Ville de Saint-Étienne (Loire).

Saint-Étienne ; en francoprovençal : Sant-Etiève ou Sant-Tiève), appelée « Sainté » en langage familier, renommée Armeville à la Révolution française, est une commune française située dans le quart sud-est de la France, en région Auvergne-Rhône-Alpes. C’est le chef-lieu du département de la Loire.

Avec 173 821 habitants en 2019, elle est la 14e commune la plus peuplée de France (2016) et la 2e commune d’Auvergne-Rhône-Alpes. Saint-Étienne Métropole constitue par sa population (405 479 habitants en 2019) la 3e métropole régionale après la métropole de Grenoble Alpes et la métropole de Lyon. La commune est par ailleurs au cœur d’une vaste aire urbaine de plus de 520 640 habitants en 2017, la dix-septième de France par sa population, regroupant 117 communes.

Longtemps connue comme étant la ville française « de l’arme, du cycle et du ruban » ainsi qu’un important centre d’extraction houillère, Saint-Étienne est actuellement engagée dans un vaste programme de rénovation urbaine visant à conduire la transition du stade de cité industrielle héritée du XIXe siècle à celui de « capitale du design » du XXIe siècle. Cette démarche a été reconnue avec l’entrée de Saint-Étienne dans le réseau des villes créatives UNESCO en 2010. La ville connait actuellement un renouveau, avec notamment le développement du quartier d’affaires Châteaucreux, du centre commercial Steel et du quartier créatif Manufacture.


Peu de traces d’occupation précoce sur la vallée du Furan ont été mises au jour. Sur le site de la Font-Ria (Saint-Genest-Malifaux) ont été signalés des débris lithiques (nuclei, lamelles, grattoirs, racloirs, déchets de fabrication d’outillage en silex) dont la datation est incertaine. Ont été recueillis des tessons de poteries grises peu épaisses qui pourraient appartenir à la Tène finale. Le même site a livré également quelques fragments de céramique rouge/orange, un fragment de col d’amphore, un tesson de rebord de vase, micacé à l’intérieur.

En revanche, trois routes anciennes sur la ligne de partage des eaux ont été identifiées et ont été l’objet de découvertes archéologiques modestes :

  • Une transaction de 1243 fait mention d’une voie importante passant au sud de la ville, la via romipedum a Lugduno ad Podium (voie des pèlerins de Lyon au Puy), toujours visible aujourd’hui de part et d’autre de la ligne de partage des eaux correspondant peut-être à une voie plus ancienne. À proximité des vestiges de la briqueterie romaine du Janon, elle longeait au sud le lieu-dit Brutéon et se situerait potentiellement dans le prolongement des bornes (milliaires ?) signalées au lieu-dit l’Etrat-sous-Gillière et Pavillon-Blanc (Terrenoire). Sur ce même axe plus à l’ouest, à la Mulatière (au niveau de l’actuelle rue de Dunkerque), a été découverte, vers 1885, une pièce d’argent à l’effigie de Vesta, denier consulaire de P. Sulpitius Galba, édile curule de Rome en 69 av. J.-C. ;
  • une ancienne voie pavée a été mise au jour rue de Fontainebleau (actuelle rue Étienne-Mimard) lors de travaux de nivellement réalisés en août 1895 et un as de Néron avait été découvert au même endroit en 1883. Empruntant un pont sur le Furan, cette ancienne voie (désignée dans les sources de la fin du Moyen Âge comme un ancien itinéraire public) traversait alors l’ancienne ville. Le toponyme Violette (actuel square Violette) est un dérivé classique de Via Lata (voie large) ;

    Une autre voie ancienne reliant Vienne à l’Auvergne passait à moins d’un kilomètre au nord de l’enceinte de Saint-Étienne, dans le prolongement de l’actuelle rue des Frères-Chappes, où fut découvert un bronze moyen de Trajan, son tracé passant au milieu de l’actuelle place Jean-Jaurès, en direction du secteur Quartier Gaillard/Maisons Rouges/Marandon et de Saint-Victor-sur-Loire. Utilisée jusqu’à la mise en place du plan en damier Dalgabio, elle est visible sur le plan de la ville de 1763-1773.

Le secteur étant constitué d’une série de cols et de seuils sur la ligne de partage des eaux, la route entre Rhône et Loire mentionnée par Strabon passait probablement à proximité de l’emplacement de l’actuelle ville de Saint-Étienne : cette route de 800 stades entre Rhône et Loire empruntait la vallée du Gier puis vraisemblablement celles du Langonand ou du Furan. Long d’environ 140 km de Vienne à Roanne (point où la Loire devenait navigable), ce chemin vers le nord évitait ainsi la navigation à contre-courant sur le Rhône puis la Saône.

Le bois Monzil, à Villars, a été l’objet de découvertes modestes en novembre 1831.

Dans le territoire de la paroisse de Saint-Étienne, plusieurs lieux-dits Mathouret/Martorey ont été identifiés et pourraient potentiellement correspondre à l’emplacement de cimetières paléochrétiens :

  • sur l’ancienne route de Saint-Chamond entre Monteux et le Monteil ;
  • entre le Mont et la Grange-de-l’Œuvre (actuelle place du Bicentenaire) à l’emplacement de la gare de Bellevue ;
  • entre la place Polignais et l’actuelle gare du Clapier ;
  • près de Chavassieu.

Les lieux-dits petit Charlieu et grand Charlieu (secteur du Golf) indiquent la présence de terres du fisc carolingien (carolus locus).

Les archives de la ville de Saint-Étienne ayant été détruites au moins à trois reprises (1359, 1569 et 1793), le fonds documentaire permettant de retracer l’histoire de la ville à la période médiévale est très réduit.

La mention à la cure de Saint-Étienne de Furan au sein du vaste archiprêtré de Jarez, telle que reprise postérieurement dans les pancartes et pouillés, atteste d’une fondation antérieure au début du XIe siècle. La dédicace au protomartyr Étienne de l’église permettrait théoriquement de faire remonter la fondation à la deuxième moitié du Ve siècle ; le vocable « Saint-Étienne » étant généralement associé aux anciens vici mérovingiens ou chefs-lieux de comté carolingiens.

Deux mentions tardives à une ancienne chapelle supérieure dédiée à Saint-Étienne60 et à un chapelain semblent indiquer l’existence d’une chapelle antérieure à l’actuelle église paroissiale et à laquelle elle aurait transmis la dédicace. La localisation de cette première chapelle (castrale ?) est aujourd’hui incertaine.

Une première mention à Guillaume de Furan (Willelmus de Furano) apparaît dans un acte de rétrocession concernant l’église Saint-Victor de Saint-Victor-sur-Loire en 1125. Associée à une seconde, un siècle plus tard, dans la notice sur Renaud de Forez, elles indiqueraient potentiellement la présence du bourg sur le cours de la rivière éponyme.

La ville médiévale abritait un hôpital dont on ignore la date de fondation.

Une mention à la ville de Saint-Étienne-de-Furan et au manse de la Varenne apparaît dans l’obituaire de l’Église de Lyon.

C’est dans le contexte troublé de guerre entre le comte de Forez et l’archevêque de Lyon que la région stéphanoise apparaît dans les sources historiques.

Dès 1156, l’affirmation de l’autorité impériale sur l’ancien royaume rodolphien associée au conflit opposant Frédéric Barberousse au pape Alexandre III (réfugié en France en 1163) exacerbent les tensions entre les grandes familles de la région autour de la question des droits ancestraux sur la ville de Lyon.

Aux marges du royaume de France et du Saint-Empire, le conflit oppose alors le comte Guigues II de Forez (issu de la maison d’Albon, élevé à la cour du roi de France, allié de Louis VII et partisan d’Alexandre III) et l’archevêque de Lyon Héracle de Montboissier (issu d’une puissante famille auvergnate, vassal de Frédéric Barberousse, investi par lui du titre d’exarque de Bourgogne par la bulle de 1157 et des droits régaliens sur Lyon (au détriment du comte et du chapitre de Saint-Jean).

Le château de Saint-Priest-en-Jarez (au mandement duquel Saint-Étienne resta rattachée jusqu’à la fin de l’Ancien Régime) est cité pour la première fois en 1167 parmi l’ensemble des places fortes sur lesquelles Guy II de Forez, en proie aux attaques conjuguées du comte Géraud de Mâcon et des schismatiques lyonnais voués à l’Empire teutonique, obtint de Louis VII les droits régaliens.

Le comte est rétabli dans ses droits sur Lyon par la transaction de 1167 conclue avec Pierre II de Tarentaise. Mais l’intrication des droits publics et privés de la famille comtale contraint Guigues II à vendre ses possessions lyonnaises à l’Église, assurant probablement à son fils cadet Renaud l’accession à la dignité épiscopale.

Entérinant le partage des possessions de l’Église et du comte, l’acte indique que l’archevêque de Lyon restituait au comte le serment de fidélité du seigneur de Saint-Priest Gaudemar de Jarez. L’accord définissait également qu’entre Saint-Chamond, La Tour-en-Jarez et Saint-Priest-en-Jarez, ils ne pouvaient plus désormais faire stationner des troupes.

Deux mentions directes à Saint-Étienne-de-Furan apparaissent une dizaine d’années plus tard dans les actes relatifs à la fondation de l’abbaye de Valbenoîte :

 

  • Une copie partielle de la bulle pontificale de Lucius III relative à la fondation de l’abbaye (juin-septembre 1184) indiquerait que Brian de Lavieu, qui fut partie prenante dans la guerre contre le comte et qui est donné pour être son neveu, aurait fait don à l’abbaye de ses possessions au “Verney dans le territoire de Saint-Étienne”;
  • En 1195, en présence de Guy II de Forez et de son fils Renaud archevêque de Lyon, la femme de Brian de Lavieu, Villelma de Roussillon83 aurait donné à Valbenoîte ses terrains du champ de L’Orme84 situés dans la paroisse de Saint-Étienne de Furan.

    Le patronage de l’église de Saint-Étienne-de-Furan fut contesté à l’Église de Lyon par Guichard Durgel, seigneur de Saint-Priest, en 1270. Une commission fut nommée en 1278 et après enquête le doyen de Montbrison confirma que Saint-Étienne-de-Furan était placée sous le patronage du seigneur de Saint-Priest-en-Jarez depuis sa fondation, attestant pour E. Fournial d’une organisation antérieure à la réforme grégorienne.

Au lendemain de la scission Forez-Lyonnais de 1173, la paroisse est une enclave placée sous la protection du seigneur de Saint-Priest (vassal du roi de France par son serment de fidélité au comte de Forez) au milieu d’un ensemble de paroisses cédées par le comte ou laissées à la liberté de l’Église de Lyon dans la permutation de 1173, et ce jusqu’en 1278.

Entre 1173 et 1278, Saint-Étienne marqua donc pendant un siècle la limite entre les territoires contrôlé par le comte sous la souveraineté du roi de France et les possessions de la seigneurie épiscopale lyonnaise, dépendance lointaine du Saint-Empire jusqu’en 1312.

On ignore aujourd’hui quelle forme pouvait prendre à cette date le bourg situé sur les rives du Furan. L’organisation de paroisse de Saint-Étienne-de-Furan au XIIIe siècle met en lumière un territoire étonnement vaste, s’étendant sur l’ensemble du mandement des sources du Furan à Saint-Priest-en-Jarez et comprenant alors les principaux cols et seuils sur les routes publiques reliant Rhône et Loire.

Les habitants de Saint-Étienne-de-Furan, comme tous ceux de l’ensemble du Forez à la même période, semblent avoir bénéficié de la pleine possessions de leurs terres et ne pas avoir été contraint à un quelconque servage par l’autorité civile seigneuriale. Le seigneur de Saint-Priest est alors investi dans les sources des seuls droits de haute-justice et  d’administration des routes du mandement. De même, le comte de Forez ne semble pas être intervenu d’une quelconque manière dans les affaires de la petite cité.

Saint-Étienne-de-Furan apparaît alors comme une ville de consulat : une petite république de droit romain antique régie par une assemblée délibérante. La communauté formée par les habitants du bourg de Saint-Étienne-de-Furan nommaient des consuls, gérant alors la petite cité avec une apparente autonomie.

Les habitants de la vaste paroisse, probablement constituée aux XIIe – XIIIe siècles et qui s’étendait tout au long du cours du Furan, élisaient également des syndics. L’ensemble du mandement de Saint-Priest a  vraisemblablement bénéficié de franchises municipales dont les titres furent apparemment perdus lors du pillage de la ville.

En 1310, le seigneur de Saint-Priest fit donation de 100 sols viennois pour la construction de l’église de Saint-Étienne de Furan. On ignore toujours si cette église a été effectivement reconstruite à l’emplacement d’une l’église initiale et, si ce ne fut pas le cas, quelle était l’emplacement de l’ancienne église ou de la chapelle haute dédiée à saint Étienne, mentionnée en 1287 et vers 1360.

La région stéphanoise fut durement éprouvée par la guerre de Cent Ans. Située sur une étroite zone de contact entre le comté de Toulouse et le duché de Bourgogne, elle vit le passage au moins à deux reprises des compagnies de mercenaires.

Le pillage de la ville est attribué rétrospectivement aux Tard-Venus, qui traversèrent le pays en 1359 (pillage de l’abbaye de Valbenoîte et de Montbrison), en 1361 (prise de Montbrison puis de Rive-de-Gier) et encore en 1362 (à la suite de la bataille de Brignais). Conformément aux dispositions de la permutation de 1173, Saint-Étienne ne possédait pas alors de fortifications : la ville eut à subir les exactions, voire l’occupation permanente, des troupes de mercenaires.

Les sources postérieures104 indiquent que c’est lors de ces événements que les archives ainsi que les anciens titres de la ville furent détruites.

Le 28 décembre 1410, les consuls firent l’acquisition, pour la ville, du Pré de la foire sur la rive droite du Furan (actuelle place du Peuple). Elle faisait déjà office de place publique (servitio reipublicae), pour les marchés, pour les jeux et les promenades. Elle servait également d’entrepôt pour les bois de charpente et autres matériaux de construction.

À la même période, la communauté possédait également de longue date la place du Treyve du village de la Monta (actuelle place Fourneyron) ainsi que des droits d’usages anciens sur les routes et chemins publics.

C’est, selon les chroniqueurs, entre 1435 et 1444 que les habitants de Saint-Étienne ont obtenu, par lettres patentes du roi Charles VII, l’autorisation de construire un mur d’enceinte, il confia alors les clefs de la ville aux consuls. Cette autorisation royale témoigne de l’importance de la ville qui comptait probablement déjà entre 2 000 et 3 000 habitants (soit une population comparable à celle de Montbrison, Grenoble, Chambéry ou Clermont-Ferrand à la même période). Si l’édification s’est déroulée comme dans le reste du royaume à l’époque, le financement des travaux a  vraisemblablement été assuré par la levée d’une taxe spéciale sur la production locale (produits manufacturés, minerai de fer local ou houille).

En 1477, les Durgel de Saint-Priest ajoutèrent à leur nom « et de Saint-Étienne ». La cité (alors composée plus de deux cents maisons) se concentrait alors en contrebas du Mont d’or (colline Sainte-Barbe) autour de l’actuelle place Grenette et de la Grande Église.

Au début du xvie siècle, les relations semblent se dégrader rapidement entre le seigneur de Saint-Priest et les bourgeois de Saint-Étienne. La population de Saint-Étienne ayant alors sensiblement augmenté ; le seigneur de Saint-Priest s’étant approprié par bail emphytéotique (abénevis) des terrains dépendants de la ville et attenants à la route publique entre le Treyve de la Monta (place Fourneyron) et le pré de la Foire (place du Peuple). Les consuls réagirent et il s’ensuivit une série de procès devant le juge ordinaire de Forez, le sénéchal de Lyon et jusqu’au Parlement de Paris.

Finalement, en 1534, les consuls, habitants et manants de Saint-Étienne-de-Furan, conformément aux lettres patentes117, se virent confirmer le « gouvernement » des portes et des murailles de la ville et, entre autres choses, le droit de nommer les consuls chaque année et celui de s’assembler « à leur gré, dans la maison de ville, pour la chose publique ».

Dès le XVe siècle, il s’était constitué un centre important de production métallurgique (armes blanches, puis armes à feu dès les guerres d’Italie) et l’armurerie va désormais faire la renommée de la ville avec la production d’armes de guerre (ou de commerce) ; on y compte plus de 600 armuriers en 1669. La petite métallurgie donne naissance à une production très variée, appelée « clincaillerie » (quincaillerie).

Il se développe aussi la fabrication de rubans, importée d’Italie dès le XVIe siècle.

En 1535, le roi François Ier dépêche à Saint-Étienne Georges de Virgile pour organiser la production d’armes pour les guerres d’Italie.

Au début de 1569, la ville est prise par l’amiral de Coligny, au cours de la troisième guerre de Religion. Les archives de la ville sont à nouveau détruites.

Dès 1592, Papire Masson écrit : « Cette ville est célèbre dans toute l’Europe par l’industrie de ses habitants qui ont des ateliers semblables aux forges de Vulcain où se fabriquent toutes sortes d’objets de quincaillerie, les armes de chasse et de guerre. »

Le xvie siècle est marqué par une augmentation sensible de la population : d’environ 3 700 habitants en 1515 à plus de 10 000 en 1582, surclassant déjà largement Montbrison et ses 3 000 âmes.

De 1628 à 1630 une épidémie de peste bubonique fait de 7 000 à 8 000 morts pour une population estimée à 17 000 habitants.

La ville, située sur la ligne de partage des eaux, entretient des relations étroites avec les villes de la façade atlantique et particulièrement avec la capitale de l’Aquitaine. En 1638, Claude Henrys note que « ceux de Saint-Étienne ont beaucoup de commerce dans la ville de Bordeaux ».

En 1641, Saint-Étienne passe de la maison des Durgel à celle des Chalus, une branche apparentée.

En 1667, les échevins et consuls sont établis en corps et communauté par lettres patentes de Louis XIV.

En 1693-1694, une maladie épidémique fit suite à une disette de 18 mois et tua 10 000 habitants sur les 28 000 que comptait la ville.

En janvier 1723, François de Chalus vend pour 400 000 livres la seigneurie de Saint-Priest et de Saint-Étienne à Abraham Peyrenc de Moras, qui mourut sans héritier. Gilbert des Voisins la vendit à son tour à Louis XVI le 2 février 1787, pour la somme de 1 million 335 935 livres. Ce dernier y maintient la justice seigneuriale.

À la fin de l’Ancien Régime, la ville est dite : « La plus considérable du Forez, la seconde du gouvernement du Lyonnais, renommée par ses manufactures et son commerce en armes, clinquaille et rubans ». Sa population d’environ 26 000 habitants est comparable à celles de Grenoble, Bourges, Tours, Limoges ou Besançon à la même période.

La période révolutionnaire permet à la municipalité d’acheter des terrains confisqués au clergé et à la noblesse. L’architecte Pierre-Antoine Dalgabio établi un nouveau plan de la ville en 1792. La ville de Saint-Étienne jusqu’alors orientée est-ouest suivant la route de Lyon au Puy-en-Velay (voir : Rue de Lyon) adopte un nouvel axe nord-sud suivant la route de Paris à Annonay, la Grand’rue.

Dans le cadre de la politique de déchristianisation de la Convention, la ville prend momentanément le nom d’Armeville.

Jusqu’au milieu du XIXe siècle, la ville dépend toujours administrativement de la préfecture installée à Feurs (chef-lieu de la Loire de 1793 à 1795) puis à Montbrison. En 1855, Saint-Étienne, en raison de son rapide  développement industriel et démographique, devient chef-lieu du département (décret impérial du 25 juillet 1855).

Au moment de la Révolution industrielle s’y développent les métiers de la métallurgie lourde et l’exploitation industrielle des mines de charbons. Dans le même temps, Saint-Étienne devient un important centre de production de ruban, en dépit de la concurrence de Bâle.

Dans la continuité de la loi sur les mines du 21 avril 1810, le regain d’intérêt du pouvoir central français pour l’activité industrielle stéphanoise conduit à la mise en œuvre d’un grand projet d’aménagement à l’échelle du bassin visant à assurer la production d’acier nécessaire au complexe militaro-industriel français. Avec le soutien des milieux d’affaire les ingénieurs des mines Louis de Gallois et Louis-Antoine Beaunier apparaissent alors à la conduite de ce projet d’ampleur, probablement inspiré du modèle britannique, visant à regrouper la production de houille et de minerai de fer, des batteries de fours à coke, des forges et hauts-fourneaux et la conception d’un réseau de transport adapté.

Rapatrié à la suite de la perte des départements étrangers, l’ancien directeur de l’école des mines de Geislautern en Sarre, Louis-Antoine Beaunier, qui avait déjà réalisé à la suite de la loi de 1810 la topographie extérieure et souterraine du bassin, se voit confier l’arrondissement minéralogique de Saint-Étienne. Il propose la création d’une école des mineurs à Saint-Étienne dont la création fut officialisée par ordonnance de Louis XVIII le 2 août 1816.

Le 5 mai 1821 il demande la concession d’une voie ferrée de Saint-Étienne à Andrézieux, longue de près de 18 km. Louis XVIII accorde la concession le 26 février 1823 du premier réseau ferré d’Europe continentale. Cette première ligne, uniquement destinée aux marchandises tractées par des chevaux, donnait accès aux rambertes de la Loire en aboutissant au port  d’Andrézieux. Le charbon embarqué sur le fleuve partait à destination de la façade atlantique, se posant en concurrent des charbons du Nord et de Valenciennes.

À Saint-Étienne, le 27 octobre 1824, le gouvernement délivre la première concession minière.

L’ingénieur des mines Marc Seguin fait au cours de son voyage en Angleterre la connaissance de George Stephenson qui construit alors la ligne de train de Darlington à Stockton. L’adoption en France d’un système de transport qu’il a apprécié durant ce voyage lui paraît indispensable. Il obtient en 1826 la concession de la ligne de Saint-Étienne à Lyon par la vallée du Gier. Ce trajet de 57 km facilitera le transport du charbon et des produits industriels de cette importante région minière. Les travaux sur l’ensemble de la ligne commencent en septembre 1826, avant l’approbation du tracé. Trois stations intermédiaires sont établies, à Givors, Rive-de-Gier et Saint-Chamond. La section Givors – La Grand-Croix est ouverte le 28 juin 1830 ; celle de Givors – Lyon le 3 avril 1832 ; et celle de La Grand-Croix – Saint-Étienne le 1er octobre 1832 pour les voyageurs et le 25 février 1833 pour les marchandises. La ligne est exploitée à la fois par traction animale et par locomotive depuis l’origine. Elle a coûté plus cher que prévu car elle nécessite la construction de nombreux ouvrages d’art dans un sous-sol mal connu.

En 1827, c’est la mise en service du premier chemin de fer français entre Saint-Étienne et la Loire à Andrézieux, puis la construction de la ligne Saint-Étienne – Lyon.

La traction à vapeur remplace rapidement la traction animale, grâce à Marc Seguin.

En 1832, Marc Seguin commence la construction de la deuxième ligne de chemin de fer de Saint-Étienne à Lyon. En 1833, une ligne de voyageurs est créée reliant Roanne à Saint-Étienne et à Lyon.

C’est seulement le 1er août 1844 que la première locomotive arrive à Saint-Étienne du fait de la dure rampe venant de Rive-de-Gier. Autrefois  pénalisée par son enclavement géographique, la région stéphanoise va alors connaître un essor économique et démographique important.

En 1833, est concédé dans le même département le premier tramway français faisant la liaison Montbrison – Montrond (Montbrison étant à l’époque la préfecture du département). C’est la première voie ferrée posée sur route, affectée au transport des voyageurs et marchandises. Ce tramway est mis en service en 1838.

Barthélemy Thimonnier y conçoit la première machine à coudre en 1830.

En 1848, Saint-Étienne montre grand enthousiasme à la chute de Louis-Philippe et la proclamation de la République. Le drapeau rouge est hissé pour la première fois sur l’hôtel de ville. Pas pour longtemps : dans les mois suivant le coup d’État du 2 décembre 1851, les arbres de la Liberté, plantés à Saint-Étienne durant les événements de 1848, sont arrachés et une  quinzaine de socialistes locaux sont arrêtés. Le 18 septembre 1852, le Prince-Président, à deux mois d’être empereur, visite Saint-Étienne dans l’enthousiasme populaire – Edmond Texier écrit dans le Siècle :

« Il y a un mois, Saint-Étienne nommait Jules Favre membre du Conseil général, aujourd’hui cette ville crie « Vive l’Empereur ! » La légende impériale est toujours vivante dans le souvenir du campagnard et de l’ouvrier. Mais les drapeaux serrés, les échafaudages disparus, les uns retournent à la charrue, les autres à l’atelier et tous, à leurs instincts démocratiques. »

Le retour de l’Empire stoppe temporairement les grèves ; elles reprennent en 1865 quand plusieurs milliers de veloutiers font grève pendant quelques jours.

En 1868, les passementiers stéphanois accueillent la première antenne française de l’Association Internationale des Travailleurs (A.I.T), formé à Londres en 1864. De son apport s’ensuivit la création des comités dont le plus célèbre à Saint-Étienne est celui de la rue de la Vierge : futur « Comité central des quatre cantons », il sera le point de départ de l’insurrection de 1871.

En 1869, les chaudronniers font grève (de même que les chapeliers à Chazelles-sur-Lyon, les teinturiers à Izieux…). La fusillade du Brûlé, à La Ricamarie, ébranle profondément les convictions patriotiques de la  population.

Lors du plébiscite de mai 1870 (destiné à affermir le régime en arguant de sa libéralisation et en faisant adopter au passage l’idée de la transmission par ordre de primogéniture mâle, autrement dit de Napoléon III à son fils), les libéraux (et Napoléon III) recueillent en France une large majorité de « oui » ; Saint-Étienne va à rebours : vingt-huit radicaux et seulement deux libéraux sont élus aux municipales du 7 juillet. L’Empire s’effondre deux mois plus tard à Sedan.

En 1860, est fondée une épicerie dans un ancien cabaret dit « Le Casino Lyrique ». Le public baptisera l’établissement « Au Casino », devenu « Casino ». Geoffroy Guichard la rachète en 1892, puis fonde en 1898 la société des magasins Guichard Perrachon, à l’origine du Groupe Casino.

Du 24 au 28 mars 1871, la Commune de Saint-Étienne embrase la ville. Le préfet de la Loire Henri de l’Espée est tué. Michel Rondet, alors inspecteur de la garde communale, est condamné à cinq ans de prison.

1881 voit la mise en service du réseau de tramway « Saint-Étienne  – Firminy – Rive-de-Gier » (65 km), ainsi que la première ligne de tramway de Saint-Étienne.

En 1882, alors que Victor Duchamp est maire de Saint-Étienne, le congrès de la Fédération des travailleurs socialistes de France se tient à la « salle du Cirque ». À la suite de l’opposition entre « possibilistes » ou « broussistes » de Paul Brousse et marxistes menés par Jules Guesde, ces derniers quittent la FTSF pour créer le Parti ouvrier français.

La marque des Cycles Mercier est fondée à Saint-Étienne par Émile Mercier (1899-1973) en 1919, ainsi que la marque Automoto qui fabriquait des  motos.

En 1885, Étienne Mimard, armurier originaire de Sens, fonde avec un autre armurier, Pierre Blachon, la Manufacture Française d’Armes et Cycles de Saint-Étienne, devenue Manufrance en 1947. Mimard dirige l’entreprise de sa création à 1944. Quelques années après la reprise de la société Martinier-Collin, Mimard et Blachon s’installent dans le site construit Cours Fauriel à partir de 1892 par l’architecte Lamaizière. Le bilan de leurs innovations est important : ils ont créé à la fois une grande manufacture, un centre d’innovation technique, un système inédit de vente par correspondance et un centre d’édition (Tarif-Album, Le Chasseur français).

Le 28 octobre 1890, l’ingénieur des mines Henry Kuss prend le poste d’ingénieur ordinaire du sous-arrondissement minéralogique-Ouest dans le bassin houiller de Saint-Étienne. Des catastrophes successives (Jabin (1871, 1876), Châtelus (1887), Verpilleux (1889) et Villebœuf (1890) y ont douloureusement attiré l’attention publique. Il n’y reste que six mois mais, durant ce court délai, il fait appliquer avec grande rigueur dans les  exploitations des trois importantes Sociétés de Roche-la-Molière et Firminy, de Montrambert et La Béraudière, et des Mines de la Loire, des mesures de sécurité pour prévenir les explosions attribuées à l’époque au grisou mais le plus souvent directement liées aux poussiers. Ces mesures seront plus tard codifiées par l’Administration dans des règlements généraux.

En 1901, la liaison Saint-Étienne – Saint-Héand (14 km) et la liaison Saint-Étienne – Saint-Chamond (15 km) sont mises en place. En 1905, la liaison Saint-Étienne – Pélussin (32 km) est ouverte. En 1933, la liaison Saint-Étienne – Saint-Chamond est fermée. La liaison Saint-Étienne – Pélussin l’est à son tour, suivie en 1937 par la liaison Saint-Étienne – Saint-Héand.

Au début du XXe siècle, l’industrie de l’arme est dominée par la  Manufacture d’armes de Saint-Étienne (MAS) pour le matériel militaire et la Manufacture française d’armes et cycles (Manufrance), ainsi que de nombreux artisans pour les fusils civils.

L’immigration, qui avait commencé à Saint-Étienne au milieu de XIXème siècle, s’intensifie pendant la première guerre mondiale, pour remplacer la main d’œuvre française partie au front et pour continuer de soutenir le développement industriel de la ville. C’est ainsi que le nombre d’habitants passa de 148 600 en 1911 à 212 000 en 1918 (c’est-à-dire plus qu’en 2020). Les nationalités représentées étaient principalement polonaise et italienne, puis venaient la marocaine, l’espagnole et l’arménienne. Les Polonais et les Marocains, grâce à leur expérience antérieure, étaient souvent employés dans les mines ; les Italiens dans le bâtiment ; les Espagnols dans la métallurgie ; les Arméniens dans le textile. Alors qu’Européens et  Européennes venaient souvent en famille, quand ce n’était pas avec les membres du clergé de leur religion, les immigrés issus des colonies venaient souvent seuls et il arrivait qu’ils se mariaient avec une Française au cours de leur intégration. Les carrés musulmans des cimetières de la ville témoignent de ces unions. Ainsi, en 1936, à l’apogée de cette vague d’immigration, il y avait 15 000 étrangers à Saint-Étienne.

Après l’armistice, Saint-Étienne se retrouve en zone libre. En 1941, le maréchal Pétain vient présenter à Saint-Étienne la « Charte du travail » (collaboration patronat-salariés).

La ville est touchée par un bombardement américain dans la matinée du 26 mai 1944. La cible est la gare de triage et les infrastructures ferroviaires. Ce jour-là, le bombardement fait partie d’une opération américaine plus large de bombardement de nœuds ferroviaires importants de la moitié sud de la France, en prévision du débarquement de Normandie et dans le but de ralentir la remontée des renforts allemands vers le front. Durant 18 minutes, une escadrille de bombardiers B17 va lâcher près de 1 800 bombes sur la ville. Si l’objectif est partiellement atteint, le bombardement touche aussi largement les quartiers Châteaucreux, du Soleil, Saint-François et Tardy. On compte environ 1 000 morts et disparus et 1 100 bâtiments détruits. À la suite de ce bombardement, le 6 juin 1944, Pétain se rendra à Lyon puis à Saint-Étienne.

Saint-Étienne est libérée le 1er septembre par les troupes débarquées en Provence, 15 jours plus tôt.

L’immigration vers Saint-Étienne reprend après guerre, avec l’arrivée de nombreux Algériens et Portugais. Cependant, concernant les Algériens, il est difficile d’avoir une idée précise de l’évolution car ils ne sont comptabilisés comme étrangers qu’à partir du recensement de 1975. Il semble, par exemple, que Saint-Étienne ait été un centre important de résistance du peuple algérien durant la guerre d’Algérie. Au recensement de 1975, les Algériens représentent 45 % de la migration, suivi à 17 % par les Italiens et les Italiennes. La majorité des migrants venait d’un milieu paysan. Cette origine rurale a durablement marqué la ville, se trouvant en corrélation avec les villages historiques qui la composent, comme Beaubrun, Le Soleil. Ces villages existaient déjà avant la Révolution et avaient pourtant été annexés par la ville lors de son expansion. Mais ils sont restés vivaces, autour de leur marché, de leur église, grâce à la sensibilité rurale des nouveaux arrivants. En retour, ces anciens villages ont facilité l’intégration des migrants, dont beaucoup témoignent d’un fort  attachement à leur lieu de vie, attachement qu’ils ont transmis à leurs enfants, et c’est ainsi que l’on trouve des familles issues de l’immigration profondément attachées à un coin de la ville depuis plusieurs générations.

Un des traits à souligner de l’identité stéphanoise est la précarité  économique et sociale, à tel point qu’elle forme ici une homogénéité sociologique. De ce fait, les immigrés n’étaient pas en opposition économique avec les locaux, ce qui facilitait leur intégration, contrairement à ce qui se passait dans d’autres villes de France. La vie miséreuse des ouvriers et ouvrières du XIXème siècle reste présente dans la mémoire collective. Pour la plupart, le confort moderne ne devient une réalité qu’à partir des années 1980. En 1968 encore, la moitié des logements de la ville n’a pas de WC individuel. En 1975, 68 % de la population n’a pas dépassé le niveau de l’école élémentaire.

Dans les années 1970, Saint-Étienne et la France sont admiratifs de l’épopée des Verts dans le championnat européen de foot ; celle-ci se finit par une finale perdue contre le Bayern de Munich et le défilé de l’équipe sur l’avenue des Champs-Élysées.

Depuis les années 1970, les grandes industries stéphanoises connaissent de nombreuses difficultés. Depuis la fin des années 1960, les Houillères de la Loire sont déficitaires à cause de la concurrence du pétrole et du charbon des pays étrangers, beaucoup moins chers sur le plan des coûts de  production et surtout des frais de transport. De 26 029 employés en 1945, les effectifs sont ramenés sous le seuil des 10 000 en 1963. Quand le puits Couriot ferme ses portes en 1973, ils ne sont plus que 3 000 employés des houillères. Le dernier puits du bassin stéphanois – le puits Pigeot – ferme en 1983.

Manufrance dépose le bilan en 1986, la Manufacture Royale d’Armes gérée par GIAT industries licencie de plus en plus. Cet important repli économique passe aussi par une baisse démographique. D’une population de 225 825 habitants en 1968, dans ses limites actuelles, la ville est passée à 201 569 en 1990 et 176 800 en 2004 ; léger accroissement cependant à 177 500 en 2006.

Ce déclin industriel touche l’ensemble des vallées de l’Ondaine et du Giers, l’ancien bassin industriel stéphanois. En conséquence, les classes moyennes quittent celui-ci pour émigrer vers les communes de la couronne, la plaine du Forez et plus loin, la Haute-Loire. Pourtant, dans les années 1990, l’exode continue, alors que le tissu industriel se reconstitue par un fort réseau de petites entreprises. La décroissance démographique, d’ampleur exceptionnelle pour une ville de France, devient un problème en lui-même. On parlera de décroissance urbaine.

De fortes rivalités, apparues dans les années 1970, entre la ville et sa périphérie, autour de l’enjeu de l’accueil de nouvelles entreprises, compliquèrent la recherche d’une réponse politique. Elles aboutissent à l’échec de l’établissement d’un schéma de cohérence territoriale. L’arrivée de Michel Thiollière à la mairie permet d’aplanir les disputes. Les résultats catastrophiques du recensement de 1999 firent prendre conscience à l’ensemble des élus de la gravité du problème. À partir de 2001, un réseau d’acteurs, principalement publics, commence à se structurer pour relancer l’habitat sur le moyen terme.

Mais le cas de la ville étant très particulier par rapport au reste du pays, les acteurs locaux doivent bricoler des solutions peu courantes, à partir de politiques nationales qui ignorent la décroissance démographique. Pour l’État, le redressement de la ville est un objectif important, pour assurer la compétitivité de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Il cherche à privilégier la compétitivité économique par l’arrivée de cadres supérieurs et d’une classe aisée, comme partout ailleurs. Mais pour la ville, l’important est de stabiliser les familles, en facilitant l’accession à la propriété en son sein. Il s’ensuit des politiques basées sur des hypothèses volontaristes tablant sur des augmentations de populations peu crédibles, même si le déclin démographique s’est aujourd’hui, en 2017, arrêté.

Source : Wikipédia.

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