Alfred Victor de Vigny, écrivain, romancier et dramaturge.

Alfred Victor de Vigny ou comte de Vigny, né le 27 mars 1797 à Loches, et mort le 17 septembre 1863 à Paris 8e, est un écrivain, romancier, dramaturge et poète français.

Figure influente du romantisme, il écrit parallèlement à une carrière militaire entamée en 1814 et publie ses premiers poèmes en 1822. Avec la publication de Cinq-Mars en 1826, il contribue au développement du roman historique français. Ses traductions versifiées de Shakespeare s’inscrivent dans le drame romantique, de même que sa pièce Chatterton (1835). Son œuvre se caractérise par un pessimisme fondamental, et une vision désenchantée de la société. Il développe à plusieurs reprises le thème du paria, incarné par le poète, le prophète, le noble, Satan ou bien le soldat. Sa poésie est empreinte d’un stoïcisme hautain, qui s’exprime en vers denses et dépouillés, souvent riches en symboles, annonçant la modernité poétique de Baudelaire, Verlaine et Mallarmé.

Alfred de Vigny naît à la fin du XVIIIe siècle, au sein d’une famille issue de la vieille noblesse militaire. Après une vie de garnison monotone – il passe quinze ans dans l’armée sans combattre–, il fréquente les milieux littéraires parisiens et notamment le Cénacle romantique de Victor Hugo. De 1822 à 1838, il écrit des poèmes (Poèmes antiques et modernes), des romans (comme Stello), des drames (comme La Maréchale d’Ancre) et des nouvelles (Servitude et grandeur militaires) qui lui apportent la célébrité. En 1838, après une rupture sentimentale avec Marie Dorval et la mort de sa mère, Alfred de Vigny s’installe pour la première fois au Maine-Giraud, son domaine situé en Charente. Il goûte à la solitude et prend soin de sa femme malade et constamment alitée. De retour à Paris, il se mêle de nouveau à la vie politique et littéraire. Il parvient en 1845 à se faire élire, au bout de la cinquième tentative, à l’Académie française. En revanche, candidat en Charente, lors des élections de 1848, il échoue à la députation.

Par la suite, il effectue plusieurs séjours au Maine-Giraud, avec Mme de Vigny pour seule compagnie, mais vit surtout à Paris. Il écrit peu, publie rarement, mais médite et lit beaucoup. Il meurt d’un cancer de l’estomac, après une lente agonie qu’il supporte avec patience et stoïcisme. Son recueil posthume Les Destinées est publié en 1864. Son Journal est révélé en 1867.


Son premier texte publié est un essai sur l’œuvre de Byron, dont les œuvres complètes sont parues en 1820. Le Bal, son premier poème, est publié la même année. Les deux textes paraissent dans Le Conservateur littéraire, la revue de Victor Hugo. Vigny le fréquente, ainsi que Charles Nodier, Alexandre Soumet et le reste du Cénacle. Il devient ami de Victor Hugo et publie en 1822 un recueil de poésie, sous couvert d’anonymat. L’ouvrage passe inaperçu. Le 22 octobre de la même année il est témoin du mariage de Hugo avec Adèle Foucher. Il est reçu chez Sophie Gay, désireuse de le voir épouser sa fille Delphine, la « Muse de la patrie », mais Mme de Vigny fait obstacle au projet.

Son « aventure » espagnole est pour lui l’occasion de composer Le Trappiste, Dolorida et Eloa, poèmes bien accueillis qui contribuent à éclairer son nom. En 1824 il collabore à la Muse française, fréquente le salon de Virginie Ancelot et fait la connaissance de Marie de Flavigny, future comtesse d’Agoult. Alors qu’il est en garnison à Bayonne, il s’éprend d’une Anglaise, Lydia Bunbury, qu’il épouse l’année suivante.

En 1826, il s’installe à Paris avec sa femme, et publie Les poèmes antiques et modernes et Cinq-Mars, premier vrai roman historique à la française. Considéré comme le Walter Scott français, il s’essaye également au théâtre, avec une adaptation en vers d’Othello. La première représentation à la Comédie-Française, le 24 octobre 1829, est houleuse, et préfigure celle d’Hernani. Il assiste sagement à la création de la pièce le 25 février 1830, aux côtés notamment de Théophile Gautier et Gérard de Nerval. Un mois plus tard, Christine d’Alexandre Dumas enfonce le clou du théâtre romantique. Après la première du 30 mars, Dumas prie Hugo et Vigny de corriger son texte, ce qui est chose faite dans la nuit même.

Alfred de Vigny, carte maximum, Loches, 25/05/1963.

La révolution de Juillet réveille en lui le pessimisme. Il réagit vivement devant les erreurs répétées des gouvernements de la Restauration. Les ordonnances du ministère Polignac le font douter de la politique. La Maréchale d’Ancre, représentée à l’Odéon le 25 juin 1831, avec laquelle il fait sa véritable entrée au théâtre, exprime ces doutes. À travers ce drame historique il se prononce pour l’idée de l’abolition de la peine de mort en matière politique.

C’est à cette époque qu’il entame une liaison tumultueuse avec Marie Dorval, après lui avoir fait une cour respectueuse. Mais Vigny, d’un tempérament jaloux et possessif, s’accommode mal du mode de vie de l’actrice, sans cesse sur les routes au sein d’une troupe de comédiens ambulants. La promiscuité des chambres fait craindre le pire au poète. Dorval est alors célèbre pour ses rôles dans Antony ou Marion Delorme — drames romantiques par excellence. Comme elle a l’ambition de brûler les planches de la Comédie-Française, il lui écrit Quitte pour la peur (1833), gracieux proverbe qui doit prouver qu’elle peut tout jouer.

Il écrit ensuite pour elle un drame cette fois : Chatterton. La pièce, écrite en douze jours et créée le 12 février 1835 à la Comédie-Française, rencontre un succès prodigieux. Sand, Musset, Sainte-Beuve, Du Camp, Berlioz figurent parmi le public et applaudissent en chœur l’auteur et la comédienne, qui triomphe dans le rôle de Kitty Bell. Marie Dorval joue ensuite le rôle dans de nombreuses villes de France où elle défend avec ferveur la pièce de Vigny.

Alfred de Vigny, essais de couleur.

Chatterton est tiré d’un roman philosophique que Vigny venait de publier : Consultations du Docteur Noir : Stello ou les Diables bleus (1832). Stello est un récit mêlé d’histoire, de philosophie et de roman qui rappelle Sterne et Diderot. À travers les trois exemples d’André Chénier, Nicolas Gilbert et Thomas Chatterton, Vigny développe, dans un ton amer et désabusé, l’idée que la vie moderne transforme le poète en paria. Le poète est un être à part, un génie malheureux, inadapté au quotidien, que le monde trivial fait souffrir, qui vit dans une profonde solitude. Écrasé par les matérialités de la vie, il est contraint, s’il veut subsister, d’accepter des fonctions utilitaires qui le détournent de sa mission. Cette conception amère de la poésie préfigure la vogue des poètes maudits.

Servitude et Grandeur Militaires (1835), est une autre œuvre en prose. Vigny se penche sur la figure du soldat, autre paria de la vie moderne. Trois récits illustrent la condition humaine du militaire, écartelé par son devoir d’obéissance et sa conscience d’homme libre.

L’avenir semble lui appartenir, mais aux alentours de 1837, tout s’assombrit : la mort de sa mère, sa rupture avec Marie Dorval et des brouilles successives avec ses anciens amis du Cénacle le font quitter le devant de la scène. Il cesse brusquement de publier, à l’exception de quelques poèmes qui paraissent dans la Revue des deux Mondes en 1843-44, puis en 1854.

Il fait alors quatre séjours dans son domaine de Charente, le logis du Maine-Giraud à Champagne-de-Blanzac (renommée Champagne-Vigny en 1983), en 1838, 1846, 1848-49 et 1850-53, soit, au total, pendant cinq des vingt-cinq dernières années de sa vie. Là il veille sur sa femme Lydia, quasiment infirme et silencieuse. Au cours de ses passages en Charente, il s’intéresse à la vie du domaine, qu’il restaure et entretient, tandis qu’il poursuit son œuvre, rédigeant une partie de ses Mémoires de famille, puis de ses Mémoires politiques16, et travaillant à quelques poèmes. C’est ainsi qu’en 1838 il met au net La Mort du loup dans sa tour du Maine-Giraud17; en 1846, il y dresse le plan de La Bouteille à la mer (qu’il termine, au même endroit, en 1853) ; en 1849, il y achève Les Destinées, texte qui donnera son titre au recueil de 186418. Éloigné des salons parisiens, il n’en demeure pas moins attentif à la vie littéraire et politique de son temps. En octobre 1852 il dîne même à Angoulême avec le prince-président Louis-Napoléon qui voyage en province à des fins de propagande (les deux hommes s’étaient rencontrés en 1839, à Londres).

Entre ses séjours charentais, Vigny se présente vainement à cinq reprises à l’Académie. Il endure les visites et réceptions des académiciens, pour la plupart hostiles au romantisme et à ses idées19. Il est finalement élu le 8 mai 1845. La réception a lieu le 29 janvier 1846. Son discours, célébrant le romantisme, est d’une longueur inhabituelle. De plus, il a refusé de faire, à cette occasion, l’éloge de la « branche cadette » et du roi Louis-Philippe. La réponse de Mathieu Molé20 est cinglante. Molé critique ouvertement le courant romantique et les œuvres du poète. Il ne se prive pas de nier leur mérite et de condamner leur manque de vérité, ce qui achève de mortifier l’auteur. Par ailleurs, Vigny échoue à faire élire Balzac à l’Académie le 18 janvier 1849, malgré le soutien de Hugo21. Le poète ne réussit pas davantage à se faire élire député de Charente, après s’être présenté deux fois aux élections en 1848 et 1849.

Alfred de Vigny, épreuve de luxe.

Vigny retourne à Paris en octobre 1853. Il revoit le prince-président, rencontré l’année précédente, et devenu Empereur des Français. L’écrivain ne tarde pas à devenir partisan du Second Empire. Il reçoit par ailleurs la visite d’un Barbey d’Aurevilly admiratif et de Charles Baudelaire lors de sa candidature à l’Académie, campagne qui se révèlera désastreuse. Les deux poètes sympathisent. À cette époque, il multiplie les liaisons amoureuses, avec Louise Colet, l’ancienne maîtresse de Flaubert et de Musset, puis avec Elisa Le Breton et enfin avec Augusta Bouvard, toutes deux à peine âgées de vingt ans.

Quelques années plus tard, en décembre 1862, sa femme Lydia Jane Bunbury décède. Vigny la rejoint le 17 septembre 1863 à une heure du soir. Il souffrait depuis quelques années d’un cancer à l’estomac. Il meurt en son domicile, au 6 rue des Écuries d’Artois, son décès est déclaré le 18 par Louis Ratisbonne, homme de lettres, 36 ans, demeurant 121 avenue de Saint-Cloud (Paris, 16e arrondissement) et par son cousin Louis Joseph de Pierres, 36 ans, demeurant 11, rue de La Soudière Saint-Honoré. Il est enterré dans le cimetière de Montmartre à Paris (13e division).

Nul autre, parmi les romantiques, n’est aussi personnel que Vigny : dans la plupart de ses poèmes, il exprime un « moi » hautain et jaloux. Cependant, il se met rarement en scène : il est tantôt Moïse, tantôt Samson, tantôt Jésus même (cf. le Mont des Oliviers), et ses plus belles pièces se présentent presque toutes comme des symboles ; à l’expression de ses sentiments, il donne, en les détachant pour ainsi dire de sa personnalité, une valeur et une portée générales. La solitude, à laquelle condamnent le génie, l’indifférence des hommes, la trahison de la femme (cf. sa relation avec Marie Dorval), l’impassibilité de la Nature et le silence de la Divinité en présence de nos maux, la résignation stoïque qu’il convient de leur opposer, telles sont les idées maîtresses de ce poète philosophe.

On le dit souvent artiste laborieux et chagrin, l’invention verbale lui manquerait, et la veine, et le souffle. Il n’a fait, d’ailleurs, en tout, qu’une quarantaine de morceaux dont on a pu dire que beaucoup sont obscurs, entortillés. Dix ou douze seulement mériteraient de survivre, comme Moïse, la Bouteille à la mer, la Mort du loup, la Maison du berger, le Mont des Oliviers, la Colère de Samson, Eloa ou la sœur des anges, etc. Mais ceux-là valent ce que la poésie française a produit de plus beau.

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Sources : Wikipédia, YouTube.