La fonte artisanale de Kasli (Russie).

Fabrique minière artisanale à sa naissance au XVIIIe siècle, l’usine de Kasli lança, un siècle plus tard, la fabrication de sculptures en fonte. Elles la rendirent célèbre à travers le monde. Ioulia Maslova, directrice du département des métaux et de la pierre au Musée panrusse des arts décoratifs et populaires, nous parle des traditions de la sculpture en fonte.


En 1747, l’industriel Jacob Korobkov achète un terrain dans le village de Kasli, dans l’oblast de Tcheliabinsk (à 1 800 km à l’est de Moscou), pour y ériger des usines. Au départ, l’essentiel des commandes de l’usine de fonte était destinées à l’armée, mais l’usine de l’Oural fabriquait également une excellente vaisselle – pots, chaudrons et autres ustensiles.

Les célèbres sculptures en fonte naissent plus tard, dans les années 1800. Il s’agissait d’abord de copies, puis d’une ligne originale.

Les premiers échantillons pour la sculpture en fonte furent apportés par le gérant Grigori Zotov de Berlin en 1820 : les maîtres russes les copiaient. En 1855, Mikhaïl Kanaïev, premier sculpteur professionnel et diplômé de l’Académie impériale des Beaux-Arts, rejoint l’usine. Ses croquis, puis ceux d’autres sculpteurs célèbres, servent alors à la fabrication des sculptures de bureau de Kasli. Apparaissent ainsi des compositions au style et aux sujets originaux, devenus ensuite reconnaissables : « Traîneaux », « Vieille femme au rouet », etc.

Plus tard, l’œuvre de Zlotov est reprise par Grigori Droujinine : collectionneur passionné, il gérera l’usine pendant 30 ans et sera, en réalité, son directeur artistique, complétant la liste des modèles qui serviront aux Kasliniens pour copier les œuvres.

Parmi les modèles, on retrouve 20 sculptures du célèbre Peter Clodt (auteur du pont Anitchkov à Saint-Pétersbourg). Aujourd’hui, la liste des modèles utilisés par l’usine compte 800 pièces rien que pour la sculpture artistique et 400 autres pour la fonte architecturale.

Pendant de longues années, les principaux éléments techniques de la sculpture en fonte resteront inchangés. On pensait, par exemple, que la meilleure fonte était obtenue grâce à l’ajout du charbon de bois. Pour préparer les modèles, on utilisait la méthode de formation « sèche » : les modèles en bois, argile ou cire était « pressés » dans le moule et recouverts de fonte.

Pour faire une sculpture, on crée un croquis et un modèle, on fond, on cisèle et on pose un revêtement spécial, un mélange de suie hollandaise et d’huile de lin cuite, qui donne aux sculptures leur ton velouté noir spécial.

Les sculptures en fonte de Kasli étaient plus abordables, mais d’aussi bonne qualité, que les sculptures onéreuses en bronze. Ces objets de décoration intérieure étaient accessibles aux fonctionnaires et aux marchands, et pas seulement aux nobles. Cendriers, presse-papiers, encriers, bougeoirs – Kasli fabriquait de tout.

Cet artisanat démocratique est frappant, car il porte tant sur des objets utilitaires que sur des pièces indubitablement artistiques. L’architecte italien Carlo Rossi, qui recevait des commandes de la cour impériale, confiait la fonte des détails architecturaux aux maîtres de Kasli.

En 1900, Kasli participe à l’Exposition universelle de Paris. Pour la conception du pavillon, l’architecte Evgueni Baumgarten utilise des éléments du Moderne russe et des motifs byzantins et scandinaves. Ce travail rendit Kasli célèbre au-delà des frontières russes.

Une anecdote amusante marque l’exposition : devant le pavillon trônait la sculpture de Nikolaï Laveretski « Russie » – une image féminine allégorique en armure et avec une épée à la main, qui symbolisait la Russie. Les offres d’achat fusèrent, mais après une longue négociation, l’usine envoya sa réponse : « La « Russie » n’est pas à vendre ! ». Aujourd’hui, on peut découvrir le pavillon restauré et reconstruit au Musée des Beaux-Arts d’Ekaterinbourg.

Comme tant d’autres usines artisanales, Kasli compte son lot de maîtres héréditaires et la tradition a été perpétuée au XXe siècle. La reconstruction du pavillon parisien fut assurée, à partir de 1957, par Semion Guilev. Son fils Alexandre travailla plus de 30 ans à l’usine, dont 10 ans au poste de sculpteur en chef. Grâce à lui, la marque de la fonte de Kasli maintint son haut niveau à l’époque soviétique. Le petit-fils de Semion Guilev travaille également la fonte dans la tradition de Kasli.

A ce jour, alors que les matières pour la sculpture sont fournies par l’Usine métallurgique de Tcheliabinsk, l’atelier de sculpture en fonte poursuit son travail et préserve les traditions. Il y a un an, il a expérimenté et a fabriqué une petite série de broches, pendentifs et boucles d’oreille en fonte. Les pièces sont toutes petites – pas plus grandes qu’une boîte d’allumettes et pas plus épaisses qu’une mine de crayon.

Source : Russia Beyond.

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