et enfin Jean en 1166, futur Jean sans terre. D’une santé florissante, elle supporte ces multiples grossesses très rapprochées, donnant naissance à son dernier enfant à plus de quarante ans.

Lorsque ses deux fils aînés, Henri le Jeune et Richard, se révoltent contre leur père qui refuse de leur déléguer un peu de son pouvoir, Aliénor prend leur parti contre son époux. Il est vrai que depuis qu’Henri affiche ouvertement sa maîtresse, la « belle Rosemonde », leur couple si uni s’est fissuré.

Cette rébellion ouverte contre celui qui reste son maître lui vaut de longues années de captivité en Angleterre : elle est enfermée et déplacée dans des châteaux selon le bon vouloir d’Henri II. Elle apprend le décès de son fils ainé Henri le Jeune, mort en 1183 à l’âge de vingt-huit ans, puis de son fils Geoffroy, mort en 1186. C’est à nouveau la mort qui vient frapper en 1189, mais pour lui rendre sa liberté : son époux Henri II rend son âme à Dieu et, après une quinzaine d’années reléguée dans l’ombre, Aliénor revit.

Loin de se trouver affaiblie par la captivité, à soixante-sept ans, elle est prête pour de nouveaux combats et de nouvelles épreuves aux côtés du nouveau Roi, son fils Richard. Elle pense qu’elle vit là les dernières années de sa vie…

Déjà très âgée pour l’époque, elle va entreprendre un nouveau long voyage. Lorsque son fils Richard part en croisade en 1190, il s’arrête en Sicile où sa mère, chevauchant à bride abattue, réalise un « long et périlleux périple » pour venir le rejoindre : elle lui amène Bérangère de Navarre, sa future épouse. Aliénor retrouve aussi sa fille Jeanne qu’elle n’a pas revue depuis quatorze ans, devenue Reine de Sicile et désormais veuve.

Aliénor d’Aquitaine, prêt-à-poster.

Le retour en Angleterre d’Aliénor n’est pas de tout repos. Elle contrecarre avec énergie les manœuvres de Jean sans Terre, qui souhaite ardemment s’emparer de la couronne de son frère pendant son absence. On la voit alors apaiser les querelles, tenir des assemblées, fortifier les châteaux, protéger le royaume de son cher Richard en attendant son retour. Mais son fils ne revient pas… Que s’est-il passé ? Aliénor apprend que le Roi d’Angleterre est prisonnier de l’Empereur d’Allemagne ! Alors elle use de toute son influence pour obtenir la libération de son fils. Finalement, elle se décide à aller le délivrer elle-même des geôles de l’Empereur, en 1194. Le voyage est long et éprouvant, mais rien ne l’arrête ! Elle revient triomphalement en Angleterre avec son fils, qu’elle réconcilie (brièvement) avec Jean sans Terre.

Durant les années qui suivent, Aliénor se retire de plus en plus souvent dans sa chère abbaye de Fontevrault… une retraite bien méritée ! Mais la vie, une fois de plus, la rappelle…

Le 25 mars 1199, Richard est atteint à l’épaule par un carreau d’arbalète lors d’un siège. La plaie s’infecte, la fièvre monte, bientôt le Roi se sait perdu et appelle sa mère auprès de lui. En avril, Aliénor assiste à l’agonie de Richard, en lequel elle plaçait tous ses espoirs.

Son fils bien-aimé disparaissait en pleine force, à quarante et un ans, sans laisser d’héritier.
Mais vite, Aliénor se ressaisit. Bien qu’il soit aussi son fils, elle ne se fait guère d’illusions sur le nouveau Roi Jean, dont elle connaît la médiocrité. Il a besoin d’appuis. Alors, pour sauver le royaume d’Angleterre et ses possessions sur le continent, elle entreprend une véritable tournée politique dans ses états français. Habile, elle fait l’hommage de ses terres au Roi de France Philippe-Auguste : elle sait que son dernier fils aura besoin de sa bienveillance.

Soudain, la mort à nouveau emporte l’un des siens. Sa fille Jeanne, ex reine de Sicile, enceinte pour la seconde fois du comte de Toulouse, est au plus mal. Sa santé décline avec l’approche du terme de sa grossesse. La jeune femme agonise dans les bras de sa mère à Rouen. Aliénor lui ferme les yeux cinq mois après avoir recueilli les derniers soupirs de Richard. Marguerite, Marie de Champagne et Alix de Blois sont mortes elles-aussi. De ses dix enfants, il ne lui reste plus que Jean sans Terre, personnage inquiétant, et Aliénor, Reine de Castille.

Peu de temps après cette année terriblement éprouvante, il lui faut une nouvelle fois voler au secours de Jean sans Terre. Dans la lutte qui l’oppose au Roi de France Philippe-Auguste, il n’a pas su tirer profit de l’embellie de leurs relations apportée par Aliénor. La Reine mère conçoit le projet, agréé par Philippe-Auguste et Jean sans Terre, de marier l’une de ses petites-filles à l’héritier de Philippe-Auguste, de manière à sceller la paix une bonne fois pour toutes.

En Castille, le mariage de la fille qui porte son nom avec Alphonse VIII a été prolifique. Aliénor d’Aquitaine, sans perdre de temps, entreprend le voyage en Espagne, traversant les Pyrénées à la fin de l’année 1200, âgée de plus de 75 ans, pour aller chercher sa petite-fille Blanche de Castille. Elle séjourne un temps à la Cour avant de remettre l’enfant aux émissaires français à Bordeaux. Ce mariage n’apportera pas la paix escomptée, mais mêlera le sang d’Aliénor à celui des Rois de France grâce à Blanche de Castille, l’une des plus grandes Reines du Moyen-Age, non moins célèbre que sa grand-mère.

Ce voyage est le dernier de la Reine duchesse, qui rend l’âme le 31 mars 1204, à Fontevrault, après avoir vécu avec ardeur et passion une existence hors du commun, qui aujourd’hui encore fascine les historiens et le grand public.

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Sources : Wikipédia, YouTube.

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