Zhou Enlai, homme d’état.

Zhou Enlai (chinois simplifié : 周恩来 ; chinois traditionnel : 周恩來 ;  né le 5 mars 1898 à Huaiyin (aujourd’hui Huai’an, Jiangsu) et mort le 8 janvier 1976 à Pékin, est le premier Premier ministre de la république populaire de Chine en poste à partir d’octobre 1949 jusqu’à sa mort, sous les ordres de Mao Zedong. Il a joué un rôle dans la consolidation du contrôle du pouvoir du Parti communiste chinois, a mis en place une politique étrangère et a développé l’économie de la république populaire de Chine.

En tant que diplomate habile et qualifié, Zhou Enlai est ministre des Affaires étrangères entre 1949 et 1958. Préconisant une coexistence pacifique avec l’Occident après l’impasse de la guerre de Corée, il participe aux accords de Genève en 1954 et aide à orchestrer la visite de Richard Nixon en Chine en 1972. Il est à l’origine des politiques menées face aux crises diplomatiques avec les États-Unis, Taïwan, l’Union soviétique (après 1960), l’Inde et le Viêt Nam. Zhou Enlai est également connu pour être un soutien de longue date de Mao Zedong, en particulier en ce qui concerne la politique étrangère chinoise.

En grande partie grâce à son expertise, Zhou Enlai parvient à survivre aux purges des grands dirigeants durant la Révolution culturelle des années 1960. Ses tentatives de réduire les dommages des Gardes rouges et ses efforts pour protéger les autres de la colère de ces derniers l’ont rendu très populaire après les événements. Alors que la santé de Mao commence à décliner en 1971 et 1972, Zhou et la Bande des Quatre mènent une lutte interne pour prendre la direction de la Chine. Mais la santé de Zhou Enlai est également défaillante et il meurt huit mois avant Mao Zedong, le 8 janvier 1976. L’effusion de chagrin du peuple à Pékin tourne à la colère envers la Bande des Quatre, menant au mouvement du 5 Avril. Bien que Hua Guofeng lui succède, c’est Deng Xiaoping, l’allié de Zhou Enlai, qui parvient à vaincre politiquement la Bande des Quatre et à prendre finalement la place de Mao Zedong en tant que chef suprême de la Chine en 1977.


Zhou revient à Tianjin durant l’automne 1919. Les historiens sont partagés sur sa participation au Mouvement du 4-Mai (de mai à juin 1919). Sa biographie chinoise officielle affirme qu’il était le leader des manifestations étudiantes de Tianjin durant le mouvement, mais plusieurs universitaires pensent qu’il est très peu probable qu’il y ait même participé, en se basant sur l’absence de preuves directes dans les archives de cette époque. En juillet 1919, toutefois, il devient éditeur du Journal de l’Union des étudiants de Tianjin, apparemment à la demande de son camarade de classe Ma Jun, fondateur de l’Union. Durant sa brève existence, de juillet 1919 aux débuts de l’année 1920, le journal est largement lu par des groupes d’étudiants à travers le pays mais est supprimé par le gouvernement national pour « menace de la sécurité publique et de l’ordre social ».

Lorsque Nankai devient une université en août 1919, Zhou fait partie de la première promotion, mais il milite désormais à plein temps et délaisse ses études. Ses activités politiques continuent de se développer et, en septembre, Zhou et plusieurs autres étudiants fondent la Société naissante, un petit groupe qui ne dépassera pas 25 membres. En expliquant les buts et objectifs de la Société naissante, il déclare que « tout ce qui est incompatible avec le progrès des temps actuels, comme le militarisme, la bourgeoisie, les seigneurs de partis, les bureaucrates, les inégalités entre hommes et femmes, les idées obstinées, les morales obsolètes, les anciennes éthiques… devraient être abolies ou reformées. » Il affirme que l’objectif de la société est de répandre cette conscience à travers le peuple chinois. C’est au sein de celle-ci que Zhou rencontre sa future femme, Deng Yingchao. Par certains aspects, la Société naissante ressemble au groupe clandestin d’étude marxiste de l’Université de Pékin mené par Li Dazhao. Les membres des deux groupes utilisent des numéros au lieu de leurs noms pour garder le secret. Zhou est le « Numéro Cinq », un pseudonyme qu’il continuera à utiliser dans les années suivantes. Peu après sa création, le groupe Société naissante invite Li Dazhao à donner une conférence sur le marxisme.

Zhou endosse un rôle plus actif et important dans les activités politiques dans les mois suivants. Il a ainsi pour objectif principal de rallier le soutien de la nation pour boycotter les biens japonais. Alors que le boycott devient de plus en plus suivi, le gouvernement national chinois, sous la pression du Japon, tente d’y mettre fin. Le 23 janvier 1920, une action contre les activités de boycott à Tianjin aboutit à l’arrestation de plusieurs personnes dont plusieurs membres de Société naissante. Le 29 janvier, Zhou lance une marche vers le bureau du gouverneur à Tianjin pour présenter une pétition appelant à la libération des prisonniers. Il est lui-même arrêté avec trois autres membres du groupe. Les prisonniers sont encore gardés en captivité pendant plus de six mois. Durant sa détention, Zhou aurait organisé des discussions sur le marxisme. Au cours de leur procès en juillet, Zhou et six autres personnes sont condamnées à deux mois de prison, les autres sont jugés non coupables. Tous sont immédiatement libérés puisqu’ils ont déjà été enfermés pendant six mois.

Après sa libération, Zhou et la Société naissante rencontrent plusieurs organisations à Pékin pour s’accorder sur la formation de la Fédération de la réforme. Durant ces activités, il tisse des liens avec Li Dazhao et rencontre Zhang Shenfu, qui est le contact entre Li à Pékin et Chen Duxiu à Shanghai. Les deux hommes organisent des cellules communistes clandestines en collaboration avec Grigori Voïtinski, un agent du Komintern, même si Zhou ne l’a jamais rencontré en personne.

Zhou décide ensuite de partir en Europe pour étudier, puisqu’il est exclu de l’université de Nankai durant son séjour en prison. Alors que l’argent pose problème, il reçoit une bourse de Yan Xiu. Afin de rassembler plus de fonds, il parvient à approcher le journal tianjinnais Yishi Bao, pour travailler en tant qu’envoyé spécial en Europe. Il quitte Shanghai pour le Vieux Continent le 7 novembre 1920 avec un groupe de 196 étudiants du Mouvement Travail-Études, dont des amis de Nankai et Tianjin.

Les expériences de Zhou après le Mouvement du 4-Mai semblent avoir joué un rôle crucial dans sa radicalisation. Ses amis de la Société naissante sont également affectés. Quinze membres du groupe deviennent communistes au moins pour un temps et le groupe restera proche longtemps. Zhou et six autres membres du groupe partent pour l’Europe dans les deux années suivantes. Enfin, Zhou épouse la plus jeune membre du groupe, Deng Yingchao.

Le groupe de Zhou arrive à Marseille le 13 décembre 1920. Contrairement aux autres étudiants chinois qui voyagent en Europe avec le Mouvement Travail-Études, sa bourse et son travail pour le Yishi bao lui permettent de ne pas travailler durant son séjour. Grâce à sa position financière, il est capable de se dévouer à plein temps aux activités révolutionnaires40. Dans une lettre destinée à son cousin le 30 janvier 1921, il précise que son but en Europe est de découvrir les conditions sociales des pays étrangers et leurs méthodes pour résoudre les problèmes sociaux, dans le but d’appliquer par la suite ces leçons en Chine après son retour. Dans la même lettre, il dit à son cousin que, en ce qui concerne son adhésion à une idéologie spécifique, « je dois encore me décider ».

En Europe, il apprend les différentes approches pour résoudre les conflits de classe adoptées par les nations européennes. À Londres en janvier 1921, il est témoin d’une importante grève de mineurs et écrit une série d’articles pour le Yishi Bao (en général compatissants pour les mineurs), examinant le conflit entre les travailleurs et employeurs, ainsi que la résolution du conflit. Après cinq semaines à Londres, il déménage à Paris où l’intérêt pour la Révolution russe de 1917 est vif. Dans une lettre à son cousin, Zhou identifie deux voies possibles pour réformer a Chine : « la réforme graduelle » (comme en Angleterre) ou « les moyens violents » (comme en Russie). Il écrit alors : « je n’ai de préférence ni pour la manière russe ni pour l’anglaise… Je préférerais quelque chose entre les deux, plutôt que l’un de ces deux extrêmes ».

Toujours intéressé par les programmes universitaires, Zhou voyage en Grande-Bretagne en janvier 1921 pour visiter l’Université d’Édimbourg. Mais à cause de problèmes financiers et de langue, il ne peut l’intégrer et retourne en France à la fin du mois. Il n’existe toutefois aucune trace de l’inscription de Zhou dans un quelconque cursus universitaire en France. Au printemps 1921, il rejoint une organisation communiste chinoise. La date de cet événement est sujette à controverse. La plupart des chercheurs comme Gao acceptent désormais la date de mars 1921. Plusieurs de ces organisations ont été créées à la fin 1920 et début 1921, soit avant l’établissement du Parti communiste chinois (ou PCC) en juillet 1921. Le statut de communiste des membres de ces organisations divise donc les milieux universitaires. Zhou est recruté par Zhang Shenfu, qu’il a rencontré en août de l’année précédente grâce à Li Dazhao. Il le connaît également par l’intermédiaire de la femme de celui-ci, Liu Qingyang, membre de Société naissante. Zhou est parfois décrit à cette période comme incertain dans ses croyances politiques, mais son rapide engagement pour le communisme suggère le contraire. De plus, en s’appuyant sur le statut des membres des cellules par rapport aux membres du parti, Levine se demande si Zhou était alors un fidèle communiste dans ses croyances.

L’organisation à laquelle appartient Zhou est basée à Paris. En plus de Zhou, Zhang et Liu, elle contient deux autres étudiants, Zhao Shiyan et Chen Gongpei. Dans les mois suivants, le groupe s’unit avec un groupe de radicaux chinois du Hunan, qui vivent à Montargis au sud de Paris. Ce groupe contient certaines futures grandes figures chinoises comme Cai Hesen, Li Lisan, Chen Yi, Nie Rongzhen, Deng Xiaoping et aussi Guo Longzhen, un autre membre de Société naissante. Contrairement à Zhou, la plupart des étudiants de ce groupe participent au Mouvement travail-études. Une série de conflits avec les administrateurs chinois du programme sur les faibles bourses et les pauvres conditions de travail en résultant conduisent une centaine d’étudiants à occuper les bureaux de l’Institut franco-chinois de Lyon en 1921. Les étudiants, dont plusieurs membres du groupe de Montargis, sont arrêtés et expulsés. Zhou ne semble pas avoir pris part à cette occupation et reste en France jusqu’en février ou mars 1922, lorsqu’il déménage avec Zhang et Liu de Paris à Berlin. Ce déménagement peut s’expliquer par l’atmosphère politique relativement clémente dans la capitale allemande, ce qui en fait une bonne base pour organiser les activités sur l’Europe entière. De plus, le Secrétariat de l’Europe de l’Ouest du Komintern est situé à Berlin et il est clair que Zhou possède d’importants liens avec l’organisation. Après avoir déménagé ses activités en Allemagne, il voyage régulièrement entre Paris et Berlin.

Il retourne à Paris en juin 1922, où il fait partie des vingt-deux participants présents à la naissance du Parti communiste de la jeunesse chinoise, établi comme la branche européenne du Parti communiste chinois. Zhou aide à ébaucher la charte du parti et est élu parmi les trois membres du comité exécutif en tant que directeur de la propagande. Il participe également à l’écriture d’articles et à l’édition du magazine du parti, Shaonian (Jeunesse), plus tard renommé Chiguang (Lumière rouge). En tant que rédacteur en chef de ce magazine, Zhou rencontre pour la première fois Deng Xiaoping, âgé de seulement 17 ans, qu’il embauche pour faire fonctionner une ronéo. Le parti subit plusieurs réorganisations et changements de noms, mais Zhou reste un membre clé du groupe durant son séjour en Europe. Il participe également au recrutement et au transport d’étudiants pour l’Université communiste des travailleurs de l’est à Moscou et à l’établissement de la branche européenne du Parti nationaliste chinois (Kuomintang ou KMT).

En juin 1923, le troisième congrès du Parti communiste chinois accepte les instructions du Komintern de s’allier avec le KMT dirigé à cette époque par Sun Yat-sen. Ces instructions appellent les membres du PCC à rejoindre le parti nationaliste individuellement, tout en gardant leur lien avec le PCC. Après avoir rejoint le KMT, ils travailleront clandestinement pour le diriger et l’orienter, le transformant ainsi en véhicule de la révolution. Pendant plusieurs années, cette stratégie sera une source de conflit sérieux entre les deux formations politiques.

Zhou ne se contente pas de rejoindre le KMT. Il aide à organiser la branche européenne du parti en novembre 1923. Sous son influence, la plupart des dirigeants de la branche européenne sont en réalité des communistes. Les contacts et relations personnelles noués durant cette période se révéleront centraux pour sa carrière. D’importants dirigeants du parti, comme Zhu De et Nie Rongzhen, y sont introduits grâce à Zhou.

En 1924, l’alliance soviétique-nationaliste se développe rapidement et Zhou est sommé de revenir en Chine pour continuer son action. Il quitte probablement l’Europe à la fin du mois de juillet 1924, puisque la dernière apparition publique de Zhou y est un dîner d’adieu organisé le 24 juillet.

D’un point de vue personnel, 1925 est également une année importante pour Zhou. Il a en effet gardé des contacts avec Deng Yingchao, qu’il a rencontrée dans Société naissante à Tianjin. En janvier 1925, il demande et reçoit l’autorisation du PCC pour l’épouser. Le mariage a lieu à Guangzhou le 8 août 1925.

Les travaux de Zhou à Huangpu prennent fin avec l’incident du navire de guerre Zhongshan le 10 mars 1926, au cours duquel une canonnière composée principalement d’équipage communiste quitte Huangpu pour Guangzhou, sans en informer Tchang. Cet événement conduit Tchang à exclure les communistes de l’académie en mai 1926 et à renvoyer certains communistes des hauts postes occupés dans le Parti nationaliste. Dans ses mémoires, Nie Rongzhen suggère que la canonnière a ainsi manœuvré en protestation de la courte arrestation de Zhou Enlai.

Le temps passé par Zhou à Huangpu est une période importante dans sa carrière. Son travail pionnier en tant qu’officier politique dans l’armée en fait un des experts les plus importants du Parti communiste dans ce domaine. La grande partie de sa future carrière est par conséquent centrée sur les activités militaires. Son travail pour la section militaire du comité provincial du Guangdong du PCC est typique des activités secrètes qu’il a entrepris à cette époque. La section est un groupe secret constitué de trois membres du comité central provincial et le premier responsable de l’intégration du noyau du PCC dans l’armée. Ceci a été mené de façon illégale, c’est-à-dire sans en informer le Parti nationaliste. La section est responsable par la suite de l’organisation de tels noyaux dans d’autres groupes armés, dans des sociétés secrètes et des services clé, comme les chemins de fer et les voies navigables. Zhou se démène dans ces domaines jusqu’à la séparation des partis communiste et nationaliste à la fin de l’alliance soviétique-nationaliste en 1927.

Après l’échec du soulèvement de Nanchang, Zhou quitte la Chine pour l’Union soviétique pour assister au sixième congrès national du Parti communiste chinois à Moscou, en juin-juillet 1928. Ce congrès a lieu à Moscou car les conditions en Chine sont jugées trop dangereuses. Le contrôle du KMT est si intense que beaucoup de députés chinois sont forcés de voyager déguisés. Zhou lui-même prend l’apparence d’un antiquaire.

Au cours du Congrès, Zhou proclame un long discours qui insiste sur le fait que les conditions en Chine ne sont pas favorables pour une révolution immédiate et que le but du Parti communiste chinois est de construire un élan révolutionnaire en gagnant le soutien des masses dans les campagnes et en établissant un régime soviétique dans le sud de la Chine, similaire à celui déjà créé par Mao Zedong et Zhu De dans la province du Jiangxi. Le congrès juge l’analyse de Zhou exacte. Xiang Zhongfa est désigné secrétaire général du Parti mais il se révèle rapidement incapable de remplir ce rôle, ce qui conduit Zhou à endosser de facto le costume de dirigeant du PCC. Il n’est alors âgé que de trente ans.

Toujours lors de ce rassemblement, Zhou est élu Directeur du département organisation du comité central. Son allié, Li Lisan, est chargé de la propagande. Zhou retourne finalement en Chine après plus d’une année à l’étranger, en 1929. Le Congrès est également l’occasion de révéler les chiffres selon lesquels en 1928 moins de 32 000 membres sont loyaux aux Communistes et que seulement dix pour cent des membres du parti sont des prolétaires. En 1929, seulement trois pour cent du Parti est prolétaire.

Au début des années 1930, Zhou commence à être en désaccord avec le timing de la stratégie de Li Lisan visant à favoriser les riches paysans et à concentrer les forces armées pour des attaques sur les centres urbains. Zhou ne rompt toutefois pas ouvertement avec ces notions plus orthodoxes et tentera même de les mettre en application en 1931 dans le Jianqxi. Le soviétique Pavel Mif arrive à Shanghai pour diriger le Komintern en Chine en décembre 1930. Ce dernier critique la stratégie de Li, la qualifiant d’aventurisme de gauche. Il reproche également à Zhou de soutenir Li dans cette voie. Zhou reconnaît ses erreurs en se compromettant avec Li en janvier 1931. Il offre sa démission du Politburo, mais il est conservé à son poste alors que d’autres dirigeants du PCC, dont Li Lisan et Qu’Qiubai, sont remerciés. Comme Mao l’a plus tard reconnu, Mif a compris que les services de Zhou sont indispensables à la tête du Parti et que Zhou va volontiers coopérer avec quiconque tient le pouvoir.

Après l’annonce de l’abandon du Jiangxi, Zhou devient responsable de l’organisation et de la supervision de la logistique de la fuite communiste. Menant ses plans en secret et n’informant les cadres dirigeants du Parti qu’à la dernière minute, l’objectif de Zhou est de briser l’encerclement de l’ennemi avec le moins de pertes possibles et avant que les forces de Tchang n’aient complètement la capacité d’occuper toutes les positions  communistes. Des critères sont alors établis pour déterminer qui pourra partir et qui restera. Ainsi, 16 000 soldats et commandants communistes sont mobilisés pour former une arrière-garde afin de distraire les principales forces des nationalistes pendant la fuite des généraux communistes.

La fuite de 84 000 soldats et civils débute au début du mois d’octobre 1934. Les agents de renseignement de Zhou identifient une large section dans les lignes de Tchang qui est composée de troupes sous les ordres du général Chen Jitang, un seigneur de guerre du Guangdong qui préfère conserver sa force militaire plutôt que de combattre. Zhou envoie Pan Hannian pour négocier un passage sûr avec le général Chen, qui autorise par la suite l’Armée rouge à traverser son territoire sans combattre.

Après avoir passé trois des quatre lignes de fortifications nécessaires pour fuir l’encerclement de Tchang, l’Armée rouge est finalement rattrapée par les troupes régulières nationalistes et subit de lourdes pertes. Sur les 86 000 communistes qui tentent de quitter le Jiangxi, seulement 36 000 parviennent à s’enfuir. Ces pertes démoralisent les dirigeants communistes, en particulier Bo Gu et Otto Braun, mais Zhou reste calme et conserve son commandement.

Durant la Longue Marche des communistes qui s’ensuit, un certain nombre de divergences apparaissent entre eux sur la route à suivre et les causes des défaites de l’Armée rouge. Durant cette lutte de pouvoir, Zhou soutient largement Mao contre les intérêts de Bo Gu et Otto Braun. On reproche par la suite à ces derniers les défaites de l’Armée rouge et ils sont démis de leurs fonctions de dirigeants. Les communistes parviennent finalement à établir une nouvelle base dans le nord de la province du Shaanxi le 20 octobre 1935, arrivant avec seulement 8 000 à 9 000 membres.

La position de Zhou au sein du PCC change à de nombreuses reprises durant la Longue Marche. Au début des années 1930, il est le dirigeant de facto du PCC et exerce une influence supérieure sur les autres membres du Parti même s’il partage le pouvoir avec Bo et Braun. Dans les mois suivant la conférence de Zunyi en janvier 1935, durant laquelle Bo et Braun sont démis de leurs fonctions, Zhou parvient à conserver sa position car il montre sa volonté d’afficher la responsabilité sur sa tactique victorieuse de défaite de l’encerclement de Tchang et son soutien à Mao Zedong qui gagne en influence au sein du Parti. Après la conférence de Zunyi, Mao devient l’assistant de Zhou. Après que les communistes ont atteint le Shaanxi et terminé la Longue Marche, Mao prend officiellement la place de Zhou à la direction du PCC, alors que Zhou prend le poste de vice-président. Les deux hommes conserveront ces positions dans l’appareil du PCC jusqu’à leur mort en 1976.

En 1943, la relation entre Zhou et Tchang Kaï-chek se détériore. Le dirigeant communiste rentre donc définitivement à Yan’an. Mao Zedong est alors Secrétaire du Parti communiste chinois et tente de faire accepter ses théories politiques comme dogme du Parti. Suivant son accession au pouvoir, Mao organise une campagne pour endoctriner les membres du PCC. Celle-ci devient la base du culte de la personnalité du maoïsme qui dominera par la suite les politiques chinoises jusqu’à la fin de la Révolution culturelle.

Après son retour à Yan’an, Zhou Enlai est fortement et excessivement critiqué dans cette campagne. Il est cité avec les généraux Peng Dehuai, Liu Bocheng, Ye Jianying et Nie Rongzhen, comme faisant partie des empiristes à cause de sa coopération avec le Komintern et l’ennemi de Mao, Wang Ming. Mao attaque publiquement Zhou en l’accusant d’être un « collaborateur et assistant du dogmatisme […] qui a rabaissé l’étude du marxisme-léninisme ». Mao et ses alliés affirment alors que les organisations du PCC que Zhou a créées dans le sud de la Chine sont en fait dirigées par des agents secrets du KMT, accusation que Zhou nie fermement, et qui n’est finalement abandonnée qu’à la fin de la campagne lorsque Mao est convaincu de la servilité de Zhou.

Zhou se défend lui-même en menant une longue série de réflexions publiques et d’auto-critiques. Il fait également de nombreux discours durant lesquels il loue Mao et le maoïsme et donne son approbation inconditionnelle à la direction de Mao. Il rejoint également le rang des alliés de Mao en attaquant Peng Shuzhi, Chen Duxiu et Wang Ming. La persécution de Zhou inquiète Moscou et Georgi Dimitrov écrit une lettre personnelle à Mao indiquant que « Zhou Enlai […] ne doit pas être exclu du Parti. » Finalement, la reconnaissance enthousiaste par Zhou de ses propres fautes, son approbation explicite et élogieuse des méthodes de Mao et son attaque des ennemis de Mao finissent par convaincre que son adhésion au maoïsme est sincère, ce qui est une condition sine qua non pour sa survie politique. Lors du septième Congrès du PCC en 1945, Mao est désigné comme dirigeant global du PCC et le dogme du maoïsme est fermement ancré dans la direction du Parti.

En 1958, Mao Zedong lance le Grand Bond en avant, afin d’augmenter les niveaux de production industrielle et agricole de la Chine jusqu’à des objectifs irréalistes. En tant qu’administrateur populaire et pratique, Zhou réussit à conserver sa position durant les événements. Il est décrit par au moins un historien comme étant la « sage-femme » du Grand Bond en avant, en donnant vie à la théorie de Mao et en mettant en place un processus à l’origine de la mort « d’un minimum de 45 millions » d’individus.

Au début des années 1960, le prestige de Mao commence à diminuer. Les politiques économiques de Mao dans les années 1950 ont échoué et il adopte un train de vie qui est de plus en plus éloigné de celui de ses collègues. Parmi les activités qui semblent incompatibles avec son image populaire, Mao nage dans sa piscine privée à Zhongnanhai, possède de nombreuses villas en Chine vers lesquelles il voyage en train privé… La combinaison de ses excentricités personnelles et des échecs de ses politiques publiques sont à l’origine de vives critiques de la part de vétérans révolutionnaires tels que Liu Shaoqi, Deng Xiaoping, Chen Yun et Zhou Enlai, qui semblent partager de moins en moins d’enthousiasme sur sa présence dans les hautes sphères du pouvoir ou sa vision de lutte révolutionnaire continuelle.

Afin d’améliorer son image et son pouvoir, Mao, avec l’aide de Lin Biao, entreprend un certain nombre de campagnes de propagande publique. Au début des années 1960, Lin publie un faux Journal intime de Lei Feng et sa compilation des Citations du Président Mao Zedong. La dernière action de propagande qui s’avèrera être également la plus efficace est la Révolution culturelle.

La Révolution culturelle est lancée en 1966. Quelles que soient les autres causes qu’elle défend, elle est ouvertement pro-maoïste et donne à Mao le pouvoir et l’influence pour purger le Parti de ses ennemis politiques dans les plus hautes sphères du gouvernement. En plus de la fermeture des écoles et universités en Chine, elle incite les jeunes Chinois à détruire les anciens monuments, les temples et les œuvres d’art. Ils attaquent également leurs enseignants, directeurs d’école, dirigeants du Parti et parents qu’ils considèrent comme révisionnistes. Après la proclamation du début de la Révolution culturelle, certains membres expérimentés du PCC qui ont partagé l’hésitation de Zhou à suivre Mao, dont Liu Shaoqi et Deng Xiaoping, sont démis de leurs postes presque immédiatement. Leurs familles sont victimes de critique et d’humiliation publiques.

Peu après leur éviction, Zhou demande la réintégration de Liu Shaoqi et Deng Xiaoping, mais il se heurte à Mao, Lin Biao, Keng Sheng et Chen Boda. Ce dernier suggère même que Zhou lui-même devrait être « considéré comme un contre-révolutionnaire », s’il ne s’aligne pas sur la ligne maoïste. Réalisant les menaces qui pèsent sur lui s’il ne soutient pas Mao, Zhou cesse ses critiques et commence à travailler plus étroitement avec le secrétaire du Parti et sa clique.

Zhou donne son appui à l’établissement des organisations radicales des Gardes rouges en octobre 1966 et rejoint Chen Boda et Jiang Qing contre les factions des Gardes rouges considérés comme gauchistes et droitistes. Ceci ouvre la voie pour des attaques contre Liu Shaoqi, Deng Xiaoping et Tao Zhu en décembre 1966 et janvier 1967. En septembre 1968, Zhou décrit candidement sa stratégie de survie politique lors de la visite à Pékin de parlementaires japonais : « les opinions personnelles d’une personne devraient changer ou battre en retraite en fonction de la direction de la majorité ». Lorsqu’il est accusé d’être peu enthousiaste dans le soutien à la direction de Mao, il s’accuse lui-même de « mal comprendre » les théories de Mao, donnant ainsi une apparence de compromis avec les forces qu’il déteste secrètement et qu’il qualifie en privé d’infernales. Suivant sa stratégie de survie politique, Zhou travaille à aider Mao et restreint ses critiques lors de conversations privées.

Bien que Zhou Enlaï parvienne à ne pas être directement persécuté, il ne réussit pas à sauver certains de ses proches de la destruction de la Révolution culturelle. Sun Weishi, sa fille adoptive, meurt en 1968 après sept mois de torture et d’emprisonnement par les Gardes rouges maoïstes. Après la fin de la révolution culturelle, les pièces de Sun sont re-mises en scène ; ceci constitue une critique de la Bande des Quatre, que beaucoup de gens considèrent comme responsables de sa mort.

Au cours des années suivantes, Mao développe largement les politiques du pays alors que Zhou est chargé de les mettre en application, tout en tentant de modérer certains excès de la Révolution culturelle. Malgré ses efforts, son impuissance face à de nombreux événements de cette période trouble est une grande blessure pour Zhou. Dans la dernière décennie de sa vie, la capacité de Zhou à implémenter les politiques de Mao et à garder la nation à flot durant les périodes d’adversité est telle que son importance pratique suffit à le sauver (avec l’aide de Mao), quelles que soient les menaces politiques dont il est victime. Dans les dernières heures de la Révolution culturelle, en 1975, Zhou pousse pour mener les Quatre modernisations afin d’annuler les dommages causés par les politiques de Mao.

À la fin de la Révolution culturelle, il devient la cible de campagnes politiques orchestrées par le secrétaire Mao et la Bande des Quatre. La campagne Critique de Lin Piao et de Confucius en 1973 et 1974 est dirigée contre lui car il est considéré comme un des principaux opposants politiques de la Bande. En 1975, les ennemis de Zhou initient une campagne nommée Critique de Song Jiang et évaluation de Au bord de l’eau, qui encourage à utiliser Zhou comme un exemple de perdant politique.

À la fin de la vie de Zhou, de nombreux signes montrent que la relation entre Zhou et Mao est très tendue. À la surprise de nombreux observateurs, Mao ne rend pas visite à Zhou au cours de ses derniers mois et ne publie aucun message personnel après sa mort pour louer les réussites ou contributions de Zhou pour la révolution. Il n’envoie pas de message de condoléances à la veuve de Zhou, qui est elle-même une importante et ancienne figure de la révolution et du PCC. Mao ne se rend à aucun service funéraire tenu dans le Grand hall du peuple dans les semaines suivantes.

Mao attaque ouvertement une proposition visant à déclarer publiquement Zhou comme étant un grand marxiste, ce qui reflète l’amertume qu’il a face à l’importante influence de Zhou. Lorsque quarante maréchaux et généraux proposent à Mao qu’il apparaisse brièvement aux funérailles de Zhou, il refuse, ordonnant à son neveu, Mao Yuanxin, d’expliquer au Politburo chinois que Mao ne pourra pas y participer car ceci serait une acceptation publique de déni de la Révolution culturelle, auquel Zhou était opposé en privé. Mao s’inquiète que des expressions publiques de deuil puissent ensuite être utilisées contre lui et sa politique. Il soutient donc la campagne des Cinq nons qui vise à supprimer les expressions publiques de deuil pour Zhou après la mort du Premier ministre.

Les explications officielles quant au refus de Mao de reconnaître les réussites de Zhou s’appuient sur une supposée maladie de Mao, bien que ce dernier ne soit pas suffisamment malade pour éviter de recevoir le Président de Sao Tomé-et-Principe seulement deux semaines après la mort de Zhou ou pour recevoir Richard Nixon quelques mois plus tôt. Peut-être pour renforcer l’impression de rupture entre Mao et Zhou, certaines rumeurs disent que Mao a refusé le traitement du cancer de Zhou et a ordonné le déclenchement de feux d’artifice à Pékin pour célébrer la mort de Zhou. Mais ces rumeurs n’ont pas été confirmées.

Après avoir découvert qu’il souffre d’un cancer de la vessie, Zhou transfère la plupart de ses responsabilités à Deng Xiaoping. Il est hospitalisé en 1974 mais continue à travailler depuis l’hôpital avec Deng. Sa dernière apparition publique importante est le dîner donné dans le Grand hall le 13 janvier 1975 au cours duquel il annonce la rédaction d’un rapport officiel sur le travail du gouvernement. Il meurt à 9 h 57 le 8 janvier 1976, à l’âge de 77 ans, soit huit mois avant Mao Zedong. Il était premier ministre sans interruption depuis octobre 1949.

De nombreux États non alignés font part de leurs vœux de condoléances, saluant ses talents de diplomate et de négociateur. Plusieurs pays déclarent que son décès est une terrible perte. Le corps de Zhou est incinéré et ses cendres sont dispersées dans les airs au-dessus de collines et de vallées, selon ses dernières volontés.

Source : Wikipédia.

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