Jean Estienne, né le 7 novembre 1860 à Condé-en-Barrois (Les-Hauts-de-Chée depuis 1972) dans la Meuse et mort le 2 avril 1936 à Paris, est un militaire, artilleur et ingénieur militaire français. Il a eu en France une influence importante dans le développement de l’artillerie moderne et de l’aviation militaire. Il reste surtout connu comme l’homme qui a créé une arme blindée en France — ce qui lui a valu le surnom de « Père des chars » — qu’il appelait « artillerie d’assaut » durant la Première Guerre mondiale.
Capitaine du 1er Régiment d’artillerie de Bourges en 1891, il développe des instruments de télémétrie pour mettre en pratique ses théories. Il fut promu commandant du 19e Régiment en 1902, mais son travail bénéficiait surtout à l’atelier de la section d’artillerie de Paris, à la tête de laquelle il conçut des liaisons téléphoniques pour assurer la précision des tirs. Il fut aussi impliqué dans le développement de l’aviation, cette dernière servant à régler les tirs par l’observation, et ce, dès 1909 comme Lieutenant-Colonel. Il commanda le 5e groupe d’aviation à Lyon, et revenu à l’arsenal of Vincennes, créa une section aéronautique.
Lorsque la guerre éclate, il commande le 22e Régiment d’artillerie sous les ordres de Philippe Pétain. La précision de ses tirs étonne les Allemands à la Bataille de Charleroi (août 1914). Dès que la ligne devint statique, il fut l’un des premier à imaginer un bouclier mobile individuel pour l’offensive. Il commence dès lors à imaginer de nouveaux moyens pour l’artillerie d’effectuer une action précise et coordonnée en première ligne, ainsi que d’épargner la vie des troupes, ce qui le conduisit à déclarer “Messieurs, la victoire appartiendra dans cette guerre à celui des deux belligérants qui parviendra le premier à placer un canon de 75 sur une voiture capable de se mouvoir en tout terrain”
Quelques expérimentations furent tentées, mais ce n’est qu’à l’été 1915, qu’Estienne découvre et se rapproche d’Eugène Brillié (Schneider) associé au parlementaire Jules-Louis Bréton sur un projet de véhicule coupe-barbelés basé sur un chassis chenillé Holt. Il s’enthousiasme et écrit plusieurs lettres au Général Joffre, malheureusement bloqués par la hiérarchie. Le 1er décembre, il envoie une nouvelle lettre, personnelle cette fois, dans laquelle il préconise la création d’une force blindée suffisante pour emmener 20 000 hommes en profondeur dans le périmètre ennemi. Chacun de ces véhicules devaient embarquer une mitrailleuse et un canon léger, ainsi que des troupes, préfigurant les futurs transports d’assaut et véhicules de combat d’infanterie modernes.
Il eut l’occasion d’en parler au chef de cabinet de Joffre, le général Janin, et Pétain et lui assistèrent à une nouvelle démonstration du chassis du futur char Schneider le 15 décembre 1915. En réalité le prototype Schneider était déjà bien avancé depuis mai, les tests ayant démarré dès le 9, et cet argument lui permit d’obtenir le 20 Décembre l’aval pour la création d’une force blindée. Le même jour il prospectait Louis Renault pour la fabrication d’un char. Il parvint enfin à rencontrer et convaincre Joffre en personne en Janvier 1916. Toutefois le “court-circuitage” de son projet ne plut guère à Bréton qui s’accocia au co-inventeur du fameux canon de 75, Emile Rimailho pour produire le Saint Chamond.
Le 1er avril, l’artillerie spéciale avait accusé réception de 208 Schneider et 48 Saint-Chamond. Seule une fraction de ces chars était directement utilisable. Toutefois, le 16 avril, il reçevait l’ordre du général Nivelle d’engager ses blindés à Berry au Bac, pas encore proprement entraînés. Le résultat fut assez désastreux, au point que Nivelle considéra l’abolition de l’unité blindée, qui ne suvécut que grâce aux connections d’Estienne avec Pétain au sein du GQG, en particulier après que ce dernier ait été nommmé commandant en chef. Il théorisa et milita alors pour deux types de chars:
Au final, même les chars léger FT se verront déclinés en mâle (canon) et femelle (mitrailleuse) en coordination, et la conception d’un char lourd, confié aux Forge et Chantier de la Méditerrannée ne déboucheront qu’après la guerre avec le FCM 2C. Dans les deux cas, Estienne ne se préoccupait que de la percée, non de l’exploitation, ce que les Britanniques avaient compris en construisant le rapide char “Whippet” fin 1917. La grande quantité de chars FT, appelé “Char de la Victoire” assurera les victoires de l’été 1918 et installera définitivement le char à l’ordre du jour dans les armées. Estienne fut nommé Général de division le 23 décembre 1918. Il sera décoré grand-croix de la légion d’honneur en 1934. Moins connue est son association en 1923 à André Citröen pour la double traversée du Sahara en autochenilles. Il aura également l’occasion de discuter des aspects techniques et tactiques des chars avec George S. Patton en 1917.
En 1919 Estienne publiera une étude des missions des chars sur le champ de bataille, qui préfigurait les différent types (char lourd dit de rupture, char rapide de cavalerie pour l’exploitation, char léger d’infanterie.). Mais il se faisait aussi l’avocat d’unités intégrées avec de l’infanterie motorisée ainsi que le ravitaillement, la réparation et le soutien, ainsi qu’une “artillerie volante” de soutien rapproché. Des idées que l’on retrouve chez Tukhachevsky au sujet de la “guerre profonde” dans les années 30, et bien sûr des Allemands comme Guderian. Plus tard, De Gaulle (qui rencontrera Estienne peu avant sa mort) viendra à reprendre et perfectionner ces idées, mais l’état-major n’est malheureusement toujours par acquis à ces idées de forces blindées autonomes. En 1939, pour le malheur de la France, la doctrine officielle d’emploi était toujours celle du soutien de l’infanterie, employé en mode méthodique et hiérarchique. Dans le doute, les chars étaient dispersés au lieu d’être concentrés.
Après sa mort, les mérites du général Estienne ont été légitimement reconnus pour son rôle moteur dans l’établissement d’une force de blindés et de son emploi en France, et le musée des blindés de Saumur porte à juste titre son nom.
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Sources : Wikipédia, Chars100, YouTube, Archives Pathé.