William Speirs Bruce, océanographe.

William Speirs Bruce, né à Londres le 1er août 1867 et mort à Édimbourg le 28 octobre 1921, est un océanographe britannique, spécialiste des pôles.

Il abandonne ses études de médecine pour se joindre à la Dundee Whaling Expedition comme assistant scientifique. Cette expédition se prolonge par des voyages en Arctique. En 1899, Bruce postule pour un poste scientifique dans l’expédition Discovery mais la confirmation tardive de cette  nomination et les différences de vue avec le président de la Royal Geographical Society, Clements Markham, le conduisent à organiser sa propre expédition aux îles Orcades du Sud et en mer de Weddell sous le nom de Scottish National Antarctic Expedition (SNAE) : l’expédition Scotia (1902-1904). Bruce est le fondateur du Laboratoire océanographique écossais et est à l’origine de l’idée de la marche transcontinentale de l’Antarctique via le pôle Sud qui est, faute de moyens pour qu’il la réalise lui-même, mise en œuvre par Ernest Shackleton lors de l’expédition Endurance (1914-1917). Également Spécialiste du Svalbard, il reçoit divers prix pour ses travaux polaires mais ne sera jamais considéré à sa juste valeur, notamment par la Royal Geographical Society.

Ses difficultés de reconnaissance sont généralement attribuées à sa déficience en matière de relations publiques, à son penchant à se faire des ennemis puissants et à son fervent nationalisme écossais. À sa mort, il est totalement oublié et redécouvert notamment à la suite du centenaire de l’expédition Scotia. Depuis, des efforts sont faits pour revaloriser son rôle dans l’histoire scientifique de l’exploration polaire.

William Speirs Bruce est né le 1er août 1867 à Londres. Quatrième enfant de Samuel Noble Bruce, un médecin écossais, et de son épouse galloise Marie (née Lloyd), son deuxième prénom vient d’une autre branche de l’arbre généalogique de la famille. L’orthographe inhabituelle de ce second prénom le distingue du plus commun « Spiers » et a provoqué des difficultés répétées pour les journalistes et les biographes.

William passe sa petite enfance dans la maison familiale de Londres, au 18 Royal Crescent, Holland Park, sous la tutelle de son grand-père, le Révérend William Bruce. Il fait des visites régulières aux Kensington Gardens et parfois au Muséum d’histoire naturelle. Ces sorties développent l’intérêt du jeune William pour la « vie et la nature » selon Samuel Bruce.

En 1879, à l’âge de 12 ans, William est placé en pensionnat dans la Norfolk County School, l’école du village de North Elmham dans le comté de Norfolk. Il y reste jusqu’en 1885, puis passe deux années à l’University College School de Hampstead afin de préparer l’examen d’entrée de l’University College de Londres, une école de médecine réputée. Il réussit à la troisième tentative et est prêt à commencer ses études de médecine à l’automne 1887.

Au cours des vacances de l’été 1887, Bruce prend une décision essentielle pour sa carrière, il voyage vers le nord jusqu’à Édimbourg pour assister à des cours de sciences naturelles : durant six semaines, dans une station océanographique écossaise située à Granton sur le Firth of Forth, Bruce suit des cours pratiques de botanique et de zoologie sous la direction de Patrick Geddes et de John Arthur Thomson.

À la suite de cette expérience et de la rencontre de certains de ses  contemporains les plus en avance en sciences naturelles, Bruce est résolu à rester en Écosse. Aussi, abandonne-t-il sa place à l’University College de Londres pour s’inscrire dans l’école de médecine de l’Université d’Édimbourg. Cela lui permet de maintenir le contact avec ses mentors et lui donne l’occasion de travailler pendant son temps libre aux laboratoires d’Édimbourg où les spécimens ramenés de l’expédition du Challenger sont examinés et classés. Là, il travaille sous la direction de John Murray et de son assistant John Young Buchanan, et acquiert une compréhension plus profonde de l’océanographie et une expérience essentielle des principes de la recherche scientifique.

La Dundee Whaling Expedition (1892-1893) est une prospection touchant le potentiel de la chasse à la baleine dans les eaux antarctiques en localisant une zone de passage réguliers de groupes de baleines. Des observations scientifiques et des recherches océanographiques sont également effectuées à bord des quatre baleiniers : le Balaena, l’Active, le Diana et le Polar Star. Bruce est recommandé par Hugh Robert Mill, une relation de Granton qui était devenu bibliothécaire à la Royal Geographical Society de Londres. Bien que cela implique une réduction de la durée de ses études de médecineNote 1, Bruce n’hésite pas et prend ses fonctions sur le Balaena sous la direction du capitaine Alexander Fairweather. Les quatre navires quittent Dundee le 6 septembre 1892.

L’expédition est relativement courte et Bruce est de retour en Écosse en 1893. Elle a échoué dans son principal objectif et a eu peu de profit scientifique. Aucune baleine du genre Eubalaena n’est trouvée et, afin de réduire le déficit de l’expédition, un abattage massif de phoques est ordonné, pour ramener les peaux et la graisse. Bruce n’apprécie pas cela, d’autant plus qu’il était prévu qu’il participe à la mise à mort. Les travaux scientifiques du voyage sont qualifiés, selon les mots de Bruce, de « misérable spectacle »11. Dans une lettre adressée à la Royal Geographical Society, il écrit : « La façon de faire du capitaine [Fairweather] est loin d’être favorable à des travaux scientifiques ». Bruce se voit refuser l’accès aux données, de sorte qu’il n’est pas en mesure d’établir l’emplacement exact du massacre. Il est obligé de travailler « sur les bateaux » alors qu’il aurait dû faire des études météorologiques et d’autres observations, et aucune installation ne lui est autorisée pour la préparation des spécimens biologiques, dont beaucoup seront perdus par la négligence de l’équipage. Néanmoins, il écrit à la fin de sa lettre à la Royal Geographical Society : « Je tiens à remercier la Société de m’avoir aidé dans ce qui a été, malgré tous les inconvénients, une expérience charmante et instructive ». Dans une autre lettre à Mill, il souligne sa volonté d’aller de nouveau au Sud, en ajoutant : « le goût que j’ai eu, m’a rendu vorace ».

Dans les mois suivants, il fait des propositions pour une expédition scientifique vers la Géorgie du Sud, mais la Royal Geographical  Society n’appuie pas ses plans. Début 1896, il examine une collaboration avec les Norvégiens, Henryk Bull et Carsten Borchgrevink pour tenter d’atteindre le pôle Sud magnétique, mais cela aussi ne s’est pas concrétisé.

De septembre 1895 à juin 1896, Bruce travaille à la station météorologique du sommet de Ben Nevis, où il acquiert davantage d’expérience dans les méthodes scientifiques et dans l’emploi des différents instruments météorologiques. En juin 1896, de nouveau sur la recommandation de Mill, il quitte ce poste pour rejoindre l’expédition Jackson-Harmsworth, alors dans sa troisième année dans l’Arctique, sur l’Archipel François-Joseph. Cette expédition, dirigée par Frederick George Jackson et financée par le magnat de la presse Alfred Harmsworth, avait quitté Londres en 1894. Les membres de l’expédition réalisèrent une étude détaillée de l’archipel qui avait été découvert, mais incorrectement cartographié, au cours d’une expédition autrichienne vingt ans plus tôt. L’équipe de l’expédition Jackson-Harmsworth était basée au cap Flora sur l’île Northbrook, l’île la plus méridionale. Les ravitaillements étaient réalisés par des visites régulières du navire de l’expédition, le Windward, sur lequel Bruce navigue depuis Londres le 9 juin 1896.

Le Windward arrive le 25 juillet au cap Flora où Bruce trouve de façon inattendue, en plus des membres de l’équipe Jackson-Harmsworth, Fridtjof Nansen et son coéquipier Hjalmar Johansen. Les deux Norvégiens avaient vécu sur la glace pendant plus d’un an depuis le départ de leur navire, le Fram, pour une tentative vers le pôle Nord et ce fut par pure coïncidence qu’ils furent amenés au seul lieu habité à des milliers de kilomètres. Bruce mentionna la réunion avec Nansen dans une lettre adressée à Mill. Sa rencontre avec le célèbre Norvégien sera à l’origine de divers conseils et encouragements.

Au cours de son année au cap Flora, Bruce recueille près de 700 spécimens zoologiques, souvent dans des conditions très difficiles. Selon Jackson : « Ce n’est pas agréable de montrer ses talents dans une eau glacée, avec la température à quelques degrés au-dessous de zéro, ou de marcher avec difficulté en été dans la neige parfois fondue et la boue sur de nombreux kilomètres à la recherche de la vie animale, comme j’ai souvent vu faire M. Bruce ». Jackson nomme le cap Bruce en son honneur, à la limite nord de l’île Northbrook, à 80° 55′ N. Jackson est moins satisfait du sentiment de propriété de Bruce envers ses spécimens qu’il refuse de confier au British Museum avec les autres trouvailles de l’expédition. Cette « tendance à la vanité scientifique » et le manque de tact dans les relations humaines, étaient à l’époque les premières manifestations du caractère qui lui sera reproché plus tard au cours de sa vie.

À son retour de l’archipel François-Joseph, Bruce travaille à Édimbourg en qualité d’assistant de son ancien mentor John Arthur Thomson et reprend ses fonctions à l’observatoire du Ben Nevis. En mars 1898, il reçoit une offre pour se joindre au major Andrew Coats pour un safari dans les eaux arctiques autour de la Nouvelle-Zemble et du Svalbard dans le yacht privé, le Blencathra. Cette proposition avait d’abord été faite à Hugh Robert Mill, mais celui-ci n’obtenant pas d’autorisation de la Royal Geographical Society, propose à nouveau Bruce pour le remplacer.

Andrew Coats était membre de la prospère famille de baronnets Coats, propriétaire de filatures textile, qui avait fondé l’observatoire  Coats de Paisley. Bruce rejoint le Blencathra à Tromsø en Norvège en mai 1898, pour une exploration de la mer de Barents, la Nouvelle-Zemble et l’île de Kolgouïev, avant un retour à Vardø dans le nord-est de la Norvège pour un ravitaillement avant le voyage au Svalbard. Dans une lettre à Mill, Bruce déclare : « Il s’agit d’un pur voyage de plaisance et la vie est comme sur une croisière de luxe ». Cependant, son travail scientifique est effectué sans relâche : « J’ai fait quatre heures d’observations météorologiques et de récolte de données sur la température de la surface de la mer […] [j’]ai testé la salinité de l’eau avec l’hydromètre Buchanan […] ».

Le Blencathra navigue vers le Svalbard, mais bloqué par le pack, il retourne à Tromsø. Il y rencontre le navire de recherche Princesse Alice, conçu pour le prince Albert Ier de Monaco, l’un des principaux océanographes de l’époque. Bruce est ravi de l’invitation du prince à se joindre à lui à bord de la Princesse Alice pour un relevé hydrographique autour du Svalbard. Le navire navigue jusqu’à la côte ouest du Spitzberg, l’île principale, et visite Adventfjorden et Smeerenburg plus au nord. Au cours des dernières étapes du voyage, Bruce est chargé des relevés des observations scientifiques.

L’été suivant, Bruce est invité à se joindre au Prince Albert sur une autre croisière océanographique au Svalbard. À Raudfjorden (latitude 80°N), Bruce gravit le sommet le plus élevé de la région, que le Prince baptise « Ben Nevis » en son honneur27. Lorsque la Princesse Alice s’échoue sur un rocher submergé, le Prince Albert charge Bruce de préparer un camp pour hiverner, avec la conviction que le navire ne pourrait pas repartir. Heureusement, il est dégagé et peut rentrer à Tromsø pour des réparations.

Avec le soutien financier de la famille Coats, Bruce achète  un baleinier norvégien, le Hekla qu’il renomme Scotia après l’avoir transformé en un navire océanographique entièrement équipé pour la recherche antarctique. Il engage ensuite un équipage et une équipe scientifique composés uniquement d’Écossais. Le Scotia quitte Troon le 2 novembre 1902 et met cap au Sud vers l’Antarctique où Bruce veut mettre en place des quartiers d’hiver dans la zone de la mer de Weddell, c’est-à-dire « aussi proche du pôle Sud que possible ». Le 22 février, le navire atteint 70° 25′ S, mais est bloqué par le pack. Le Scotia se dirige alors vers l’île Laurie dans les îles Orcades du Sud et y passe l’hiver. Une station météorologique baptisée Omond House est créée dans le cadre des travaux scientifiques.

En novembre 1903, le Scotia navigue vers Buenos Aires pour réparations et ravitaillement. En Argentine, Bruce négocie un accord avec le  gouvernement grâce auquel Omond House devient une station météorologique permanente, sous contrôle argentin. Rebaptisé Base Orcadas, le site a été continuellement en activité depuis lors et constitue la plus ancienne station météorologique encore en service dans l’Antarctique. En janvier 1904, le Scotia part à nouveau vers le sud pour explorer la mer de Weddell. Le 6 mars, une nouvelle terre à l’est de la zone est aperçue ; Bruce la nomme Terre de Coats d’après les mécènes de l’expédition. Le 14 mars, à 74° 01′ S, et risquant d’être bloqué par le pack, le navire retourne vers le nord. Le long voyage de retour en Écosse, en passant par Le Cap, est achevé à Millport le 21 juillet 1904.

Cette expédition ramène une grande collection de spécimens zoologiques, notamment marins et botaniques. Elle a effectué de nombreux travaux hydrographiques, magnétiques et des observations météorologiques. Cent ans plus tard, au cours d’une expédition, certains scientifiques ont reconnu que le travail de l’expédition du Scotia avait « jeté les bases des études modernes sur les changements climatiques » et que son travail expérimental a montré que cette partie du monde était d’une importance cruciale pour le climat mondial. Selon l’océanographe Tony Rice, il s’agissait d’un programme plus complet que n’importe quelle autre expédition antarctique de l’époque. Cependant, la réception de l’expédition à son retour en Grande-Bretagne est relativement discrète, même si son travail est très apprécié au sein de certaines parties de la communauté scientifique. Bruce a du mal à récolter des fonds pour publier ses résultats scientifiques et accuse Clements Markham du manque de reconnaissance nationale.

Après le déclenchement de la Première Guerre mondiale en 1914, l’entreprise de prospection de Bruce est freinée. Il offre ses services à l’Amirauté, mais n’obtient pas de poste. En 1915, il accepte le poste de directeur d’une entreprise de chasse à la baleine installée dans les Seychelles et y passe quatre mois jusqu’à la faillite de celle-ci. À son retour en Grande-Bretagne, il obtient finalement un poste mineur à l’Amirauté.

Bruce continue de travailler et de faire pression pour la reconnaissance de l’expédition, mettant en évidence les différences de traitement entre l’expédition Scotia et les autres expéditions britanniques. Quand la guerre prend fin, il tente de relancer ses divers intérêts en jeu, mais sa santé défaillante le force à fermer son laboratoire. Durant le voyage de 1920 au Svalbard, il n’a qu’un rôle de conseiller et n’est pas en mesure de participer activement aux travaux. Au retour, il est confiné dans l’Infirmerie royale d’Édimbourg et plus tard à l’Hôpital Liberton d’Édimbourg où il meurt le 28 octobre 1921. Conformément à ses vœux, il est incinéré et ses cendres sont transportées en Géorgie du Sud avant d’être dispersées dans l’océan Austral. En dépit de son revenu irrégulier et de son manque général de fonds, son héritage s’élève à £7 000, soit une valeur d’au moins £220 000 ou 280 000 € de 2008.

Source : Wikipédia.

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